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Le vieillissement des personnes souffrant
de schizophrénie
Jean-Marie Danion, Caroline Schuster,
Pierre Vidailhet, Philippe Robert, Charles Pull
Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et Inserm
Centre Hospitalier de Luxembourg
CHU de Nice
Schizophrénie et vieillissement
• La prise en charge au long cours des patients
souffrant de schizophrénie, une pathologie
chronique, est aujourd’hui de plus en plus souvent
ambulatoire.
• Ceci pose en des termes nouveaux la question de
l’évolution des modalités de prise en charge au fur et
à mesure que les patients vieillissent.
• L’espérance de vie des patients schizophrènes
augmente, parallèlement à celle de la population
générale. Mais pour quelle qualité de vie ?
Historiquement, 2 conceptions différentes :
• Kraepelin propose le terme de « démence précoce »
pour souligner la survenue précoce d’une
détérioration fonctionnelle et cognitive évoluant vers
un tableau de démence.
• Bleuler considère au contraire que la maladie n’est
pas nécessairement marquée par une évolution
déficitaire.
• Ces positions reflètent deux conceptions différentes
de la schizophrénie :
– maladie d’évolution progressivement déficitaire
– ou encéphalopathie statique.
Il est traditionnellement admis
qu’avec l’âge :
•
•
•
•
Les symptômes positifs diminuent.
Les symptômes négatifs s’aggravent.
L’altération des fonctions cognitives s’accentue.
Un tableau de « démence vésanique » peut
s’installer après de nombreuses années d’évolution.
• Chez certains patients au contraire, les symptômes
s’atténuent, voire disparaissent totalement.
• Mais peu d’études ont exploré de façon systématique
l’évolution des symptômes.
Plan
•
•
•
•
1. Comment évoluent les symptômes cliniques de
schizophrénie et le handicap psychique associé ?
2. Comment évoluent les fonctions cognitives ? Peut-on
parler de vieillissement cognitif pathologique ?
3. Résultats préliminaires d’une étude multicentrique
France - Luxembourg
4. Conclusions
1. Evolution des symptômes cliniques et
du handicap psychique
Les travaux récents montrent :
• Des fluctuations des symptômes positifs,
comparables à celles des patients jeunes, sans
véritable amélioration au cours du vieillissement.
• Une relative stabilité des symptômes négatifs, sans
véritable aggravation au cours du vieillissement.
• Une possible aggravation des symptômes de
désorganisation de type alogie.
• Une grande variabilité de l’évolution du handicap
psychique, pouvant être particulièrement sévère chez
les patients vivant en institution.
• Un taux relativement élevé de rémissions, dont
certaines semblent complètes.
2. Evolution des troubles cognitifs
Les troubles cognitifs de la schizophrénie
• L’existence de troubles cognitifs a été reconnue dès
les premières descriptions de la schizophrénie par
Kraepelin et Bleuler. Mais ces troubles étaient
considérés comme secondaires.
• Depuis quelques années, les troubles cognitifs sont
situés au cœur même de la maladie.
Les troubles cognitifs de la schizophrénie :
les résultats des méta-analyses
• Les fonctions cognitives sont perturbées dans leur
ensemble.
• Certaines fonctions sont davantage perturbées que
d’autres : c’est le cas de la mémoire, de l’attention et
des fonctions exécutives.
• Le profil et la gravité des troubles varient d’un patient
à l’autre.
• Les troubles de la mémoire et de l’attention sont
étroitement corrélés aux difficultés d’adaptation et
d’insertion sociale, ainsi qu’à une mauvaise qualité
de vie.
• Il existe donc une relation forte entre la gravité de
troubles cognitifs et la sévérité du handicap
psychique.
PERFORMANCES COGNITIVES
Vieillissement cognitif et schizophrénie :
2 hypothèses
V.
normal
?
V.
normal
(patients)
V. pathologique
(patients)
AGE
Existe-t-il un vieillissement pathologique
dans la schizophrénie ? Si oui :
• Est-il quantitatif ? Le déficit cognitif initial s’aggrave de
manière disproportionnée chez les patients âgés.
• Est-il qualitatif ? Le profil de performance des patients
âgés est qualitativement différent de celui des patients
jeunes.
• Reflète-t-il l’existence de processus neurobiologiques
particuliers ? Dans l’affirmative, quels sont leurs liens
avec ceux impliqués dans la DTA ?
Etudes transversales / longitudinales
Les études transversales :
(revues in Harvey, 2005 ; Davidson et Harouturian, 2006)
• Ces études comparent des groupes de patients d’âge
différents.
• Elles portent sur de grands échantillons.
• Mais la plupart d’entre elles sont issues de la même
équipe.
• Ces études peuvent comporter des biais
d’échantillonnage et des effets de cohortes.
• L’évaluation des fonctions cognitives est le plus
souvent rudimentaire.
Les études transversales :
perturbations quantitatives ?
(revues in Harvey, 2005 ; Davidson et Harouturian, 2006)
• Dans l’étude de Davidson et coll (1995) portant sur
358 patients vivant en institution, le score moyen du
MMSE est de 16 chez les patients de plus de 65
ans, et de 9 chez les patients de plus de 85 ans.
• Plus de 50 % des patients âgés remplissent les
critères DSM de démence.
• Les déficits cognitifs sont beaucoup plus marqués
chez les patients institutionnalisés que chez les
patients ambulatoires.
• La relation forte entre troubles cognitifs et handicap
psychique persiste donc avec l’avancée en âge.
Les études transversales :
perturbations qualitatives ?
(revue in Harvey, 2005 ; Davidson et Harouturian, 2006)
• Les déficits cognitifs des patients âgés touchent
principalement la mémoire, l’attention et les fonctions
exécutives. Le profil de perturbations est donc
comparable à celui observé chez les patients jeunes.
• Une détérioration disproportionnée des fonctions
exécutives (abstraction) est cependant rapportée par
Fucetola et coll (2000).
• Mais ces résultats sont obtenus chez les patients
âgés les moins touchés et ne peuvent donc pas être
extrapolés à l’ensemble des patients âgés.
Les études longitudinales
revue in Kurtz, 2005
• Ces études comparent de manière prospective les
fonctions cognitives des mêmes patients à différents
moments de leur évolution.
• 10 études, dont certaines ont un recul de 10 ans,
portant sur un total de 834 patients, d’âge compris
entre 24 et 78 ans.
• Très grande hétérogénéité des populations, des
phases de la maladie, des tâches cognitives et du
pouvoir statistique des études.
Les études longitudinales
revue in Kurtz, 2005
• Chez les patients vivant à domicile :
– Les performances cognitives globales, la
mémoire, l’attention et les fonctions exécutives ne
se détériorent pas de manière disproportionnée
avec l’âge.
• Chez les patients vivant en institution :
– Les fonctions cognitives se détériorent de façon
marquée, essentiellement après 65 ans.
Principales conclusions de ces études
(revue in Harvey, 2005 ; Davidson et Harouturian, 2006)
• L’altération cognitive des patients schizophrènes est
relativement stable avant 65 ans.
• Il existe un sous-groupe de patients schizophrènes
qui évoluent au-delà de 65 ans vers un état
démentiel nécessitant le placement en institution.
• Ces résultats sont compatibles avec un modèle de
détérioration cognitive progressive.
Schizophrénie et DTA :
données neuropsychologiques
Comparaison de 2 groupes de patients
schizophrènes et Alzheimer appariés quant au niveau
global de détérioration cognitive au MMSE (Davidson
et coll, 1996) :
• Les 2 groupes sont comparables dans une tâche
d’apprentissage verbal.
• Les patients schizophrènes sont meilleurs dans une
tâche de rappel différé.
• Mais ils sont moins bons dans les tâches de
dénomination et de praxies.
Schizophrénie et DTA :
données neuropsychologiques
• La détérioration cognitive progresse de 10 % par an
chez les patients Alzheimer.
• Elle ne progresse que de 1 % par an chez les
patients schizophrènes ayant les troubles
fonctionnels les plus marqués.
• Le déclin cognitif évolue donc de manière très
différente dans les deux maladies (Davidson et coll,
1995 ; 1996 ; Friedman et coll, 2001).
Schizophrénie et DTA :
données neuropathologiques
• Analyse neuropathologique du cerveau de 100
patients schizophrènes réunissant les critères
diagnostiques de démence (Purohit et coll, 1998) :
– 10 % ont des lésions de la maladie d’Alzheimer
– 10 % ont des lésions vasculaires
– 10 % ont des anomalies neuropathologiques non
classables
– 70 % n’ont pas d’anomalies neuropathologiques
susceptibles de rendre compte d’un état démentiel
Schizophrénie et DTA :
principale conclusion
• Le profil de perturbations cognitives, la vitesse de
déclin cognitif et les données neuropathologiques
montrent que l’état démentiel des patients
schizophrènes n’est pas de type Alzheimer.
• Les données disponibles ne permettent cependant
pas d’affirmer qu’il s’agit d’un vieillissement
pathologique spécifique. Une interaction entre
vieillissement d’une part, anomalies cognitives et
lésions préexistantes d’autre part, reste plausible.
3. Résultats préliminaires d’une étude
multicentrique France – Luxembourg
(thèse de Caroline Schuster)
Etude multicentrique France - Luxembourg
• Impliquant les centres coordonnateurs de Strasbourg
(JM Danion), Luxembourg (Ch Pull) et Nice (Ph Robert)
• Etude transversale
• 148 participants (83 Schizophrènes, 65 Témoins)
• Répartis en 3 groupes d’âge
– < 50 ans (20 Sc, 20 T)
– 50 – 65 ans (40 Sc, 27 T)
– > 65 ans(23 Sc, 18 T)
• Echelle de démence de Mattis, MMSE, BREF
Echelle de démence de Mattis
score total
160
Effet courant : F(2, 121)=44,524, p=,00000
Barres verticales représentent +/- erreurs-types
Moy. covariants :
NE Niveau d'études: 9,882813
150
Max. score
= 144
140
*
p=0,06
130
*
120
EDMtot
**
110
**
**
100
90
**
80
**
70
Jeune
Post hoc (Tukey), * p<0,001; ** p< 0,0001
Age-moyen
Agé
TEM
SCZ
Etude multicentrique France - Luxembourg
• Chez 129 participants (64 patients, 54 témoins), bilan
approfondi des fonctions attentionnelles, exécutives et
mnésiques
Fonctions exécutives
nombre d’erreurs persévératives au WCST
Effet courant : F(2, 120)=11,029, p=,00004
Barres verticales représentent +/- erreurs-types
7
Moy. covariants :
NE Niveau d'études: 10,07874
6
5
*
4
3
2
WCST erreurs persévératives
Post hoc (Tukey),
* p<0,05;
** p< 0,01;
*** p<0,001.
**
***
***
**
**
**
1
**
0
***
-1
Jeune
Age-moyen
Agé
TEM
SCZ
atteinte disproportionnée des fonctions exécutives
Mémoire verbale
mémoire logique de l’échelle de mémoire de Wechsler III
RECONNAISSANCE
(Score max = 30)
RAPPEL DIFFÉRÉ
(Score max = 50)
Score
max
Effet courant : F(2, 114)=,01263, p=,98745
Barres verticales représentent +/- erreurs-types
Effet courant : F(2, 115)=,52029, p=,59574
Barres verticales représentent +/- erreurs-types
30
50
Moy. covariants :
NE Niveau d'études: 10,10744
25
20
**
**
NS
40
*
**
35
NS
NS
**
30
15
25
**
Histoires Logiques - Reconnaissance
5
Age-moyen
Post hoc (Tukey), * p<0,05; ** p< 0,001.
Agé
TEM
SCZ
HISTOIRES LOGIQUES RD
*
0
***
***
***
20
*
10
Jeune
Moy. covariants :
NE Niveau d'études: 10,09836
45
15
*
10
**
5
0
Jeune
Age-moyen
Agé
Post hoc (Tukey), * p=0,05; ** p< 0,01; *** p<0,001.
Absence d’atteinte disproportionnée de la mémoire verbale
TEM
SCZ
Etude multicentrique
France – Luxembourg : premières conclusions
• Il semble bien exister un déclin cognitif pathologique
chez certains patients schizophrènes.
• Ce déclin apparaît dès l’âge de 50 ans, et est
particulièrement marqué après 65 ans.
• Il porte principalement sur les fonctions exécutives.
• En revanche, la mémoire ne semble pas altérée de
manière disproportionnée.
• Le vieillissement pathologique semble donc qualitatif,
et diffère de celui de la maladie d’Alzheimer.
Questions
• Peut-on prédire quels patients schizophrènes vont évoluer
vers une démence ? Les patients évoluant vers une démence
sont-ils ceux qui sont atteints par les formes les plus sévères
de la maladie ? D’autres processus sont-ils impliqués ?
• Comment prévenir et prendre en charge cette démence ?
Quels traitements pharmacologiques proposer ? Peut-on
envisager une remédiation cognitive ?
• Quelles sont les alternatives à l’hospitalisation en milieu
spécialisé ?
Une réponse :
Le Foyer d’Accueil Médicalisé
• Projet de l’association Route Nouvelle Alsace.
• Structure médico–sociale non sectorisée de 42
places pour des patients schizophrènes vieillissants
et souffrant :
– d’un handicap psychique grave
– de maladies somatiques.
• Prise en charge spécifique reposant sur :
– un projet de vie
– un projet de soins visant à poursuivre le traitement de la
schizophrénie et à pallier les difficultés liées au handicap
psychique.
• Décloisonnement des secteurs sanitaire et social.
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