13% déclarent ne pas avoir été informées du risque d`infertilité

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La perception de la maladie
par les personnes atteintes et
leur rapport au système de
soins
Pr Jean-Paul Moatti
UMR 912 Sciences Economiques & sociales, Systèmes de santé, Sociétés
INSERM / IRD/ Université de la Méditerranée
Les thèmes abordés
 1- Les différentes formes de verbalisation du cancer
● Philippe Bataille, Laëtitia Malavolti, Anne-Gaëlle Le Corroller Soriano
 2- La perception de la guérison
● Patrick Peretti Wattel, Valérie Séror
 3- La perception de l'annonce du diagnostic et du suivi médical
● Anne-Gaëlle Le Corroller Soriano, Laëtitia Malavolti, Philippe Bataille
 4- Les comportements de recherche d'information des patients
● Christel Protière, Nora Moumjid, Anne-Déborah Bouhnik
 5- L'information sur les risques d'infertilité induite par les traitements
● Julien Mancini, Dominique Rey, Marie Préau
 6- L'implication des patients dans la décision médicale
● Nora Moumjid, Anne-Déborah Bouhnik, Christel Protière
 7- La satisfaction globale des patients vis-a-vis du système de soins
● Anne-Gaëlle Le Corroller Soriano, Anne-Déborah Bouhnik, Laëtitia Malavolti
 8- Les conseils de dépistage donnés aux proches
● François Eisinger, Laëtitia Malavolti
1-Verbalisation du diagnostic de
cancer
Au sein des 4270 répondants:
« Pour quelle maladie bénéficiez-vous d’une prise en
charge à 100%? »
Terme spécialisé
(leucémie, mélanome,
sarcome…)
« Cancer » ou
« Tumeur »
Euphémisme
(maladie, problème,
opération…)
(n=328) 7,7%
(n=3440) 80,5%
(n=512) 11,8%
Classement de l’euphémisme
employé dans une liste prédéfinie
Pas cancer
(tumeur bénigne,
maladie du sang non
cancéreuse…)
(n=306) 7,2%
Cancer
(n=196) 4,6%
Verbaliser avec un vocabulaire spécialisé
 Dépend du type de pathologie dont on souffre
 Sur les 328 personnes qui utilisent un terme
spécialisé
● 60,7% hémopathies malignes (leucémie,
lymphome, maladie de Hodgkin, myélome)
● 22,6% mélanome
● 6,4% carcinome
● 4,3% sarcome
● 6% autre terme spécialisé
« Euphémiser »
Quatre types d’euphémisme utilisés par les 512 personnes qui n’ont pas
fait spontanément référence au cancer
50,0%
45,0%
43,3%
40,0%
37,2%
36,2%
35,0%
30,0%
30,0%
26,7%
25,0%
20,0%
17,4%
Se classent en
cancer (n=196)
15,0%
10,0%
9,2%
5,0%
0,0%
0,0%
"Polype",
"nodule", "kyste"
Ne se classent
pas en cancer
(n=306)
"Opération",
"ablation"
"Problème",
"maladie de
l'organe"
Autre maladie
2 - Sentiment de guérison à deux ans
du diagnostic
«Actuellement, êtes-vous guéri(e) ?»
● 43% répondent «oui»
Patients se disant guéris :
Sein
Prostate
Colo-rectal
En rémission
53%
52%
48%
Stabilisé/évolutif
42%
34%
34%
48%
p<0.001
42%
p<0.001
40%
p=0.004
Total
Les enquêtés pouvaient ajouter un commentaire.
Facteurs associés positivement au
sentiment de guérison
(toutes localisations du cancer)
 Propension à se dire guéri augmente avec:
●
●
●
●
le fait d’être en stade de rémission;
les scores de qualités de vie physique et psychique;
le fait d’avoir subi un acte chirurgical;
la satisfaction à l’égard des informations échangées avec
l’équipe soignante;
● la combativité face à la maladie (MAC);
● Le fait de bénéficier du soutien de son entourage.
 Propension à se dire guéri diminue avec:
● Les séquelles perçues: par exemple l’impact sur la vie sexuelle.
● La lourdeur des traitements reçus: chimiothérapie,
hormonothérapie.
● Parmi les personnes actives: avoir cessé de travailler ou
estimer travailler moins bien.
Les commentaires sur le sentiment de guérison
Actuellement, êtes-vous guéri ?
non
NSP
oui
Surveillance médicale, absence de traitement (n=205)
23%
33%
44%
En traitement, dans l’attente de résultats (n=174)
61%
22%
17%
Ablation de la tumeur et/ou de l’organe (n=39)
23%
18%
59%
« Le médecin n’en parle pas, ou dit que je ne suis pas guéri » (n=52)
25%
54%
21%
« Le médecin m’a (presque) dit que je suis guéri » (n=34)
12%
17%
71%
« En rémission, il faut attendre cinq ans » (n=120)
43%
33%
24%
« on ne guérit jamais d’un cancer » (n=76)
68%
20%
12%
Guérison pas acquise, crainte de la rechute (n=80)
11%
24%
65%
« J’ai gardé des séquelles » (n=74)
39%
12%
49%
« Je me sens bien » (n=43)
28%
37%
35%
« Je me sens guéri » (n=63)
0%
3%
97%
Le sentiment de guérison:
représentations profanes ≠ approches
biomédicales
 Guérison subjective = perception d’un retour à la normale
(travail, sexualité), favorisé par l’ablation de la tumeur («on m’a
enlevé mon cancer»), par la combativité encouragée par les
soignants, et par les proches.
≠
Conception médico-statistique de la guérison (retour au niveau
de risque de la population générale)
 La majorité des commentaires font coexister,
les logiques profanes qui peuvent fonder le sentiment de
guérison et le discours médical (je n'ai pas de symptôme, je
me sens guéri mais il faut attendre 5 ans).
3 a)- L’Expérience subjective de l’annonce du
diagnostic
 24,7% des personnes interrogées ont trouvé leur
annonce diagnostique trop brutale.
 Dans 20% des cas l’annonce n’était pas réalisée en
face à face par un médecin
 Sentiment de brutalité plus exprimé chez les:
●
●
●
●
●
Jeunes
Femmes
Niveau d’étude en dessous du baccalauréat
Agriculteurs et ouvriers
Annonce faite par courrier ou téléphone
3 b) L’ Expérience subjective du suivi postthérapeutique
 97,6% bénéficient d’un suivi postthérapeutique deux ans après le diagnostic.
 Dans 84,9% des cas le suivi était effectué par
la même équipe que celle ayant entrepris les
traitements.
 Interrogées sur leur souhait de voir plus ou
moins fréquemment leur médecin:
● 85 % des personnes interrogées déclarent
qu’elles souhaiteraient voir leur médecin « comme
actuellement »
● 8,5% « plus souvent qu’actuellement »
● 6,1% « moins souvent
Fréquence actuelle du suivi post-thérapeutique chez les personnes
exprimant le souhait d’un suivi plus fréquent
14,0%
11,8%
12,0%
10,0%
9,2%
8,4%
8,0%
7,1%
6,8%
tous les mois
tous les 3 mois
6,0%
4,0%
2,0%
0,0%
2 fois par an
1 fois par an
Fréquence actuelle de suivi
Ensemble
Souhaits quant à la fréquence du suivi
post-thérapeutique
Le souhait de voir plus fréquemment
son médecin est associé à :
●
●
●
●
●
●
●
Moindre fréquence actuelle de suivi
Cancer du sein et de la prostate
Les plus jeunes
Les faibles revenus
Ressenti de séquelles gênantes
Crainte de la rechute
Avoir bénéficié d’un soutien psychologique et
encore plus l’avoir souhaité sans en bénéficier
● Etre actuellement suivi par un autre médecin
qu’au début de leurs traitements
Satisfaction à l’égard du suivi postthérapeutique
71,1% des personnes suivies se disent tout à fait
satisfaites de leur suivi.
Ce sont plus fréquemment: :
● Ceux qui bénéficiaient d’un meilleur pronostic au moment du
diagnostic
● Les plus jeunes
● Les femmes
● Les non diplômés
● Les actifs
● Les employés plus souvent que les cadres
● Peu ou pas de séquelles
● Ne craignent pas une rechute de leur maladie
● Ne sont pas soutenus psychologiquement par un professionnel et ne
le souhaitent pas
● Sont suivis par le même médecin qu’au début de leurs traitements
● Pas de rôle ici de la fréquence du suivi.
4- Satisfaction par rapport à l’information
prodiguée par les équipes soignantes
 85% des patients estiment avoir reçu une information
suffisante au cours des traitements et au moment de
l’enquête
Mais
 48% ont trouvé l’information trop compliquée
 46% ne savaient pas comment poser leurs questions
 39% se sentaient dans l'incapacité de poser certaines
questions
 38% trouvent que les médecins ne prenaient pas assez de
temps pour répondre aux questions
 33% ont trouvé la quantité d’information trop importante
Les sources d’information
 27,4% des patients ont activement recherché des sources
d’information (media, 2°avis médical, entourage,
associations) sur leur maladie alternatives ou
complémentaires de celles des équipes soignantes
 Parmi ces chercheurs d’information :
● Les « volontaires » (n=533, 12.5%) qui multiplient les
sources d’info, profil « type » et les « initiés » (n=102, 2.4%)
proximité avec le milieu médical
≠
● Les « contraints » (n=532, 12,5%) plus défavorisés
socialement, relation médecin-patient moins satisfaisante
(pas entendus ou incompréhension de l’info divulguée, faible
participation), adaptation à la maladie plus représentée par
les dimensions « préoccupation anxieuse » et « désespoir,
plus faibles scores de QdV.
5- Exemple de l’information sur les
risques d’infertilité liés au traitement
 Femmes « infertiles » (20-44 ans) suite au
traitement: n=282
 30% déclarent ne pas avoir été informées
du risque d’infertilité
 Facteurs associés à la non information:
● Âge >40 ans
● Pas d’ hormonothérapie
5- Exemple de l’information sur les
risques d’infertilité liés au traitement
 Hommes « infertiles » (20-70 ans) suite au
traitement: n=1137
 13% déclarent ne pas avoir été informées du
risque d’infertilité
 Facteurs associés à la non information:
● Âge >60 ans
● Pas de cancer de la prostate (oui=10% / non=29%)
● Pas de participation au choix thérapeutique
« Retentissement » de l’information sur les
risques d’infertilité
100%
Femmes informées
Femmes non informées
Hommes informés
75%
Hommes non informés
50%
92,9%
91,7%
71,5%
62,6%
53,2%
25%
26,7%
21,0%
10,5%
0%
Information globale sur le traitement considérée
comme suffisante
Besoin exprimé de soutien psychologique au
moment de l’enquête
Limites de l’information sur les risques
d’infertilité liées aux traitements
Information correctement délivrée pour :
● cas « stéréotypés » (patients jeunes)
● traitement favorisant l’abord du sujet
(hormonothérapie, cancer prostatique)
 Besoin d’aborder plus systématiquement le
sujet (consultation d’annonce, doc. écrit ?) :
● satisfaction / détresse psy
● Mesures disponibles et parfois désir de parentalité
même chez les plus âgés (cryopréservation de
sperme voire d’ovocytes)
6- Le sentiment de participation à la
décision médicale les concernant
Souhait exprimé en fonction du degré de participation
expérimenté
Aurait souhaité participer
A participé :
plus
autant
beaucoup /un
peu
9,6%
42,0%
moins
6,6%
pas du tout
14,3%
27,4%
Participation à la décision
médicale
 Facteurs communs aux groupes qui auraient
souhaité être plus impliqués
● avoir souhaité un soutien psychologique au
moment du diagnostic
● ne pas être totalement satisfait de l’information
reçue des équipes soignantes
● avoir des difficultés d’échange avec l’équipe
médicale
 Ces groupes ont les scores de QdV les plus
faibles au moment de l’enquête.
Participation à la décision
médicale
 Hétérogénéité des préférences des patients vis à
vis de l’implication dans la décision médicale et la
nécessité pour les médecins de s’adapter à cette
variabilité
 Variable clé = Conformité au degré de
participation souhaité plutôt que l’implication en
tant que telle
7. Satisfaction globale à l’égard du système de
soins
Variables intervenant dans la classification
Ensemble
L'équipe médicale a tenu compte des séquelles de votre maladie
et de ses traitements ?
Oui, tout à fait
Oui, mais pas suffisamment
Pas de séquelles ou n'en a pas parlé à l'équipe médicale
Avez vous reçu de la part des médecins et de l'équipe soignante
une information suffisante sur votre maladie et ses traitements ?
Tout-à-fait suffisante
Plutôt suffisante
Est-ce qu'il vous est facile d'obtenir de l'information de la part de
l'équipe soignante sur votre maladie ?
Très facile
Plutôt facile
Etes-vous satisfait(e) de la manière dont vous êtes suivi(e) pour
votre maladie ?
Oui, tout à fait
Oui, plutôt
Personnes
"très
satisfaites"
(%)
Personnes
"plutôt
satisfaites"
(%)
Personnes
"insatisfaites"
(%)
32,6
61,5
5,9
***
***
46,3
10,8
34,4
20,2
25,0
33,7
***
***
38,1
46,2
12,7
29,5
***
***
1,0
74,3
6,8
23,1
***
***
65,1
34,9
0,0
0,0
56,5
2,8
38,3
71,5
25,7
100,0
0,0
93,2
6,8
* : test à p<0,05, ** : p<0,01, *** : p<0,001, ns : non significatif lorsque que l'on compare aux personnes très satisfaites
Satisfaction globale à l’égard du système de
soins
 Aucune variable clinique ne distingue les profils
 les personnes « plutôt satisfaites » sont:
• plus jeunes
• plutôt des femmes,
• des diplômés
• conditions de ressources assez convenables.
 Les personnes « insatisfaites » sont:
• encore plus jeunes
• des professions intermédiaires ou des employés.
 La satisfaction diminue lorsque:
• Souhaitent un soutien psychologique
• Estiment que leur annonce a été brutale
• Leur soutien affectif et moral est moins important
• Profil de chercheur d’informations (+ pour les chercheurs
« contraints »)
8- Rôle des personnes atteintes dans le
dépistage et la prévention
 51% pensent que les membres de leur famille risquent de
développer « certainement ou peut-être » plus fréquemment
que ceux d’autres familles la même maladie (de 28.6% pour
les hémopathies à 65.2% pour le cancer du sein)
 Le classement des réponses données par localisation
cancéreuse traduit une bonne perception du poids de
l’hérédité dans les différents cancers
 Cela dit il existe une absence de précision quantitative dans
l’évaluation faite par les personnes touchées: les différences
entre organes où existe un risque génétique et organes où
ce risque n’existe pas sont faibles
Conseils de dépistage aux apparentés
 Les répondants sont actifs dans le conseil au
dépistage à des membres de leur famille: 61.1% l’ont
déjà fait et 10.5% songent à le faire
 2 éléments principaux pour l’intervention: l’existence
d’un risque et l’existence d’un test de dépistage
connu ou perçu comme utile ou efficace (sein,
colorectal, col de l’utérus)
 Facteurs associés au conseil de dépistage:
●
●
●
●
●
Femme
Personne avec enfant
Pas agriculteur ou ouvrier
Perception d’un sur-risque pour les apparentés
Personne atteinte d’un cancer du sein ou colorectal
 Les personnes atteintes semblent donc avoir une
assez bonne connaissance des cancers pour
lesquels le dépistage est utile
Conclusions
 L’ objectivation statistique du vécu des personnes atteintes tend
à la fois à relativiser les discours critiques à l’égard de la prise
en charge (bonne satisfaction globale et dans les différents
domaines) mais aussi à les amplifier
 L’ insatisfaction, quand elle s’exprime, ne l’est pas seulement
par les plus éduqués et favorisés, mais aussi voire surtout, par
les personnes dans les situations socialement les plus
vulnérables
 Insuffisante prise en compte dans les pratiques médicales
de la variabilité des préférences et des besoins des
personnes atteintes
 Nécessité de dépasser les oppositions idéologiques de la
relation médecin/malade (« paternalisme » vs « autonomie »
du patient ou « décision partagée »)
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