Physiologie et régulation du FER

publicité
Physiologie et régulation du FER
Docteur Alain Duvallet
UFR SMBH Léonard de Vinci
- P2, physiologie 2007-2008
Le 3 mars 2008
Le fer est un constituant étonnant de l’organisme.
Ion métal, il est parmi les éléments les plus répandus de notre
planète.
C’est un élément chimique de symbole Fe et de numéro atomique 26;
du latin ferrum.
En solution, il présente deux valences principales: Fe2+ et Fe3+.
En trop (surcharge en fer), ou en pas assez (déficit en fer), il est
responsable de pathologies pouvant être mortelles.
Pourtant sa physiologie (régulation dans des conditions de normalité) a
été très longtemps méconnue, même si dés 1935 Sheldon JH a
soupçonné que certaines pathologies de surcharge étaient héréditaires.
Sa physiologie et sa physiopathologie n’ont été réellement étudiées
qu’à partir de la découverte d’un gène responsable d’une forme
héréditaire de la surcharge en fer, le gène HFE (1996 Feder et coll)
Fer : Oligoélément, il a plusieurs fonctions biologiques
bien définies :
Il est un composant de groupements hèminiques et
non-héminiques transportant l’oxygène ou les électrons
Il est en particulier présent dans des enzymes fer-souffre
qui interviennent dans des réactions de transfert
d’électrons
Schéma simplifié de la
physiologie du fer
alimentation
intestin
5 à 10% d’absorption
Cellules intestinales
Stockée sous forme de ferritine
Transporté sous forme de transferrine
sang
foie
Moelle osseuse
Stockée sous forme de ferritine
Muscles
Autres tissus
myoglobine-cytochromes
cytochromes
Globules rouges
hémoglobines
Selles
Pertes menstruelles
Protéines contenant du fer
Enzymes à centre fer-soufre
flavoprotéines
Protéines hémiques
enzymatiques
Cytochrome P450
Non-enzymatiques
hémoglobine
myoglobine
Enzymes à fer non-hémique, non-à-centre fer-soufre
Protéine à fer non-hémique
à centre fer-soufre
NADH déshydrogénase
succinate déshydrogénase
NADH-ubiquinone réductase
Fer – transfert d’électrons et réactions d’oxydoréduction
Le fer ferreux et le fer ferrique se comportent comme des
agents réducteurs et oxydants, et agissent comme une paire
conjugée « redox ».
Fe2+
e- + Fe 3+
Fe2+ est le donneur d’électron
Fe 3+ est l’accepteur d’électron
Cycle de l’acide citrique
ou cycle de Krebs,
avec utilisation d’un
complexe enzymatique à
centre fer-soufre pour la
transformation du
citrate à l’isocitrate.
Les pathologies dues au fer
1 - Les déficits en fer connus le plus souvent comme des anémies
En physiologie et physiopathologie du fer on a plutôt tendance à utiliser les
classes suivantes:
Les déplétions en fer
les déficits en fer sans anémie
les anémies légères et moyennes
Les anémies sévères
2 - Les surcharges en fer ou hypersidéroses
Le déficit en Fer :
Modifications
fonctionnelles avec
le déficit en fer
Fer total
hémoglobine
Muscle
cytochrome C
normal
déficit en fer
anémie
D’après J.L.Beard
Déficience en fer
IDA
Anémie
IDA = iron deficience anemia
Capacité oxydative tissulaire
Capacité de transport de l’oxygène
Capacité de travail
Efficience énergétique
endurance
VO2 max
d’après J.D.Hass
Anémie
Limitation de la capacité
de délivrer de l’oxygène
aux muscles qui
travaillent
déficience tissulaire en fer
Diminution de la capacité
des muscles de faire une
performance en
métabolisme oxydatif
Les surcharges en fer ou hypersidéroses
- Surcharges génétiques (hémochromatose)
Hémochromatose liée au gène HFE
Hémochromatose non HFE
- Surcharges non génétiques ou surcharges secondaires
. Surcharges sinusoïdales hépatiques
. Surcharges parenchymateuses hépatiques
Supplémentation martiale per os au long cours,
. Surcharges en fer et le monde sportif par utilisation intempestive du
fer pour améliorer les qualités physiques
Dépots brunatres de fer. Hémochromatose secondaire par
surcharge chez un cycliste de 25 ans (document personnel)
Physiologie du métabolisme du fer.
Pour tous les nutriments énergétiques, les minéraux ( et le fer en
particulier) ou les micronutriments, l’organisme, considéré comme une
boite noire, est normalement en équilibre en permanence.
entrées
Physiologie du métabolisme du fer.
?
sorties
Docteur A.Duvallet
0n peut écrire :
ou :
entrées du fer = sorties du fer
entrées – sorties = zéro
ENTREES
ELIMINATION
Contenu en fer de l’organisme
Adulte normal : homme de 70 kilogrammes : fer total = 4 à 5 grammes,
femme de 60 kilogrammes : fer total = 2,5 à 3 grammes
Répartition : 73% liés à l’hémoglobine,
3% liés à la myoglobine,
17% sont en réserve liés à la ferritine et à l’hémosidérine,
0,2% sont du fer plasmatique transporté par la transferrine
reste : fer enzymatique (cytochromes), fer en recyclage
Dans le sang : 300 à 500 milligrammes par litre
liés aux globules rouges et hémoglobine
liés à la transferrine ( fer sérique)
liés à la ferritine ( [ferritine]s = 12 à 300 µg/l )
Les apports alimentaires: alimentation normale et équilibrée
10 à 15 milligrammes par jour se répartissant:
en fer héminique (viandes rouges)
boudin 18%, rognon 15%, foie 12%,
et fer non-héminique
haricots secs 7%, épinard 3%,
chocolat 3%, vin rouge…
Excrétion quotidienne du fer
Urinaires et desquamatives
Adulte homme
Adulte femme non réglée
ou aménorrhéïque
Enfants
: 1 milligramme par jour
Adolescente ou adulte femme normalement réglée :
+ 15 à 30 milligrammes par cycle
Cycle physiologique du fer dans l’organisme
Apports
Stockage
Entrées
5 à 10%
Utilisation
fonctionnelle
recyclage
Sorties
Eliminations
Il faut faire la distinction entre les apports alimentaires et les entrées dans
l’organisme. Celles-ci ne représentent qu’une fraction de ceux-là (5 à 10%).
La régulation des stocks de fer :
Deux niveaux de régulation
1 - Lors de l’absorption !
Absorption intestinale du fer
L’hème pourrait être
transportée dans
l’entérocyte
duodénal par l’HCP1
(Hème carrier
protéine 1).
Elle peut alors être
métabolisée par
hème oxydase et
libérée le fer. Elle
pourrait aussi
transiter de façon
intacte grâce à deux
transporteurs, le
BCRP et Le FLVCR.
N.C.Andrews, NEJM,
vol353, n°23, 2508-2509
La captation du fer:
Le fer est réduit sous forme bivalente par une réductase membranaire.
Il est capté par le DMT1 (divalent metal transporter 1).
Il est stocké dans la cellule dans la ferritine.
Il peut être réoxydé en basolatéral par l’héphaestine.
Il est exporté par la ferroportine.
Il est transporté dans le sang par la transferrine.
+ Vit C
d’après S.Gallati et coll, Forum Med Suisse n°41 Octobre 2002, 966-970
La ferroportine: protéine de transport transmembranaire
du fer
Robson, K J H et al. J Med Genet 2004;41:721-730
La transferrine, molécule de transport du fer dans le sang
Protéine porteuse qui peut:
ne fixer aucune molécule de fer
(apotransferrine),
fixer 1 molécule de fer
en S1 ou en S2,
fixer 2 molécules de fer; on dit
qu’elle est saturée
On mesure le fer transporté sur la transferrine par:
le taux de transferrine,
la saturation de la transferrine,
la capacité de fixation de la transferrine
La transferrine = sidérophilline
Glycoprotéine sérique d’origine hépatique (hépatocyte)
679 acides aminés, répartis en 2 zones globulaires
N terminale: 1-336
Demi-vie de 8 jours
C terminal 337-679
Régulation sous la dépendance de fer de l’organisme
La transferrine = sidérophilline
Rôle physiologique : transport du fer au niveau sanguin
Elle peut fixer un ou deux atomes de fer ferrique, pour
former à partir d’une molécule désaturée (apotransferrine),
une molécule monosaturée ou saturée.
Elle se fixe sur les érythroblastes du fait de la présence
d’un récepteur membranaire spécifique : Rm-TR
La pénétration du fer dans toutes les cellules à partir du fer transporté dans
le sang sur la transferrine
la captation du fer se fait par endocytose, induit par le récepteur de la
transferrine. Le fer est ensuite libéré dans la cellule pour être incorporé
sur les ferroprotéines. La protéine HFE forme un complexe avec le
récepteur à la transferrine selon les besoins en fer de la cellule
d’après S.Gallati et coll, Forum Med Suisse n°41 Octobre 2002, 966-970
Le pool labile du fer et sa place dans le métabolisme cellulaire
Le récepteur membranaire à la transferrine
C’est une famille de protéines qui sont présentes à la surface
de toutes les cellules de l’organisme
Elles permettent le passage transmembranaire du fer lié à la
transferrine
Ce sont des glycoprotéines formées de deux sous-unité identiques,
de 95 Kdaltons chacune, capables de lier une molécule de
transferrine.
Le nombre de récepteurs pour une cellule est directement
proportionnel à ses besoins en fer. Il est plus élevé sur la cellule
immature et diminue au fur et à mesure de la maturation
cellulaire.
BIO n°57 – Juin 2000
Le récepteur à la transferrine et la liaison avec la transferrine
Entrée du fer dans les cellules
Récepteur soluble à la transferrine
Tf-Fe: transferrine avec fer lié
Tf-R: transferrine lié à son récepteur
Entrée du fer dans les cellules
Récepteur soluble à la transferrine
Tf-Fe transferrine avec fer lié
Tf-R transferrine lié à son récepteur
Récepteurs solubles à la transferrine (sTFR)
C’est la forme sérique tronquée du récepteur membranaire
de la transferrine. Elle représente la partie extracellulaire
libre du recepteur
C’est un monomère de 85 Kdalton
La protéine HFE, synthétisée
localement, modifie l’affinité
du récepteur à la transferrine
pour la transferrine.
Elle participe aussi à la
régulation de l’entrée et
au contenu du fer dans
les cellules.
Les cellules des cryptes se
comportent comme des
évaluateurs de la quantité de
fer de l’organisme.
d’après A.Pietrangelo
N.Engl.J.Med, 2004
Croissance et maturation des entérocytes
La protéine HFE, synthétisée
localement, modifie l’affinité
du récepteur à la transferrine
pour la transferrine.
Elle participe aussi à la
régulation de l’entrée et
au contenu du fer dans
les cellules.
Les cellules des cryptes se
comportent comme des
évaluateurs de la quantité de
fer de l’organisme.
d’après A.Pietrangelo
N.Engl.J.Med, 2004
Modèle de la protéine HFE
selon Feder et coll - nature Genet 1996
L’ensemble
béta2microglogulineHFE va intervenir au
niveau des membranes
cellulaires en modifiant
l’affinité du récepteur à
la transferrine pour son
substrat
β2microglobiline
. Gène HFE
Le gène HFE est la partie de l’ADN cellulaire qui code pour la
protéine HFE.
On connaît de nombreuses mutations: les 2 principales sont
les mutations C282Y et H63D.
Elles sont, à des degrés plus ou moins importants, responsables
de l’hémochromatose ou maladie de surcharge ferrique génétique,
ou « diabète bronzé ».
En effet lors de l’absence ou de
la déficience de la protéine HFE,
le DMT1 n’est plus régulé. Il
s’exprime de façon importante,
permettant une entrée trop
élevée de fer.
d’après A.Pietrangelo
N.Engl.J.Med, 2004
Si la découverte de la première mutation date de 1996, on connaît actuellement
de très nombreuses mutations, qui n’ont pas toutes la même incidence sur le
phénotype.
Robson, K J H et al. J Med Genet 2004;41:721-730
Le deuxième niveau de régulation :
L’hepcidine
Peptide d’origine hépatique et sécrété dans le sang. Il inhibe
l’absorption du fer au niveau de l’intestin.
Le deuxième niveau de
régulation est représenté
par la protéine hepcidine.
Sa production et
concentration sanguine est
inversement
proportionnelle à la
quantité de fer de
l’organisme, via la
saturation de la transferrine
Elle régule au niveau de diverses
cellules, et en particulier au niveau
des entérocytes des villosités, la
synthèse des transporteurs (DMT1 et
Ferroportine).
Dans le cas d’une
mutation de la protéine
HFE, le contenu en fer
des cellules hépatiques
est diminué, la sécrétion
d’hepcidine est bas.
Dans ce cas de
diminution de la
concentration en
hepcidine, on a une
sortie massive de
fer depuis les
entérocytes et les
macrophages.
Rôle de l’hepcidine
Les cellules de Kupffer et les cellules des sinusoïdes seraient les
capteurs de l’information. Celle-ci est transmise aux hépatocytes par de
l’IL-6 (interleukine 6).
Structure de l’hepcidine
Schematic representation of the structure of hepcidin.27 The eight cysteine residues are
indicated by black circles. The positions of the missense mutations G71D (black background)
and C70R (dark grey) are indicated. The only amino acid with an acidic side chain in the mature
peptide, D60 (white background) is also indicated. The remaining amino acids are represented by
light grey filled circles.
Robson, K J H et al. J Med Genet 2004;41:721-730
Mutation au niveau de G71 et C70. Ces mutations sont responsables d’une
forme d’hémochromatose.
Le deuxième niveau de régulation :
L’hepcidine
L’hepcidine humaine est un polypeptide de 25 acide aminés (20 et 22)
produit par le foie, qui joue un rôle dans l’immunité innée et la régulation
du fer.
Sa synthèse est stimulée par l’inflammation et les surcharges en fer. Elle
est un régulateur négatif de l’absorption du fer au niveau du duodénum,
du placenta et des macrophages.
Elle est produite au niveau du foie sous la forme d’une prohormone de
84 acides aminés(préprohepcidine).
On en trouve aussi une faible expression dans le rein, le coeur, le
muscle squelettique et le cerveau.
La ferritine
Protéine associée à un sucre (glucide), riche en fer, fabriquée par le foie et
permettant le stockage du fer dans la rate, la moelle osseuse et le foie.
Il s'agit d'une grosse molécule (macromolécule) soluble dans l'eau
(hydrosoluble), constituée d'une coque de nature protéïnique appelée
apoferritine. Cette coque a un noyau constitué lui-même d'hydroxyde de
fer. La ferritine permet la mise en réserve d'hydroxyde de fer dans
certains organes (rate, foie, moelle osseuse).
La ferritine correspond au deuxième compartiment de réserve de
fer de l'organisme soit environ 15 à 30 %, après l'hémoglobine qui
elle correspond à environ 70 % des réserves.
La ferritine
Elle est formée de 24 subunités protéiques (apoferritine) formant une
enveloppe autour d’un noyau de fer ferrique (Fe +++).
On distingue deux types de sous unité,
H (poids 21 kDa) et L (19 kDa). Le
poids total de la molécule est d’environ
440 kDa.
Fer
Structure de l’apoferritine de O.Gaillard
La subunité H sert à l’incorporation du
fer, avec une activité ferroxidasique. La
subunité L sert à la stabilité du centre
ou noyau ferrique.
L’apoferritine (protéine non chargée en fer) est synthétisée
par les hépatocytes, induite par la quantité de fer du milieu.
Plus elle est chargée en fer, plus elle est insoluble et lente à le
libérer.
La forme maximale est l’hémosidérine, insoluble, inapte à
rendre le fer (corps étranger à l’organisme).
Mise en évidence sur la biopsie hépatique :
ferritine: en microscopie électronique,
hémosidérine: pigment ocre en coloration de Perls
et par le dosage sanguin de la ferritinémie (reflet des réserves
martiales)
La régulation intracellulaire de la physiologie du fer
Les IRE, IRP
(iron responsive elements, iron responsive proteins)
Le principe des « responsive elements et responsive proteins »
Transcription
DNA
post transcriptionnel
RNAm
Protéines
Activation de la
transcription de la
ferritine
Répression de la
transcription des recepteurs
à la transferrine
D’après Torti, F. M. et al. Blood 2002;99:3505-3516
Torti, F. M. et al. Blood 2002;99:3505-3516
La régulation intracellulaire se fait sur la transcription des ARNm, à partir
des IRP (Iron responsive protéin) et des IRE (Iron responsive élement)
Richard S. Eisenstein and Kerry L. Ross
J. Nutr. 133:1510S-1516S, May 2003
Les terminaisons 5’ et 3’ des ARNm vont avoir un rôle différent.
HFE
hepcidine
Absorption 1mg/24h
Excrétion 1mg/24h
Téléchargement