MOURIR AU QUÉBEC : ENTRE NORMES ET PRATIQUES. LE POINT DE VUE DE LEADERS MUSULMANS Réalisé par Yannick Boucher Doctorant / Auxiliaire d’enseignement et de recherche Département d’anthropologie, Université de Montréal Genèse du projet et axes de recherche ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ Moments clés : •Un décès inattendu et une commission spéciale Axes de recherche : •L’aspect du maintien ou de l’adaptation des rites Dimension structurelle (juridique, économique, politique); Dimension transnationale (mobilité post-mortem, réseaux réaffirmés : familiaux, parenté, amicaux, communautaire, etc.); •Les significations entourant les pratiques funéraires Le choix du lieu de sépulture; La « bonne mort » (événement normé par le groupe social et les dogmes religieux; concerne les sépultures et le traitement des corps); •La revendication de cimetières Un nouvel enjeu de mémoire et d’appartenances; Aspects méthodologiques ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ Méthode ethnographique Corpus Observations directe et participante; Entretiens semi-dirigés; Échanges informels; Collecte de matériaux produits par les personnes sur le terrain (audiovisuel, documents d’information, internet); Photographie et vidéos; Pré-terrain : Leader religieux et autres acteurs; Terrain : Familles ayant vécu une expérience de mort au Québec; 10 entretiens semi-dirigés : •Nationalités : Maroc, Algérie, Tunisie, Liban, Égypte, Sénégal, etc.; •Confessions : sunnites, chiites, soufis, mourides; •Métropole et région : Montréal, Québec, Sherbrooke, Chicoutimi; •Variété de types de morts, catégorie d’immigration, âge, sexe, statut social; Sites d’observations : mosquées, centres 8 imams à Montréal et 2 en culturels et communautaires, et cimetières. région; Événements sociaux entourant la mort (repas 9 sunnites, 1 soufi; Maroc, Algérie, Tunisie, communautaire). Égypte, Sénégal, Mali Croyance et pratiques musulmanes entourant la mort ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ • Le Coran dessine les grands traits de l’attitude du musulman face à la mort, tandis que la Sunna (qui rassemble les Hadiths) rappelle les formes de rites et les conduites à adopter. • « La mort n’est pas appréhendée en tant que fin définitive et absolue, mais au contraire en tant qu’un accès à un autre monde, al-âkhira. » (Brahami 2005 : 25). • Celle-ci peut se résumer comme suit : la vie sur terre est une épreuve; elle est éphémère et elle est une illusion; elle ne peut servir à l'homme que par la qualité de vie qu'il mènera. Et la vie future est une certitude. De même, la résurrection des âmes est une certitude. « Comment pouvez-vous être ingrats envers Dieu alors qu'il vous a donné la vie, à vous qui étiez morts? Puis il vous donne la mort; puis il vous donne la vie; puis vous serez ramenés vers Lui. » [Coran 2:28] • Les rites, pratiques, réglementations funéraires se sont organisés en fonction de ces concepts et croyances. Les rites funéraires musulmans ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ • Pour préparer cette étape vers l’au-delà, l’islam codifie les rites funéraires dans le moindre détail. 1. Laver le corps du défunt 2. L’envelopper dans un linceul 3. Faire la prière pour le mort 4. L’enterrer Obligation et recommandation • Ces rites funéraires varient très peu d'un groupe musulman à l'autre. Ces différences tiennent à des détails ou à des variantes qui ne changent rien à la conception fondamentale de la mort et de la vie future dans l'islam. Qu’advient-il de ces rites en contexte d’immigration? _____________________________________________________________________________________________________________________________________________________ _________ • Deux choix s’offrent aux migrants musulmans : L’enterrement dans le « pays d’accueils »; Le rapatriement vers le « pays d’origine »; • Ce qui influence ces choix (selon la littérature) : Les contraintes structurelles; Rapport à l’islam; Rapport à la famille; Rapport au territoire; Points de vue des leaders ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ • Double dimension des rites funéraires 1e Privée (individuelle et familiale); 2e Publique (collective, droit aux rites); • Polarité Adaptation des pratiques à la société d’accueil; La société doit s’adapter; • Hypothèse : La perception des leaders se situe entre ces deux pôles. Malgré la diversité d’origine des leaders, la référence à l’islam et sa doctrine sont très uniformes et de type traditionnel; Convergence : Le droit aux rites et l’adaptation des lois. La majorité évoque le droit religieux faisant partie de la liberté de culte; Divergence : 2 imams (ouest-africain) ont soulevé l’idée que la juridiction islamique comporte plusieurs outils d’interprétation de la foi (shura, ijma, ijtihad); Points de vue des leaders (suite) ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ • Rapport à l’État Favoriser le droit aux rites (dérogation); • Rapport à la société Envisager la pratique dans une société qui a privatisé la foi et institutionnalisé l’avant-mort; • Dans ce contexte, on observe une hiérarchisation des normes et des obligations; Tendance à privilégier le rapatriement (repos éternel et certitude du rite, idéal de la « bonne mort »); L’inhumation est de plus en plus valorisée (justification religieuse); Enterrer rapidement (avec cercueil) sans être embaumé (embaumement = haram), au détriment du repos perpétuel (exhumation); Privilégier les cimetières confessionnels (Angleterre) plutôt que les carrés musulmans (France) ou même la solution par étage (Suisse); • Sens de l’inhumation en contexte migratoire = le prophète et l’hégire; Tensions et paradoxes ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ • Cadre juridique du pays d’accueil versus les pratiques National : Charte des droits et liberté et le multiculturalisme Provincial : Législation entourant la gestion des corps Municipal : Politique de zonage, etc. • Normes de l’islam versus le lieu de sépulture Rapatriement et Inhumation; Pour conclure ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ • Suite du projet Données leaders + d’autres acteurs; Terrain auprès des familles; • Hypothèse : Différents niveaux de justifications et une pluralité de mobiles qui s’articulent de façon complexe. l’appartenance religieuse et/ou culturelle; les liens avec le pays d’origine et d’accueil; la situation individuelle, familiale (réseaux et filiation), et migratoire; mais également : le genre, la génération, la durée de séjour, la capacité financière, la situation conjugale (mariage mixte), le rapport à l’islam. • Autant de motifs qui se combinent de manière singulière ouvrant ainsi d'autres domaines potentiels de la recherche. • Sans oublier que ces choix évoluent au cours de la vie d’une personne. Annexes ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ Laver le corps du défunt ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ • Une fois avec de l’eau propre en commençant par la tête (obligation). • On peut ajouter deux autres lavages (trois au total, sunna), sinon plus (nombre impair; • On peut utiliser de l’eau parfumée pour le dernier lavage (sunna). N’assiste au lavage mortuaire que le minimum de personnes nécessaires. Les personnes responsables du lavage choisies parmi les personnes de confiance. L’envelopper dans un linceul ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ Faire la prière pour le mort ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ • La prière du mort est une obligation collective envers le défunt parmi les musulmans. Conditions : Le mort doit être lavé auparavant. La dépouille du défunt placée devant l’imam et les priants derrière ce dernier. La position du corps du défunt sera telle que, posé sur le côté droit, il regarde vers La Mecque (sunna). • La prière peut être accomplie à tout moment de la journée ou de la nuit. • Elle peut être accomplie plusieurs fois par différents groupes de personnes, ou des individus seuls pour le même mort. La mise en terre ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ • L’inhumation, qui doit avoir lieu dans les 24 heures suivant le décès, se fait généralement en pleine terre dans les pays musulmans. • L’utilisation de cercueils est déconseillée • Orienter la dépouille du mort vers La Mecque • Il est permis d’indiquer la tombe à l’aide d’une pierre tombale Brahmani, M. (2005). Les rites funéraires en Islam: Tawhid, Saint-Etienne. L’inhumation en terre non-musulmane ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ Le cimetière islamique Hamzaz ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________