Équations différentielles S. B RIDOUX 1 EDO Une équation différentielle ordinaire (EDO) linéaire d’ordre k à coefficients constants est du type k p(∂)u (x) := ∑ ai ∂ix u(x) = f (x) (1) i=0 ordinaire : on dérive par rapport à une seule variable, linéaire : l’opérateur p(∂) : u 7→ ∑ki=0 ai ∂ix u est linéaire, ordre k : ak 6= 0, coefficients constants : ∀i = 0, . . . , k, ai ∈ C. Résoudre (1), c’est trouver les fonctions u : R → C, k fois dérivables et qui satisfont (1) pour tout x ∈ R. L’équation obtenue en remplaçant f par 0 dans (1) est l’équation homogène associée à (1). La résolution d’une EDO linéaire se décompose en deux étapes : résoudre l’équation homogène (EH) p(∂)u = 0, trouver une solution particulière u p de (1). Alors, toute solution de (1) sera de la forme u(x) = u p (x)+u0 (x) où u0 est solution de l’EH. 2 Équation homogène : p(∂)u = 0 Considérons le polynôme caractéristique associé à l’EH : k k i=0 i=1 p(λ) = ∑ ai λi = ∏(λ − λi )mi 1 où λ1 , . . . , λk sont les racines distinctes de p et m1 , . . . , mk sont leurs multiplicités respectives. L’intérêt du polynôme caractéristique est que sa factorisation se répercute sur l’opérateur différentiel p(∂), càd k p(∂) = ∏(∂ − λi 1)mi i=1 où le produit doit être compris comme une composition. On peut donc écrire p(∂)u = 0 ⇐⇒ ∏ki=1 (∂ − λi 1)mi u = 0. Tout d’abord, on résoud (∂ − λi 1)mi u = 0. On obtient que u est solution ssi u(x) = pi (x)eλi x avec deg pi < mi . Ensuite, on prouve que u(x) = ∑ki=1 pi (x)eλi x est solution de l’EH (principe de superposition). Il reste à prouver qu’on a toutes les solutions. 2.1 Étude de l’ensemble E d,µ E d,µ := q(x)eµx : deg q 6 d = u : (∂ − µ1)d+1 u = 0 o n d = u = ∑ qi (xi eµx ) : qi ∈ C = ssev xi eµx : i = 0, . . . , d i=0 Comme (xi eµx )di=0 est une base de E d,µ , on a dim E d,µ = d + 1. 2.2 Étude de (∂ − λ1) : E d,µ → E d,µ , avec µ 6= λ 1. C’est une application linéaire. 2. C’est une bijection. Pour le montrer, on utilise les résultats suivants d’algèbre linéaire : (∂ − λ1) injectif ⇔ ker(∂ − λ1) = {0} ⇔ dim ker(∂ − λ1) = 0 (∂ − λ1) surjectif ⇔ Im(∂ − λ1) = E d,µ ⇔ dim Im(∂ − λ1) = dim E d,µ dim E d,µ = dim ker(∂ − λ1) + dim Im(∂ − λ1) 2 On a donc (∂ − λ1) surjectif ⇔ dim Im(∂ − λ1) = dim E d,µ ⇔ dim ker(∂ − λ1) = 0 ⇔ (∂ − λ1) injectif. Il suffit donc de prouver que (∂ − λ1) est injectif, càd (∂ − λ1)u = 0 ⇒ u = 0. 3. Conséquence : par composition, l’application (∂ − λ1)m : E d,µ → E d,µ , avec µ 6= λ est aussi une bijection. 2.3 ∑ki=1 pi eλi x sont toutes les solutions de l’EH E SQUISSE DE PREUVE . λi 1)mi . Par récurrence sur le nombre k de facteurs de ∏ki=1 (∂ − Pour k = 1, c’est OK. Il reste donc à prouver que si c’est vrai pour k facteurs, alors c’est vrai pour k + 1 k+1 mi λi x facteurs. Autrement dit, les solutions de ∏k+1 i=1 (∂ − λi 1) u = 0 sont ∑i=1 pi e . Nous pouvons écrire : k+1 k+1 i=1 i=2 ∏ (∂ − λi1)mi u = 0 ⇔ − λ1 1)m1 u = 0. ∏ (∂ − λi1)mi (∂ | {z } (2) =:v λi x Par hypothèse de récurrence : v(x) = ∑k+1 i=2 pi e . λi x Il reste donc à résoudre : (∂ − λ1 1)m1 u = ∑k+1 i=2 pi e . Nous avons déjà résolu l’EH. Toute solution est de la forme u(x) = p1 (x)eλ1 x . Par le principe de superposition, il suffit de trouver une solution particulière de l’équation (∂ − λ1 1)m1 u = pi eλi x . Remarquons que pi eλi x ∈ E mi −1,λi . D’autre part, nous savons que l’application (∂ − λ1 1)m1 : E mi −1,λi → E mi −1,λi est bijective si λi 6= λ1 , ce qui est bien le cas. Cette application est donc en particulier surjective. Ainsi, il existe un élément ui dans E mi −1,λi tel que (∂ − λ1 1)m1 ui = pi eλi x , càd ui = qi eλi x avec deg qi 6 mi − 1. Les solutions de (2) sont donc de la forme : k+1 u(x) = p1 (x)eλ1 x + ∑ qi (x)eλi x i=2 où deg p1 < m1 , et ∀i = 1, . . . , k + 1, deg pi < mi , càd k+1 u(x) = ∑ qi(x)eλix i=1 3 où ∀i = 1, . . . , k + 1, deg qi < mi et où on a posé q1 = p1 . En conclusion, toutes les solutions complexes de l’EH p(∂)u = 0 sont de la forme u(x) = ∑ki=1 pi (x)eλi x où λ1 , . . . , λk sont les racines distinctes de p de multiplicités respectives m1 , . . . , mk et ∀i = 1, . . . , k, deg pi < mi . 3 Solution particulière de p(∂)u = f (x) On suppose que f (x) = q(x)eµx , càd f (x) ∈ E d,µ avec d = deg q. 3.1 µ n’est pas racine du polynôme caractéristique On veut donc résoudre k ∏(∂ − λi1)mi u = q(x)eµx i=1 où ∀i = 1, . . . , k, µ 6= λi . P ROPRIÉTÉ : Il existe une solution particulière de la forme r(x)eµx où deg r 6 deg q. I DÉE : On sait que (∂ − λi 1)mi : E d,µ → E d,µ est une bijection si µ 6= λi pour tout i. Par composition, ∏ki=1 (∂ − λi 1)mi : E d,µ → E d,µ est aussi une bijection. Puisque q(x)eµx ∈ E d,µ , il existe donc un unique élément r(x)eµx dans E d,µ tel que ∏ki=1 (∂ − λi 1)mi r(x)eµx = q(x)eµx . C ONCLUSION : Les solutions de p(∂)u = q(x)eµx où µ n’est pas racine de p sont k ∑ pi(x)eλix + r(x)eµx i=1 où λ1 , . . . , λk sont les racines distinctes de p de multiplicités m1 , . . . , mk , deg pi < mi , et deg r 6 deg q. Remarquons que, par le principe de superposition, les solutions de p(∂)u = ∑lj=1 q j eµ j x , où µ j 6= λi pour tout i, sont de la forme ∑ki=1 pi eλi x + ∑li=1 r j eµ j x où r j eµ j x est une solution particulière de p(∂)u = q j eµ j x . 4 3.2 µ est racine du polynôme caractéristique Comme précédemment, on considère l’application (∂−λ1)m : E d,µ → E d,µ . L’idée est d’essayer une solution particulière de la forme r(x)eλx . Le problème vient du fait que (∂ − λ1)m r(x)eλx = ∂m r(x) eλx et deg(∂m r) 6 d − m. On n’est donc sûr de ne pas avoir Im(∂ − λ1)m = E d,µ . On essaie alors une solution de la forme xm r(x)eλx où deg r 6 d − m. La question qui se pose alors est : l’application (∂ − λ1)m : xm r(x)eλx → q(x)eλx est-elle une bijection ? On définit E m,d,λ = {xm r(x)eλx : deg r 6 d}. Une base de E m,d,λ est xm eλx , xm xeλx , . . . , xm xd eλx . Donc, dim E m,d,λ = d + 1. D’autre part, E 0,d,λ = E d,λ . On montre alors que l’application (∂ − λ1) : E m,d,λ → E m−1,d,λ est une bijection. P ROPRIÉTÉ : il existe une solution particulière de l’équation (∂−λ1)m u = q(x)eλx de la forme xm r(x)eλx où deg r 6 deg q = d. I DÉE DE PREUVE : ∂ − λ1 ∂ − λ1 ∂ − λ1 ∂ − λ1 −−−−→ · · · −−−−→ E 1,d,λ −−−−→ E d,λ E m,d,λ −−−−→ E m−1,d,λ xm rm eλx 7→ xm−1 rm−1 eλx 7→ · · · 7→ xr1 eλx 7→ qeλx Ainsi, l’application (∂ − λ1)m : E m,d,λ → E d,λ est une bijection. La surjectivité implique que pour tout q(x)eλx dans E d,λ , il existe un élément u = xm r(x)eλx dans E m,d,λ tel que (∂ − λ1)m u = q(x)eλx . P ROPRIÉTÉ : Une solution particulière de l’EDO p(∂)u = q(x)eµx existe et est de la forme xm r(x)eµx où deg r 6 deg q et m est la multiplicité de µ comme racine de p. I DÉE DE PREUVE : µ n’est pas racine de p : OK. Soit µ = λ1 où λ1 , . . . , λk sont les racines de p de multiplicités respectives m1 , . . . , mk . On peut écrire : p(∂)u = ∏ki=2 (∂ − λi 1)mi (∂ − λ1 1)m1 u. (∂ − λ1 1)m1 (∂ − λ2 1)m2 (∂ − λ3 1)m3 (∂ − λk 1)mk E m1 ,d,λ1 −−−−−−−−→ E d,λ1 −−−−−−−−→ E d,λ1 −−−−−−−−→ · · · −−−−−−−−→ E d,λ1 λ2 6=λ1 λ3 6=λ1 où toutes les applications sont des bijections. 5 λk 6=λ1