Neuromodulation dans le cadre des céphalées primaires

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Neuromodulation dans le cadre des céphalées primaires
Définition
Les approches neuromodulatoires peuvent se diviser en procédures invasives (stimulation du nerf périphérique,
stimulation du nerf vagal, stimulation de la moelle épinière cervicale et stimulation hypothalamique profonde du cerveau)
et en procédures non invasives (stimulation nerveuse électrique transcutanée [SNET] et stimulation crânienne
magnétique et par courant direct).
Le principe sous-jacent consiste en une modulation des structures neuronales qui sont directement ou indirectement
impliquées dans la détection ou la transmission de stimuli douloureux ou dans le traitement de ces informations dans le
cerveau. Cette approche comprend une modulation directe des structures cérébrales impliquées dans la génération des
crises (stimulation profonde de l’hypothalamus du cerveau dans le cadre de l’algie vasculaire de la face), modulation des
voies antinociceptives inhibitrices (stimulation du nerf occipital), modulation de l’excitabilité du cortex (stimulation
transcrânienne magnétique et par courant direct), et effets inhibitoires directs au niveau neuronal périphérique ou de la
moelle épinière (SNET).
Sélection des patients
Alors que les techniques non invasives peuvent être largement utilisées, les patients prévus pour des approches
invasives doivent être soigneusement sélectionnés, étant donné que ces techniques sont encore expérimentales et
comportent des dangers potentiels. Selon les critères de consensus publiés précédemment pour la définition de l’algie
vasculaire faciale chronique (AVFC) et la migraine chronique réfractaires, les patients subissant l’implantation d’une
approche neuromodulatoire invasive doivent satisfaire aux critères suivants :
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La céphalée doit être chronique et doit durer depuis 2 ans.
Les médicaments prophylactiques établis doivent avoir été essayés sans succès (ou soit n’ont pas été tolérés, soit
sont contre-indiqués) à une dose suffisante pendant une période suffisamment longue en monothérapie ou en
thérapie d’association. Dans le cadre de l’AVFC, au moins le vérapamil, le topiramate et le lithium et, dans le cadre de
la migraine chronique, au moins les bêta-bloquants, les antagonistes du calcium et les anticonvulsivants, doivent
avoir été essayés.
La surutilisation de médicaments doit avoir été exclue.
Dans le cadre de la céphalée unilatérale, les crises doivent toujours se manifester du même côté (bloquées d’un côté)
si un dispositif unilatéral comme la stimulation hypothalamique profonde du cerveau est programmé.
Une origine symptomatique a été exclue par une IRM du cerveau avec angiographie RM des vaisseaux intracrâniens.
Les patients doivent être traités uniquement par une équipe interdisciplinaire comprenant un spécialiste expérimenté dans
les céphalées, un neurochirurgien et d’autres personnes (comme un psychologue). Les soins post-intervention sont
obligatoires après l’implantation, notamment l’optimisation des réglages du stimulateur.
Techniques non invasives
Stimulation transcrânienne magnétique (STM)
• La STM module de manière transitoire l’excitabilité du cerveau
• Un champ magnétique induit des impulsions électriques dans une petite zone à l’intérieur du cortex du cerveau.
• Des pulsions uniques (STMu) ont été supérieures à une stimulation factice du cortex visuel dans le cadre de la
migraine aiguë avec aura, avec un taux plus élevé de patients ne présentant plus de douleur au bout de 2 heures, au
cours d’une étude. Les études sur la STM répétitive dans le cadre d’un traitement prophylactique de la migraine ont
montré des résultats ambigus.
Stimulation transcrânienne par courant direct (STCD)
• La STCD module l’excitabilité corticale selon la polarité de la stimulation et est moins focale que la TMS.
• Une STCD cathodique du cortex visuel a diminué l’intensité de la migraine et la durée des crises, mais non leur
fréquence.
La stimulation nerveuse électrique transcutanée (SNET)
• Les effets sont transmis par la stimulation électrique de la peau au niveau d’une zone douloureuse, avec une intensité
et une fréquence variables. On pense que la stimulation des fibres nerveuses sensibles au toucher module les
neurones transmettant les stimuli nociceptifs au niveau de la moelle épinière.
• Malgré certaines petites études positives, les méta-analyses n’ont pas réussi à fournir des preuves convaincantes
que la SNET est efficace dans le cadre des céphalées primaires.
Techniques invasives
Stimulation profonde du cerveau (SPC)
• Des électrodes sont chirurgicalement implantées directement dans la structure ciblée dans le cerveau, comme
l’hypothalamus postérieur dans le cadre de l’algie vasculaire de la face et autres céphalées trigémino-autonomiques.
• La SPC hypothalamique a été utilisée jusqu’à présent pour traiter plus de 58 patients présentant une AVFC, 3 patients
présentant un SUNCT (céphalée névralgiforme unilatérale de courte durée avec injection conjonctivale et
larmoiement) et un patient présentant une hémicrânie paroxystique chronique. Elle a été efficace chez plus de 50 %
des patients (défini par une diminution d’au moins 50 % de la fréquence des céphalées). La seule étude à double
insu, contrôlée par placebo, n’a pas prouvé d’effets significatifs dans la phase en aveugle, mais a été probante dans
la phase ultérieure en ouvert.
• Les effets secondaires potentiels sont limités dans la plupart des cas et comprennent : infection de la pointe ou du fil
de l’électrode, syncope et vision double. Chez 3 % des patients, un saignement intracérébral a été signalé et a été
d’issue fatale dans un cas. La SPC n’a pas été essayée dans le cadre de la migraine.
Stimulation du nerf occipital (SNO)
• Des électrodes sont implantées par voie sous-cutanée, près du grand nerf occipital, ce qui innerve l’arrière de la tête.
Un générateur d’impulsion contenant la batterie est connecté aux électrodes par le biais d’un câble et est implanté par
voie sous-cutanée au-dessus du muscle pectoral ou glutéal. Pour éviter une déviation du côté dans le cadre des
céphalées unilatérales, les électrodes doivent toujours être implantées bilatéralement.
• La SNO a été utilisée chez plus de 60 patients présentant une algie vasculaire de la face chronique. Plus de 50 %
d’entre eux ont signalé une amélioration (définie par une diminution de plus de 50 % de la céphalée). Un bénéfice
durable a été noté dans une étude sur 14 patients : 11 patients ont observé une amélioration d’au moins 90 % au
cours d’une période moyenne de 3 ans. Dans le cadre de la migraine chronique, deux études, une sur 51 patients et
l’autre sur 125 patients, ont obtenu des résultats ambigus. De petites séries de cas avec une bonne efficacité ont été
publiées dans le cadre de l’hémicrânie continue, du SUNCT et de la névralgie occipitale.
• Les effets secondaires de la SNO sont généralement légers. Une légère sensation de paresthésies (picotements,
piqûres ou engourdissement) au niveau de la stimulation est inhérente à la méthode et est essentielle pour obtenir un
bon résultat. La migration du fil, le déchargement de la batterie et l’infection locale sont des problèmes fréquents.
Stimulation du ganglion sphénopalatin (SGSP)
• Un microstimulateur est chirurgicalement implanté en dessous de la pommette, avec la pointe de l’électrode située
près du ganglion sphénopalatin. Il est activé par un contrôleur externe par le biais d’un courant induit. Dans les études
précédentes, les électrodes étaient placées par voie percutanée dans le ganglion et alimentées par voie externe.
• Le microstimulateur est utilisé dans un essai en cours pour tester son efficacité dans l’avortement des crises d’AVFC.
Les effets préliminaires sont prometteurs, avec une amélioration de 80 % ou plus chez 5 patients sur 7. La SGSP a
avorté 11 crises d’algie vasculaire de la face spontanées ou induites sur 18. Dans le cadre de la migraine, la SGSP
externe a obtenu un effet de soulagement de la douleur chez 5 patients sur 10.
• Les effets secondaires ont généralement été légers et transitoires. Un engourdissement temporaire au niveau de la
V2 a été signalé fréquemment, et une douleur neuropathique s’est manifestée chez un patient.
Autres approches neuromodulatoires
• Stimulation du nerf vagal : Il n’existe que des cas rapportés anecdotiques de son efficacité dans le cadre de l’AVFC et
de la migraine.
• Stimulation cervicale haute de la moelle épinière : Dans une série de cas de sept patients présentant une AVFC, la
stimulation de la moelle épinière a diminué la fréquence des crises chez tous les patients. Toutefois, cinq patients ont
nécessité une révision des électrodes en raison d’un détachement ou d’une rupture.
• Stimulation du nerf supraorbital : Il existe des cas rapportés anecdotiques de l’efficacité dans le cadre de la migraine
et de l’algie vasculaire de la face. La stimulation combinée du nerf supraorbital et du nerf occipital pourrait être plus
efficace.
Conclusion
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Les approches neuromodulatoires sont un ajout prometteur à notre arsenal thérapeutique dans le cadre de la
céphalée réfractaire.
Les approches invasives ne doivent être envisagées que chez les patients réfractaires présentant des pathologies
chroniques, après une sélection soigneuse.
Bien que l’expérience en soit encore limitée, la stimulation du nerf occipital doit être envisagée dans le cadre de l’algie
vasculaire de la face chronique et, dans une certaine mesure, dans le cadre de l’hémicrânie continue, de la migraine
chronique et de la névralgie occipitale. Dans le cadre de l’AVFC et du syndrome SUNCT, la stimulation
hypothalamique profonde du cerveau peut être tentée comme un choix alternatif. La stimulation du ganglion
sphénopalatin est prometteuse, mais elle nécessite des preuves ultérieures de son efficacité.
Les approches non invasives sont préférables, mais en raison de l’absence d’études robustes et des limitations
techniques, leur mise en œuvre dans le cadre de la pratique clinique de routine reste problématique.
Références
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