Fondements de l`hydrothérapie en psychiatrie

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Fondements de l’hydrothérapie en psychiatrie
O. DUBOIS(1)
Les premières traces de l’hydrothérapie comme outil
thérapeutique remontent au VIIIe siècle avant J.-C., en
Perse. En psychiatrie, cette technique thérapeutique a été
indiquée dans la névrose (Cullen, Pinel, Esquirol), dans
l’hypochondrie et la neurasthénie (Draper aux Etats-Unis)
et dans « l’excitation et l’agitation » (Braslow). Elle a aussi
été préconisée par Adler aux États-Unis, par Kraepelin et
Alzheimer en Allemagne, pour éviter la contention physique ou limiter l’utilisation des psychotropes.
QU’EST-CE QUE LE THERMALISME ?
La cure thermale (thermalisme) est spécifiée par des
soins à base d’eaux minérales ou crénothérapie (bains
bouillonnants, massages sous l’eau, douche thermale, bains
en piscine). Elle est conventionnellement prise en charge
par l’assurance maladie sur prescription médicale pour une
durée de trois semaines. Dans le cadre de la convention, le
patient doit suivre les soins quotidiennement.
Pendant la cure, à côté de la crénothérapie, il existe
un suivi psychiatrique régulier incluant : évaluation symptomatologique et clinique, psycho-éducation, projet thérapeutique et orientation post-cure.
La cure est aussi l’occasion d’une prise en charge de
type sociothérapique.
Les patients en cure bénéficient d’une attitude compréhensive et empathique de la part des soignants formés à gérer ces troubles. Ils apprennent à repérer leurs
symptômes et les éventuels facteurs déclenchants ; ils
en perçoivent mieux les contours. Ils se rassurent au
contact d’autres patients vivant à leur côté, pendant trois
semaines, des situations cliniques et affectives comparables. Ils peuvent ainsi se déculpabiliser, récupérer un peu
de leur narcissisme et retrouver espoir.
Le thermalisme se conçoit donc comme une thérapeutique holistique ayant une triple action biologique
(crénothérapie), psychologique (suivi psychiatrique) et
sociothérapique (vie institutionnelle).
ACTIONS ET EFFICACITÉ DE LA CURE THERMALE
La cure thermale a une triple activité reconnue : anxiolytique, sédative et antalgique. Plusieurs hypothèses
existent pour expliquer l’effet antalgique : inhibition des
fibres sensitives médullaires postérieures par stimulation cutanée (« théorie du gate control »), sécrétion
centrale d’opioïdes endogènes, stimulation du potentiel
endocrine de certaines cellules cutanées.
Il existe des signes objectifs de l’action d’une cure
thermale, par exemple une normalisation des ondes
alpha à l’EEG (Belmudes, 1988) ou l’augmentation de
30 % de la vitesse de conduction à l’EMG (Lévine,
1984).
La régression thérapeutique (« lâcher prise », retour
à des gratifications archaïques) associée à la psychothérapie et l’éloignement des stresseurs, peut renforcer
l’effet d’institution qu’apporte la cure. Plusieurs études
(Arnaud 1979 et 1981, Beneytout 1991) rapportent l’efficacité d’une cure thermale sur l’anxiété et la dépression ; elles signalent une amélioration de 45 à 58 %,
suivant les études, des symptômes anxieux et dépressifs et une diminution de 35 à 38 % de la consommation
médicamenteuse. Ces études sont seulement descriptives, sans groupe contrôle.
L’étude de Constant et al (1995) a évalué l’efficacité du
thermalisme à 6 mois sur des sujets dépressifs (MADRS
≥ 15) versus groupe témoin avec simple suivi. 109 patients ont participé à cette étude, 78 d’entre eux ayant
(1) Psychiatre, Clinique spécialisée, 17600 Saujon.
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O. Dubois
réalisé leur cure immédiatement, les 31 autres l’ayant
réalisée de manière différée 6 mois plus tard (soit après
l’évaluation finale).
Les résultats ont montré une baisse de 54 % aux
items de la MADRS et une baisse de consommation
des antidépresseurs de 14 % dans le groupe cure thermale immédiate contre une stabilité à la MADRS dans
le groupe cure thermale différée avec augmentation de
consommation des antidépresseurs de 25 %.
Les résultats de cette étude confirment la potentialité d’action de la cure thermale dans la dépression
mais souffrent d’un manque de méthodologie suffisamment fiable. C’est ce qui nous a conduits à la réalisation d’une étude nationale multicentrique, encadrée
par l’équipe méthodologique de l’ISPED, visant à évaluer sur 237 patients l’efficacité de la cure thermale
dans le TAG.
LES INDICATIONS D’UNE CURE THERMALE
Les indications concernent essentiellement les
troubles anxieux et leurs « collatéraux », troubles
somatoformes, troubles du sommeil et sevrage thérapeutique en psychotropes. En dehors des actions
biologiques de l’hydrothérapie, la dimension de
soutien institutionnel et d’éloignement des facteurs
pathogènes permettent la prise en charge d’indications plus complexes telles que la dépression réactionnelle, les troubles de la personnalité et les troubles de
l’adaptation.
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L’Encéphale, 2007 ; 33 : 695-696, cahier 3
LES EFFETS INDÉSIRABLES ET CONTRE INDICATIONS
Dubois et al. (soumis) dans une étude chez 237 patients
(cure thermale versus paroxétine 20 mg) rapportent les effets secondaires suivants dans le groupe cure thermale :
asthénie (n = 12), douleurs ou kinesthésies (n = 10), troubles
du sommeil (n = 6), hypotension à la sortie des bains (n = 4),
réactions allergiques érythémateuses et prurit (n = 3).
Les contre-indications sont : les grandes déficiences
organiques, le manque d’autonomie et particulièrement
l’existence d’une maladie contagieuse (risque de transmission).
LES LIMITES DU THERMALISME
Cette technique thérapeutique peut trouver ses limites
chez des patients présentant des difficultés adaptatives
à l’institution en rapport avec un trouble de la personnalité (hystéries sévères, phobiques-dépendants). Le risque
de passage à l’acte en cas d’état limite est à prendre en
considération.
L’action bénéfique de la cure thermale n’est pas seulement liée à l’activité biologique de la crénothérapie qui
est pourtant centrale : interviennent aussi l’action de la
psychothérapie de soutien et de la dynamique institutionnelle mise en place.
Cette technique thérapeutique est globalement bien
acceptée et il n’y a pas de problème d’observance. Son
utilisation chez les anxieux permettrait de prévenir le risque de survenue d’une dépression secondaire.
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