La polychondrite atrophiante

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La polychondrite atrophiante
Dr A Mounach
Centre de Rhumatologie et Rééducation Fonctionnelle
Hôpital Militaire Mohammed V
Rabat
Introduction
 Affection rare
 Épisodes récidivants d’inflammation parfois
suivis de dégénérescence et de déformation
du cartilage
 parfois suivie d’une atrophie définitive
 Atteinte essentiellement du pavillon de
l’oreille, le nez, le larynx et l’arbre
trachéobronchique
Introduction
 De nombreuses manifestations systémiques
sont souvent présentes, parfois liées à une
affection associée
Terrain
 Apparaît à tout age
 60% cas, elle commence <<30 et 60 ans
 Des cas isolés de PA à l’age de 2 ans et de 90 ans ont
été rapportés
 Sexe ratio F/H: 1,2
 La plupart des patients sont caucasiens
Physiopathologie
 La pathogénie de la polychondrite est mal connue.
 Divers arguments indirects suggèrent l’intervention d’un
mécanisme immunologique:
-susceptibilité accrue chez les sujets porteurs du HLA-DR4,
- fréquente association à maladies dysimmunitaires (angéite, LEAD,
Gougerot-Sjögren, PR, dysthyroïdies, diabète, CBP, SPA, RCH…),
-mee de dépôts d’Ig et de complément au sein des lésions chondritiques,
-présence d’Ac anticartilage contre les collagènes II, IX et XI,
-élévation de certaines cytokines (MCP-1, MIP-1, IL-8) qui stimulent la
lignée monocyte-macrophage,
- réponse lymphocytaire T spécifique de peptides du collagène II
-et enfin, efficacité fréquente des corticoïdes.
Physiopathologie
 La réactivité humorale anti-collagène de type II,
présent dans le cartilage articulaire, serait moins
spécifique que la réponse anticorps anti-collagènes IX
et XI, abondants dans le cartilage du pavillon de
l’oreille.
 Il est intéressant de noter que chez l’homme, le
simple «piercing » pourrait entraîner une véritable
polychondrite.
Physiopathologie
 Une chondrite isolée des voies respiratoires a aussi été obtenue
chez le rat après immunisation contre la matriline-1
 c’est une protéine non collagène de la matrice cartilagineuse ,
spécifiquement retrouvée dans le cartilage auriculaire, nasal,
trachéal et costal mais absente du cartilage articulaire adulte.
 un modèle a été élaboré, basé sur une souris transgénique pour
une molécule HLA de classe II qui, après immunisation par le
collagène II, développe une polyarthrite et une chondrite,
associée à une très forte réponse anti-collagène non seulement
II mais également IX et XI.
Symptômes cliniques
 La symptomatologie initiale est très variable
 Le début est marqué par une atteinte
articulaire, chondritique, oculaire ou
dermatologique
Chondrites
Chondrite de l’oreille externe
Rencontrée 9 fois sur 10 au cours de l’évolution
Tuméfaction rouge parfois violacée, chaude, svt très douloureuse,
atteint tout le pavillon de l’oreille et respectant le lobule non
cartilagineux
Atteinte parfois du tragus et CAE
Épisode aigu de qq jours ou semaines, régresse spontanément puis
récidive tôt ou tard
Chondrites
Chondrite de l’oreille externe
 Après 1 ou plusieurs poussées:
 le cartilage s’atrophie
Le pavillon devient définitivement lisse et
anormalement mou ou fripé
Peut devenir flasque et suivre les secousses de la
marche(oreilles de cocker)
On peut observer des calcifications non spécifiques
Le CAE cartilagineux peut se réduire à une simple
fente verticale
Chondrites
Chondrite nasale
 Parfois inaugurale, plus fréquente au cours de
l’évolution
 Phase aigue: discrète tuméfaction sensible de la
racine du nez
 Parfois associée d’obstruction, de rhinorrhée ou
d’épistaxis
 Dc différentiel avec Wegener si ulcérations
muqueuses ou lésions croûteuses étendues
Chondrites
 Chondrite nasale
 Après plusieurs épisodes:
Effondrement de la cloison nasale
Aspect du nez: en selle ou en pied de marmite
complétant ainsi le faciès de boxeur
Cette déformation est définitive
Chondrites
Chondrites laryngée et trachéo-bronchique
 Fréquente: 50% des cas, et grave: Pc vital
1-Chondrite laryngée
 La chondrite laryngée: dysphonie et raucité de la voix voire
aphonie
 Le cartilage thyroïde est sensible à la pression
 Laryngoscopie:
 effacement des reliefs arythénoidiens,
 aspect inflammatoire de l’épiglotte et cordes vocales
 Hypomobilité laryngée voire paralysie bilatérales des cordes
vocales
Chondrites
1- Chondrite laryngée
La répétition des chondrites laryngées

sténose définitive responsable d’une
insuffisance respiratoire obstructive,

trachéotomie transitoire ou définitive
Chondrites
2- Chondrite trachéo-bronchique
-L’atteinte du cartilage trachéo-bronchique est la plus
redoutable: responsable1/3 des décés
-Favorise les infections en diminuant l’efficacité de la
toux et du mouvement muco-ciliaire
-Risque de
- trachéomalacie
- collapsus expiratoire des voies aériennes
- sténose trachéale ou bronchique définitive
- insuffisance respiratoire obstructive
Chondrites
2-Chondrite trachéo-bronchique
TDM: étude du calibre et la forme des voies aériennes, leur paroi;
révèle parfois une atteinte asymptomatique
L’IRM permet de différencier entre fibrose et inflammation et
œdème
L’EFR avec courbes: débit-volume permet de révéler des lésions
distales asymptomatiques
L’endoscopie bronchique: présence d’inflammation, de sténose,
collapsus respiratoire MAIS elle est classiquement CI
- mal tolérée
- peut entraîner une détresse respiratoire fatale
Chondrites
Chondrites costales
 Moins fréquentes et exceptionnellement révélatrices
 Douleurs et parfois tuméfactions des jonctions
chondrocostales
 Formes sévères:
 déformation thoracique :pectus excavatum chez l’enfant
 Mobilité chondrosternale en touche de piano
 Ébauche voire véritable volet costal
Manifestations rhumatologiques
 Très fréquente au cours de l’évolution
 Inaugurale dans >1cas sur 4
 Peut rester isolée pendant plusieurs mois ou années:
difficultés Dc
 Souvent: polyarthrite ou oligoarthrite
 aigue ou subaigue intermittente
 Svt asymétrique
 Non nodulaire
 Petites et grandes articulations
Manifestations rhumatologiques
 Les accès, parfois très inflammatoires, persistent qq
jours ou semaines avant de régresser sans séquelles
 Les récidives articulaires surviennent svt
indépendamment des récidives chondritiques
 Plus rarement: arthralgies, monoarthrite
éventuellement migratrice, polyarthrite chronique
simulant une PR
 Sont préférentiellement touchées: le carpe, MCP,
IPP, coudes, genoux, chevilles et articulations
parasternales
Manifestations rhumatologiques
 Moins frqt: temporo-maxillaires, IPD, hanches, orteils et
calcanéum
 Ponction articulaire: liquide généralement inflammatoire, mais
parfois paucicellulaire
 En règle, l’atteinte articulaire n’est ni érosive ni déformante, et
les Rx sont normales
 De rares cas rapportés de:
 Déminéralisation périarticulaire
 Arthropathie destructrice avec pincement de l’interligne, érosion
sous chondrale et même géodes et lyses osseuses
Manifestations rhumatologiques
 Des cas isolés ont été décrits:
 dislocation articulaire
Apposition périostée sur les phalanges des orteils
Anomalies des points d’ossification épiphysaires
chez l’enfant
Une atteinte axiale peut s’observer:
- cervicalgies et ou lombalgie inflammatoires
parfois enraidissante
- Rx normales le plus souvent
Manifestations rhumatologiques
 Les manifestations para-articulaires ne sont pas
rares:
Tendinites de siège divers, notamment achiléennes
pouvant se compliquer de rupture
Ténosynovites des poignets et des doigts
Entésopathie de la tubérosité tibiale antérieure
Sd du canal carpien
Myalgie est possible lors des poussées
Localisations oculaires
 Peuvent précéder de plusieurs années les chondrites
 Très fréquentes au cours de l’évolution
 Toutes les tuniques ou annexes de l’œil peuvent être touchées
 Majorité des cas: épisclérite antérieure  scléromalacie
 La conjonctivite est aussi fréquente
 Kératite est plus rare
Atteinte audiovestibulaire
 1/3 cas: baisse de l’acuité auditive
 Souvent surdité de perception
 d’origine cochléaire,
 apparaît généralement en qq heures
 Définitive
 Peu accessible à un éventuel appareillage
 24% cas: syndrome vestibulaire
 Épisodes aigus régressifs mais récidivants
 vertiges invalidants
 Instabilité
 Nausées-vomissements
Atteinte cardiovasculaire
 29% cas
 Aspects divers, dominés par:
 valvulopathies (principalement insuffisance aortique par
dilatation de l’anneau plus que par lésion des valvules),
 troubles du rythme et de la conduction,
 anévrysmes qui siègent préférentiellement sur l’aorte
thoracique initiale (6% des cas),
 sténoses des gros troncs artériels.
 Une aortite thoraco-abdominale sans valvulopathie, une
péricardite, une myocardiopathie ischémique ou inflammatoire
sont plus rares.
Atteintes cutanéo-muqueuses
 35-50% cas
 Souvent nodules sur les membres, parfois,aspect érythème
noueux
 Lésions proches de celles de la maladie de Behcet: aphtose,
phlébite superficielle, pseudofolliculite
 Autres aspects plus rares:




Hyperpigmentation
Abcés sous-cutanés récidivants
Érythème polymorphe
Livédo, purpura…
manifestations rénales
 Rares,
 le plus souvent à type de glomérulonéphrite
nécrosante pauci-immune avec prolifération
épithéliale,
 s’observent généralement dans les PCA intriquées à
une angéite systémique.
atteintes neurologiques
 Rares,
 centrales ou périphériques : hémiplégie, syndrome
cérebelleux, méningo-encéphalite aseptique, myélite,
diplégie faciale…
Autres symptômes
 En l’absence de pathologies associées, les autres manifestations
viscérales de PCA sont rares
 L’atteinte pulmonaire est en rapport avec surinfection favorisée par
corticothérapie
 D’autres lésions ont été décrites: infiltrats, hémorragie intra-alvéolaire
(Dc différentiel Wegener), pneumothorax, pleurésie..
 Les tests hépatiques sont parfois perturbés
 Associations à la maladie crohn, RCH
 Adénopathies superficielles, médiastinales
 AEG accompagnant les poussées
Manifestations biologiques
 Un grand syndrome inflammatoire accompagne habituellement
les poussées: élévation majeure de la CRP, hyperfibrinémie,
anémie inflammatoire et hyperleucocytose à polynucléaires
neutrophiles.
 Une VS normale ne doit pas faire récuser le diagnostic.
 Le complément est normal ou élevé.
 La recherche de facteurs antinucléaires est rarement positive à
un titre significatif en l’absence de lupus associé.
 A l’inverse, la présence de facteurs rhumatoïdes (15% des cas)
ne témoigne que rarement de l’intrication avec une polyarthrite
rhumatoïde.
Manifestations biologiques
 L’intérêt diagnostique de la sérologie auto-immune est limité
 la recherche d’anticorps anticollagène de type II étant très peu
spécifique et celle d’anticorps anticartilage par
immunofluorescence indirecte peu sensible.
 La présence d’ANCA (Anti-Neutrophil Cytoplasmic Antibodies)
donnant surtout une fluorescence périnucléaire est parfois
rencontrée.
 Plus récemment, une réponse anticorps anti-matrilline a été
observée chez certains patients, de spécificité et de sensibilité
encore inconnues.
Manifestations biologiques
 Certaines PCA, en particulier chez le sujet âgé de
sexe masculin, se compliquent d’une dysmyélopoïèse
acquise au pronostic péjoratif.
 La fréquence des syndromes myéloprolifératifs
semble également accrue.
Anatomie pathologie
 Altérations histologiques sont très caractéristiques sans être
pathognomoniques:
 Poussées aigues: le cartilage est infiltré par des cellules
lymphoplasmocytaires et macrophagiques+néovaisseaux
 Si l’inflammation persiste, apparaît une dédifférencition des
chondrocytes
 Puis lyse des chondrocytes et du cartilage, remplacé par un tissu
de granulation évoluant vers une fibrose dystrophique
Anatomie pathologie
 L’immunofluorescence peut révéler des dépots de C3
et d’Ig
 Immunomarquage: les cellules de l’infiltrat
inflammatoire sont des lymphocytes T-CD4, et
macrophages activés exprimant HLA-DR
Évolution
 L’activité et l’évolutivité de la polychondrite peuvent être appréciées
par la clinique, les tests biologiques usuels (CRP, hémogramme) et une
évaluation morphologique (IRM, TDM haute résolution, échodoppler
cardiaque…) ou fonctionnelle (EFR) séquentielle.
 L’évolution se fait par poussées successives dont la fréquence et la
sévérité sont extrêmement variables.

la grossesse ne pose pas de problème, qu’il s’agisse de l’évolutivité de la
polychondrite chez la mère ou de pathologie foetale.

Les formes mineures de polychondrite sont rares, et la majorité des
patients sont porteurs d’une affection chronique, douloureuse,
entraînant divers handicaps auxquels viennent s’ajouter les effets
secondaires de thérapeutiques lourdes.
Évolution
 Des rémissions parfois très prolongées peuvent
survenir spontanément ou sous l’influence du
traitement.
 Bien que le pronostic s’améliore, il demeure sévère, le
taux de survie à 5 ans ne dépassant pas 75%.
 La mort résulte le plus souvent d’une atteinte
spécifique (respiratoire ou vasculaire), d’une
dysmyélopoÏèse associée ou d’une infection, surtout
pulmonaire favorisée par le traitement.
Diagnostic
Diagnostic positif
 Le diagnostic de la PCA, souvent porté avec retard,
est principalement clinique, l’histologie n’ayant qu’un
rôle d’appoint dans les formes débutantes, atypiques
ou frustres.
 Michet a établi des critères de diagnostic et qui sont
les plus utilisés
Diagnostic
Critères de Michet pour le diagnostic de polychondrite
atrophiante*
* 2 critères majeurs, ou 1 critère majeur + 2 critères mineurs







Critères majeurs
chondrite auriculaire
chondrite nasale
chondrite laryngo-trachéale
Critères mineurs
inflammation oculaire (conjonctivite, kératite, épisclérite,
uvéite)
hypoacousie
syndrome vestibulaire
polyarthrite séronégative
Diagnostic différentiel des chondrites















Chondrite auriculaire
périchondrite infectieuse: otite chronique externe
mastoïdite, surtout à pyocyanique
mycobactériose (lèpre)
chondrodermatite chronique nodulaire de l’hélix
hématodermie (LLC)
Calcifications du pavillon de l’oreille
maladie d’Addison
ochronose
acromégalie
hyperparathyroïdie
hypersensibilité familiale au froid
Chondrite nasale
périchondrite infectieuse
syndrome de Silverman, traumatismes
granulomatose de Wegener
Syphilis congénitale
Traitement
 mal codifié en raison de la rareté de la maladie,
repose sur la corticothérapie.
 Dans les formes sévères (chondrite laryngée et/ou
trachéobronchique, angéite systémique), il obéit aux
mêmes règles que celui des connectivites graves:
 la corticothérapie est rapidement entreprise sous
la forme de bolus de méthylprednisolone, puis
relayée par la prednisone dont la posologie initiale
(1 mg/kg/jour) est progressivement réduite après
4 semaines.
Traitement
Les limites de cette corticothérapie (échec, forte
corticodépendance, mauvaise tolérance) ou
l’existence d’une atteinte artérielle patente
justifient le recours aux généralement azathioprine
ou cyclophosphamide,
 indications des immunosuppresseurs, doivent
cependant rester limitées en raison du risque
spontané d’hémopathie myéloïde.
Le méthotrexate, à une dose hebdomadaire située
entre 15 et 20 milligrammes, peut également être
utilisé.
Traitement
 Le nombre de patients traités par
-ciclosporine,
-D-pénicillamine,
-échanges plasmatiques,
perfusions d’immunoglobulines
-anticorps monoclonaux antiCD4,
-médicaments anti-TNF
(infliximab plus qu’etanercept)
-autogreffe de cellules souches
hépatopoïétiques
est trop faible pour évaluer l’intérêt de ces trt.
Traitement
 La dapsone (Disulone*), est peu efficace.
 Elle est parfois employée en complément de la
corticothérapie, à des posologies croissant
progressivement jusqu’à 100 ou 200 mg/j, associée à
une supplémentation en acide folique.
 Ses fréquents effets secondaires hématologiques
(methémo-globinémie et anémie hémolytique dosesdépendantes) nécessitent une surveillance régulière.
Traitement
 Le traitement de première intention des formes
mineures fait appel aux:
 anti-inflammatoires non stéroïdiens,
 à la dapsone,
 parfois à la colchicine;
leur efficacité étant limitée, il est souvent
nécessaire de leur associer une faible
corticothérapie, que l’on tentera par la suite de
réduire et si possible d’arrêter.
Traitement
 Certaines atteintes justifient un geste local,
souvent chirurgical:
 trachéotomie définitive,
reconstruction laryngotrachéale
 stents bronchiques métalliques auto-expansifs,
remplacement valvulaire,
chirurgie artérielle,
 voire plastie nasale dont les résultats sont bons si
l’affection est durablement stabilisée.
Traitement
Les risques liés à l’anesthésie ne doivent pas
être sous-estimés en présence de lésions de
l’arbre respiratoire.
 l’existence d’une ectasie de l’aorte
ascendante peut faire proposer un
traitement bêtabloqueur pour ralentir
sa progression
Conclusion
Affection rare
Diagnostic clinique
Pronostic redoutable
Traitement non encore codifié
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