UNIVERSITÉ DE LORRAINE 2016 FACULTÉ DE MÉDECINE DE NANCY THÈSE pour obtenir le grade de DOCTEUR EN MÉDECINE Présentée et soutenue publiquement Dans le cadre du troisième cycle de Médecine Générale ou Médecine Spécialisée par Léa SCHLECK le 8 novembre 2016 Le vécu des étudiants en médecine confrontés à la souffrance des patients : Étude qualitative auprès des étudiants hospitaliers de l'Université de Lorraine Membres du jury Présidente : Mme Professeur Marie-Reine LOSSER Juges : M. Professeur Stéphane ZUILY Mme Docteur Élisabeth STEYER Mme Docteur Valérie LANGEVIN M. Docteur Thierry LIEVIN 1 Pré si de nt de l’ Uni ve rs i té de Lorra i ne : P rofes s e ur P ie rre MUTZE NHAR DT Doye n de la Fa c ul té de Mé de c i ne Profe s se ur Ma rc BRA UN Vice-doyens Pr Karine ANGIOI-DUPREZ, Vice-Doyen Pr Marc DEBOUVERIE, Vice-Doyen Assesseurs : Premier cycle : Deuxième cycle : Troisième cycle : Dr Guillaume GAUCHOTTE Pr Marie-Reine LOSSER Pr Marc DEBOUVERIE Innovations pédagogiques : Pr Bruno CHENUEL Formation à la recherche : Dr Nelly AGRINIER Animation de la recherche clinique : Pr François ALLA Affaires juridiques et Relations extérieures : Dr Frédérique CLAUDOT Vie Facultaire et SIDES : Pr Laure JOLY Relations Grande Région : Pr Thomas FUCHS-BUDER Etudiant : M. Lucas SALVATI Chargés de mission Bureau de docimologie : Dr Guillaume VOGIN Commission de prospective facultaire : Pr Pierre-Edouard BOLLAERT Orthophonie : Pr Cécile PARIETTI-WINKLER PACES : Dr Chantal KOHLER Plan Campus : Pr Bruno LEHEUP International : Pr Jacques HUBERT ========== DOY E NS HO NO RAI RE S Professeur Jean-Bernard DUREUX - Professeur Jacques ROLAND - Professeur Patrick NETTER Professeur Henry COUDANE ========== P RO FE S SE URS HO NO RAI RE S Etienne ALIOT - Jean-Marie ANDRE - Alain AUBREGE - Jean AUQUE - Gérard BARROCHE Alain BERTRAND - Pierre BEY Marc-André BIGARD - Patrick BOISSEL – Pierre BORDIGONI - Jacques BORRELLY - Michel BOULANGE Jean-Louis BOUTROY – Serge BRIANÇON - Jean-Claude BURDIN - Claude BURLET - Daniel BURNEL Claude CHARDOT - Jean-François CHASSAGNE - François CHERRIER Jean-Pierre CRANCE - Gérard DEBRY Emile de LAVERGNE - Jean-Pierre DESCHAMPS - Jean DUHEILLE - Jean-Bernard DUREUX - Gilbert FAURE Gérard FIEVE Jean FLOQUET - Robert FRISCH - Alain GAUCHER - Pierre GAUCHER - Alain GERARD - Hubert GERARD Jean-Marie GILGENKRANTZ - Simone GILGENKRANTZ - Gilles GROSDIDIER - Oliéro GUERCI - Philippe HARTEMANN Gérard HUBERT - Claude HURIET Christian JANOT - Michèle KESSLER - François KOHLER Jacques LACOSTE Henri LAMBERT - Pierre LANDES - Marie-Claire LAXENAIRE - Michel LAXENAIRE - Alain LE FAOU - Jacques LECLERE Pierre LEDERLIN - Bernard LEGRAS - Jean-Pierre MALLIÉ - Philippe MANGIN – Jean-Claude MARCHAL Pierre MATHIEU 2 Michel MERLE - Pierre MONIN Pierre NABET - Jean-Pierre NICOLAS - Pierre PAYSANT - Francis PENIN Gilbert PERCEBOIS Claude PERRIN - Luc PICARD - François PLENAT - Jean-Marie POLU - Jacques POUREL Jean PREVOT - Francis RAPHAEL Antoine RASPILLER – Denis REGENT - Michel RENARD - Jacques ROLAND - Daniel SCHMITT - Michel SCHMITT Michel SCHWEITZER - Daniel SIBERTIN-BLANC - Claude SIMON - Danièle SOMMELET - Jean-François STOLTZ - Michel STRICKER - Gilbert THIBAUT - Gérard VAILLANT - Paul VERT – Hervé VESPIGNANI - Colette VIDAILHET Michel VIDAILHET - Jean-Pierre VILLEMOT - Michel WEBER ========== A. P RO FE S SE URS É MÉ RI TES Professeur Etienne ALIOT - Professeur Gérard BARROCHE - Professeur Pierre BEY - Professeur Jean-Pierre CRANCE - Professeur Alain GERARD - Professeure Michèle KESSLER – Professeur François KOHLER Professeur Jacques LECLÈRE - Professeur Alain LE FAOU - Professeur Jean-Marie GILGENKRANTZ Professeure Simone GILGENKRANTZ – Professeur Gilles GROSDIDIER - Professeur Philippe HARTEMANN Professeur Alain LE FAOU - Professeur Pierre MONIN - Professeur Jean-Pierre NICOLAS - Professeur François PLENAT Professeur Daniel SIBERTIN-BLANC - Professeur Jean-François STOLTZ - Professeur Paul VERT Professeur Michel VIDAILHET ========== P RO FE S SE URS DE S UNI V E RS I TÉ S - P RATI CI E NS HOS P I TALI E RS (Disciplines du Conseil National des Universités) 42ème Section : MORPHOLOGIE ET MORPHOGENÈSE 1ère sous-section : (Anatomie) Professeur Marc BRAUN – Professeure Manuela PEREZ 2ème sous-section : (Histologie, embryologie et cytogénétique) Professeur Christo CHRISTOV– Professeur Bernard FOLIGUET 3ème sous-section : (Anatomie et cytologie pathologiques) Professeur Jean-Michel VIGNAUD – Professeur Guillaume GAUCHOTTE 43ème Section : BIOPHYSIQUE ET IMAGERIE MÉDICALE 1ère sous-section : (Biophysique et médecine nucléaire) Professeur Gilles KARCHER – Professeur Pierre-Yves MARIE – Professeur Pierre OLIVIER 2ème sous-section : (Radiologie et imagerie médicale) Professeur René ANXIONNAT - Professeur Alain BLUM - Professeur Serge BRACARD - Professeur Michel CLAUDON Professeure Valérie CROISÉ-LAURENT - Professeur Jacques FELBLINGER 44ème Section : BIOCHIMIE, BIOLOGIE CELLULAIRE ET MOLÉCULAIRE, PHYSIOLOGIE ET NUTRITION 1ère sous-section : (Biochimie et biologie moléculaire) Professeur Jean-Louis GUEANT - Professeur Bernard NAMOUR - Professeur Jean-Luc OLIVIER 2ème sous-section : (Physiologie) Professeur Christian BEYAERT - Professeur Bruno CHENUEL - Professeur François MARCHAL 4ème sous-section : (Nutrition) Professeur Didier QUILLIOT - Professeure Rosa-Maria RODRIGUEZ-GUEANT - Professeur Olivier ZIEGLER 45ème Section : MICROBIOLOGIE, MALADIES TRANSMISSIBLES ET HYGIÈNE 1ère sous-section : (Bactériologie – virologie ; hygiène hospitalière) Professeur Alain LOZNIEWSKI – Professeure Evelyne SCHVOERER 2ème sous-section : (Parasitologie et Mycologie) Professeure Marie MACHOUART 3 3ème sous-section : (Maladies infectieuses ; maladies tropicales) Professeur Thierry MAY - Professeure Céline PULCINI - Professeur Christian RABAUD 46ème Section : SANTÉ PUBLIQUE, ENVIRONNEMENT ET SOCIÉTÉ 1ère sous-section : (Épidémiologie, économie de la santé et prévention) Professeur François ALLA - Professeur Francis GUILLEMIN - Professeur Denis ZMIROU-NAVIER 3ème sous-section : (Médecine légale et droit de la santé)Professeur Henry COUDANE 4ème sous-section : (Biostatistiques, informatique médicale et technologies de communication) Professeure Eliane ALBUISSON - Professeur Nicolas JAY 47ème Section : CANCÉROLOGIE, GÉNÉTIQUE, HÉMATOLOGIE, IMMUNOLOGIE 1ère sous-section : (Hématologie ; transfusion) Professeur Pierre FEUGIER 2ème sous-section : (Cancérologie ; radiothérapie) Professeur Thierry CONROY - Professeur François GUILLEMIN - Professeur Didier PEIFFERT - Professeur Frédéric MARCHAL 3ème sous-section : (Immunologie) Professeur Marcelo DE CARVALHO-BITTENCOURT – Professeure Marie-Thérèse RUBIO 4ème sous-section : (Génétique) Professeur Philippe JONVEAUX - Professeur Bruno LEHEUP 48ème Section : ANESTHÉSIOLOGIE, RÉANIMATION, MÉDECINE D’URGENCE, PHARMACOLOGIE ET THÉRAPEUTIQUE 1ère sous-section : (Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence) Professeur Gérard AUDIBERT - Professeur Hervé BOUAZIZ - Professeur Thomas FUCHS-BUDER Professeure Marie-Reine LOSSER - Professeur Claude MEISTELMAN 2ème sous-section : (Réanimation ; médecine d’urgence) Professeur Pierre-Édouard BOLLAERT - Professeur Sébastien GIBOT - Professeur Bruno LÉVY 3ème sous-section : (Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie clinique ; addictologie) Professeur Pierre GILLET - Professeur Jean-Yves JOUZEAU - Professeur Patrick NETTER 4ème sous-section : (Thérapeutique ; médecine d’urgence ; addictologie) Professeur François PAILLE - Professeur Patrick ROSSIGNOL - Professeur Faiez ZANNAD 49ème Section : PATHOLOGIE NERVEUSE ET MUSCULAIRE, PATHOLOGIE MENTALE, HANDICAP ET RÉÉDUCATION 1ère sous-section : (Neurologie) Professeur Marc DEBOUVERIE - Professeur Louis MAILLARD - Professeur Luc TAILLANDIER - Professeure Louise TYVAERT 2ème sous-section : (Neurochirurgie) Professeur Jean AUQUE - Professeur Thierry CIVIT - Professeure Sophie COLNAT-COULBOIS - Professeur Olivier KLEIN 3ème sous-section : (Psychiatrie d'adultes ; addictologie) Professeur Jean-Pierre KAHN - Professeur Raymund SCHWAN 4ème sous-section : (Pédopsychiatrie ; addictologie) Professeur Bernard KABUTH 5ème sous-section : (Médecine physique et de réadaptation) Professeur Jean PAYSANT 50ème Section : PATHOLOGIE OSTÉO-ARTICULAIRE, DERMATOLOGIE ET CHIRURGIE PLASTIQUE 1ère sous-section : (Rhumatologie) Professeure Isabelle CHARY-VALCKENAERE - Professeur Damien LOEUILLE 2ème sous-section : (Chirurgie orthopédique et traumatologique) Professeur Laurent GALOIS - Professeur Didier MAINARD - Professeur Daniel MOLE - Professeur François SIRVEAUX 3ème sous-section : (Dermato-vénéréologie) Professeur Jean-Luc SCHMUTZ 4ème sous-section : (Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique ; brûlologie) Professeur François DAP - Professeur Gilles DAUTEL - Professeur Etienne SIMON 51ème Section : PATHOLOGIE CARDIO-RESPIRATOIRE ET VASCULAIRE 1ère sous-section : (Pneumologie ; addictologie) Professeur Jean-François CHABOT - Professeur Ari CHAOUAT - Professeur Yves MARTINET 2ème sous-section : (Cardiologie) Professeur Edoardo CAMENZIND - Professeur Christian de CHILLOU DE CHURET - Professeur Yves 4 JUILLIERE Professeur Nicolas SADOUL 5 3ème sous-section : (Chirurgie thoracique et cardiovasculaire) Professeur Thierry FOLLIGUET - Professeur Juan-Pablo MAUREIRA 4ème sous-section : (Chirurgie vasculaire ; médecine vasculaire) Professeur Sergueï MALIKOV - Professeur Denis WAHL – Professeur Stéphane ZUILY 52ème Section : MALADIES DES APPAREILS DIGESTIF ET URINAIRE 1ère sous-section : (Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie) Professeur Jean-Pierre BRONOWICKI - Professeur Laurent PEYRIN-BIROULET 3ème sous-section : (Néphrologie) Professeur Luc FRIMAT - Professeure Dominique HESTIN 4ème sous-section : (Urologie) Professeur Pascal ESCHWEGE - Professeur Jacques HUBERT 53ème Section : MÉDECINE INTERNE, GÉRIATRIE, CHIRURGIE GÉNÉRALE ET MÉDECINE GÉNÉRALE 1ère sous-section : (Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement ; addictologie) Professeur Athanase BENETOS - Professeur Jean-Dominique DE KORWIN - Professeure Gisèle KANNY Professeure Christine PERRET-GUILLAUME – Professeur Roland JAUSSAUD – Professeure Laure JOLY 2ème sous-section : (Chirurgie générale) Professeur Ahmet AYAV - Professeur Laurent BRESLER - Professeur Laurent BRUNAUD 3ème sous-section : (Médecine générale) Professeur Jean-Marc BOIVIN – Professeur Paolo DI PATRIZIO 54ème Section : DÉVELOPPEMENT ET PATHOLOGIE DE L'ENFANT, GYNÉCOLOGIEOBSTÉTRIQUE, ENDOCRINOLOGIE ET REPRODUCTION 1ère sous-section : (Pédiatrie) Professeur Pascal CHASTAGNER - Professeur François FEILLET - Professeur Jean-Michel HASCOET Professeur Emmanuel RAFFO - Professeur Cyril SCHWEITZER 2ème sous-section : (Chirurgie infantile) Professeur Pierre JOURNEAU - Professeur Jean-Louis LEMELLE 3ème sous-section : (Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale) Professeur Philippe JUDLIN - Professeur Olivier MOREL 4ème sous-section : (Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ; gynécologie médicale) Professeur Bruno GUERCI - Professeur Marc KLEIN - Professeur Georges WERYHA 55ème Section : PATHOLOGIE DE LA TÊTE ET DU COU 1ère sous-section : (Oto-rhino-laryngologie) Professeur Roger JANKOWSKI - Professeure Cécile PARIETTI-WINKLER 2ème sous-section : (Ophtalmologie) Professeure Karine ANGIOI - Professeur Jean-Paul BERROD - Professeur Jean-Luc GEORGE 3ème sous-section : (Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie) Professeure Muriel BRIX ========== B. P RO FE S SE URS DE S UNI V E RS I TÉ S 61ème Section : GÉNIE INFORMATIQUE, AUTOMATIQUE ET TRAITEMENT DU SIGNAL Professeur Walter BLONDEL 64ème Section : BIOCHIMIE ET BIOLOGIE MOLÉCULAIRE Professeure Sandrine BOSCHI-MULLER ========== P RO FE S SE UR ASS O CI É DE MÉ DE CI NE GÉ NÉ RALE 6 Professeur associé Sophie SIEGRIST 7 ========== C. MA Î TRES DE CO NFÉ RE NCES DE S UNI V E RS I TÉ S - P RATI CI E NS HOS P I TALI E RS 42ème Section : MORPHOLOGIE ET MORPHOGENÈSE 1ère sous-section : (Anatomie) Docteur Bruno GRIGNON 2ème sous-section : (Histologie, embryologie et cytogénétique) Docteure Chantal KOHLER 43ème Section : BIOPHYSIQUE ET IMAGERIE MÉDICALE 1ère sous-section : (Biophysique et médecine nucléaire) Docteur Jean-Marie ESCANYE 2ème sous-section : (Radiologie et imagerie médicale) Docteur Damien MANDRY - Docteur Pedro TEIXEIRA 44ème Section : BIOCHIMIE, BIOLOGIE CELLULAIRE ET MOLÉCULAIRE, PHYSIOLOGIE ET NUTRITION 1ère sous-section : (Biochimie et biologie moléculaire) Docteure Shyue-Fang BATTAGLIA - Docteure Sophie FREMONT - Docteure Isabelle GASTIN Docteure Catherine MALAPLATE-ARMAND - Docteur Marc MERTEN - Docteur Abderrahim OUSSALAH 2ème sous-section : (Physiologie) Docteure Silvia DEMOULIN-ALEXIKOVA - Docteur Mathias POUSSEL 3ème sous-section : (Biologie Cellulaire) Docteure Véronique DECOT-MAILLERET 45ème Section : MICROBIOLOGIE, MALADIES TRANSMISSIBLES ET HYGIÈNE 1ère sous-section : (Bactériologie – Virologie ; hygiène hospitalière) Docteure Corentine ALAUZET - Docteure Hélène JEULIN - Docteure Véronique VENARD 2ème sous-section : (Parasitologie et mycologie) Docteure Anne DEBOURGOGNE 46ème Section : SANTÉ PUBLIQUE, ENVIRONNEMENT ET SOCIÉTÉ 1ère sous-section : (Epidémiologie, économie de la santé et prévention) Docteure Nelly AGRINIER - Docteur Cédric BAUMANN - Docteure Frédérique CLAUDOT - Docteur Alexis HAUTEMANIÈRE 2ème sous-section (Médecine et Santé au Travail) Docteure Isabelle THAON 3ème sous-section (Médecine légale et droit de la santé) Docteur Laurent MARTRILLE 47ème Section : CANCÉROLOGIE, GÉNÉTIQUE, HÉMATOLOGIE, IMMUNOLOGIE 1ère sous-section : (Hématologie ; transfusion) Docteure Aurore PERROT – Docteur Julien BROSEUS (stagiaire) 2ème sous-section : (Cancérologie ; radiothérapie) Docteure Lina BOLOTINE – Docteur Guillaume VOGIN (stagiaire) 4ème sous-section : (Génétique) Docteure Céline BONNET - Docteur Christophe PHILIPPE 48ème Section : ANESTHÉSIOLOGIE, RÉANIMATION, MÉDECINE D’URGENCE, PHARMACOLOGIE ET THÉRAPEUTIQUE 2ème sous-section : (Réanimation ; Médecine d’urgence) Docteur Antoine KIMMOUN 3ème sous-section : (Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie clinique ; addictologie) Docteur Nicolas GAMBIER - Docteure Françoise LAPICQUE - Docteur Julien SCALA-BERTOLA 8 4ème sous-section : (Thérapeutique ; Médecine d’urgence ; addictologie) Docteur Nicolas GIRERD 9 50ème Section : PATHOLOGIE OSTÉO-ARTICULAIRE, DERMATOLOGIE ET CHIRURGIE PLASTIQUE 1ère sous-section : (Rhumatologie) Docteure Anne-Christine RAT 3ème sous-section : (Dermato-vénéréologie) Docteure Anne-Claire BURSZTEJN 4ème sous-section : (Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique ; brûlologie) Docteure Laetitia GOFFINET-PLEUTRET 51ème Section : PATHOLOGIE CARDIO-RESPIRATOIRE ET VASCULAIRE 3ème sous-section : (Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire) Docteur Fabrice VANHUYSE 52ème Section : MALADIES DES APPAREILS DIGESTIF ET URINAIRE 1ère sous-section : (Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie) Docteur Jean-Baptiste CHEVAUX 53ème Section : MÉDECINE INTERNE, GÉRIATRIE, CHIRURGIE GÉNÉRALE ET MÉDECINE GÉNÉRALE 3ème sous-section : (Médecine générale) Docteure Elisabeth STEYER 54ème Section : DEVELOPPEMENT ET PATHOLOGIE DE L'ENFANT, GYNECOLOGIEOBSTETRIQUE, ENDOCRINOLOGIE ET REPRODUCTION 5ème sous-section : (Biologie et médecine du développement et de la reproduction ; gynécologie médicale) Docteure Isabelle KOSCINSKI 55ème Section : PATHOLOGIE DE LA TÊTE ET DU COU 1ère sous-section : (Oto-Rhino-Laryngologie) Docteur Patrice GALLET ========== D. MA Î TRES DE CO NFÉ RE NCES 5ème Section : SCIENCES ÉCONOMIQUES Monsieur Vincent LHUILLIER 7ème Section : SCIENCES DU LANGAGE : LINGUISTIQUE ET PHONETIQUE GENERALES Madame Christine DA SILVA-GENEST 19ème Section : SOCIOLOGIE, DÉMOGRAPHIE Madame Joëlle KIVITS 60ème Section : MÉCANIQUE, GÉNIE MÉCANIQUE, GÉNIE CIVIL Monsieur Alain DURAND 64ème Section : BIOCHIMIE ET BIOLOGIE MOLÉCULAIRE Madame Marie-Claire LANHERS - Monsieur Nick RAMALANJAONA - Monsieur Pascal REBOUL 65ème Section : BIOLOGIE CELLULAIRE Madame Nathalie AUCHET - Madame Natalia DE ISLA-MARTINEZ - Monsieur Jean-Louis GELLY Madame Céline HUSELSTEIN - Madame Ketsia HESS – Monsieur Hervé MEMBRE - Monsieur Christophe NEMOS 10 11 66ème Section : PHYSIOLOGIE Monsieur Nguyen TRAN ========== E. MA Î TRES DE CO NFÉ RE NCES AS SO CI É S DE MÉ DE CI NE GÉ NÉ RA LE Docteur Pascal BOUCHE – Docteur Olivier BOUCHY - Docteur Arnaud MASSON – Docteur Cédric BERBE Docteur Jean-Michel MARTY ========== F. DO CTE URS HO NO RIS CA US A Professeur Charles A. BERRY (1982) Centre de Médecine Préventive, Houston (U.S.A) Professeur Pierre-Marie GALETTI (1982) Brown University, Providence (U.S.A) Professeure Mildred T. STAHLMAN (1982) Vanderbilt University, Nashville (U.S.A) Professeur Théodore H. SCHIEBLER (1989) Institut d'Anatomie de Würtzburg (R.F.A) Université de Pennsylvanie (U.S.A) Professeur Mashaki KASHIWARA (1996) Research Institute for Mathematical Sciences de Kyoto (JAPON) Professeure Maria DELIVORIA-PAPADOPOULOS (1996) Professeur Ralph GRÄSBECK (1996) Université d'Helsinki (FINLANDE) Professeur Duong Quang TRUNG (1997) Université d'Hô Chi Minh-Ville (VIÊTNAM) Professeur Daniel G. BICHET (2001) Université de Montréal (Canada) Professeur Marc LEVENSTON (2005) Institute of Technology, Atlanta (USA) 12 Professeur Brian BURCHELL (2007) Université de Dundee (RoyaumeUni) Professeur Yunfeng ZHOU (2009) Université de Wuhan (CHINE) Professeur David ALPERS (2011) Université de Washington (U.S.A) Professeur Martin EXNER (2012) Université de Bonn (ALLEMAGNE) 13 REMERCIEMENTS À la présidente du jury, à Madame le Professeur Marie-Reine Losser : Merci de me faire l'honneur de présider ce jury. Merci de l'enthousiasme avec lequel vous avez accueilli ce sujet et du soutien que vous m'avez manifesté. Veuillez trouver ici l'expression de mon sincère respect. 14 Aux membres du jury À Monsieur le Professeur Stéphane Zuily : merci de me faire l'honneur de juger ce travail, avec tout l'intérêt que vous portez à la formation des étudiants en médecine et l'énergie que vous y consacrez. Merci pour l'enthousiasme avec lequel vous avez accueilli ma demande de participation à ce jury, veuillez trouver ici l'expression de tout mon respect. À Madame le Docteur Elisabeth Steyer : merci de me faire l'honneur de juger ce travail après l'avoir accompagné comme co-directrice. Vous m'avez enseigné une médecine générale exigeante, rigoureuse et profondément respectueuse des personnes. Merci pour votre accompagnement, votre bienveillance et l’énergie consacrée à la transmission de vos savoirs. Les six mois de stage à vos côtés ont été très précieux pour moi. Soyez assurée de ma profonde gratitude et de tout mon respect. À Madame le Docteur Valérie Langevin : merci pour votre enthousiasme et votre soutien tout au long de ce travail, pour vos précieux conseils ainsi que la documentation fournie. Merci de me faire l'honneur de juger ce travail avec votre regard expert sur les risques psycho-sociaux des professions de la santé. Votre présence dans ce jury ce jour m’honore et veuillez trouver ici l'expression de ma profonde gratitude. Au directeur de ce travail, Monsieur le Docteur Thierry Lievin : merci pour ton accompagnement sans faille pendant toute la durée de ce travail, ton soutien et ta patience. Merci du temps et de l'énergie que tu as consacré à ce travail. Merci d'avoir su rester à l'écoute malgré mon tempérament parfois tempétueux. Merci pour tes conseils éclairés sur l'analyse de discours. Merci de me faire l'honneur de juger ce travail. Sois assuré de ma profonde gratitude et de tout mon respect. 15 À tous ceux sans qui ce travail n'aurait pas pu être réalisé Aux étudiants rencontrés, merci pour votre disponibilité, votre confiance et la richesse de nos entretiens. Au Professeur Viviane Kovess-Masfety, pour sa disponibilité et les précieuses réponses et documentations fournies Au Docteur Guy Even, pour sa disponibilité, son enthousiasme, les réponses et documents fournis. À Béranger Simon, merci pour ton investissement dans ce travail, tes éclairages sur l'analyse de discours et des éléments de vécu. Ton aide m'a été très précieuses. Aux personnels de la faculté de médecine et de la Bibliothèque Universitaire de Santé, qui se sont toujours montrés réactifs et disponibles pour les requêtes logistiques. Aux médecins et soignants qui m'ont accompagnés et transmis leurs savoirs avec bienveillance ces quatre dernières années : Au Dr Fofana et Dr Auvity qui m'ont fait faire mes premiers pas d'interne, Au Dr Baugnon et son équipe d'urgentistes formidable qui m'ont permis d'apprécier l'exercice de la médecine d'urgence. Au Dr Oldrini qui a donné du sens à mon stage chez le praticien. Aux Dr Leheup, Dr Alluin, Dr Piot et Dr Bourjal, qui sont pour moi exemplaires dans leurs approches scientifiques et humaines de la médecine. Aux Dr Steyer E, Dr Steyer N, Dr Renauld et Dr Delrue, qui m'ont transmis avec rigueur et passion leurs expériences de médecins généralistes. Merci pour ces six mois passionnants passés à vos côtés. Aux Pr Ducrocq, Dr Mansuy et à Malika Destracques, pour leur investissement dans l'aventure Relation Externe. À toute l'équipe du Service de Médecine Gériatrique et Polyvalent de l'hôpital de Mont-SaintMartin, qui a tant corrigé mes premières prescriptions. À toute l'équipe du service de Soins Palliatifs du CHR Metz-Thionville, avec qui j'ai beaucoup appris sur la médecine et la relation d'aide. À toute l'équipe de Médecine Polyvalente de l'hôpital Bel-Air, qui a tant pris soin de moi pendant ma première grossesse. Aux équipes des services d'Urgences de Verdun et de Mercy, grâce à qui j’appréciais venir en garde... Aux médecins et internes et étudiants des services de Maladies Infectieuses de l'hôpital das Clinicas de Sao Paolo, qui m'a si bien accueillie me faisant découvrir la médecine tropicale. Au Dr Karim Ibrahim, sans qui cette belle aventure brésilienne n'aurai pas pu être possible. Aux équipes soignantes rencontrées qui donnent beaucoup pour les patients malgré des conditions souvent rudes. À tous ceux qui préservent et font vivre au quotidien les valeurs humaines de nos métiers de soignants, qui défendent un système de soins au service des hommes et des femmes de ce monde, tous égaux et solidaires. 16 Aux patients, qui donnent du sens à mon métier. À ma famille, auprès de laquelle il fait si doux vivre, À ma fille Zohra, qui m'éblouit au quotidien, que je vois grandir avec tant de plaisir. Tu m'as fait découvrir l'amour inconditionnel. À notre bientôt nouvel arrivant… qui a vécu tout cette aventure « de l'intérieur », me permettant de mener ce travail dans un climat hormonal favorable... À Romain, my D., merci pour ton amour, ton soutien. Merci de m'avoir apporté l'équilibre, d'être ma mesure. Merci pour toutes ces belles années que nous avons partagées et surtout celles à venir. Merci pour ta confiance et ton respect. Merci d'être le papa formidable de mes enfants. À ma maman, merci pour ton amour, ton soutien inconditionnel. Merci pour tout ce que tu m'as permis de vivre à tes côtés ou à distance, sans être jamais loin. Merci pour ces valeurs si fortes que tu as mis tant d'énergie à nous transmettre. Merci pour la femme que tu es. À mon père, pour l'amour transmis au-delà des mots, pour ton soutien que je sais sincère. À Pat, bâtisseur de cathédrales pour son soutien discret et ultra-performant depuis toutes ces années, c'est chouette de t'avoir dans notre famille. À mes frères pour leur tendresse brutale. À David, mon grand frère si « wise ». Merci pour ton écoute et tes conseils toujours prudents et avisés. Merci pour ta précieuse relecture À Renaud, mon grand-frère si « rough », avec qui je n'ai pas besoin de mâcher mes mots. Merci pour ces échanges qui éveillent l'humeur et l'esprit, et pour tous les dépannages informatiques ! À Clara, ma petite sœur, qui rêve d'ailleurs et tant mieux... À Alexia, ma Grande Amie de toujours, compagnonne de route et d'esprit. Merci pour toutes ces aventures partagées dans les faits ou le verbe. Merci pour ces échanges infinis sur nous et le monde. To my Finnish family, my dear loved Oranen, living in Onnela. Time and distance do not wither the memories of the moments I lived in your warm home, filling like mine. To Ilona, for becoming my sister, totally filled of love. À mon oncle Henri, l'hypnotiseur de pigeons, pour les inoubliables virées sur le toit de la R16 et autres aventures de mes vacances d'enfant. Pour ta tendresse. À Caroline, pour son accueil dans cette maison incroyable de Saint-Quentin, pour nos échanges. À mon oncle Robert, militaire repenti (ouf!), et Laetitia, qui font planer les canards, m'ont fait découvrir Brigitte Fontaine et avec qui les échanges sont denses et si agréables. À Mamivone, pour ses crêpes au citron trop cuites délicieuses et ses pulls qui grattent. À mes cousines Claire et Laurence, pour tous les bons moments d'enfance vécus rue Levert ou à Rennes s/ Loue. À David, Romain, Alexia et maman pour leurs relectures attentives et précieuses. Il y a un peu de chacun de vous dans ce travail. 17 À Sylvie, qui me manque. 18 À mes ami-e-s, d'ici et d'ailleurs, avec qui il fait si bon vivre, À mes chères coloquintes Becky et Pierrette, sans qui mes années d'externat n'auraient pas eu la même saveur ! Merci pour ces 3 années de partages, d'échanges et de joies. Le meilleur est à venir. À Isa et Marion, mes partenaires de BU, de thés, et de discussions sans fins. Chacune poursuit sa route mais nous ne serons jamais loin. Merci pour votre amitié si précieuse. À Isa, pour nos aventures exotiques, dans une entente et une complicité sans faille. À Caro et Elodie, chères amies rencontrées en cours de route, gardiennes de notre « idéal professionnel ». À Céline, pour être la femme le plus lumineuse que j'ai eu la chance de rencontrer. À Titi, pour être atteint de la blastose la plus drôle du monde. Aux copains de Relation Externe : Agathe, Marion, Clem, Isa, Marion, Julie, Frou, Elodie, Caro, Marie-Laure, Charlotte, Marie, Mathilde, pour avoir cru en ce projet, pour l'énergie déployée et les belles réalisations. Aux amis rencontrés pendant toutes ces années de fac qui sont, pour beaucoup, les champions du déguisement incroyable : Cécé, Jeanne, Laura, Max, Grand Max, Clem... Aux co-internes avec que c'était chouette de faire un bout de route ces quatre dernières années : Fernanda, Bobote, Max, Elodie, Mab, Anais, Chloé, Sonia, Cindy, Alexandra, Cyril... À Habibe, ma première interne, devenue amie. À Nico, « on n'est pas bien là ??? » …Si Nico, avec toi, même en P1 on est bien... À mes amies fidèles, intemporelles, que j'aime savoir bien, même si elles sont parfois loin : Vivi, Charlotte, Fleur. To the Suomi team 2004-2005, especially Carlitos, Gabi, Aninha, Bia, Ana Victoria, Gui, Matt, Marine, the HKI Team, one of the best year of my life, I grew up with you guys. À l'équipe de Iasi : Annarita, Sarah, Tommaso, Georgio, Quentin, Clem, Lucie, Agnès, Clément, avec qui c'était super de découvrir le nord-est roumain et de se retrouver, à Rome ou aux quatre coins de la France. À Trevor, pour m'avoir fait découvrir le voyage à vélo et le vin naturel. À Max et Lisa que j'adore, pour tous ces bons moments passés et à venir autour d'un sirop de violette… À l'équipe de QQST, mes mentors du « do it yourself ». À Jul', pour me faire l'honneur d'un brassin dédié à cette occasion. À Raphaël, pour son travail de relecture rigoureux et très précieux. 19 SERMENT D'HIPPOCRATE « Au moment d'être admise à exercer la médecine, je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l'honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l'humanité. J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n'exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. Je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. Admise dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me sont confiés. Reçue à l'intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. Je préserverai l'indépendance nécessaire à l'accomplissement de ma mission. Je n'entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés. J'apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu'à leurs familles dans l'adversité. Que les hommes et mes confrères m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonorée et méprisée si j'y manque ». 20 LISTE DES ABRÉVIATIONS ACC : Assistant Chef de Clinique BOS : Burn Out Syndrome CCTIRS : Comité Consultatif sur le Traitement de l'Information en matière de Recherche dans le domaine de la Santé CNGE : Collège National des Généralistes Enseignants CNIL : Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés CPP : Comité de Protection des Personnes DARES : Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques DCEM 4 : Deuxième Cycle des Études Médicales : quatrième année DES : Diplôme d’Études Spécialisés DMG : Département de Médecine Générale DREES : Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques FASM : Formation Approfondie aux Sciences Médicales FGSM : Formation Générales aux Sciences Médicales GH : Global Health GHQ 28 : Global Health Questionnary 28 IPA : Interpretative Phenomenological Analysis IRM : Imagerie par Résonance Magnétique MH : Mental Health MOS – SF 36 : Medical Outcome Study – Short Form 36 PACA : Provence Alpes Côte d'Azur PH : Praticien Hospitalier 21 22 TABLE DES MATIÈRES LISTE DES PROFESSEURS.....................................................................................................2 A.PROFESSEURS ÉMÉRITES........................................................................................3 B.PROFESSEURS DES UNIVERSITÉS.........................................................................5 C.MAÎTRES DE CONFÉRENCES DES UNIVERSITÉS - PRATICIENS HOSPITALIERS................................................................................................................6 D.MAÎTRES DE CONFÉRENCES..................................................................................7 E.MAÎTRES DE CONFÉRENCES ASSOCIÉS DE MÉDECINE GÉNÉRALE.............8 F.DOCTEURS HONORIS CAUSA..................................................................................8 REMERCIEMENTS...................................................................................................................9 SERMENT D'HIPPOCRATE...................................................................................................14 LISTE DES ABRÉVIATIONS.................................................................................................15 PARTIE I : PRÉSENTATION DU SUJET...........................................................................19 AVANT-PROPOS......................................................................................................................21 REVUE DE LA LITTÉRATURE ET GÉNÉRALITÉS...........................................................23 I.Formation clinique des étudiants en médecine..............................................................23 A.L'organisation de la formation clinique des étudiants.............................................23 B.La confrontation au patient en souffrance...............................................................24 II.La souffrance psychique des étudiants.........................................................................25 III.L'empathie..................................................................................................................26 A.Définition................................................................................................................26 B.L'empathie chez le soignant....................................................................................27 C.L'empathie chez les étudiants en médecine.............................................................28 IV. Le coping...................................................................................................................29 A.Définition................................................................................................................29 B.Étudiants en médecine et coping.............................................................................30 C.Des stratégies de coping mieux que d'autres ?........................................................31 PRÉSENTATION DE L'ÉTUDE..............................................................................................33 I.Méthodologie du premier questionnaire réalisé et usage..............................................33 A.Questionnaire GHQ 28 (34)....................................................................................34 B.Questionnaires MH et GH.......................................................................................34 C.Principales raisons ayant motivées le choix de faire médecine..............................35 D.Événements marquants...........................................................................................36 E.Questions concernant le lieu de contrôle.................................................................36 23 II. Analyse qualitative inspirée de l'Analyse Phénoménologique Interprétative.............37 A.L'analyse Phénoménologique Interprétative...........................................................37 B.Évolution de la question de recherche.....................................................................38 PARTIE II : ÉTUDE QUALITATIVE..................................................................................39 INTRODUCTION....................................................................................................................41 MATÉRIEL ET MÉTHODE.....................................................................................................42 RÉSULTATS.............................................................................................................................45 I.Caractéristiques de la population..................................................................................45 II.Analyse des entretiens..................................................................................................50 A. Le profil du patient, la situation rencontrée et le cadre environnant conditionnent le vécu des étudiants...................................................................................................50 B. La rencontre avec le patient ouvre aux aspects psychosociaux du soin et de la relation........................................................................................................................51 C.La relation de soins est l'occasion de construire sa posture de soignant auprès du patient..........................................................................................................................52 D. Être témoin met à l'épreuve et participe à la construction des valeurs de soignant des étudiants................................................................................................................54 E. L'expérience de l'impuissance : à la découverte de ses propres limites et de celles de la médecine.............................................................................................................55 F. La démarche réflexive engagée par l'étudiant ........................................................56 G. La formation selon les étudiants : modèles, critiques et souhaits..........................58 III.Idées forces et originales............................................................................................59 A.La confrontation à la souffrance du patient, source de stress.................................59 B.La rencontre avec le patient, source de construction professionnelle.....................59 C.Vécu émotionnel et prise de distance......................................................................60 D.La forte demande de formation...............................................................................60 DISCUSSION...........................................................................................................................61 I.La construction de la posture de soignant.....................................................................61 II.La confrontation à la souffrance et l'empathie.............................................................61 III.La confrontation à la souffrance et le stress...............................................................62 IV.Stratégies pour faire face............................................................................................63 V.Modélisation.................................................................................................................64 A.Le « Coping Reserve Tank »...................................................................................64 B. Les modèles dans la formation...............................................................................65 C. La formation universitaire......................................................................................65 24 VI.Limites et perspectives...............................................................................................65 CONCLUSION.........................................................................................................................67 PARTIE III : PERSPECTIVES ET INTÉRÊT POUR LA MÉDECINE GÉNÉRALE...69 LA PLACE DE L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES HUMAINES DANS LE CURSUS DES ÉTUDIANTS EN MÉDECINE........................................................................................71 I.Exemples d'enseignements dédiés à la formation à la relation médecin-patient en France..............................................................................................................................72 A. Faculté de Paris Créteil..........................................................................................72 B. Faculté de Nantes...................................................................................................73 C. Faculté de Rouen....................................................................................................73 D. Faculté de Nancy....................................................................................................73 II.Formation à la relation médecin-patient et bien-être étudiant.....................................74 A. Promouvoir le bien-être des étudiants en médecine...............................................74 B. Une formation à la relation médecin-patient : bénéfique pour tous.......................75 III.L'enseignement de la médecine narrative : une piste ?...............................................76 A. La médecine narrative en quelques mots...............................................................76 B. Enseignement de médecine narrative en France ...................................................77 INTÉRÊT DU SUJET POUR LA MÉDECINE GÉNÉRALE.................................................79 I.Le médecin généraliste : spécialiste de l'approche globale du patient..........................79 II.La place de la médecine générale dans l'enseignement au deuxième cycle.................81 A. La Médecine Générale à l'université......................................................................81 B. Stage de second cycle de médecine générale ambulatoire ....................................81 C. Enseignements théoriques......................................................................................82 CONCLUSION.........................................................................................................................84 APRÈS-PROPOS......................................................................................................................85 BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................................86 ANNEXES................................................................................................................................92 I.Questionnaire.................................................................................................................92 II.Formulaire de contact des étudiants hospitaliers.......................................................102 III.Guide d'entretien.......................................................................................................103 IV.Contrat de communication........................................................................................105 V.Formulaire de contact du service de Santé Universitaire...........................................106 VI.Message de contact des étudiants interviewés post-analyse et réponses..................107 VII.Ensemble des résultats du questionnaire ................................................................108 25 26 PARTIE I : PRÉSENTATION DU SUJET 27 28 AVANT-PROPOS L'analyse qualitative est subjective par essence. En effet, le chercheur est l'instrument de sa recherche et son analyse est empreinte de sa posture et de son histoire. Certains auteurs parlent d'audit de subjectivité, qui consiste à « identifier les éléments de sa subjectivité qui semblaient intervenir dans le processus de recherche, du choix du thème à la diffusion des résultats, en passant par l'entrée sur le terrain » (1). Ces avant-propos ont donc pour objet d'éclairer le lecteur sur la posture de la doctorante dans le cadre de cette analyse. La subjectivité de la recherche se doit d'être limitée par un ensemble de procédés méthodologiques, mais aussi assumée dans ce qu'elle a d'inévitable : le prisme à travers lequel le chercheur effectue l'analyse, conditionné entre autres, par son histoire avec sa question de recherche. La question de recherche qui guide ce travail est le fruit de l'expérience personnelle de la doctorante ainsi que de riches échanges entre la doctorante et le directeur de ce travail. Mes années d'études de médecine ont été marquées par de nombreuses interrogations sur la relation médecin-patient ainsi que par un sentiment de frustration sur la place donnée à son enseignement dans notre cursus. Au cours des stages que j'ai effectués pendant mon externat, j'ai été éprouvée, marquée, triste, joyeuse, anxieuse, renforcée...à la suite de rencontres avec des patients. J'ai eu la chance de rencontrer et fréquenter d'autres étudiant(e)s, devenus ami(e)s, animé(e)s par ces réflexions et avec qui les échanges étaient riches et constructifs. À travers nos différents stages cliniques, nous éprouvions les multiples dimensions de la rencontre avec les patients, le cœur même de notre futur métier. Nous nous sentions globalement peu préparés, peu accompagnés et peu formés à ces aspects de la médecine. Ensemble, nous avons alors créé une association ayant pour objet de promouvoir la formation à la relation médecin-patient des étudiants en médecine. Ce projet a vu le jour grâce au soutien d'internes, de praticiens hospitaliers, d'enseignants, de professeurs, de psychologues, d'infirmiers, et d'autres encore qui, bénévolement, nous ont accompagnés dans des expériences et échanges en petits groupes ou des soirées de conférences-débats. L'externat s'est terminé et nous nous sommes éparpillés à travers la France et les spécialités. 29 Le projet de thèse m'est alors apparu comme un outil intéressant pour poursuivre cette réflexion. J'ai rencontré mon directeur de thèse au cours de mon DES lors d'un atelier. Nous souhaitions initialement conduire ce travail sur la formation à la relation médecin-patient des étudiants en médecine en France. Après plusieurs ébauches de questions de recherche et discussions, notre questionnement s'est orienté sur le vécu des étudiants en médecine. Ainsi, pour réfléchir à une dynamique de formation, il nous paraissait important de savoir ce que souhaitaient les étudiants. Pour appréhender cela, il nous semblait nécessaire de connaître les problématiques qu'ils rencontraient et auxquelles une formation pourrait répondre. Il convenait donc de s'intéresser à ce qu'ils vivaient sur leurs terrains de stages, lors de leurs rencontres avec les patients. Or, les seules données disponibles que nous avions sur le vécu des étudiants en médecine confrontés à la souffrance des patients étaient nos expériences respectives. D'où la nécessité d'obtenir des données plus fiables sur ce vécu pour poursuivre notre questionnement. C'est ainsi que notre question de recherche est devenue : « le vécu douloureux des étudiants en médecine confrontés à la souffrance des patients : éléments liés à l'étudiant, au patient et à l'environnement ». 30 REVUE DE LA LITTÉRATURE ET GÉNÉRALITÉS I. Formation clinique des étudiants en médecine A. L'organisation de la formation clinique des étudiants Il y a déjà plus de mille ans, la médecine du monde arabe ou de l'empire Byzantin s'enseignait en partie « au lit du malade ». Actuellement, à travers le monde entier, les étudiants en médecine sont confrontés au patient en souffrance au cours de leur cursus. En France, les étudiants en médecine effectuent un premier stage dit « d'initiation aux soins infirmiers » pendant quatre semaines lors de leur entrée en deuxième année de médecine (ou FGSM2 pour Formation Générale aux Sciences Médicales 2ème année). En troisième année, (FGSM3), ils effectuent des stages de séméiologie de deux heures hebdomadaires, encadrés par les Chefs de Clinique des Universités. Ils sont alors en petits groupes de quelques étudiants, et apprennent les différents aspects de l'examen clinique avec la participation de patients du service d'accueil. De la quatrième à la sixième année d'études (FASM1 à FASM3 pour Formation Approfondie aux Sciences Médicales années 1 à 3), les étudiants hospitaliers sont dits « externes » et passent la moitié de leur temps de formation au sein de services hospitaliers. Ils sont affectés dans différents services, sur des périodes de six à douze semaines, selon l'organisation des enseignements. Ils sont acteurs de la prise en charge du patient, encadrés par les internes et les Chefs de Cliniques des Universités. Les missions de l’étudiant en médecine sont rappelées dans l’article R6153- 58 du Code de la Santé Publique : “Ils exécutent les tâches qui leur sont confiées par le responsable de l'entité où se déroule la formation dans laquelle ils sont affectés, à l'occasion des visites et consultations externes, des examens cliniques, radiologiques et biologiques, des soins et des interventions. Ils peuvent exécuter des actes médicaux de pratique courante ; ils sont chargés de la tenue des observations et sont associés 31 aux services de garde. Ils participent aux entretiens portant sur les dossiers des malades et suivent les enseignements dispensés dans l'établissement de santé.” Ils font donc partie de l’équipe médicale, participent aux soins des malades, à la vie du service et de l’hôpital en ayant la qualité d'agent publique hospitalier. La fin de « l'externat » est marquée par l'Examen Classant National (ECN), auquel participe l'ensemble des étudiants de FASM3, sésame pour l'accès au troisième cycle des études médicales, où l'étudiant devient jeune médecin interne. L'externat constitue donc la porte d'entrée dans le monde de la médecine « au contact » du malade, que la plupart de ces futurs médecins ne quitteront qu'à la fin de leur vie professionnelle. B. La confrontation au patient en souffrance On sait maintenant depuis plusieurs décennies que le contact avec le patient en situation de fragilité et de souffrance dans le circuit de soins ne laisse pas les étudiants indifférents. En 1986, les étudiants anglais citaient la confrontation à la souffrance et à la maladie comme une des quatre principales sources de stress au cours de leur cursus (2). En 2004, 30 % des étudiants de la faculté de Médecine de Brest citaient « côtoyer la maladie, la souffrance, la mort, la misère, la sexualité, la relation médecin-patient » comme motif de stress au cours de leurs études (3). Le temps des études de médecine n'est pas seulement celui de l'acquisition de savoirs, mais aussi celui de transformations des ces jeunes adultes au travers, entre autres, d'expériences humaines inhérentes à la rencontre avec les patients. Tout au long de ce processus, l'image initiale de la profession se voit retravaillée, enrichie ou détruite par les connaissances acquises et les expériences fondatrices que sont les premiers contacts avec les malades, les temps forts des stages ou encore la confrontation avec la mort. On observe alors un ensemble de réagencements chez les étudiants, qui touchent aussi bien la représentation qu'ils peuvent se faire de la fonction médicale que leur propre représentation d'eux-mêmes (4). Ces étudiants, très majoritairement jeunes adulte n'ont, pour au moins deux tiers d'entre eux, 32 jamais vu de corps mort auparavant (5). Les séances de dissection ayant quasi disparues de nombreuses universités, les stages hospitaliers de deuxième cycle peuvent être l'occasion des premières confrontations à la mort. La multiplication des publications littéraires ou des blogs évoquant les émotions, questionnements et réflexions des étudiants lorsqu'ils ont à faire à la souffrance de cet autre, le patient qu'ils rencontrent en stage, témoigne de la prégnance de cet aspect dans le cursus (6– 8). Par ailleurs, ces expériences émotionnelles fortes surviennent alors que de nombreux étudiants en médecine sont eux-mêmes en situation de souffrance psychique. II. La souffrance psychique des étudiants En 2004, l'OMS définissait la santé mentale comme « un état de bien-être dans lequel la personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et fructueux et contribuer à la vie de sa communauté » (9). La souffrance psychique est l'ensemble des états altérant ces possibilités, incluant des troubles légers, transitoires et réversibles mais aussi des pathologies chroniques et invalidantes. À l'image de leurs aînés, les étudiants en médecine ne sont pas épargnés par la souffrance psychologique, avec une prévalence des troubles anxieux et dépressifs, qui malgré la variabilité des données, se situe autour d'un tiers des étudiants en médecine à travers le monde (10,11). Ces valeurs sont retrouvées chez les internes de médecine en France (12). Il est régulièrement suggéré que les exigences de la filière universitaire des études de médecine sont en lien avec ces souffrances psychologiques, sans qu'un lien de causalité ne puisse être formellement établit (13). En région PACA en 2006, on notait un lien entre dépression et études médicales avec un Odd Ratio (OR) de 2,47 dans la population féminine (14). Dans de nombreux pays occidentaux ces troubles apparaissent plus marqués chez les étudiants en médecine que chez leurs pairs étudiants d'autres filières (15,16). Les données concernant l'évolution des manifestations anxieuses ou dépressives au cours du cursus médical sont discordantes. Certaines suggèrent une majoration de la souffrance morale au cours du cursus alors que d'autres l'observent diminuer (11,16). 33 De même, le phénomène de Burn Out Syndrome (BOS), déjà bien connu chez les professionnels de santé, touche environ 50 % des étudiants américains (17) et environ 40 % des internes de Médecine Générale en France (18). Le conseil National de l'Ordre des Médecins a mené une vaste enquête sur la santé des jeunes médecins, parue en 2016. Les résultats concernant la santé des étudiants en médecine, en particulier en deuxième cycle, y sont préoccupants. Ainsi, plus de 30 % des répondants du deuxième cycle évaluent leur état de santé « moyen » ou « mauvais ». Concernant le BOS, 67 % des répondants de deuxième cycle déclaraient avoir été touchés par l'épuisement émotionnel, 55 % par la perte d'accomplissement personnel et 25 % par la dépersonnalisation des relations avec le patient. 16 % des étudiants déclaraient avoir eu des idées suicidaires. Près de 82 % des étudiants de deuxième cycle ont déclaré avoir été exposés à une situation stressante au cours des trois derniers mois, dont plus de 50 % déclaraient y être confrontés au moins une fois par semaine (19). Par ailleurs, les étudiants de deuxième cycle auraient des modes de consommation d'alcool et de toxiques préoccupants. Dans une étude publiée en 2014, la consommation excessive d'alcool concernait près d'un tiers des étudiants d'une faculté de médecine française et 7,6 % avaient une consommation problématique de cannabis (20). La souffrance psychique semble bien constituer un problème de santé publique chez les étudiants en médecine. Alors que les étudiants et soignants font face à leur propre souffrance psychique, il leur est demandé, comme compétence essentielle, de savoir faire preuve d'empathie face à la souffrance du patient. III. L'empathie A. Définition L'empathie est la capacité à s'identifier à autrui et à épouser la perspective subjective d'autrui. C'est un trait distinctif qui est la source de nos raisonnements sociaux et comportements moraux. 34 Il s'agit d'une identification partielle, temporaire, réalisée intentionnellement. À la différence de la sympathie, il ne s'agit pas de partager un sentiment ou une croyance, mais bien de se représenter les sentiments, désirs et croyances d'autrui (21). Dans le champ de la médecine, on peut définir l'empathie comme une capacité cognitive qui induit une compréhension de l'expérience du patient, de ses préoccupations et perceptions, associée à la capacité de communiquer cette compréhension. Dans le contexte du soin, l'intention d'aider en prévenant et soulageant la douleur et la souffrance est une manifestation supplémentaire de l'empathie. B. L'empathie chez le soignant Le concept d'empathie clinique a été développé pour caractériser plus précisément l'empathie dans la relation de soin comme une compétence professionnelle. L'empathie clinique est l'association, dans la relation thérapeutique, de la compréhension non biaisée, intellectuelle et affective du vécu d'autrui, de la sollicitude, implication affective adaptée et chaleureuse, et d'une émotivité suffisamment régulée (22). Ainsi, l'empathie clinique, contrairement à la sympathie qui est spontanée, est une pratique relationnelle qui s'enseigne et s'apprend. L'empathie est unanimement reconnue et prônée comme une compétence essentielle à l'exercice de la médecine. En effet, elle favorise une meilleure précision diagnostique, augmente la confiance du patient, améliore son observance, fait croître sa satisfaction et diminue les litiges professionnels (23). Toutefois, cette « connexion » avec le ressenti de l'autre, en particulier sa souffrance, cette « identification temporaire » ne risque-t-elle pas d'exposer le soignant lui-même à l'expérience de la souffrance ? La relation soignant-soigné est nécessairement empreinte d'une action du patient sur le soignant. La sollicitation émotionnelle du soignant est donc inhérente à l'exercice de son métier. L'imagerie cérébrale confirme que l'empathie se vit au prix d'une souffrance. L'avènement de l'IRM fonctionnelle a permis d'observer que l'empathie résultait d'une activation du système de neurones en miroir. Ces neurones activés lors de la visualisation de l'expérience douloureuse d'autrui exposent à ressentir les émotions dont nous sommes témoins avec, en particulier, une activation des zones d'expérience émotionnelle de la douleur. Les neurones en 35 miroir inclus dans la matrice de l'expérience douloureuse, manifestent cette douleur vue chez l’autre, ressentie en soi (24). L'empathie a donc une composante émotionnelle en plus de sa composante cognitive, et engage dans une certaine expérience personnelle de la souffrance de l'autre. C. L'empathie chez les étudiants en médecine Alors que des intentions altruistes animent la plupart des étudiants à s'engager dans un cursus de soignant (3), il est curieux de constater que trois quarts des étudiants sont, au fil de leur cursus universitaire, gagnés par une vision cynique du cadre académique et de la profession de soignant (25). Ce virage cynique a été rapproché du « syndrome de l'enfant battu », ou qualifié de « désidéalisation traumatique », en lien avec un mauvais traitement des étudiants en médecine au cours de leur cursus. L'attitude cynique serait donc à rapprocher d'un mécanisme de défense adopté par ces étudiants que leur cursus fait souffrir. En parallèle, on observe que l'empathie chez les étudiants en médecine décline de manière significative à leur entrée dans le cursus clinique, au moment même de l'expérience de la rencontre concrète avec le monde du soin et le patient. Ce phénomène est attribué à un manque de modèles, une pression universitaire importante concernant les apprentissages, le manque de temps et des facteurs en lien avec l'environnement de l'étudiant et les patients (26). La souffrance psychique des étudiants a d'ailleurs été associée à une diminution des scores d'empathie, alors que leur bien-être a été associé à une augmentation de ces scores (27). Paradoxalement, les étudiants semblent donc de moins en moins disposés à faire preuve d'empathie envers le patient alors qu'ils arrivent au moment où ces compétences deviennent nécessaires. Ce phénomène s'associe, entre autres, à un état de souffrance psychique qui s'accentue pour eux à cette période. Toutefois, l'expérience de ces situations, que l'on peut qualifier de « stressantes » engage les étudiants à faire face, en mettant en œuvre entre autres des stratégies de « coping ». 36 IV. Le coping A. Définition Le coping, terme issu de la langue anglaise, est défini comme l'ensemble des stratégies que l'individu développe pour maîtriser, réduire ou tout simplement tolérer une situation stressante. Le verbe to cope with signifie « faire face à ». Le coping peut prendre la forme de cognitions, d’affects ou de comportements. Il a deux fonctions principales : il peut permettre de modifier le problème qui est à l'origine du stress, ou permettre de réguler la réponse émotionnelle associée à ce problème (28,29). Il s'agit d'un mécanisme transactionnel, qui n'est ni une caractéristique de la situation, ni une caractéristique de l'individu, mais un processus impliquant des actions réciproques entre le sujet et l'environnement. Le coping est bien un processus, et non une caractéristique générale et stable. On distingue deux grandes stratégies de coping : le coping centré sur le problème et le coping centré sur l'émotion. La recherche de soutien social est considérée comme une troisième stratégie par certains auteurs. Le coping centré sur le problème vise à réduire les exigences de la situation ou à augmenter ses propres ressources pour mieux y faire face. Il correspond à deux processus : la résolution du problème (recherche d'information, élaboration d'un plan...) et l'affrontement de la situation (efforts et actions directes pour tenter de modifier la situation). Cette stratégie est parfois rapprochée du concept de stratégie dite « vigilante » Le coping centré sur l'émotion vise à gérer les réponses émotionnelles induites par la situation. Une des modalités de ce coping consiste à transformer le sens de la situation (minimiser, nier…). Cette stratégie est parfois rapprochée du concept de stratégie dite « évitante ». La recherche de soutien social implique de faire des efforts pour solliciter et obtenir l'aide d'autrui. 37 L'évaluation primaire de la situation stressante et le choix de la stratégie développée sont déterminés à la fois par des caractéristiques de l'individu (trait de personnalité, antécédents psycho-sociaux) mais aussi par des caractéristiques de la situation (nature de la menace, imminence, contrôlabilité, qualité du soutien social...). Ainsi, si l’événement est perçu comme incontrôlable par le sujet, alors le choix s'orientera plutôt vers une stratégie de contrôle des émotions alors que si l'événement est perçu comme contrôlable, alors le choix de la stratégie se centrera sur l'événement. Une stratégie de coping est jugée efficace si elle permet à l'individu de maîtriser la situation stressante ou de diminuer son impact sur son bien-être physique et psychique. On comprend alors que le lieu du contrôle perçu par l'individu joue un rôle déterminant sur l'analyse primaire de l'événement stressant et sur la stratégie de coping utilisée. Si l'individu ressent qu'il dispose de la maîtrise de la situation, on dira que son lieu de contrôle est « internalisé » alors que s'il ressent que cette maîtrise lui échappe, le lieu de contrôle est « externalisé » . Ainsi un sens de la maîtrise des événements « internalisé » engagerait vers le développement de stratégies « vigilantes », alors qu'un sens de la maîtrise externalisé orienterait sur des stratégies plutôt « évitantes ». B. Étudiants en médecine et coping Comme nous l'avons vu précédemment, les étudiants en médecine sont confrontés, au cours de leur cursus, à différentes sources de stress. La confrontation à la souffrance des patients en fait partie. Le stress est définit comme « une transaction particulière entre un individu et une situation dans laquelle celle-ci est évaluée comme débordant ses ressources et pouvant mettre en danger son bien-être » (28). A ce jour, de nombreux auteurs notent que les étudiants en médecine usent de stratégies de coping inadéquates telles que la consommation d'alcool ou les remarques cyniques. Par ailleurs, il semblerait que les étudiants disposent de stratégies de coping « préférentielles » avant le début de leur cursus, et que ces stratégies varient peu au cours de celui-ci. Ainsi, s'il n'existe pas d'interventions spécifiques au cours du cursus afin d'augmenter les ressources des étudiants, de varier leur « répertoire de stratégies de coping », alors celles-ci semblent n'évoluer que très peu malgré la répétition des expériences stressantes (30). 38 Dunn, Iglewicz et Moutier illustrent le caractère dynamique du processus de coping chez les étudiants en médecine par le modèle du « Coping Reserve Tank ». Cette métaphore du réservoir fait référence à la structure « interne » de chaque étudiant, en lien avec son expérience personnelle, sa personnalité, son « style de coping », mais qui peut être remplie ou drainée par différents éléments de leur cursus (31). Illustration 1: Modèle du Coping Reserve Tank d'après Dunn, Inglewicz et Moutier Une étude récente suggère que les étudiants utilisant préférentiellement des stratégies de coping centrées sur le problème au début de leurs études de médecine présenteront des scores de qualité de vie les plus élevés et de BOS les plus bas dix ans plus tard (32). Cela amène à s'interroger sur l'existence d'une hiérarchie des stratégies de coping. C. Des stratégies de coping mieux que d'autres ? Une stratégie de coping est adéquate si elle permet à l'individu de maîtriser la situation stressante ou de diminuer son impact sur son bien-être physique ou psychique. Une stratégie de coping centrée sur le problème réduit la tension subie par l'individu en éliminant ou atténuant la source de stress. Le recours à cette stratégie semblerait corréler négativement avec l'anxiété et la dépression. Les stratégies centrées sur les émotions, dites « évitantes » (qui n'éliminent pas la source de stress) seraient associées, quant à elles, à des issues dysfonctionnelles comme l'anxiété et la dépression (33). Toutefois, cela dépend bien-sûr de la situation affrontée. Dans une situation contrôlable ou 39 perçue comme telle, une stratégie de coping centrée sur le problème apparaît efficace alors qu' une stratégie de coping centrée sur l'émotion apparaît dysfonctionnelle. Cet effet s'inverse face à une situation incontrôlable, où une stratégie centrée sur le problème aurait comme effet d'épuiser l'individu sans résoudre le problème. Par exemple, il semblerait que certaines stratégies émotionnelles évitantes utilisées immédiatement après une annonce de cancer du sein métastatique jouent un rôle protecteur sur le bien-être émotionnel et la survie évalués dix ans après. Une stratégie vigilante utilisée dans les mêmes conditions aurait un impact négatif sur la qualité de vie ultérieure de ces patientes (29). Ces différents aspects du concept de coping mettent en évidence la complexité de la compréhension du vécu d'un individu en état de souffrance psychique dans un contexte stressant, comme apparaissent l'être les étudiants en médecine. Ce vécu relève bien d'éléments propres à chaque étudiant, de leur « background », mais aussi de l'environnement dans lequel ils sont plongés et des outils dont ils disposent et qui leurs sont fournis pour affronter ce stress, souvent nouveau. 40 PRÉSENTATION DE L'ÉTUDE Nous avons choisi de nous intéresser plus particulièrement au vécu des étudiants en médecine dans un des aspects potentiellement stressants de leur cursus qu'est la confrontation à la souffrance des patients. Le phénomène de souffrance psychologique des étudiants en médecine constitue aujourd'hui une réelle question de santé publique. La pression exercée par la charge de travail universitaire et la sélectivité de la filière sont principalement mises en cause. Toutefois, une des dimensions très spécifique du cursus médical est la confrontation des étudiants à la souffrance des patients. La plupart de ces étudiants sont encore à un âge où leur développement psychosocial est en plein bouleversement. L'effet de cet aspect particulier du cursus sur les phénomènes de souffrance psychique des étudiants est peu étudié. On ne retrouve dans la littérature aucune exploration précise du vécu des étudiants en médecine confrontés à la souffrance des patients. I. Méthodologie du premier questionnaire réalisé et usage Un premier projet de thèse initié au cours de l'année 2014 s'intitulait « Facteurs associés au vécu douloureux des étudiants en médecine confrontés à la souffrance des patients ». Afin de mener cette étude auprès des étudiants en médecine de l'Université de Lorraine, un premier questionnaire a été élaboré pour mettre en évidence des éléments en liens entre la souffrance psychique des étudiants et leur vécu dans leurs rencontres avec les patients. Ce questionnaire comportait le recueil de données sociodémographiques, de santé perçue, d'habitudes de vie, de « style » préférentiel de coping, d'événements de vie, une échelle de détresse psychologique, prenant ainsi en compte les différents facteurs de souffrance psychique connus et étudiés dans la population étudiante. Toutefois, ne disposant pas de données qualifiant le vécu des étudiants en médecine lors de leur confrontation à la souffrance des patients, le choix a été fait de rediriger ce travail vers 41 cette question. Le vécu d'étudiants hospitaliers de l'Université de Lorraine confrontés à la souffrance des patients a donc été exploré au cours d'entretiens. Le corps de ce premier questionnaire a tout de même été utilisé pour obtenir les caractéristiques du groupe d'étudiants participant à l'étude (annexe I). Par soucis de « temps de passation », la partie en lien avec les stratégies de coping a été supprimée. Certaines parties du questionnaire étaient inspirées de questionnaires déjà existants et utilisés, ou de données de la littérature. Les questions concernant les données sociodémographiques, ainsi que les consommations d'alcool, de tabac, d'anxiolytiques ou d'antidépresseurs sont des questions classiques inspirées de questionnaires divers sur la santé des étudiants. D'autres parties ont été structurées avec plusieurs échelles ou sous-échelles validées, présentées ci-après. A. Questionnaire GHQ 28 (34) Il s'agit de la seule échelle utilisée ad integrum dans le questionnaire de cette étude. Le General Health Questionnary a été élaboré en 1970 par D. Goldberg et dispose de nombreuses versions traduites validées. Il permet de dépister des troubles psychiatriques ou des troubles psychiques mineurs chez des sujets de la population générale. Il permet d'estimer la prévalence de la détresse psychologique dans une population donnée et de détecter des cas psychiatriques potentiels. Il couvre quatre domaines : dépression, anxiété, retentissement social et plainte somatique. Il est composé, à l'origine, de 60 items, mais plusieurs versions courtes ont ensuite été élaborées et évaluées. Pour cette étude, la version courte à 28 items, validée dans sa traduction française a été utilisée. La cotation a ensuite été effectuée selon la méthode dichotomique 0.0.1.1. 42 B. Questionnaires MH et GH Les questionnaire MH (Mental Health) et GH (Global Health) sont deux parties de l'échelle multidimensionnelle MOS-SF 36 (Medical Outcomes Study – Short Form) développée en 1992 par Ware et Sherbourne dans un questionnaire de 149 items évaluant la manière dont le système de santé américain affecte l'issue des soins. Cette échelle générique permet d'évaluer l'état de santé indépendamment de la pathologie causale, de l'âge, du sexe ou du traitement. La partie MH permet l'auto-évaluation de la santé psychique et la partie GH permet l'autoévaluation de la santé perçue. L'évaluation quantitative de l'échelle SF-36 nécessite l'usage d'un manuel afin d'obtenir, par algorithmes, des scores moyens de santé physique et de santé mentale (PCS pour Physical Composite Score et MCS pour Mental Composite Score). On peut aussi, sans aboutir au calcul de tels scores, comparer les scores (recherche de corrélations) des différents domaines de la SF-36 sur une population étudiée avec ceux de la population de référence, ou en cherchant des corrélations entre les scores des différents domaines de la SF-36 et d'autres variables explicatives : médicales, sociales, fonctionnelles (35). Les scores des deux domaines « Santé perçue » pour l'échelle GH et « Santé psychique » pour l'échelle MH se calculent de 0 à 100, du pire au meilleur état de santé. Cette échelle multidimensionnelle SF-36 dispose donc d'une certaine maniabilité. Il est apparu, au début de l'étude, que les questions du GHQ-28 et du MH étaient redondantes et que l'usage simultané de ces deux questionnaires était sans réel intérêt pour cette étude. Le questionnaire n'a pas été modifié en cours d'étude. Les questionnaires GHQ28 et MH sont jugés concordants sur l'évaluation globale de la santé psychique (36). Si nous devions reprendre ce travail, nous supprimerions le questionnaire MH (intéressant surtout à visée comparative) pour ne garder que le GHQ-28, qui apporte des données plus détaillées, à visée descriptive. C. Principales raisons ayant motivées le choix de faire médecine Ces items sont issus d'un travail de thèse effectué en 2004 à l'université de Brest par Docteur Elisabeth Gravrand sur la souffrance psychique des étudiants en médecine. Les réponses les plus fréquentes des étudiants interrogés ont été reprises (3). 43 D. Événements marquants La question « au cours de votre vie, avez-vous été confronté à l'un des événements suivants » et les items proposés sont issus de la partie « événements marquants pendant l'enfance » du questionnaire de l'enquête « Santé et itinéraire professionnel » conçu par la DRESS et la DARES, réalisée en 2006 et 2010, explorant les liens entre les problèmes de santé et les parcours professionnels et conditions de travail. Pour ce travail, seule une partie des items de cette enquête a été utilisée (37). E. Questions concernant le lieu de contrôle Ces quelques questions ne correspondent pas à un questionnaire validé. Elles sont issues d'une contraction et reformulation de questionnaires beaucoup plus complets et validés. Elles permettent d'avoir un aperçu sur le lieu de contrôle perçu par l'étudiant, sans pouvoir tirer de conclusion formelle. Ce questionnaire se voulait être une combinaison d'outils validés, afin de lui assurer une certaine validité. Il n'a toutefois, en lui-même, fait l'objet d'aucune étude de validité. Pour le cadre strict de cette étude, ce questionnaire a permis d'obtenir une description relativement globale du groupe d'étudiants interrogés. Il a aussi permis à la doctorante de nourrir sa réflexion sur l'élaboration d'un questionnaire, des contraintes techniques de sa construction à son analyse et exploitation. Ce questionnaire peut toutefois apparaître trop long, redondant, et certaines des informations recueillies sont peu exploitables pour ce travail. Dans le cadre d'une étude quantitative ou mixte explorant les facteurs associés au vécu douloureux des étudiants en médecine confrontés à la souffrance des patients, un travail plus approfondi et documenté serait nécessaire pour l'élaboration d'un questionnaire valide. 44 II. Analyse qualitative inspirée de l'Analyse Phénoménologique Interprétative. L'objet de cette étude est l'exploration d'un vécu, la méthode qualitative par entretiens semidirigés apparaissait être l'outil le plus adapté. L'analyse a été effectuée selon les principes de l'Analyse Phénoménologique Interprétative. A. L'analyse Phénoménologique Interprétative L'IPA (Interprétative Phenomenological Analysis) est une approche de recherche qualitative qui étudie comment les personnes donnent du sens à leurs expériences de vie. Il s'agit d'une méthode inductive qui permet d'explorer le monde à travers la perspective et le sens donné par le participant. Elle est particulièrement adaptée aux travaux de recherche en psychologie. A partir de l'exploration en profondeur de plusieurs cas particuliers, on peut étudier les différences et similarités entre chaque cas et déterminer des « patterns » qui peuvent être généralisables au groupe homogène auquel appartiennent les participants. L'IPA s'inscrit dans une dynamique qui considère qu'explorer au plus profond le particulier, l'expérience individuelle, conduit au plus près de l'universel. Elle est réalisée à visée exploratoire plutôt qu'explicative et s'attache à la production de sens, elle permet de démontrer l'existence d'un phénomène et non son incidence (38). C'est dans cette dynamique qu'ont été effectuées les différentes étapes d'analyse, que sont le codage ouvert, le codage axial, le codage sélectif et, pour terminer, la modélisation illustrant la théorie issue de l'analyse. Le recueil de données et l'analyse sont guidés par une question de recherche initiale, qui peut évoluer au fur et mesure des données fournies par les participants. Ainsi, cette souplesse de la question de recherche permet au chercheur d'extraire l'essence du propos des participants, qui peut dépasser ou s'écarter des hypothèses initiales. L'évolution de la question de recherche au cours d'un travail qualitatif peut-être considérée comme la preuve que l'analyse s'est effectuée au plus près des données recueillies, et non des a priori du chercheur. 45 B. Evolution de la question de recherche Au fur et à mesure de entretiens, il est apparu qu'au-delà du vécu douloureux en lien avec leur confrontation à la souffrance des patients, les étudiants délivraient spontanément le récit de leur construction personnelle et professionnelle guidée par ces expériences. Afin d'extraire un maximum de la richesse du vécu des étudiants rencontrés, le choix d'intégrer à l'analyse ces aspects de construction en plus des récits de vécu douloureux a été fait. Cette étude pourrait donc aussi s'intituler « vécu des étudiants en médecine confrontés à la souffrance des patients : le cœur de la construction professionnelle de ces futurs soignants ». 46 PARTIE II : ÉTUDE QUALITATIVE 47 48 INTRODUCTION Les étudiants en médecine sont confrontés au patient en souffrance au cours de leur cursus universitaire. En France, de la quatrième à la sixième année, les étudiants hospitaliers sont dits « externes » et sont en stage à mi-temps dans des services hospitaliers. Ils y effectuent leur formation clinique en étant intégrés à l'équipe médicale, et participent aux soins du malade. La confrontation à la souffrance et à la maladie a été identifiée depuis plusieurs dizaines d'années comme une source de stress au cours de leur cursus (2). La multiplication des publications littéraires et des blogs rédigés par des étudiants témoigne de la prégnance de cet aspect dans leur parcours (6–8). Par ailleurs, la souffrance psychique des étudiants en médecine est un phénomène largement rependu à travers le monde, touchant, selon les études, autour d'un tiers des étudiants (11). Ces chiffres sont retrouvés chez les internes de médecine en France (12). Il est régulièrement suggéré que les exigences universitaires de cette filière soient en lien avec cette souffrance psychologique (39). On remarque toutefois que ces troubles apparaissent souvent plus marqués chez les étudiants en médecine que chez leurs pairs d'autres filières non moins exigeantes (16). L'aspect très particulier de la filière médicale qu'est la confrontation à la souffrance des patients est très peu étudié, en particulier dans les liens qu'il peut avoir avec les phénomènes de souffrance psychique des étudiants. Afin de mieux appréhender cet aspect, une enquête sur le vécu des étudiants hospitaliers confrontés à la souffrance des patients au cours de leurs stages de Formation Approfondie aux Sciences Médicales (FASM) a été menée. 49 MATÉRIEL ET MÉTHODE Une enquête qualitative a été réalisée auprès d'étudiants en médecine de FASM1, FASM2 et FASM3 d'avril 2015 à juin 2016, à la faculté de Médecine de Nancy. Les étudiants étaient contactés par internet. Un appel à participation a été publié sur les sites des réseaux sociaux des différentes promotions et sur celui de la Bibliothèque Universitaire Santé de l'Université de Lorraine. Avec l'accord et la participation de l'Université, cet appel a été diffusé sur les écrans des amphithéâtres avant les sessions d'examens de deuxième cycle au printemps 2015. Un courriel a été envoyé à l'ensemble des étudiants de deuxième cycle. Enfin, une version papier a été déposée à la Bibliothèque Universitaire Santé de l'Université de Lorraine (annexe II). Le critère d'inclusion était d'être étudiant en médecine en cours de FASM à l'Université de Lorraine au moment de l'entretien. Les critères d'exclusion étaient d'être une connaissance personnelle de la doctorante ou d'avoir partagé simultanément un lieu de stage avec elle. La question de recherche était explicitée lors du recrutement. Les étudiants participant à l'étude ont été informés du caractère sensible du questionnement et du niveau d'intimité exploré. Parmi les étudiants répondants, l'échantillonnage a été effectué par convenance (disponibilité). Le guide d'entretien a été réalisé à partir d'éléments bibliographiques disponibles permettant d'élaborer des hypothèses de moyenne portée (40,41). Ces hypothèses étaient d'une part que le vécu des étudiants confrontés à la souffrance des patients était conditionné par : l'encadrement en stage l'expérience personnelle des étudiants de confrontation à la mort, la maladie ou la souffrance la confrontation à des patients jeunes, ou présentant un profil susceptible de recevoir les projections personnelles des étudiants 50 les situations de première confrontation à la mort, d'échec de prise en charge, de séquelles lourdes. D'autre part, que la formation des étudiants les préparait peu à cette confrontation. Le guide a été modifié au fur et à mesure de l'analyse des entretiens. Il n'a plus été modifié à partir du huitième entretien (guide d'entretien en annexe III). L'ensemble des entretiens a été réalisé par la doctorante. Ils ont eu lieu au Département de Médecine Générale de l'Université de Lorraine ou au domicile des participants. Avec l'accord des participants, sous couvert d'anonymat, ces entretiens ont été enregistrés par un dictaphone numérique H1 Handy Recorder (contrat de communication annexe IV). Un questionnaire complémentaire était proposé à la fin des entretiens (annexe I). Il était composé d'une première partie socio-démographique, de questions relatives aux hypothèses de moyenne portée, du questionnaire General Health Questionnaire 28 (GHQ28), de modules du questionnaire Medical Outcome Study Short Form 36 (SF-36) à la recherche d'éléments de détresse morale, de la santé perçue et enfin d'une évaluation des ressources socio-affectives disponibles. La cotation du score GHQ 28 s'est faite selon la méthode dichotomique 0-0-1-1 (34). Ce questionnaire avait pour objet de décrire la population d'étudiants rencontrée. Les questionnaires n'étaient pas identifiés. Aucun lien entre l'entretien ou le questionnaire ne pouvait être établi. Après accord du service de santé universitaire, une information orale et un formulaire écrit ont été donnés en fin d'entretien avec les modalités et disponibilités de prise en charge psychologique du service de Médecine Universitaire (formulaire en annexe V). Les réponses aux questions 23 à 28 du GHQ 28 concernant les intentions suicidaires étaient lues avant la fin de la rencontre, afin de pouvoir intervenir en cas d'intention suicidaire évoquée. Les entretiens ont été totalement retranscrits à l'aide du logiciel libre LibreOffice Writer version 4.2.8.2. Les données ont été anonymisées : les éléments permettant d'identifier l'interviewé, une personne ou un lieu ont été supprimés. Les enregistrements ont été détruits après retranscription. Les entretiens ont été menés jusqu'à saturation des données. Les verbatims 51 sont accessibles sur demande. L'analyse thématique du contenu s'est inspirée de la méthode d'Analyse Phénoménologique Interprétative. Elle a été effectuée par la doctorante à l'aide du module RQDA du logiciel libre R version 3.0.2 (2013) ainsi que du logiciel libre FreePlane version 1.2.23. Les trois premières étapes d'analyse que sont le codage ouvert, le codage axial et le codage sélectif, ont été réalisées sur le mode des regards croisés avec un doctorant en psychologie clinique. Les données ont été partagées et discutées afin d'aboutir à des conclusions communes. L'étape de modélisation a été réalisée de manière commune. L'analyse rédigée a été transmise à l'ensemble des étudiants interviewés et leur avis sur ces résultats a été sollicité (annexe VI). De par la nature des données recueillies et de l’absence d’impact de l’étude pour tout patient, ses proches ou ses ayants droits, l’étude n’a pas fait l’objet de déclarations à un CPP, un comité d’éthique ou au CCTIRS. Une déclaration simplifiée à la CNIL a été enregistrée. 52 RÉSULTATS Entre mars 2015 et mai 2016, onze entretiens semi-dirigés d'une durée moyenne de trente cinq minutes ont été réalisés. La saturation des données a été obtenue après neuf entretiens et confirmée par les deux entretiens suivants. I. Caractéristiques de l'échantillon Seules les caractéristiques paraissant pertinentes pour cette étude sont présentées dans ce chapitre (l'ensemble des données issues des questionnaires est disponible en annexe VII). Parmi les participants : il y avait six femmes pour cinq hommes ; l'âge moyen était de 22,9 ans ; ils étaient trois étudiants de FASM1, six étudiants de FASM2 et deux étudiants de DCEM4 ; trois étudiants avaient au moins un parent soignant (Tableau 1) ; trois d'entre eux étaient porteurs d'une affection longue durée ; trois d'entre eux n'avaient jamais été confrontés à un événement de vie du type « maladie de longue durée, souffrance ou décès d'un proche, séparation d'un proche, handicap » (Figure 1). 53 Tableau 1: Caractéristiques socio-démographiques des étudiants Caractéristiques n Age (années) 22.9* Sexe (Femme) 6 Année universitaire en cours FASM1 FASM2 DCEM4 3 6 2 Bénéficiaire d'une bourse universitaire OUI NON Sans réponse 2 6 3 Activité professionnelle parallèle au cursus universitaire OUI (quelques jours par mois) 1 Catégorie socio-professionnelle des parents Médecin Soignant autre Employé (non soignant) Cadre supérieur Auto-entrepreneur 2 1 5 2 1 Résidence Chez les parents Seul en appartement En couple ou en colocation 3 4 4 * moyenne 54 Aucun Séparation longue d'un proche Décès d'un proche Graves problèmes de santé d'un proche Longue maladie Handicap 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Nombre d'étudiants Figure 1: Evénements de vie des étudiants Les raisons ayant motivées le choix de la filière médicale chez les étudiants étaient principalement : « jouer un rôle, être utile aux autres » cité 8 fois. « être à l'écoute de l'autre, avoir du contact humain » et « curiosité intellectuelle et scientifique », cités chacun 7 fois. (Figure 2) Autre : indépendance Modèle/conseils parentaux Vocation, rêve de toujours Bon statut social, métier « sûr » Désir de soigner, guérir Etre à l'écoute, avoir du contact humain Curiosité intellectuelle, scientifique Jouer un rôle, être utile aux autres 0 1 2 3 4 5 Figure 2: Principales motivations à s'engager dans le cursus médical 55 6 7 8 9 Cinq étudiants étaient en état de détresse psychologique selon le questionnaire GHQ 28, avec des scores allant de 5/28 à 13/28, détresse caractérisée très majoritairement par de l'anxiété/insomnie et des manifestations somatiques (Tableau 2). Les scores de dysfonction sociale ou de dépression sévère étaient bas. Les scores de santé perçue du questionnaire Global Health (GH) de l'échelle SF-36 étaient tous supérieurs à 50/100. Tableau 2: Scores moyens obtenus aux sous-échelles du GHQ 28 pour les étudiants ayant un score total moyen > 4/28 (moyenne) Score total GHQ 28>4 Somatisation Anxiété/insomnie Dysfonction sociale Dépression sévère 13/28 4/7 7/7 1/7 1/7 10/28 2/7 6/7 2/7 0/7 7/28 1/7 5/7 1/7 0/7 7/28 4/7 2/7 1/7 0/7 5/28 4/7 1/7 0/7 0/7 Dix étudiants déclaraient avoir un bon sens de la maîtrise des événements, alors qu'un seul étudiant déclarait un sens de la maîtrise plus relatif. Ils déclaraient tous avoir des ressources affectives disponibles (Tableau 3). 56 Tableau 3: Disponibilité de l'entourage des étudiants Entourage n Distance de chez les parents <20km 20 à 50 km 50 à 100km >100 km 1 2 3 2 Fréquence de retour dans la famille N=8 1 fois/semaine 1 à 3 fois/semaine 1 fois/mois 3 3 2 Situation affective « en couple » « célibataire » 7 4 Personne de confiance disponibles OUI NON 10 1 Personne sur qui compter disponible en cas de crise OUI 11 La majorité des étudiants déclarait consacrer plus de cinq heures par semaine à leurs loisirs (Figure 3). 1 5 à 10h/semaine 6 4 Figure 3: Temps hebdomadaire consacré aux loisirs 57 2 à 5h/semaine <2h/semaine Enfin, quatre étudiants déclaraient avoir eu recours à un psychiatre ou psychologue au cours de leur cursus médical, un étudiant déclarait penser qu'il aurait dû y avoir recours sans pour autant le faire. Deux étudiants déclaraient consommer des anxiolytiques à raison d'une fois par semaine et un seul étudiant avait été sous traitement antidépresseur au cours de son cursus. II. Analyse des entretiens A. Le profil du patient, la situation rencontrée et le cadre environnant conditionnent le vécu des étudiants Les étudiants rapportaient un vécu plus douloureux lorsque : il s'agissait de patients en situation de vulnérabilité physique (patient âgé, enfant, femme enceinte, fin de vie, patient comateux) ou sociale : « une personne âgée qui se grabatise et qui est isolée socialement […] c'est plus la situation que la pathologie en soit qui est parfois difficile » E1-1 ; la confrontation à la souffrance était vécue pour la première fois ou de manière brutale et inattendue : « L'hôpital c'est la première fois où j'ai vu la mort et c'était un peu... un peu choquant pour moi » E7-1] ; la situation vécue entrait en résonance avec leur expérience personnelle : « ça m'a fait penser à une situation que j'ai vécue moi personnellement et c'est vrai que pour l'avoir vécue moimême, c'est difficile d'être confronté face à quelqu'un d'autre » E4-1 L'injustice de la maladie et les situations qui « réifiaient » le corps humain étaient aussi retrouvées comme sources de vécu douloureux : « on se dit quand même que c'est un bébé qu'on a découpé en morceaux, qu'on a regardé à l'intérieur, enfin c'est assez difficile » E9-1 ; « c'était d'autant plus, presque injuste, enfin, et ça m'a d'autant plus atteint que les parents avaient respecté une ligne de conduite, avaient perdu un enfant auquel ils tenaient énormément sans qu'on puisse pointer quelque chose du doigt » E11-1 58 Ils vivaient la confrontation à la souffrance plus sereinement lorsque : le patient se montrait combatif : « j'avais l'image de la dame toute effondrée et là je la trouve pimpante et gaillarde [...] ça c'était... le côté positif » E10-1] ; ils se trouvaient supervisés par un aîné attentif à leur vécu : « c'est plus le fait que ce soit le chef de service qui est venu nous demander que, qui fait qu'on est tout de suite tous un peu plus rassurés » E2-1] ; ils se sentaient intégrés dans l'équipe soignante : « le fait qu'on soit bien intégré dans cette équipe fait qu'on se sent aussi plus a l'aise, et le fait qu'on soit plus à l'aise fait qu'on est peut être aussi plus à l'aise avec le patient » E1-2] ; ils pouvaient disposer d'un proche pour se confier : « j'avais la chance d'avoir ma sœur qui était pour quelques jours à mon appart' à ce moment là du coup j'ai pu lui en parler le soir et ça allait mieux après » E7-2] ; ils avaient une activité annexe à la médecine : « cuisiner ça me change les idées [...] je pense que c'est important aussi, qu'il ne faut pas oublier le temps et les occasions de faire autre chose qu'être soignant » E3-1]. L’expérience de la confrontation à la souffrance était source de nombreuses dynamiques d'apprentissage, de construction professionnelle et de questionnements pour les étudiants. Plus qu'une expérience émotionnelle, elle était décrite comme un passage initiatique dans leurs parcours. B. La rencontre avec le patient ouvre aux aspects psychosociaux du soin et de la relation Les étudiants témoignaient d'une considération « globale » du patient et de la relation soignant-soigné. Ils faisaient l'expérience d'une rencontre dans ses différents aspects socioaffectifs. La considération pour le patient et la dimension psychosociale du soin Les étudiants considéraient le patient comme un « être humain » sensible et complexe, bien au-delà de l'objet des sciences qu'ils étudiaient dans les livres : « Il ne faut pas se laisser aveugler par la pathologie physique et par le côté médical des choses » E2-2. 59 Ils avaient une vision holistique du patient, avec une considération marquée pour la dimension psychosociale : • à la fois dans l'expérience de souffrance du patient : « l'infection était bien réglée, mais lui je pense qu'il souffrait un petit peu de l'éloignement familial et peut-être qu'il était aussi en manque de repères » E1-3 • mais aussi dans la prise en charge médicale : « j'ai senti que c'était un peu dans mon rôle de devoir le soutenir à ce moment-là parce que j'étais seule et que je pense que s'il en a parlé c'est qu'il avait besoin quand même que quelqu'un l'écoute à ce sujet » [E4-2]. Les premiers pas dans la relation médecin-patient : tisser des liens, être touché, rencontrer l'autre Les rencontres avec les patients marquaient les premiers pas des étudiants dans l'expérience de la relation médecin-patient. Ils évoquaient les liens qui peuvent se tisser avec les patients, en particulier ceux qu'ils voyaient régulièrement : « c'est vrai que tu les vois tous les jours, et tu te lies un peu avec eux d'une certaine façon » E10-2. Ils se sentaient touchés par l'expression de la souffrance du patient : « ce qui m'a choqué c'est que j'ai vu la patiente hurler « Maman » dans les urgences, alors qu'elle avait 70 ans passés... c'est ça qui m'a fait très très bizarre » E8-1]. Enfin, ils évoquaient les difficultés qu'ils éprouvaient parfois à « rencontrer » la personne, avec des processus d'apprivoisement pour dépasser leur gêne ou timidité initiale : « Il y a le côté émotionnel qui est difficile surtout au niveau des premières rencontres, parce qu'on est un peu mal à l'aise […] on est face à quelqu'un qu'on connaît pas » E1-4. Cela marquait la dimension « humaine » de la relation médecin-patient, au delà de la « fonction » de chacun. C. La relation de soins est l'occasion de construire sa posture de soignant auprès du patient Cette immersion dans la relation médecin-patient amenait les étudiants à construire au fur et à mesure leur posture de soignant. Les missions assignées aux étudiants, comme l'examen clinique d'entrée du patient, les ECG... étaient de réelles occasions de se positionner comme acteur à part entière de la prise en charge auprès du patient : « c'est lié à l'organisation de l'hôpital aussi qui fait qu'on les voit régulièrement, ne serait-ce que pour des petits gestes. Je parlais de l'ECG tout à 60 l'heure, mais le temps qu'on mette les électrodes, ça fait quand même un moment où on est amené à discuter avec le patient et puis vu que je pense qu'il n'a pas toujours envie de parler de la pluie et du beau temps, inévitablement, il va parler de sa pathologie et du coup il va nous poser des questions » E1-4]. Lors de ces moments de contact avec le patient, les étudiants étaient éprouvés dans cette posture, en particulier par les questions posées par le patient : « Je fais super attention parce que je sais qu'ils voient une blouse blanche donc pour eux ça y'est, on sait des trucs mais je sais très bien que je n'aurai pas les connaissances assez complètes pour pouvoir bien leur expliquer et je n'ai pas l'habitude non plus de ce genre de chose, j'aurais trop peur de mal faire » E7-4. Prendre des initiatives, rassurer, expliquer et devenir acteur à part entière de la prise en charge Les étudiants ne manquaient pas de prendre des initiatives professionnelles, avant qu'ils ne soient en mesure de réaliser des soins techniques ou des prescriptions. Ils intervenaient sur le plan relationnel, en instaurant un dialogue avec le patient, en lui donnant des explications sur la prise en charge et la maladie, tout en souhaitant être rassurants : « comme moi, une fois que j'avais fini mon travail d'externe, j'avais un peu le temps, je leur expliquais et vraiment, ils étaient super contents que quelqu'un leur explique. Parce que même si certes c'est super spécialisé, super abstrait intellectuellement, enfin, on peut expliquer ça de manière assez simple pour que les gens comprennent… » E51]. Cette proximité et cette posture les faisaient se considérer comme le « premier maillon » faisant le lien entre le patient et le reste de la « chaîne médicale ». Ils assumaient la responsabilité d'une « sentinelle » sur le vécu mais aussi l'état initial du patient, en relayant l'information recueillie aux aînés : « on est la première personne à les voir, après c'est nous qui allons transmettre les messages. […] c'est quand même un rôle important parce qu'on les voit en premier, voilà c'est à nous qu'ils disent tout ce qui ne va pas » E9-2]. La relation humaine : bienfaitrice dans le cursus des étudiants Les étudiants vivaient la relation humaine comme bienfaitrice dans leur cursus universitaire. Ils estimaient que la rencontre avec le patient donnait du sens aux apprentissages théoriques et ils se sentaient devenir médecin au contact du patient : « justement, les bouquins c'est très bien, mais le fait de rencontrer le patient, c'est ça aussi qui est intéressant […] je crois que c'est surtout la rencontre 61 qui fait du bien » E1-5]. Ces rencontres suscitaient aussi des questionnements sur le cadre de valeurs personnelles et professionnelles des étudiants. D. Être témoin met à l'épreuve et participe à la construction des valeurs de soignant des étudiants. Le processus de construction professionnelle passait par la réflexion autour des valeurs professionnelles, en écho aux valeurs personnelles. Lorsque la prise en charge va à l'encontre des valeurs des étudiants Les étudiants se disaient choqués par des prise en charge entrant en conflit avec leurs valeurs morales : « sur les convictions personnelles […] tu ne peux pas revenir sur l'IVG parce que c'est une telle avancée tout ça, mais quand tu y assistes, [..] c'était abominable [..] je trouve que c'était la question qui m'a le plus perturbée» E10-4. Ils évoquaient comme douloureuse leur participation à des gestes ou soins qu'ils ne jugeaient pas éthiques, ou à une prise en charge médicale devenant elle-même l'origine de la souffrance du patient : « on devait faire un examen clinique sur des patients comateux […] c'était assez étrange parce que les patients ne répondent pas, on leur fait l'examen clinique mais ils ne savent pas qu'on leur fait donc c'est assez perturbant » E9-3 ; « elle avait déjà dit qu'elle avait mal, elle avait déjà dit qu'elle en avait marre, qu'elle voulait qu'on arrête et j'ai l'impression que son dernier recours pour lutter contre cette douleur et pour faire passer ce moment c'était d'en appeler à sa maman » E8-1. Enfin, ils s'interrogeaient sur des protocoles de communication imposés avec le patient ou sa famille qui ne leur semblaient pas respectueux des individus concernés : « tout le monde le sait que c'est un cancer, et personne ne le dit. Eh bon après bah voilà ; t'as les consultations d'annonce qui sont faites pour ça donc voilà, mais c'était assez déstabilisant […] ça fait un peu prendre les gens pour des cons » E10-5. Se questionner et se positionner déontologiquement Ces expériences entraînaient aussi des réflexions sur leur positionnement déontologique. Dans leur posture vis-à-vis de leurs aînés, les étudiants appuyaient le fait de n'être « qu'externe », n'ayant pas la possibilité de remettre ouvertement en question les actes de 62 leurs aînés : « des fois il y a des choses faites par les PH, les internes et tout ça qui, enfin, heurtent un peu notre sensibilité, et comme on est externe, on peut pas trop dire et pas trop donner notre avis…» E5-2. Ils étaient aussi freinés par l'idée de dénigrer leurs aînés, ce qui leur apparaissait incorrect : « pour la discussion en elle-même de la situation, j'aurais un peu l'impression de dénigrer la capacité de mes internes ou des ACC ou des médecins qui étaient là » E2-3. Valoriser les compétences relationnelles, l'humanisme dans la pratique, et du temps disponible pour le patient Les étudiants appréciaient la présence de valeurs dites « humaines » dans le soin. Ils avaient des exigences affirmées sur les compétences relationnelles qui incombent à un médecin : « c'est un moment tellement particulier [...] où les gens ils sont ultra fragiles et si tu arrives avec tes gros sabots, ça peut-être plus ravageur » E10-6. Ils appréciaient d'observer ces compétences chez leurs aînés et valorisaient la présence de marques d'humanisme chez les soignants : « ça montrait qu'il y avait quand même de l'humain dans la situation, les gens ils étaient pas là juste pour faire un boulot de robot » E7-5. De ces exigences relationnelles et éthiques, le temps disponible auprès du patient paraissait un élément inconditionnel de la qualité des soins délivrés : « le fait d'avoir un peu plus de temps [...] les patients quand ils sentent qu'on n'est pas pressé d'aller voir le patient suivant, on sent qu'ils sont vraiment soulagés de ne pas être pris comme un numéro, comme du bétail » E7-6]. Le vécu de l'exercice de la médecine était très marqué par l'expérience de l'impuissance, face à laquelle les étudiants montraient peu de recul. E. L'expérience de l'impuissance : à la découverte de ses propres limites et de celles de la médecine L'expérience de l'impuissance avait été marquante pour l'ensemble des étudiants interrogés. Elle marquait la découverte de leurs propres limites et de celles de la médecine. L’effondrement du mythe de la toute-puissance ou lorsque la pratique dément la théorie Les étudiants évoquaient la surprise de faire face à une situation réelle qui ne correspondait pas à celles étudiées dans les livres. Les apprentissages théoriques semblaient nourrir chez 63 eux un mythe de la toute-puissance de la médecine. L’écroulement de ce mythe face à la réalité était déstabilisant : « d'habitude c'était sur mannequins, des sessions, et du coup là c'était assez impressionnant et c'est vrai que du coup l'apprendre sur mannequin, on se dit que bah si on masse ça va repartir quoi [...] inévitablement c'est là où on voit justement nos limites, parce que du coup on a peut être une vision un peu utopique de la médecine avec le médecin qui entre dans la chambre et qui soigne le patient comme un magicien » E1-6. L'incertitude, l'imprévisible Les étudiants témoignaient de difficultés à admettre l'imprévisible et l'incertitude en médecine et à les assumer devant les patients : « ce que je trouve le plus dur c'est que des fois on ne sait pas quoi leur répondre, […] on aimerait bien leur répondre et tout savoir directement, pour paraître, plus, plus efficace, ou pour les aider» E9-4 ; « je trouve ça difficile de devoir faire avec l'inconnu ou l'imprévisible » E1-7. Ces expériences d'impuissance étaient vécues comme des échecs douloureux pour les étudiants : « c'était ma première confrontation avec la mort, dans mon rôle de médecin, enfin, futur rôle de médecin... oui, je considère ne pas avoir réussi » E11-2. F. La démarche réflexive engagée par l'étudiant Ces différentes étapes franchies par les étudiants lors de ces expériences les engageaient dans une démarche réflexive importante. Découvrir ses émotions, y faire face et apprendre « l'empathie » Les émotions suscitées par la rencontre avec la souffrance de l'autre et de sa prise en charge étaient assumées et reconnues : « J'ai toujours un peu plus de mal avec ces gens là […] le rebond dont je parlais tout à l'heure, est plus fort et je suis ému » E3-2. Elles se déclinaient en tristesse, colère, peur ou surprise. Cela leur permettait d'apprendre à les maîtriser, à trouver ce qu'ils jugeaient être « la juste distance » avec le patient et son vécu : « Pareil, j'ai appris à relativiser : c'était le premier, ça ne sera pas le dernier, j'en ai vu d'autres depuis euh... c'est jamais évident mais bon... c'est la vie » [E8-2] « Je trouve que c'est vraiment au contact des gens que tu apprends à te positionner[…] tu apprends, je pense, à vraiment te protéger aussi, enfin, à garder vraiment une distance» E10-7. Ils associaient cela à l'apprentissage de l'attitude empathique : « j'essaye déjà d'apprendre à prendre 64 du recul... ce qui n'empêche pas d'être empathique » E8-3. Ce que ces émotions deviennent : retour sur soi ou mise à distance Ils s'inscrivaient parfois dans une démarche auto-analytique de leur vécu émotionnel : « cette souffrance que peut exprimer le patient ou que moi je peux ressentir, il faut qu'elle ait du sens pour ce que je peux faire pour lui... et il faut aussi que moi je sois capable d'un minimum de retour dessus » E3-3. Sinon, au contraire, ils considéraient que le temps suffirait à faire évoluer leur ressenti et qu'ils seraient moins touchés au fur et à mesure des expériences : « avec l'expérience déjà, plus on voit de patients, plus on est confronté à ça, plus on est habitué » E6-2. Le dialogue et l'échange perçus comme une étape nécessaire pour « digérer le vécu » Le dialogue et le temps d'échange sur la situation vécue douloureusement étaient les outils utilisés pour « digérer» l'expérience : « on se raconte nos gardes, ce qui s'est passé, ce qu'on a vu […] ça permet aussi d'évacuer tout de suite et ne pas laisser s'envenimer les mauvais souvenirs et des mauvaises expériences » E8-2 Les étudiants évoquaient la nécessité et les bienfaits de raconter ce qu'ils avaient vécu : « je pense que le temps de parole et d'échange c'est quelque chose de fondamental. Ce qu'on est en train de faire là, ça donne du sens à ce que j'ai pu vivre dans le passé » E3-4 L'échange était surtout conduit avec les proches et les pairs. Il était considéré comme un moyen de formation : « j'en ai un peu parlé avec d'autres étudiants […] c'est bien d'en discuter parce que ça permet aussi de prendre du recul par rapport à la situation... ou d'en faire prendre en tout cas à notre entourage, de les aider entre guillemets à confronter, à vaincre un peu ce genre de situation, sans pour autant qu'ils y soient confrontés sur le coup » E2-4 Les aînés internes et médecins seniors n'étaient pas des interlocuteurs choisis pour conduire cet échange réflexif : « que l'externe soit triste parce que tel patient est mort ou que tel patient souffre, les PH, c'est pas trop leur soucis » E5-3. La formation était ensuite citée comme outil potentiel pour leur permettre d'approfondir leurs réflexions et compétences dans les aspects relationnels du soin. 65 G. La formation selon les étudiants : modèles, critiques et souhaits Sur le terrain, grâce aux modèles imités Ils évoquaient une formation à la confrontation à la souffrance et à la relation médecin-patient se déroulant sur les terrains de stages, grâce à des modèles: « il y a aussi des modèles, un autre PH qui pour le coup, était impressionnant de clarté et d'empathie avec les gens [...] j'ai essayé de m'inspirer plutôt de lui […] c'était un médecin à la fois compétent techniquement mais il était vraiment aussi à l'écoute des familles, du personnel paramédical et ça je trouvais ça vraiment super bien » E5-4. Ils observaient la manière de faire de leurs aînés, jugée comme exemplaire ou contreexemplaire, mais utilisée comme référence de formation dans les deux cas. Les étudiants passaient ensuite par des phases de mimétisme pour la mise en pratique « le fait de voir le chef de service le faire ça m'a un peu conforté l'idée et du coup c'est ce que je fais en général maintenant » E2-5. Les étudiants regrettaient globalement le manque de formation bien structurée concernant cette problématique. Le manque de formation aux aspects relationnels du soin et à la confrontation à la souffrance. Les étudiants remettaient en question leur formation initiale basée uniquement sur les aspects bio-techniques du soin : « on trouve les moyens de nous apprendre à gérer des situations qui sont stressantes éventuellement […] mais qui sont tout le temps orientés sur le plan physique alors que finalement, ce genre de situations [...] j'ai trouvé ça plus subtil et en même temps, je ne me sentais pas du tout armé pour ça » E2-5]. Ils ne se sentaient pas assez formés ni coachés pour faire face à cette souffrance et disposer d'outils pour accompagner les patients : « par rapport à la souffrance du patient, je trouve qu'en tant qu'étudiant, on n'est absolument pas préparé à ça » E6-2. Ils étaient en demande d'une formation plus structurée et cadrée : « c'est pas quelque chose qui est évident à apprendre, mais... je ne sais pas, qu'on nous donne des clefs, qu'on insiste un petit peu plus dessus, qu'on nous donne des exemples » E8-3. 66 Le souhait d'une formation pratique plutôt que théorique Les étudiants jugeaient que des enseignements théoriques ne seraient pas adaptés pour leur fournir des outils, mais démontraient de l'enthousiasme pour une formation pratique, de type « mise en situations en petits groupes » « Après c'est du domaine de l'humain donc on est, je pense qu'on ne peut pas avoir de cours théoriques là dessus » E10-7] ; « je dirais plutôt des choses en petits groupes, jeux de rôle, enfin, partage d'expériences » E5-5]. III. Idées forces et originales A. La confrontation à la souffrance du patient, source de stress La confrontation à la souffrance du patient était évoquée comme une source de stress au cours du cursus, conditionnée par le profil du patient, la situation rencontrée, l'histoire personnelle de l'étudiant et le cadre environnant. Les prises en charge qui se heurtaient aux valeurs personnelles des étudiants ou qui étaient jugées non éthiques, à l'origine de la souffrance du patient ou ne semblant pas en accord avec le respect du patient étaient critiquées. Toutefois, les étudiants ne formulaient pas ces critiques à leurs aînés. Ils jugeaient leur place hiérarchique trop basse pour s'affirmer ou ne souhaitaient pas paraître dénigrants. Le mythe de la toute-puissance de la médecine était ébranlé et les expériences d'impuissance de prise en charge médicale étaient vécues comme des échecs douloureux. B. La rencontre avec le patient, source de construction professionnelle La rencontre avec le patient était source de nombreuses dynamiques d'apprentissage et de construction professionnelle. Les étudiants adoptaient alors une posture de médecin et effectuaient leurs premiers pas dans l'apprentissage de la relation médecin-patient. Ils prenaient des initiatives de réassurance et d'accompagnement. Les aspects complexes de la dimension psychosociale du patient et du soin étaient reconnus et pris en considération. Les étudiants estimaient que les aspects « humains » du soin donnaient du sens à leurs 67 apprentissages. Ils valorisaient les compétences relationnelles et une prise en charge « humaniste » chez les soignants, et le temps disponible pour construire la relation avec le patient. C. Vécu émotionnel et prise de distance Les émotions éprouvées lors de ces expériences étaient exprimées et reconnues mais une certaine mise à distance des affects était visée. Leurs pairs étaient des interlocuteurs de choix pour effectuer la démarche réflexive sur leur vécu. Les internes ou les médecins seniors n'étaient pas sollicités. D. La forte demande de formation Les étudiants s'estimaient peu ou pas formés pour l'expérience relationnelle avec les patients. Cette formation était dominée par les modèles qu'ils rencontraient sur les terrains de stage. Ils étaient en demande d'une formation structurée et pratique, privilégiant le travail en petits groupes et l'échange. 68 DISCUSSION I. La construction de la posture de soignant La confrontation à la souffrance des patients au cours des stages cliniques constitue une étape majeure dans la construction professionnelle des étudiants. Comme l'écrit Levinas, selon Benaroyo, c'est la confrontation à l'autre souffrant qui met le soignant en position de « responsabilité pour autrui », l'éveillant ainsi au noyau éthique de la relation de soins (76). Dans cette étude, les étudiants découvrent la relation médecin-patient, témoignent d'une vision centrée sur le patient, prennent la mesure de la dimension psychosociale dans la souffrance et dans le soin. Les missions qui leurs sont assignées sont des occasions de devenir soignants, en adoptant une attitude qu’ils veulent être « d'écoute » et « d'empathie », en prenant des initiatives de réassurance et d'explications « au lit du malade ». Cette construction de posture engagée par les étudiants n'est pas retrouvée dans la littérature. II. La confrontation à la souffrance et l'empathie L'évolution du niveau d'empathie chez les étudiants en médecine est étudiée par de nombreux travaux. Ici, aucune échelle de mesure n'a été utilisée mais les résultats ne suggèrent pas « l'érosion de l'empathie » des étudiants au cours de leur cursus, décrite dans la littérature (26,42). La méthode d'enquête par entretien et la question posée aux étudiants, les positionnant comme acteur principal du récit qu'ils font de leur vécu dans une relation de soins, apporte des données plus détaillées, moins tranchées, plus complexes qu'une échelle. Mais aussi le très faible échantillon, le biais de sélection inhérent à cette étude et le biais de désirabilité sociale peuvent estomper ce phénomène. Le concept d'empathie chez les soignants est très complexe, et sa définition est encore 69 largement débattue. On s'accorde à reconnaître qu'il implique l'existence d'émotions chez le soignant (43). Or, les résultats indiquent que la démarche réflexive qu'engagent les étudiants de cette étude ne semble pas les conduire vers la reconnaissance et l'acceptation des émotions qu'ils ressentent en tant que soignants. Ils visent une prise de distance, qu'ils qualifient de « juste distance », en laissant le temps les endurcir en accord avec le modèle de neutralité affective de notre culture médicale (26). La notion d'empathie semble mal comprise des étudiants et il paraît donc difficile de l'évaluer actuellement chez eux. Les résultats de cette étude suggèrent un retrait émotionnel plutôt qu'une érosion de l'empathie. Cette attitude peut-être expliquée par la sur-sollicitation émotionnelle à laquelle les étudiants font face lors de leur cursus clinique, sans guidance ni outils d'analyse. Cette hypothèse a déjà été soulevée chez les soignants (44). Des explorations complémentaires concernant la compréhension du concept d'empathie par les étudiants semblent nécessaires pour mieux comprendre sa construction et son évolution. Par ailleurs, l'accompagnement des étudiants dans leur propre vécu émotionnel pourrait les amener à de meilleures dispositions à l'attitude empathique. III. La confrontation à la souffrance et le stress La confrontation à la souffrance des patients apparaît ici comme une source de stress pour les étudiants, en accord avec d'autres travaux (3,30,45). Cet aspect très spécifique à la filière médicale reste pourtant peu étudié et peu compris. Notre étude apporte un éclairage sur ce stress en particulier. Le vécu des étudiants est ici conditionné par des caractéristiques individuelles telles que leur histoire personnelle, la disponibilité de leur entourage ou les activités de loisirs et par des éléments liés à leur encadrement. L'attitude d'écoute et de bienveillance des aînés à leur égard, ainsi qu'une attitude jugée « humaine » à l'égard des patients, les soulage du stress vécu. Au contraire, le stress vécu est augmenté par des attitudes de soignants qui leur semblent non respectueuses du patient, non éthiques, lorsque la prise en charge est l'origine de la souffrance du patient, ou lorsqu'elle va à l'encontre de leurs valeurs morales, par la réification du corps. La participation active ou passive à une prise en charge jugée non-éthique a déjà été suggérée 70 comme facteur de stress pour les étudiants (30). Les résultats de cette étude suggèrent une place importante du stress lié à l'expérience de l'impuissance. Les enseignements théoriques universitaires semblent entretenir un mythe de toute-puissance médicale. Les étudiants sont surpris de la discordance entre ce qu'ils tenaient pour vérité dans les livres et la réalité qu'ils découvrent en stage. L'expérience de l'impuissance ou de l'incertitude les engage dans une réflexion nécessaire sur les limites de la médecine, mais reste associée à l'échec. Benbassat et al. évoquent une « intolérance à l'incertitude » chez les étudiants en médecine, source de stress dans leur pratique clinique, d'autant plus qu'ils n'y étaient pas préparés (46). L'acceptation de l'incertitude comme une composante intrinsèque à l'exercice médical est une étape nécessaire dans le parcours d'un soignant pour lui éviter ces écueils et devrait, selon d'autres auteurs, être abordée dans la formation initiale (47). IV. Stratégies pour faire face Pour faire face à ce stress, les étudiants adoptent les trois différentes stratégies dites de coping. Ils adoptent d'une part des stratégies centrées sur le problème, dites « vigilantes » : les interventions de réassurance du patient, le positionnement actif pour relayer l'information sur l'état du patient. D'autre part, ils adoptent des stratégies centrées sur l'émotion, dites « évitantes » telles que la pratique d'activités annexes, la minimisation des émotions en les attribuant à leur manque d'expérience et l'auto-dénigrement considérant que l'étudiant, en bas de l'échelle hiérarchique, n'a pas son avis à donner sur la prise en charge. Enfin, ils recherchent du soutien social, principalement dans l'entourage et parmi leurs pairs. L'échange entre pairs paraît d'autant plus intéressant qu'il combine les trois stratégies : il permet de réduire les émotions, de se former pour faire face au problème et d'obtenir du soutien social. Dans la littérature, les stratégies dites « vigilantes » ont été associées à une meilleure santé mentale chez les étudiants en médecine (48). Les caractéristiques individuelles des étudiants, leurs expériences antérieures et les situations rencontrées conditionnent l'évaluation primaire de la situation stressante et la stratégie de coping développée. Il a été rapporté que les étudiants en médecine adoptaient principalement des stratégies de coping inadaptées telles 71 que les remarques cyniques ou la consommation d'alcool (45). Ces stratégies n'apparaissent pas dans cette étude, probablement du fait la petite taille de l'échantillon et des biais de désirabilité sociale et de sélection inhérents à ce travail. V. Modélisation A. Le « Coping Reserve Tank » Ces résultats peuvent être modélisés par le « Coping Reserve Tank » développé par Dunn, Iglewicz et Moutier, qui illustre l'issue du vécu des étudiants en fonction des apports positifs ou négatifs de leur cursus. Illustration 2: Modélisation du vécu des étudiants confrontés à la souffrance des patients 72 Selon ce modèle, les ressources des étudiants pourraient être augmentées par des interventions extérieures : modèles, support psychosocial et stimulation intellectuelle, leur permettant d'améliorer leurs capacités à faire face à la situation vécue et d'engager une dynamique de résilience (31). B. Les modèles dans la formation La place des modèles et du support psycho-social apparaît dans les résultats de cette étude. Les étudiants décrivent un « médecin-modèle » qui dispose de compétences cliniques et relationnelles, qui communique bien avec les patients, les familles et les équipes. Les étudiants miment leurs aînés, en particulier ceux identifiés comme modèles. Cette place importante des modèles dans la formation médicale est bien décrite dans la littérature et les caractéristiques retrouvées y sont similaires (49). Ils sont une composante du « curriculum caché » reconnu comme déterminant dans le processus de formation des étudiants (50). Des travaux suggèrent de former les médecins à être de bons modèles et les étudiants à reconnaître et choisir leurs modèles afin de tirer, autant que possible, les bénéfices de ce « curriculum caché » (49,51). C. La formation universitaire L'apport par la stimulation intellectuelle, incarnée par la formation universitaire, est ici évoquée comme insuffisante. Les étudiants souhaiteraient bénéficier d'enseignements pratiques aux dimensions relationnelles du soin, ce qui renvoie aux recommandations de l'Académie Nationale de Médecine à ce sujet (52,53). Des initiatives de formation visant l'amélioration des compétences relationnelles et communicationnelles des étudiants existent en France et à l'étranger (54–57). Elles restent peu évaluées sur le plan de l'acquisition de compétence et de la qualité des soins délivrés mais sont très appréciées par les étudiants, elles contribuent donc probablement à un mieux-être dans leur cursus. VI. Limites et perspectives Dans cette étude, le groupe d'étudiants est relativement homogène. Un recrutement en 73 variabilité maximale aurait pu permettre de relever d'autres éléments de vécu. Le faible nombre de répondants n'a pas permis de rechercher une variabilité maximale. La proportion d'étudiants qui se déclarent atteints d'une affection longue durée paraît considérable pour des adultes de cette tranche d'âge (3/11). On peut suggérer que l'expérience personnelle de ces étudiants avec le milieu du soin, en tant que patients, les a rendu particulièrement réceptifs à ce sujet de recherche et a provoqué un biais de sélection. Le statut d'interne de l'enquêtrice a pu majorer le biais de désirabilité sociale. Une étude similaire menée par un enquêteur extérieur au domaine du soin pourrait apporter des réponses différentes. Les étudiants rencontrés présentaient des signes de détresse psychologique au score du GHQ 28 mais elle n'était pas mise en lien avec les situations vécues relatées pendant les entretiens. La recherche d'autres facteurs de stress liés au cursus aurait pu permettre de mieux comprendre ces résultats. Le mode de recrutement entraîne probablement la sélection d'étudiants ayant réussi à faire face au stress généré par les situations vécues. Un recrutement plus large, sur les terrains de stage directement pourrait permettre de lever ce biais. Des explorations complémentaires, sur de plus grands échantillons, dans d'autres universités, sont nécessaires pour mieux comprendre ces processus de construction professionnelle abordés dans cette étude. Une meilleure compréhension permettrait d'orienter des politiques de formation universitaires visant à la fois un mieux être des étudiants, mais aussi une amélioration de leurs compétences professionnelles. 74 CONCLUSION La confrontation à la souffrance des patients est une étape indispensable au cours du cursus des étudiants en médecine. Le profil du patient, la situation affrontée et l'environnement encadrant conditionnent le stress qui en découle. Ces expériences apparaissent toutefois comme une étape majeure dans la construction professionnelle de ces futurs soignants. L'empathie, concept clé de l'exercice de la médecine, est éprouvée lors de cette étape mais semble mal appréhendée. Une formation plus approfondie aux aspects relationnels du soin permettrait de limiter le stress vécu et de répondre à des enjeux internationaux d'amélioration du bien-être des étudiants en médecine. 75 76 Partie III : PERSPECTIVES ET INTÉRÊT POUR LA MÉDECINE GÉNÉRALE 77 78 LA PLACE DE L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES HUMAINES DANS LE CURSUS DES ÉTUDIANTS EN MÉDECINE Les résultats de cette étude soulignent que les étudiants interviewés sont en forte demande d'une formation universitaire traitant des aspects relationnels et psychosociaux de l'exercice de la médecine. Depuis plusieurs années, la question de l'accompagnement des étudiants en médecine durant leur immersion dans l'expérience humaine qu'est la relation médecin-patient préoccupe plusieurs institutions. La position de l'Académie Nationale de Médecine quant à la nécessité de cette formation est claire : « l'étudiant doit développer ses aptitudes psycho-affectives, apprendre à ajuster sa présentation et son comportement aux exigences du malade et aux circonstances particulières et à créer ce climat de confiance sans lequel ne peut se dérouler l'acte médical le plus simple […]. L'appétit de réflexion « éthique » du jeune étudiant doit enfin être renforcé par l'exemple des aînés. En effet cet enseignement est délivré au mieux par un médecin senior au lit du malade. C'est bien au contact du malade, par l'exemple du « maître », que s'acquière « l'intelligence de la main » » (58). Le référentiel de compétences du second cycle des études médicales stipule que l'étudiant en médecine doit disposer de compétences de communicateur, qu'il ait « conscience des enjeux de la relation et de la communication verbale et non verbale sur la qualité des soins » et qu'il apprenne à « gérer son stress et celui des autres acteurs ». Les compétences éthiques et déontologiques soulevées par les étudiants font aussi partie des compétences requises à leur niveau : « L’étudiant a une attitude guidée par l’éthique, le code de déontologie et adopte un comportement responsable, approprié, intègre, altruiste visant au bien-être personnel et à la promotion du bien public se préparant ainsi au professionnalisme » (59). 79 En France actuellement, l'Unité d'Enseignement (UE) « Santé, Humanité et Société » intégrée au premier cycle des études médicales aborde dans son programme, les sciences humaines et sociales. Elle traite, entre autres, de questions de psychologie médicale, de relation soignantsoigné, et d'éthique. Certaines universités proposent des formations aux aspects relationnels du soins formalisées et, pour la plupart, contextualisées par les expériences des étudiants. I. Exemples d'enseignements dédiés à la formation à la relation médecin-patient en France On retrouve, dans la littérature francophone, des exemples de programmes d'enseignement au deuxième cycle dédiés à la formation des étudiants à la relation médecin-patient. A. Faculté de Paris Créteil À Créteil, un programme existe depuis les années 70. Il est placé sous la responsabilité du Département d'Enseignement et de Recherche en Psychologie Médicale et s'adresse principalement aux étudiants de fin de premier cycle. Il intervient à la suite des six premiers mois de stage hospitalier, qui commencent en FGSM2 dans cette université. Cet enseignement est obligatoire. Il s'articule autour de deux modules. Le premier module traite de psychologie médicale et comprend des cours magistraux ainsi que des enseignements dirigés au cours desquels les étudiants, par groupes de vingt, réfléchissent sur des vignettes cliniques accompagnés par un binôme d'enseignants. Le second module se centre sur la relation médecin-patient, avec une première partie de discussions en groupes sur des situations vécues en stage, et une deuxième partie de jeux de rôle. L'animation des groupes est assurée par un binôme, composé d'un médecin, souvent généraliste, et d'un professionnel de la psychologie clinique. Enfin, cet enseignement se clôture par la rédaction d'un mémoire portant sur la relation médecin-patient et leur expérience de formation dans les groupes. Ils disposent d'un corpus de textes de références, auquel ils peuvent se référer pendant l'ensemble de l'enseignement, pour alimenter leurs questionnements et réflexions. Les étudiants sont satisfaits de cet enseignement pour plus de 80 % d'entre eux (56). 80 Dans cette même faculté, un enseignement pilote est actuellement en cours pour les étudiants de deuxième cycle. Les étudiants de FASM1 et FASM2 sont en groupes de dix étudiants et se retrouvent pendant des séances de deux heures mensuelles sur le schéma des groupes Balint. Ils sont accompagnés par un binôme (médecin/spécialiste de la psychologie clinique) et reviennent sur des situations de stage qui leur ont posé questions ou problèmes en lien avec les aspects relationnels du soin. Ces séances ont lieu sur le temps de stage, en accord avec les chefs de service. B. Faculté de Nantes À la faculté de Médecine de Nantes, un enseignement à la relation médecin-patient est proposé aux étudiants de deuxième et troisième années (FGSM2 et FGSM3). Les enseignements en deuxième année s'articulent d'une part autour de demi-journées de stage dans un cabinet de médecin généraliste ou spécialiste ambulatoire où l'accent était mis sur les aspects de la relation médecin-patient, et d'autre part autour d'enseignements dirigés utilisant des interventions pédagogiques interactionnelles à partir d'activités en sous-groupes. L'enseignement en troisième année comporte un temps de réflexions avec les étudiants suite aux entretiens qu'ils ont eu avec des patients ainsi que des enseignements dirigés menés en sous-groupes, avec des interventions pédagogiques interactionnelles. Après chaque enseignement, une séance de rétroaction a lieu pour permettre aux étudiants de s'exprimer sur leur vécu en stage et au cours de l'enseignement. L'évaluation faite de cet enseignement a démontré une appréciation globale positive des étudiants de 76 %. Aucune évaluation n'a été effectuée sur l'amélioration des acquisitions de compétences relationnelles en lien avec ces enseignements (55). C. Faculté de Rouen Enfin, à la faculté de Rouen, un enseignement centré sur les apprentissages de la communication médecin-patient aborde les particularités de la relation médecin-malade. Il s'organise autour de séances en petits groupes de dix étudiants, s'appuie sur des travaux pratiques, des exercices, l'analyse critique et la discussion autour d'expériences personnelles. Une étude d'impact révèle une progression significative des compétences en communication chez tous les étudiants entre le début et la fin de l'année, mais plus marquée chez les étudiants 81 ayant participé à l'ensemble de l'enseignement sur la communication (57). D. Faculté de Nancy La faculté de Nancy propose depuis la rentrée 2015 un enseignement optionnel en travaux dirigés comprenant des jeux de rôle sur la relation soignants-soignés. Les étudiants volontaires sont répartis par groupes de vingt. Cinq séances de deux heures chacune ont été menées la première année. On ne dispose pas encore d'évaluation de cet enseignement mais il a été reconduit à la rentrée universitaire 2016. Ces exemples sont à replacer dans leur contexte local, les effectifs d'étudiants et l'organisation des enseignements étant très différents d'une faculté à l'autre. Il semble toutefois intéressant de considérer les projets menés dans différentes facultés pour alimenter la réflexion à l'échelle locale. II. Formation à la relation médecin-patient et bien-être étudiant Au delà de la question de l'amélioration des compétences en « relation et communication » des étudiants, réfléchir sur un enseignement de la relation médecin-patient, aux sujets connexes, à la dimension « sciences humaines » de la médecine, semble relever aussi de la problématique du bien-être des étudiants. A. Promouvoir le bien-être des étudiants en médecine Le bien-être des étudiants est une question posée à l'échelle internationale, qui fait écho à celle concernant la souffrance des étudiants, exposée en introduction. Cette question du bienêtre devient, pour certaines équipes étrangères, une question prioritaire dont les universités doivent se saisir (60–62). En France, le « bien-être personnel » et la gestion du stress font partie des compétences des étudiants définies par le Code de Santé Publique (59). Il a été démontré que le bien-être des étudiants améliorait leurs compétences universitaires et 82 que, plus tard, le bien-être des praticiens améliorait les compétences cliniques. On peut suggérer qu'une meilleure préparation à la rencontre et à l'accompagnement du patient en souffrance diminuerait le stress vécu par les étudiants. La large satisfaction témoignée par les étudiants ayant participé aux différents enseignements évalués présentés plus haut appuie l'hypothèse que ces formations améliorent leur bien-être. Comme le suggère le modèle du « Coping Reserve Tank », l'augmentation des ressources, par la stimulation intellectuelle, pour faire face à une situation donnée, oriente vers la résilience et améliorerait le bien-être. Les résultats de cette étude suggèrent bien que l'objectif d'une telle formation visé par les étudiants est la diminution de leur stress. L'impact que ce type de formation peut avoir sur le vécu des étudiants en stage mériterait donc d'être étudié en terme d'amélioration de leur bien-être. B. Une formation à la relation médecin-patient : bénéfique pour tous C'est dans une démarche globale qu'il semble nécessaire de considérer l'intérêt d'une telle formation, dans ce qu'elle apporte aux étudiants en matière de compétences et de bien-être. L'objectif est de former des soignants hautement performants, délivrant des soins de qualité aux patients dans un bien-être professionnel. Cette réflexion ne doit pas s'affranchir des autres facteurs de stress subit par les étudiants au cours de leur cursus. Accompagner les étudiants dans leur vécu au cours de leur cursus clinique et enseigner la dimension humaine du soin induisent bien-sûr la reconnaissance de la dimension humaine du patient, mais aussi celle du soignant. Ainsi, la reconnaissance de l'importance de la vie émotionnelle dans la relation de soins rend à chacun une dimension humaine (63). La reconnaissance de l'importance du vécu émotionnel des étudiants au cours de leurs rencontres avec les patients lors de leur cursus est une première étape indispensable de l'ambition d'humanisation de soin. L'enseignement de la médecine narrative, pratique pédagogique ayant émergée aux Etats-Unis (USA) ces dernières décennies, semble répondre à la considération nécessaire du vécu de chacun dans la relation de soins. 83 III. L'enseignement de la médecine narrative : une piste ? A. La médecine narrative en quelques mots Dès la fin des années 1960, un climat de critiques de l'orientation « technico-scientifique » de la médecine, qui met à distance le patient et son vécu, apparaît aux Etats-Unis (USA). Un mouvement composé de médecins et d'éthiciens propose une réorientation de la formation médicale vers une « ré-humanisation » de la médecine. Dans les années 1970, quelques écoles de médecine font appel à de grandes œuvres littéraires dans le but « d'humaniser » les futurs médecins (64). Toutefois, le concept de médecine narrative n'apparaît qu'au cours des années 2000 à l'Université de Columbia (USA), il est fondé par Madame le Professeur Rita Charon, spécialisée en médecine interne. Elle emprunte aux spécialistes de la littérature les techniques d'analyse structurelle d'un texte pour décoder le récit du patient. L'enseignement de la médecine narrative a pour objet de faire prendre conscience aux praticiens ou étudiants l'importance du sens du discours du patient, dans son contenu mais aussi sa structure ; ainsi que du sens que prend le discours du soignant lorsqu'il interagit avec celui du patient. Rita Charon définit la médecine narrative de la manière suivante : « La médecine narrative se réfère à la pratique clinique accompagnée d'une compétence narrative, c'est à dire la capacité de reconnaître, d'absorber, de digérer, d'interpréter et d'être transporté par les histoires du patient. Simplement, c'est la médecine pratiquée par une personne qui sait que faire de ces histoires ». Ainsi, elle suggère qu'au lieu de se lamenter du déclin de l'empathie chez les étudiants en médecine ou le manque d'altruisme des praticiens en exercice, la médecine narrative se concentre sur la capacité à s'allier avec le patient, dans l'écoute et l'analyse de l'expérience humaine de chacun. Cette nécessité d'alliance et de « communion » est appuyée par ce que la science apporte comme compréhension de ce qu'il se passe lorsque les êtres humains observent la douleur et la souffrance de l'autre (65). Ainsi, les programmes d'enseignement de la médecine narrative associent toujours des exercices d'écriture/d'analyse du vécu du patient et du vécu du soignant, pour les faire se rencontrer. Rita Charon associe la démarche narrative et la démarche réflexive. Ainsi, écrire à propos de sa pratique clinique permettrait de développer ses capacités de réflexivité, essentielles pour 84 l'écoute de l'autre. Elle suggère que la médecine narrative est une manière, pour l'étudiant/le soignant, de reconnaître ce qui est de l'ordre du connu/connaissable, de l'inconnu/l'inconnaissable, l'universel/le particulier, le corps, le soi, tout cela constituant un ensemble de tensions dans la pratique médicale. De tels savoirs permettraient donc aux praticiens de mieux maîtriser ces tensions sous-jacentes (66). En accueillant le sens que donne le patient à sa maladie par le récit qu'il en fait, la médecine retrouve ses racines humaines et sociales en tant que science. Cette discipline relativement récente a déjà trouvé à être appliquée dans le cursus de certains étudiants français. B. Enseignement de médecine narrative en France ✗ Exemple de la Faculté Paris Descartes L'Université Paris Descartes a proposé pour la première fois en 2009-2010, un enseignement optionnel de médecine narrative aux étudiants de quatrième année de médecine (ex-DCEM2, actuelle FASM1). Cet enseignement comportait des cours théoriques ainsi que des enseignements et travaux dirigés autour de l'analyse littéraire, de l'écriture et de la lecture. Les étudiants ont témoigné d'une satisfaction importante pour cet enseignement, en particulier pour les exercices en effectifs réduits portant sur « l'histoire de l'expérience personnelle d'une relation médecin-malade » et « l'histoire de la maladie d'un patient, racontée par un patient ». On ne dispose pas d'évaluation concernant l'impact de ces enseignements sur la pratique clinique des étudiants. Les commentaires faits par les étudiants ayant participé à cet enseignement sont toutefois très encourageants pour sa poursuite et son développement (67). ✗ La médecine narrative à travers l'étude cinématographique à Paris Diderot Céline Lefève, directrice du Centre Georges Canguilhem et Maître de Conférence à l'Université Paris Diderot, offre dans son ouvrage Devenir Médecin un exemple de ce que peut apporter la narration et l'étude de la fiction cinématographique à la formation aux soins et à la réflexion éthique. Elle procède à une analyse philosophique de l’œuvre Barberousse d'Akira Kurosawa et montre comment ce type d'analyse peut constituer un changement de 85 registre dans la formation des soignants, pour y inscrire la notion de soin (care) (68). Elle insiste sur la place de la narration et de l'étude cinématographie dans la formation pour restaurer, connaître, comprendre la subjectivité du patient et du médecin. Elle estime que la narration et l'étude cinématographique sont des supports pour se décentrer du point de vue médical, saisir l'histoire et la vie des patient avant et en dehors de la maladie et de la médicalisation, saisir leur système de valeur et les enjeux de leur situation propre, mieux comprendre la diversité des expériences intimes et sociales de la maladie. Elle suggère que cet enseignement permet aussi de souligner que la clinique s'articule autour de la séméiologie et de la compréhension de l'expérience du patient, et donc de contribuer à la formation clinique en formant à l'écoute du patient (69). Cette réflexion autour de la formation des étudiants aux dimensions relationnelles et émotionnelles du soin conduit nécessairement à aborder la question des formateurs adaptés. L'enseignement dans les facultés de médecine est mené principalement par des médecins en exercice. Les spécialistes en médecine générale, intégrés depuis peu aux enseignements universitaires, semblent répondre, de par leurs compétences spécifiques, aux ambitions d'une telle formation. 86 INTÉRÊT DU SUJET POUR LA MÉDECINE GÉNÉRALE I. Le médecin généraliste : spécialiste de l'approche globale du patient La relation médecin-patient est inhérente à l'exercice clinique de la médecine, quelle que soit la spécialité. Toutefois, cet aspect de l'exercice médical est plus prégnant dans certaines spécialités, dont la médecine générale. Les contacts répétés avec le patient, l'interaction avec son environnement, la coordination de son parcours de soins, sont un ensemble d'éléments qui amènent la dimension relationnelle du soin à une place essentielle dans l'exercice de la médecine générale. Selon la définition de la WONCA (World Organization of Family Doctors) publiée en 2002, la médecine générale a comme caractéristique intrinsèque une prise en charge centrée sur la personne dans ses dimensions individuelle, familiale et communautaire. Le médecin généraliste, dans la négociation des modalités de prise en charge avec le patient, intègre les dimensions physiques, psychologiques, sociales, culturelles et existentielles. Ainsi, dans les habiletés principales requises pour un médecin généraliste on retrouve « les soins centrés sur la personne », « l'approche globale », « l'adoption d'un modèle holistique ». En France, lorsqu'on lit les compétences définies comme essentielles à l'exercice de la médecine générale par le Collège National des Généralistes Enseignants, le médecin généraliste apparaît comme un spécialiste de la prise en charge globale du patient. 87 Illustration 3: Compétences génériques du médecin généraliste selon le CNGE Ainsi, la relation, la communication et l'approche centrée sur le patient, ont été définies comme compétences indispensables à l'exercice de la médecine générale. Dans les composantes des cinq autres compétences essentielles, on voit apparaître les notions suivantes : entretenir une démarche réflexive, élaboration d'un diagnostic inscrit dans l'histoire de vie du patient, intégration du contexte bio-psycho-social et culturel dans l'analyse de la situation du patient, développement d'une posture qui place le patient en position de sujet, respect de la personne humaine en tenant compte en premier lieu du mieux être du patient et en favorisant son libre choix, son autonomie et une réflexion éthique (70). Les compétences du médecin généraliste renvoient aux notions évoquées par les étudiants dans leur vécu lors de la rencontre avec la souffrance des patients, mais aussi aux objectifs visés par les différents projets d'enseignement de la relation médecin-patient cités précédemment. De par leur exercice de la médecine, inscrite dans le cadre de vie du patient, son environnement social et son histoire familiale, les médecins généralistes, spécialistes de la 88 prise en charge globale, semblent être des intervenants de choix pour une formation à la relation médecin-patient dès le cycle de FASM. II. La place de la médecine générale dans l'enseignement au deuxième cycle A. La Médecine Générale à l'université La Médecine Générale est présente depuis maintenant plus de vingt ans au sein des universités françaises (création des premiers Départements de Médecine Générale -DMG- en 1995) et depuis plus de dix ans comme une spécialité médicale reconnue au même titre que les autres spécialités avec la création d'un Diplôme d'Etudes Spécialisées (D.E.S) de 3ème cycle (71). La médecine générale universitaire apparaît en 2006 comme option au Conseil National des Universités dans la sous-section 53-01, et fait ainsi son entrée officielle en tant que spécialité universitaire. Il faudra toutefois attendre 2008 pour que le cadre législatif de cette filière soit défini, avec le triptyque -enseignement – recherche – soins- à l'instar des autres spécialités, et le lieu ambulatoire de l'exercice des soins (72). En 2009, les dix premiers enseignants titulaires de médecine générale sont nommés (73). Les DMG organisent la formation des étudiants de troisième cycle en D.E.S de Médecine Générale. Les DMG sont aussi impliqués dans l'organisation de la formation des étudiants en deuxième cycle des études médicales à travers l'organisation des stages de médecine générale ambulatoire. B. Stage de second cycle de médecine générale ambulatoire Depuis 2009, tous les étudiants, durant le deuxième cycle des études médicales, sont tenus d'accomplir un stage chez un ou des médecins généralistes appelés « praticien(s) agréé(s) maître(s) de stage des universités » (74). Ainsi, les généralistes enseignants, maîtres de stages universitaires, sont chargés de faire 89 découvrir aux étudiants l'exercice de la médecine générale en structure ambulatoire, dont la prise en charge globale du patient et la relation médecin-patient. Ce stage est pour les étudiants, une occasion de découvrir les aspects très particuliers et marqués de la relation humaine dans l'exercice de la médecine générale. De plus, ce format de stage favorise une relation directe, individuelle et personnalisée avec leurs maîtres de stage. Les étudiants suivent au quotidien et pendant plusieurs semaines un nombre réduit (moins de trois) de praticiens dans leurs activités de consultation. Il existe donc plus d'opportunités d'établir un dialogue et un échange personnalisé entre l'enseignant et l'étudiant concernant les aspects relationnels de l'exercice médical. En 2011, la majorité des DMG en France proposait ce stage pendant la durée réglementaire (6 semaines temps plein ou 3 mois mi-temps). La moitié des UFR proposait une formation facultaire intégrée au stage de médecine générale, principalement sous forme de groupes d'échanges et/ou par interactivité (75). Les médecins généralistes sont actuellement présents dans le cursus clinique des étudiants de deuxième cycle mais, en dehors des temps de stage, ils sont encore peu impliqués dans les temps de formation universitaire de ces étudiants. C. Enseignements théoriques Les premiers et deuxième cycles des études médicales (actuellement FGSM et FASM) se sont construits avant l'arrivée de la médecine générale comme spécialité universitaire, et donc sans elle. Ainsi, il n'est pas surprenant que parmi les 345 items sur lesquels porte l'Examen Classant National et qui structurent les enseignements théoriques des étudiants en FASM, aucun ne porte sur l'enseignement de la médecine générale. Ainsi, en dehors de leur stage chez le médecin généraliste, ces derniers sont quasi absents des enseignements et de la formation des étudiants en médecine de deuxième cycle. Toutefois, dans les universités proposant un enseignement portant sur la psychologie médicale, la communication et la relation médecin-patient, les médecins généralistes y ont une place de choix. A l'heure où la médecine générale en tant que discipline universitaire est encore en pleine construction et évolution, où de nombreuses institutions suggèrent une « humanisation » du 90 cursus des étudiants en médecine, les compétences particulières des médecins généralistes dans l'approche globale du patient font d'eux des intervenants de choix dans une formation à la relation médecin-patient dès le deuxième cycle. 91 CONCLUSION La demande des étudiants concernant une meilleure formation aux aspects relationnels du soin fait écho aux recommandations d'institutions et de travaux de recherche. Des projets de formation à la relation médecin-patient initiés aux cours des dernières années dans différentes universités françaises suscitent l'enthousiasme des étudiants qui y participent. L'enseignement de la médecine narrative s'inscrit dans une démarche originale de réintégration de la dimension « humaine » dans les sciences médicales. La médecine générale, discipline universitaire récente, est encore peu présente dans la formation des étudiants en deuxième cycle. La notion de prise en charge globale du patient, qui caractérise l'exercice de la médecine générale, place les enseignants en médecine générale comme intervenants de choix dans une formation aux aspects relationnels du soin au cours du deuxième cycle. 92 APRÈS-PROPOS C'est mon stage clinique ambulatoire de deuxième cycle qui m'a permis de découvrir la richesse de l'exercice de la médecine générale. À mes yeux, cette spécialité permettait d'allier la rigueur intellectuelle et scientifique indispensable à l'exercice de la médecine, dans une variété infinie de pathologies et de problématiques ; avec la considération de l'environnement dans lequel s'inscrit cette problématique. Ainsi, j'ai découvert l'importance de l'expérience « individuelle » de la maladie par les patients. Les connaissances théoriques physiopathologiques apprises en cours et dans les livres épousaient les reliefs des individus rencontrés, prenaient un autre sens, et étaient plus ou moins mémorisées selon les situations rencontrées. Ces expériences étaient d'autant plus riches qu'elles s'inscrivaient dans « la vie réelle ». La notion de « vie réelle » renvoie au fait que, en médecine générale plus qu'ailleurs, les problèmes de santé s'inscrivent dans la vie quotidienne des patients, contrairement à la pratique hospitalière où la maladie occupe toute la place dans l'espace et le temps. Le choix de l'exercice de la médecine générale répond pour moi, à l'ambition de soigner les patients dans un cadre où leurs préoccupations restent aussi celles du quotidien de leur vie. C'est le sens que je donne à la prise en charge globale. La formation reçue au cours de mon troisième cycle m'aura permis de mesurer l'importance de l'écoute du patient, du vécu de sa maladie, dans son environnement, dans son histoire de vie, afin de créer et d'entretenir l'alliance thérapeutique et d'aboutir à une décision médicale partagée. L'expérience de la thèse et des entretiens menés avec les étudiants aura été un bon exercice d'écoute active, semi-dirigée et analytique, guidée par une problématique précise. Leurs récits m'ont aussi invitée à engager une démarche réflexive sur ma posture d'interne, exercice très utile dans mon parcours de soignante. Ce travail de thèse ponctue donc de manière cohérente et constructive mon parcours d'étudiante en médecine générale. 93 BIBLIOGRAPHIE 1. BÉLISLE R. 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OUI□ NON□ Catégorie socio-professionnelle des parents : Soignants (médecin,pharmacien(ne), infirmier(e), sage-femme, aide soignant(e), dentiste, kinésithérapeute, ergothérapeute, psychologue) □ Précisez : ________________ Cadre supérieur(e) □ Profession Intermédiaire □ si oui, secteur sanitaire et social : oui □ non □ Employé(e) □ Si oui, secteur sanitaire et social ? Oui □ non □ 100 Ouvrier(e)/Agriculteur □ Sans emploi/Au foyer □ Autre : _____________ Êtes-vous bénéficiaire d'une bourse universitaire ? □ Vous vivez (une seule réponse) ◦ seul(e) en appartement □ ◦ seul(e) en résidence universitaire/foyer □ ◦ En couple/ en colocation □ ◦ chez vos parents/dans votre famille □ ◦ autre □ précisez :______________ Si vous ne vivez plus chez vos parents, distance qui vous sépare de leur foyer : <20km □ 20 à 50km □ 50 à 100km □ >100km □ Entourage Vous vous rendez dans votre famille : plusieurs fois par semaine □ 1 fois/semaine □ 1 à 3/mois□ <1/mois □ Avez-vous un(e) confident(e), qui est quelqu'un à vous pouvez parler de vos émotions et vos inquiétudes personnelles ? OUI□ NON□ Connaissez-vous quelqu'un sur qui vous pouvez compter en cas de crise ? OUI□ NON□ Connaissez-vous quelqu'un sur qui vous pouvez compter si vous avez besoin de prendre une décision personnelle importante? OUI□ NON□ Connaissez-vous quelqu'un qui vous fait vous sentir aimé et qui vous valorise ? OUI□ NON□ Parcours scolaire : Vous avez choisi de vous inscrire à la faculté de médecine : (une seule réponse) 101 Avant le bac □ Directement après le bac □ Vous avez étudié une autre discipline avant □ précisez :_______ Vous exerciez une profession avant □ précisez : __________ Les principales raisons ayant motivées votre choix d'intégrer la faculté de médecine (plusieurs réponses possibles) Modèle/conseils parentaux ou proches □ Nécessité de jouer un rôle/d'être utile aux autres □ Curiosité intellectuelle / scientifique □ Être à l'écoute, proche des autres, avoir du contact humain □ Désir de soigner / guérir □ «Vocation »/ « Rêve de toujours » □ Sécurité de l'emploi / Bon statut social □ Sans raison particulière, « pour essayer » □ Autre : □ précisez___________________ Quels arguments influencent le plus vos choix de stage : (plusieurs réponses possibles) Un stage formateur pour la clinique □ Un stage en lien avec la spécialité vers laquelle vous souhaitez vous orienter □ Un stage aux horaires souples □ Un stage où l'externe est très impliqué dans les soins □ Un stage proche de chez vous/vos parents □ Avoir un(e) ami(e) dans le même stage □ 102 Concernant la spécialisation, vous souhaiteriez vous orienter vers : (plusieurs réponses possibles) Une spécialité médicale □ laquelle :_____________ Une spécialité chirurgicale □ laquelle :______________ Une spécialité de laboratoire □ laquelle_____________ La santé publique □ La recherche □ Autre □, précisez : _________________ Habitudes de vie Loisirs : Combien de temps par semaine, en moyenne, consacrez-vous à vos loisirs : <2h/semaine□ 2h à 5h/semaine□ 5h à 10h/semaine□ >10h/semaine□ Pratiquez-vous une activité sportive ? Si oui : <1h/semaine □ 1 à 2h/semaine □ Oui □ Non □ >2h/semaine □ Êtes-vous membre actif d'une association (universitaire, sportive, culturelle...) oui □ non □ Si oui, combien de temps y consacrez-vous par semaine : <1h/semaine □ 1 à 3h/semaine □ >3h/semaine □ Votre santé Santé perçue 1) Dans l'ensemble, pensez-vous que votre santé est : Excellente □ Très bonne □ bonne □ Médiocre □ 2) Je tombe malade plus facilement que les autres Totalement vrai □ Plutôt vrai □ Je ne sais pas □ Totalement fausse □ 103 Mauvaise □ Plutôt fausse □ 3) Je me porte aussi bien que n'importe qui Totalement vrai □ Plutôt vrai □ Je ne sais pas □ Plutôt fausse □ Totalement fausse □ 4) Je m'attends à ce que ma santé se dégrade Totalement vrai □ Plutôt vrai □ Je ne sais pas □ fausse □ 5) Je suis en parfaite santé Totalement vrai □ fausse □ Plutôt fausse □ Totalement Plutôt vrai □ Je ne sais pas □ Plutôt fausse□ Totalement 6) Par rapport à l'année dernière à la même époque, comment trouvez-vous votre état de santé en ce moment ? Bien meilleur que l'an dernier □ Plutôt meilleur □ à peu près pareil □ plutôt moins bon □ beaucoup moins bon □ Actuellement, souffrez-vous d'une maladie chronique ou affection de longue durée ? OUI □ NON □ Êtes-vous Non fumeur □ Fumeur occasionnel (<1cig/j) □ Fumeur habituel (>1cig/j) □ Ancien fumeur □ Fumiez-vous l'an passé à la même époque ? Oui □ Non □ Vous arrive-t-il de consommer plus de 3 verres d’alcool en une journée : Jamais□ Une fois par an□ Une fois par mois□ Une fois par semaine□ Plus d’une fois par semaine□ Consommez-vous des anxiolytiques ou des hypnotiques : Jamais□ Une fois par an□ Une fois par mois□ 104 Une fois par semaine□ Plus d'une fois par semaine□ Êtes-vous ou avez-vous été sous traitement antidépresseur au cours de votre externat ? OUI□ NON□ Avez-vous déjà eu recours à un psychiatre/psychologue au cours de votre externat ? OUI□ NON□ Sinon, pensez-vous que vous auriez dû y avoir recours sans pour autant l’avoir fait ? OUI□ NON□ Au cours de votre vie, avez-vous été confronté à l'un des événements suivants : Un handicap □ Une longue maladie (> 3 semaines) □ De graves problèmes de santé de l'un de vos proches (parents, frère, sœur, autre) □ le décès d'un proche (parents, frère, sœur, autre) □ Été séparé longtemps d'un proche (parents, frère, sœur, autre) □ Santé mentale Au cours des 4 dernières semaines, En permanence Très souvent Souvent Quelquefois Rarement Jamais 1) Vous êtes vous senti(e) très nerveux(se) ? 2) Vous êtes-vous senti(e) si découragé(e) que rien ne pouvais vous remonter le moral ? 3) Vous êtes-vous senti(e) calme et détendu(e) ? 4) Vous êtes-vous senti(e) triste et 105 abattu(e) ? 5) Vous êtes-vous senti(e) bien dans votre peau ? Sens de la maîtrise : Totalement vraie J'ai peu de contrôle sur les événements qui m'arrivent Il n'existe pas de moyen pour résoudre mes problèmes Il y a peu que je puisse faire pour changer la plupart des choses importantes dans ma vie Je me sens souvent sans ressources pour faire face aux problèmes de la vie Parfois je me sens malmené par la vie Ce qui va m'arriver dans le future dépend principalement de moi 106 Plutôt vrai Je ne sais Plutôt pas fausse Totalement fausse Questionnaire GHQ 28 : Récemment, 1) Vous êtes-vous senti(e) parfaitement bien et en bonne santé ? Mieux que d'habitude □ Comme d'habitude □ Moins bien que d'habitude □ Beaucoup moins bien que d'habitude □ Pas du tout Pas plus Un peu Beaucoup plus que que plus que d'habitude d'habitude d'habitude Pas du tout Pas plus Un peu Beaucoup plus que que plus que d'habitude d'habitude d'habitude 2) Avez-vous éprouvé le besoin d'un bon remontant ? 3)Vous êtes-vous senti(e) à plat ou pas dans votre assiette ? (« mal fichue ») 4)Vous-êtes vous senti(e) malade ? 5)Avez-vous eu des douleurs à la tête ? 6)Avez-vous eu une sensation de serrement ou de tension dans la tête ? 7)Avez-vous eu des bouffées de chaleur ou des frissons ? 8)Avez-vous manqué de sommeil à cause de vos soucis ? 9)Avez-vous eu de la peine à rester endormi(e) ? 10)Vous êtes-vous senti(e) constamment tendu(e) ou « stressé(e) »? 11)Vous êtes-vous senti(e) irritable et de mauvaise humeur ? 12)Avez-vous été effrayé(e) et pris(e) de panique sans raison valable ? 13)Vous êtes vous senti(e) dépassé(e) par les événements ? 14)Vous-êtes vous senti(e) continuellement énervé(e) ou tendu(e) 107 15) Avez-vous réussi(e) à rester actif(ve) et occupé(e) Plus que d'habitude □ Comme d'habitude □ Moins que d'habitude □ Bien moins que d'habitude □ 16)Avez-vous mis plus de temps à faire les choses habituelles ? Moins de temps que d'habitude □ Autant que d'habitude □ Plus de temps de d'habitude □ Beaucoup plus de temps que d'habitude □ 17)Avez-vous eu le sentiment que dans l'ensemble, vous faisiez les choses bien ? Mieux que d'habitude □ Aussi bien que d'habitude □ Moins bien que d'habitude □ Beaucoup moins bien que d'habitude □ 18)Avez-vous été satisfait(e) de la façon dont vous avez fait votre travail ? Plus satisfait(e) □ Comme d'habitude □ Moins satisfait(e) que d'habitude □ Bien moins satisfait(e) que d'habitude □ 19)Avez-vous eu le sentiment de jouer un rôle utile dans la vie ? Plus que d'habitude □ Comme d'habitude □ Moins que d'habitude □ Bien moins que d'habitude □ 20)Vous-êtes vous senti(e) capable de prendre des décisions ? Plus que d'habitude □ Comme d'habitude □ Moins que d'habitude □ Bien moins que d'habitude □ 21)Avez-vous été capable d'apprécier vos activités quotidiennes normales ? Plus que d'habitude □ Comme d'habitude □ Moins que d'habitude □ Bien moins que d'habitude □ 22)Vous-êtes vous considéré(e) comme quelqu'un qui ne valait rien ? Pas du tout □ Pas plus que d'habitude □ Plus que d'habitude □ Beaucoup plus que d'habitude □ 108 23)Avez-vous eu le sentiment que la vie est totalement sans espoir ? Pas du tout □ Pas plus que d'habitude □ Plus que d'habitude □ Beaucoup plus que d'habitude □ 24)Avez-vous eu le sentiment que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue ? Pas du tout □ Pas plus que d'habitude □ Plus que d'habitude □ Beaucoup plus que d'habitude □ 25)Avez-vous pensé à la possibilité de vous supprimer ? Certainement pas □ Je ne pense pas □ Ca m'a traversé l'esprit □ Oui, certainement □ 26)Avez-vous pensé que parfois vous n'arriviez à rien parce-que vos nerfs étaient à bout ? Pas du tout □ Pas plus que d'habitude □ Plus que d'habitude □ Beaucoup plus que d'habitude □ 27)Vous est-il arrivé de souhaiter être mort(e) et loin de tout ça ? Pas du tout □ Pas plus que d'habitude □ Plus que d'habitude □ Beaucoup plus que d'habitude □ 28)Est-ce que l'idée de vous supprimer réapparaissait continuellement dans votre esprit ? Certainement pas □ Je ne pense pas □ Ca m'a traversé l'esprit □ Oui certainement □ 109 II. Formulaire de contact des étudiants hospitaliers A L'ATTENTION DES EXTERNES Bonjour, Je suis interne en Médecine Générale et je réalise actuellement un travail une thèse au sujet du vécu des externes en stage, en particulier lors de leur confrontation au patient en souffrance. Pour répondre à cette problématique, je souhaiterai rencontrer, en entretiens individuels, des étudiants en médecine de FASM1, FASM2 ou DCEM4, pour discuter de situations de stages, de rencontres avec des patients qui auraient été marquantes. Tout ce qui sera discuté au cours de ces entretiens restera totalement anonyme, et les données relevées ne serviront qu'à ce travail de thèse. Ces entretiens dureront moins d'une heure et se dérouleront principalement à la faculté de médecine, mais pourront avoir lieu ailleurs, à votre convenance. Si vous êtes intéressé(e) pour participer à cette étude, vous pouvez me contacter par mail : [email protected] ou par téléphone/sms : 06.XX.XX.XX.XX Merci d'avance pour votre soutien, Léa Schleck ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Si vous préférez, vous pouvez aussi me laisser vos coordonnées, et je vous recontacterai : NOM, Prénom :______________________________________ adresse mail ou numéro de téléphone :__________________________________________ 110 III. Guide d'entretien Eléments liés au patient Elements liés à l'étudiant Elements liés à l'environnement Patient(s) qui affectent particulièrement? Situation(s) particulière(s) qui marquent plus ? Type de souffrance évoquée : psychique ? Physique ?… Précision des émotions ressenties « peuxtu m'en dire plus ? » « en quoi cela t'as til affecté ? » Vécu de la position d'étudiant dans la relation au patient : difficultés ? Posture particulière en lien avec statut stratégies disponibles/mises en œuvre/souhaitées pour faire face (coping) lors de la confrontation à une situation de souffrance vécue péniblement Première expérience vécue ? Entourage sollicité Place perçue au sein de l'équipe soignante Réaction de l'équipe soignante/accompagnante dans la situation vécue difficilement Echange, partage du vécu Verbalisation de la difficulté ressentie ? Si oui avec qui ? ◦ Avec des proches ? ◦ Avec l'équipe ? Les co-externe ? L'interne ? Les médecins séniors ? Confrontation à l'exercice pratique Surprises ou éléments notables en lien avec le passage de la formation quasi uniquement théorique à la formation pratique en stage? Conséquences de cette expérience, de ce vécu sur la suite du cursus ? 111 Formation 112 Souhait d'une formation universitaire pour faire face aux situations vécues difficilement Quelle préparation pour affronter les difficultés relationnelles/émotionnelles rencontrées ? IV. Contrat de communication de début d'entretien Bonjour, Je m'appelle Léa Schleck, je suis interne en Médecine Générale, actuellement en 4ème semestre et je réalise mon travail de thèse sur le vécu des externes confrontés aux patients. À priori, ce sujet a été très peu étudié et je n'ai pas encore trouvé de données complètes dans ce domaine. On parle beaucoup du stress des étudiants en médecine, mais principalement au sujet de la pression universitaire et du concours, sans réellement évoquer cet aspect de notre formation. Je souhaiterais que ce travail permette une meilleure compréhension de ce que nous vivons tous lors de ces premières années d'immersion dans le monde du soin, où nous sommes confrontés parfois pour la première fois à des situations de souffrance C'est pour cela que je rencontre des externes, qui sont volontaires pour me parler de leur expérience. Je souhaiterais donc t'écouter me parler de ta propre expérience, de ton ressenti dans la confrontation au patient. Avec ton accord, je vais enregistrer cet entretien, pour pouvoir ensuite le retranscrire de manière fidèle et exacte. Concernant l'enregistrement, il est anonyme, tu n'as pas besoin de donner ton nom, ta promo....Nous ne sommes que quatre personnes à pouvoir y avoir accès : toi, si tu le souhaites, moi, mon directeur de thèse : Docteur Lievin qui est généraliste à Jarville et Béranger Simon, un doctorant en psychologie qui travaille avec moi sur ce sujet. En dehors de nous quatre, absolument personne d'autre n'aura accès à l'enregistrement. À la fin de mon travail de thèse, il sera détruit. L'appareil est posé là, si tu es d'accord, je le mets en route au début de l'entretien et l'arrête à la fin. Pour ce travail, j'ai besoin d'en savoir un maximum sur ton vécu, ce qui m'intéresse, c'est ce que tu souhaites me raconter. Je ne te poserai des questions que très générales et ouvertes, donc n'hésites pas, si tu le souhaites, à me fournir un maximum de précisions. En gros, c'est toi qui travaille, et moi qui écoute. Il est possible que je prenne quelques notes pendant que nous discutons, c'est essentiellement pour me repérer dans le moment de l'entretien, par rapport à l'enregistrement. Sinon, à la fin de notre discussion, je te propose de répondre à un questionnaire, qui restera aussi totalement anonyme et qui me permet juste de caractériser l'ensemble des étudiants qui participent à mon étude. Les questions portent principalement sur ta situation actuelle, ton parcours universitaire et ton humeur du moment. Je serai disponible pour te fournir des précisions sur les questions si besoin. Il n'y a aucune obligation à répondre aux questions. Je suis aussi disponible pour entendre toutes les remarques que tu aurais à faire sur ce questionnaire. Si tu veux bien, on peut commencer. 113 V. Formulaire de contact du service de Santé Universitaire Service de Santé Universitaire : SSUMPS-Nancy Vélodrome Consultations avec un psychologue ou un psychiatre gratuites et rapides Rond-point du Vélodrome 6, rue Jacques Callot VANDOEUVRE-LES-NANCY Tél : 03 83 68 52 00 [email protected] Consultations le lundi après-midi mardi matin jeudi après-midi 114 VI. Message de contact des étudiants interviewés post-analyse et réponses Message : Bonjour, Nous nous étions rencontrés dans le cadre de ma thèse sur le vécu des étudiants en médecine confrontés à la souffrance des patients. J'ai terminé les entretiens et leur analyse et je reviens vers toi pour partager les résultats. Tu trouveras en pièce jointe le sommaire et le résumé de la partie résultats. Si tu es d'accord, je souhaiterai que tu me fasses un retour sur cette analyse. Un des critères de qualité d'une enquête qualitative est que les participants se "retrouvent" dans l'analyse qui est faite de leurs propos. La lecture ne prendra pas très longtemps. Merci donc de me faire part de ton point de vue sur cette analyse. Je te ferai parvenir la version finale de la thèse d'ici quelques semaines. Bonne continuation, Léa Schleck, interne de Médecine Générale, Université de Lorraine. Réponses : « Je me retrouve tout à fait dans l'analyse que tu as faite, je n'ai donc pas grand-chose à en dire, tu as mis les mots exacts sur le ressenti que j'ai pu avoir sur les situations de souffrance des patients » « Je viens de finir la lecture de ton analyse que je trouve concise et représentative de mes expériences et de celle de pas mal d'étudiants que je connais. L'ensemble des résultats résonne globalement bien avec mon vécu personnel. » « En ce qui concerne ton résumé de thèse, je trouve qu'il est très bien construit, et résume effectivement bien ce dont on avait discuté l'an dernier, même si étant en 4ème année à ce moment-là je n'avais que très peu d'expérience dans ce domaine » « J'ai lu le document joint et je trouve qu'il reprend bien les points abordés au cours de l'entretien et qu'il exprime avec clarté les différents ressentis qu'un externe peut-être amené à éprouver pendant son apprentissage. » 115 VII. Ensemble des réponses aux questionnaires Tableau 2: Caractéristiques des participants (N=11). CARACTÉRISTIQUES N Age (années) 22,9* Sexe (femme) 6 Année universitaire en cours FASM 1 3 FASM 2 6 DCEM 4 2 Bénéficiaire d'une bourse universitaire OUI 2 NON 6 Sans réponse 3 Activité professionnelle parallèle au cursus universitaire OUI (quelques jours par mois) 1 Catégorie socio-professionnelle des parents Médecin 2 Soignant (autre) 1 Employé/secteur intermédiaire (hors soignant) 5 Cadre supérieur 2 Auto-entrepreneur 1 116 Résidence Chez les parents 3 Seul en appartement 4 En couple ou en colocation 4 En Résidence universitaire 0 Distance de chez les parents N = 8 <20kmn 1 20 à 50km 2 50 à 100km 3 > 100 km 2 Fréquence de retour dans la famille 1 fois/semaine 3 1 à 3 fois par semaine 3 1 fois/mois 2 Situation affective « en couple » 7 « célibataire » 4 Entourage : personne de confiance disponible OUI 10 Dispose de personne sur qui compter en cas de crise Oui 11 Choix de s'inscrire en médecine Avant le bac 10 Juste après le bac 1 117 Motivations à s'engager en médecine Jouer un rôle, être utile aux autres 8 Curiosité intellectuelle, scientifique 7 Etre à l'écoute, avoir du contact humain 7 Désir de soigner, guérir 6 Bon statut social, métier « sûr » 5 Vocation, rêve de toujours 4 Modèle/conseils parentaux 3 Autre : indépendance 1 Critères de choix de stage Stage formateur pour la cliniques 11 Stage en lien avec la spécialité désirée 7 Stage où l'externe est impliqué dans les soins 7 Stage aux horaires souples 3 Stage proche du domicile 2 118 Spécialité désirée Médecine Générale 4 Pédiatrie 2 Psychiatrie 2 Gynécologie-obstétrique 2 Ophtalmologie 2 Urgences 2 Anesthésie-Réanimation 1 Cardiologie 1 Chirurgie orthopédique 1 Médecine Interne 1 Urologie, ORL 1 Temps consacré aux loisirs 5 à 10h par semaine 6 2 à 5h par semaine 4 < 2h par semaine 1 Affection longue durée OUI 3 Tabagisme NON 10 Ancien 1 119 Alcool : consommation > 3 verres en une journée Jamais 5 1/an 2 1/mois 3 1/semaine 1 Consommation hypnotiques ou anxiolytiques Jamais 9 1/semaine 2 Prise d'antidépresseurs au cours de l'externat OUI 1 Recours à un psychologue ou psychiatre OUI 4 Événements de vie Handicap 3 Longue maladie 3 Graves problèmes de santé d'un proche 6 Décès d'un proche 5 Séparation longue d'un proche 4 Aucun 3 Score GHQ 28 (cotation dichotomique 0-0-1-1)** ≤4/28 6 >4/28 5 120 Score MH 5** <50/100 1 <70/100 6 >70/100 4 Score GH 5 (sur 100)** >50/100 5 >70/100 6 *Moyenne (année) ** Scores moyens GHQ : General Health Questionnary 121 VU NANCY, le 12/10/2016 Le Président de Thèse NANCY, le 12/10/2016 Le Doyen de la Faculté de Médecine Professeur Marie-Reine LOSSER Professeur Marc BRAUN AUTORISE À SOUTENIR ET À IMPRIMER LA THÈSE/ 9336 NANCY, le 21/10/2016 LE PRÉSIDENT DE L’UNIVERSITÉ DE LORRAINE, Professeur Pierre MUTZENHARDT 122 RÉSUMÉ DE LA THÈSE : INTRODUCTION : La confrontation à la souffrance de l'autre est un aspect très particulier des études médicales qui est très peu étudié, en particulier dans les liens qu'il peut avoir avec les phénomènes de souffrance psychique des étudiants. L’objectif de cette étude est d’explorer le vécu des étudiants confrontés à la souffrance des patients au cours de leurs stages de Formation Approfondie aux Sciences Médicales (FASM). MÉTHODE : Une enquête qualitative par entretiens semi-dirigés auprès de onze étudiants hospitaliers de l'Université de Lorraine a été réalisée d'avril 2015 à juin 2016. RÉSULTATS : Le vécu des étudiants était influencé par le profil du patient, la situation rencontrée, l'histoire personnelle de l'étudiant, son cadre personnel et professionnel environnant. Ces confrontations étaient source de dynamiques de construction professionnelle dans leur posture de soignant. Elles donnaient lieu à des réflexions éthiques et déontologiques. L'impuissance était vécue comme un échec. Les étudiants étaient en demande d'une formation plus approfondie aux aspects relationnels du soin, celle-ci étant principalement dominée par les modèles et contre-modèles rencontrés en stage. DISCUSSION : Le stress engendré par ces expériences soulève des questions en lien avec les stratégies de coping développées, modélisées par le concept du « Coping Reserve Tank ». La notion d'empathie clinique semble mal comprise par les étudiants, les conduisant vers une attitude de retrait émotionnel. La place prépondérante des modèles, composante du curriculum caché, dans la formation aux aspects relationnels du soin est à considérer avec plus d'attention. TITRE EN ANGLAIS : Students' experience in face of patients' suffering : a qualitative survey of medical students at the University of Lorraine. THÈSE : MÉDECINE GÉNÉRALE MOTS CLÉS : Étudiant médecine – Histoire orale comme sujet - Relation médecin-patient Souffrance – Stress psychologique - Apprentissage clinique - Apprentissage interactif INTITULÉ ET ADRESSE : UNIVERSITÉ DE LORRAINE Faculté de Médecine de Nancy 9, Avenue de la Forêt de Haye 54505 VANDOEUVRE LES NANCY Cedex 123