TUBERCULOSE Pierre-Marie Girard Service des Maladies Infectieuses et Tropicales Hôpital St Antoine UPMC IFSI, UE 2.5 , 2013 La TB, le BK Un passé chargé, une actualité jamais démentie, des enjeux nouveaux, une histoire sans fin, une maladie complexe et d’expression variée, Bref incontournable pour tout soignant… Sommaire • Agents étiologiques de la tuberculose • Données Epidémiologiques: TB toujours présente • Physiopathologie: de l’infection latente à la tuberculose-maladie • Présentations cliniques: du plus évident au plus difficile • Arguments Diagnostiques • Traitements et Suivi • Prévention Le(s) Bacille(s) de la Tuberculose • Mycobacteries du complexe Tuberculosis ie M. tuberculosis (B. de Koch), M. bovis, M. africanum. • Bacilles intracellulaires facultatifs, acidoalcooloresistants, aérobies stricts, de croissance lente. • Reservoir humain unique de M. tuberculosis Physiopathologie de la tuberculose • Maladie transmissible par voie aérienne • Transmission interhumaine exclusive • Les principales tuberculoses sources de transmission à l’entourage sont les tuberculoses pulmonaires chez les patients dont la recherche de BAAR est positive à l’examen microscopique des crachats , des tubages ou d’un LBA • Favorisées par la toux ou l’expectoration Physiopathologie de la tuberculose • Primo-infection tuberculeuse ( PIT ) Symptomatique Asymptomatique (virage IDR tuberculine, test interféron +) • Infection tuberculeuse latente ( ITL ) récente ou ancienne • Tuberculose-maladie ( active ) – – – – < 1 an : 43 % 1 à 5 ans : 24 % 11 à 15 ans : 15 % Adultes : 6 à 10 % 1/2 : mois suivants 1/2 : reste de la vie Risque accru: immunodépression +++ dont iatrogène , VIH, dénutrition; vieillesse; migrants Epidémiologie de la « tuberculosemaladie » dans le Monde • Incidence mondiale environ 9 millions de cas / an soit 139 cas/100 000 habitants • 95% des cas surviennent dans les pays en développement • 25 % de mortalité (> 2 millions dont 100 000 enfants) soit la 3eme cause de décès d’origine infectieuse • A l’origine de 26 % des décès évitables (PVD) • Incidence en croissance (1990-2000) : + 2 % / an ou stable (2009-) • Infection latente chez environ 1/3 de la population mondiale Epidémiologie de la TB en France, 2008 Nombre de tuberculoses rapportées à l'infection VIH dans le monde 12 Cas estimés (en millions) 10,2 10 8 8,8 7,5 6 4 2 4,2 % 8,4 % 1990 1995 13,9 % 0 En lien avec VIH 2000 Non lié au VIH Infection tuberculeuse latente = ASYMPTOMATIQUE • Contage objectivé ou populations à risque ou ATCD traitement non bactéricide • Radio pulmonaire Nle (ou ganglions calcifiés ou image séquellaire des sommets) • IDR à la tuberculine > 10 mm • Ou Test interféron +(Igra) Tuberculose maladie (1) Risque cumulé au cours de la vie = 10% si IDR à la tuberculine positive ( 10 mm) – risque diminue avec le temps après contamination – favorisée par immunodépression dont VIH +++, migrations, stress, âges extrêmes – incidence en diminution lente dans les pays du Nord, – incidence en augmentation au Sud Tuberculose maladie (2) • • Formes pulmonaires 70-80% : Diagnostic clinico-radio-biologique, souvent aisé Formes extra-pulmonaires (20-30%) : Diagnostic souvent difficile Favorisées par: – Immunodépression (VIH) – Sujets agés – Localisations très variées avec prédominance des Ganglions lymphatiques, séreuses, os, méninges… Tuberculose pulmonaire: Circonstances diagnostiques • • • • Terrain favorisant une réactivation Installation progressive des symptômes Signes généraux très fréquents: perte de poids, fièvre même modérée, sueurs, asthénie Signes pulmonaires: – Toux prolongée, productive. Expectorations, crachats (parfois) hémoptoïques Tuberculose pulmonaire: Arguments diagnostiques • • • Imagerie: Radio Thorax, TDM IDR ?? Biologie: Syndr Inflammatoire fréquent mais non constant Absence d’hyperleucocytose Cholestase souvent modérée Tests Interferon IGRA: « Interferon G Release Assay » Utilisation des tests de détection de la production d’interféron gamma (1) Avis HCSP .2011 Tests Igra : Uniquement pour le diagnostic d’infection TB latente (ITL) et dans l’intention de la traiter Enfants de moins de 5 ans : IDR tuberculine Enfants de 5 ans et plus et adultes : IDR ou Igra (avantages Igra : antécédent de BCG, une seule visite, lecture, propose le traitement préventif à moins de personnes) Séniors > 80 ans : Igra VIH et anti-TNF alpha : Igra Utilisation des tests de détection de la production d’interféron gamma (2) Avis HCSP 2011 Professionnels de santé IDR initiale à l’embauche, Igra si IDR > 5 mm Igra en cas d’exposition documentée à un cas contagieux Migrants Radio thorax à l’entrée en France (TB maladie ?) Dépistage de l’ITL chez les enfants jusqu’à 15 ans : IDR chez les moins de 15 ans, Igra chez les plus grands Diagnostic de la TB maladie Igra = aide au diagnostic, uniquement chez l’enfant Tuberculose pulmonaire: Confirmation du Diagnostic Mise en évidence des BAAR: – Procédures des prélèvements (Expectorations, liquide tubage gastrique, LBA) – Examen microscopique: Coloration de Ziehl Auramine Fluorescence à diodes LED Tuberculose Pulmonaire Fibroscopie bronchique ? Tuberculose pulmonaire bacillifère – Fibro contre-indiquée, sauf compression trachéo- bronchique chez l’enfant Examen direct des crachats négatifs – Fibro + lavage broncho-alvéolaire si doute – diagnostique (les miliaires sont souvent pauci-bacillaires) BK crachats post-fibro Tuberculose pulmonaire: Confirmation du Diagnostic – Culture: Milieu solide (Lowenstein): délai 3-4 semaines Milieu liquide (MGIT): délai 7-10 jours – PCR: moins sensible que la culture mais affirme le diagnostic de MT. Technique simplifiée type GenXpert (2 Heures) – Tests de sensibilité: Antibiogramme PCR gènes de résistance (RMP, INH) Tuberculoses Extrapulmonaires Tuberculoses extrapulmonaires (1) Tuberculose des séreuses: - Pleurésie tuberculeuse (10 à 15% des cas) effraction plèvre / foyer parenchymateux sous-pleural liquide sérofibrineux, exsudatif, lymphocytaire, rares ou pas de BK, follicules au niveau de la plèvre) - Pyothorax tuberculeux ouverture dans la plèvre d ’une cavité tuberculeuse - Péricardite tuberculeuse - Péritonite tuberculeuse Tuberculoses extrapulmonaires (2) Tuberculose ganglionnaire : - ADP périphériques chroniques AEG biopsies avec culture - ADP profondes Tuberculoses extrapulmonaires (3) Autres Organes : • Hépatique, splénique, péritonéale… • Os et articulations : Mal de pott ++++ (spondylodiscite tuberculeuse, fréquence particulière chez les migrants) • Méningée ou méningocérébrale • Iléale ou iléocæcale • Stomatologique et ORL • Médullaire • Rénale, surrénales… • Urogénitale (uretère, épididyme, trompes, utérus)>>> bilan de stérilité • et Miliaires Tuberculeuses IRM sans et avec injection : mal de pott en D3-D4 Examen de choix : Siège, étendue de la lésion, atteinte du disque, présence d ’un recul du mur postérieur ? déformation vertébrale ? épidurite ++ ? abcés PV ? Compression médullaire ? Anomalies en hyposignal en T1 et hypersignal en T2, rehaussées par le gadolinium Tuberculose: indications de la corticothérapie Indications établies: – Méningite – Péricardite – Irritation radiculaire sur Pott – Miliaire hypoxémiante Indications débattues, non systématiques – Tuberculose hématopoïétique symptomatique – Atteinte sévère des séreuses – Ganglions ne régressant pas, fistulisation – Tuberculose de restauration immune post ARV… Bases rationnelles du traitement des tuberculoses(1) • Multiplication lente du BK : + rapide dans cavernes: M0 M2 RIF-INH Nb de bacilles 108 102 lente dans macrophages (pH acide intérêt de la pyrazinamide) lente dans foyers de nécrose (bacilles persistants): activité de la rifampicine • Traitement prolongé (au moins 6 mois de rifampicine) Bases rationnelles du traitement des tuberculoses(2) • Proportion élevée de mutants résistants (10-6 à 10-8 dans une population de BK sensibles) – Résistance primaire en augmentation – Résistance secondaire (échecs du traitement) favorisée par observance erratique – Risque de double résistance initiale (INH et RIF) très faible en France • nécessité d’associer 3 molécules au cas où une résistance primaire serait présente jusqu’à réception de l’antibiogramme Traitement standard de la tuberculose Rifampicine* 10 mg/kg Isoniazide 3-4 mg/kg Pyrazinamide*+ 20-25 mg/kg Ethambutol 15-20 mg/kg Rifampicine* Isoniazide 2 mois 4 mois * actifs sur BK intracellulaires « dormants », + M.bovis naturellement résistant Combinaisons fixes RIFATER – Rifampicine – Isoniazide – Pyrazinamide 120 mg 50 mg 300 mg 1 cp/12 kg/j RIFINAH – Rifampicine – Isoniazide 300 mg 150 mg 2 cp/j (> 50 kg) Quand faut-il traiter plus de 6 mois ? • • • Absence de pyrazinamide : TB osseuse ou neuroméningée : • Résistance Intolérance • Mauvaise observance 9 mois 9 mois à 1 an ? 1 an après négativation des cultures Très grande majorité des cas En l’absence de risque de R INH/Rifam TB neuro, os ?, Resistance, malobservance Quels sont les effets secondaires possible ? Quelle surveillance du traitement ? Quelles sont les interactions possibles ? Principaux effets secondaires des anti-BK (1) • Hypersensibilité (rash , fievre, Stevens-Johnson) RMP, PZA , INH • • • • Hépatite cytolytique INH, RMP (qd associée à INH) , PZA (y compris fulminante) NORB EMB Hyperuricemie (en regle asymptomatique) PZA Toxicité cochléo-vestibulaire Strepto Principaux effets secondaires des anti-BK (2) • Neuropathie périphérique INH Facteurs de risque: dénutrition • • Troubles psychiques, agitation, convulsions (exceptionnelles) INH Anémie Hémolytique / thrombopénie RIF Rifampicine: Inducteur puissant CYP 450 Kétoconazole: Voriconazole : Itraconazole : fluconazole : ++++ ++++ +++ ++ Ciclosporine, Tacrolimus ++ AVK ++ Oestroprogestatifs +++ Antiretroviraux (IP) +++ Accès aux soins Approche sociale Droit au séjour Difficultés d’observance Représentation de la maladie Stigmatisation: maladie de la pauvreté 1961 Sélection de la résistance aux anti-tuberculeux • Mécanisme de sélection de mutants chromosomiques Favorisé par : Inoculum élevé, Multiplication lente, Activité modeste des antibiotiques, Observance mauvaise • Transmission interhumaine des souches résistantes Infection VIH et tuberculose Tuberculose de réactivation – Précoce Tuberculose transmise – Lymphocytes CD4 bas – Transmission nosocomiale – Transmission communautaire dans les régions hyper- endémiques – Risque de MDR et XDR Possibilité de plusieurs épisodes de tuberculose – A bacilles différents Particularités de la TB au cours du SIDA Risque de TB-maladie: ≈ 8-15%/an chez VIH+ ( versus 5-10% au cours de la vie chez VIH-) • CD4 élevés : présentation ‘classique’ cavitaire et bacillifère CD4 bas : présentation ‘atypique’ avec infiltrats sans excavation, négativité de l’examen des crachats, localisations extra-pulmonaires • • Risque de Syndrome d’Immunorestauration (IRIS) • Risque augmenté de récidive après traitement bien conduit • Risque accru de résistance et de multi-résistance (23% en Afrique), avec notamment les souches XDR en Afrique du Sud • ARV diminuent fortement incidence TB • Interactions ARV/anti TB Malade : masque chirurgical anti-projections Soignants, visiteurs : masque FFP1 (TB-S) ou FFP2 (TB-MR) Ne pas oublier • • • • Déclaration obligatoire (ARS) qui déclenche une enquête dans l’entourage Demande ALD 100 % Information du patient et de l’entourage Si pas de SS: CLAT (centre de lutte anti TB)