INSTITUT SUPERIEUR DE REEDUCATION PSYCHOMOTRICE 9 bis, rue du Bouquet de Longchamp 75016 PARIS Mémoire présenté en vue de l’obtention du Diplôme d’Etat de Psychomotricien - Session Juin 2010 APPRENDS-MOI A APPRENDRE ! - Le rôle de la psychomotricité face aux troubles des apprentissages - Maître de Mémoire : Brigitte FEUILLERAT Mémoire présenté par : Camille LAPILLONNE Le cancre « Il dit non avec la tête Mais il dit oui avec le cœur Il dit oui à ce qu’il aime Il dit non au professeur Il est debout On le questionne Et tous les problèmes sont posés Soudain le fou rire le prend Et il efface tout Les chiffres et les mots Les dates et les noms Les phrases et les pièges Et malgré les menaces du maître Sous les huées des enfants prodiges Avec des craies de toutes les couleurs Sur le tableau noir du malheur Il dessine le visage du bonheur ». Jacques Prévert, Paroles (1945) REMERCIEMENTS Je remercie très chaleureusement Brigitte Feuillerat, maître de stage et maître de mémoire, qui a su me guider, m’épauler et m’accompagner durant cette dernière année. Merci Brigitte pour tes recommandations, ta disponibilité et ton investissement dans la rédaction de ce mémoire. Je tiens à remercier également mes deux autres maîtres de stages, Véronique Dorner et Alexandre Prouteau qui ont su me transmettre leur passion pour ce métier. Merci Véronique pour ton écoute et tes utiles suggestions. Alexandre, je te remercie pour tes conseils et pour toutes les connaissances et le savoir-faire que tu m'as apporté. De plus, je remercie Claire Sautereau et Priscilla Besnard, psychomotriciennes mais aussi amies, pour leur relecture et pour leur soutien tout au long de ma formation. Merci à mes amis et ma famille, ainsi qu’à Adrien qui m’ont soutenue pendant mes études et dans la rédaction de ce mémoire. Enfin, je dédie ce mémoire à tous les enfants que j’ai rencontré au cours de ma formation professionnelle et notamment à Ambre et Alex, deux petits sourires dont je garderai toujours le souvenir. RESUME L'apprentissage est le résultat de l'interaction dynamique entre le sujet et son environnement. Ce processus complexe, ainsi que les dysfonctionnements qui sont susceptibles de l'affecter, ont fait l'objet de très nombreuses théories. Les troubles des apprentissages sont donc difficiles à appréhender, d'autant plus qu'ils peuvent découler de troubles partiels comme la dysphasie et l'instabilité psychomotrice et être liés à des comorbidités telles que l'anxiété, le sentiment d'échec et la perte de l'estime de soi. Ce mémoire retrace le parcours de deux enfants, Ambre et Alex, actuellement en échec scolaire, qui se sont retrouvés au début de leur primaire en grande difficulté d’apprentissage. Pendant plus d'un an, ces enfants ont bénéficié de prises en charge psychomotrices parallèlement à d'autres rééducations. Ainsi se pose la question de savoir quel est l'intérêt et la place du bilan psychomoteur et de la psychomotricité auprès d'enfants en échec scolaire. Concernant le bilan psychomoteur, celui-ci se révèle un outil essentiel qui doit néanmoins être replacé dans un contexte individuel. S'agissant de la psychomotricité, cette médiation corporelle offre des stratégies d'apprentissage adaptées et permet à ces enfants de retrouver l'envie d'apprendre notamment à travers l'utilisation thérapeutique du jeu. MOTS CLES : Psychomotricité, Apprendre, Expérience, Désir d’apprendre, Echec Scolaire, Projet de Sens, Bilan Psychomoteur, instabilité psychomotrice, dysphasie. ABSTRACT Learning is the result of a dynamic interaction between a subject and its environment. Many theories have been formulated concerning this complex process and the deficiencies that may affect it. Learning disorders are therefore difficult to grasp, especially since they may result from partial disorders such as dysphasia and attention deficit hyperactivity disorder (ADHD) as well as being linked to comorbidities such as anxiety, feelings of failure and loss of self-esteem. This dissertation recounts the story of two children, Ambre and Alex, currently facing school failure, who met major learning difficulties early on in primary school. For over a year, these children had sessions of psychomotricity in conjunction with other forms of reeducation. It raises the question of the usefulness and role of psychomotor assessments and psychomotricity itself with children in school failure. Regarding the psychomotor assessment, it proves an essential tool which must nevertheless be set in an individual context. Regarding psychomotricity, it provides learning strategies and allows these children to find the desire to learn especially through the therapeutic use of play. KEY WORDS: Psychomotricity, Learning, Experience, Desire to learn, School Failure, Meaningful project, Psychomotor assessment, Dysphasia, ADHD. TABLE DES MATIERES INTRODUCTION ..................................................................................................... - 1 - PARTIE THEORIQUE ................................................................................................ - 2 1. L’apprentissage....................................................................................... - 2 1.1. Définitions ........................................................................................... - 2 - 1.2. La notion d’apprentissage et d’habituation ..................................................... - 3 - 1.3. La notion d’apprentissage à travers le temps................................................... - 4 - 1.3.1. Avant le XXème siècle ......................................................................... - 4 1.3.2. Le behaviorisme ................................................................................ - 6 1.3.3. La notion de renforcement ................................................................... - 9 - 2. Les troubles des apprentissages .................................................................. - 11 2.1. Rappel sur les étapes neurologiques de l’apprentissage ..................................... - 11 - 2.2. En quoi consiste un trouble des apprentissages ?.............................................. - 12 - 2.2.1. La différence entre difficultés et troubles des apprentissages. ........................ - 12 2.2.2. Définitions et caractéristiques d’un trouble des apprentissages ....................... - 13 2.3. Les troubles partiels ............................................................................... - 14 - 2.3.1. L’instabilité psychomotrice.................................................................. - 14 2.3.1.1. Les définitions ........................................................................... - 14 2.3.1.2. Les trois symptômes : inattention / hyperactivité / impulsivité ................ - 15 2.3.1.3. Les troubles associés.................................................................... - 18 2.3.1.4. La méthode Barkley ..................................................................... - 21 2.3.2. La dysphasie ................................................................................... - 23 2.3.2.1. La définition ............................................................................. - 23 2.3.2.2. Retard simple ou dysphasie ? .......................................................... - 24 2.3.2.3. Les différentes formes de dysphasies ................................................ - 25 2.3.2.4. La dysphasie lexicale syntaxique ou « manque du mot » .......................... - 27 2.3.2.5. Les troubles associés.................................................................... - 28 - PARTIE CLINIQUE ................................................................................................. - 31 1. Présentation de la structure ...................................................................... - 31 1.1. La présentation de l’hôpital ...................................................................... - 31 - 1.2. Le projet de l’établissement ..................................................................... - 32 - 1.3. Le rôle du psychomotricien en sein du service ................................................ - 33 - 2. Les cas cliniques .................................................................................... - 34 2.1. Alex .................................................................................................. - 34 - 2.1.1. Présentation du patient ...................................................................... - 34 2.1.1.1. Contexte familial ........................................................................ - 34 2.1.1.2. Anamnèse................................................................................. - 34 2.1.2. Le projet Institutionnel ...................................................................... - 35 2.1.3. Les Bilans....................................................................................... - 36 2.1.3.1. Les bilans complémentaires ........................................................... - 36 2.1.3.2. Le bilan psychomoteur.................................................................. - 37 2.1.4. Le projet thérapeutique ..................................................................... - 40 2.1.4.1. Le cadre de la prise en charge ........................................................ - 40 2.1.4.2. Les axes de la prise en charge ......................................................... - 40 2.1.4.3. Le déroulement d’une séance ......................................................... - 41 2.1.4.4. L’évolution de la prise en charge ..................................................... - 44 2.1.5. Conclusion et devenir de l’enfant .......................................................... - 45 2.2. Ambre ............................................................................................... - 46 - 2.2.1. Présentation du patient ...................................................................... - 46 2.2.1.1. Contexte familial ........................................................................ - 46 2.2.1.2. Anamnèse................................................................................. - 46 2.2.2. Le projet de l’institution .................................................................... - 47 2.2.3. Les bilans....................................................................................... - 48 2.2.3.1. Les bilans complémentaires ........................................................... - 48 2.2.3.2. Le bilan psychomoteur.................................................................. - 49 2.2.4. Le projet thérapeutique ..................................................................... - 52 2.2.4.1. Le cadre de la prise en charge ........................................................ - 52 2.2.4.2. Les axes de la prise en charge ......................................................... - 52 2.2.4.3. Le déroulement d’une séance type ................................................... - 53 - 2.2.4.4. Evolution de la prise en charge........................................................ - 55 2.2.5. Conclusion et devenir de l’enfant .......................................................... - 56 - DISCUSSION : QUELLE EST LA PLACE ET LE ROLE DE LA PSYCHOMOTRICITE FACE AUX TROUBLES DES APPRENTISSAGES ? ............................................................................................... - 58 - 1. Le bilan psychomoteur, un outil de dépistage pour les troubles des apprentissages ? - 58 1.1. Définition ........................................................................................... - 58 - 1.2. L’apport du bilan psychomoteur ................................................................. - 59 - 1.3. Le bilan psychomoteur en complémentarité avec les autres évaluations .................. - 61 - 1.4. L’aspect relationnel lors d’un examen psychomoteur avec un enfant présentant des troubles des apprentissages ...................................................................... - 62 - 1.5. Conclusion – le bilan psychomoteur est-il un outil de dépistage pour les troubles des apprentissages ? .................................................................................... - 64 - 2. La psychomotricité, une réponse thérapeutique pour des enfants présentant des troubles des apprentissages ? ................................................................................ - 65 2.1. Les aptitudes requises pour apprendre selon Jean-Charles Juhel........................... - 65 - 2.2. Comment apprenons-nous ? ...................................................................... - 66 - 2.2.1. La réception de l’information … une expérience corporelle. .......................... - 66 2.2.2. Le traitement de l’information … « le geste mental »................................... - 68 2.2.2.1. L’assimilation, un processus d’intériorisation ....................................... - 68 2.2.2.2. La mémorisation, un processus de gestion........................................... - 69 2.2.3. L’utilisation de l’information … « l’évocation mentale » ............................... - 69 2.2.3.1. La récupération mnésique ............................................................. - 69 2.2.3.2. « L’évocation mentale »................................................................ - 70 2.3. La thérapie par le « JEU » … le désir d’apprendre ............................................ - 72 - 2.4. Conclusion- la psychomotricité est-elle une réponse thérapeutique pour des enfants présentant des troubles des apprentissages? .................................................. - 75 - CONCLUSION GENERALE .......................................................................................... - 76 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................... - 78 - INTRODUCTION L’apprentissage est le fruit d'une rencontre. C'est le résultat de l'interaction dynamique entre un sujet et son environnement. Il commence par une expérience corporelle et aboutit idéalement à l'assimilation cognitive d'une information. Chez certains sujets, notamment des enfants, des troubles des apprentissages se manifestent, les empêchant d'accéder à la connaissance. Que ce soit au niveau de la réception ou de l'assimilation d'une information, ou encore de l'exécution d'une action, le diagnostic est parfois tardif et difficile à poser dans le cas de pathologies non évidentes. Ceci implique fréquemment une souffrance importante, en particulier pour les enfants qui ne parviennent plus à se maintenir en milieu scolaire traditionnel. Il apparait donc essentiel de se pencher sur le rôle que peut avoir la psychomotricité auprès des nombreux enfants présentant des troubles des apprentissages, notamment scolaires. Dans cette optique, certaines théories de l'apprentissage seront proposées afin de donner une définition au processus d'apprentissage et à ces moyens d'acquisition. Il sera aussi question de tenter de définir précisément les troubles des apprentissages, notamment deux troubles partiels qui sont la dysphasie et l'instabilité psychomotrice. Ensuite, je présenterai le parcours de deux enfants qui avaient au départ « tout pour réussir », et qui se sont retrouvés il y a quelques années en grande difficulté scolaire. Alex présente une instabilité psychomotrice et Ambre, une dysphasie, ils sont tous deux pris en charge actuellement dans un hôpital en service de rééducation pour enfant. Enfin, l'objet de ce mémoire sera de tenter de découvrir si la psychomotricité peut aider des enfants à apprendre ; si oui, comment et quelles sont les stratégies adaptées pour y parvenir. -1- PARTIE THEORIQUE 1. L’apprentissage 1.1. Définitions L’apprentissage est un « processus cognitif »1 résultant d’interactions entre un sujet et son environnement. Le sujet apprend 2 en réalisant des expériences, elles représentent la base de tout apprentissage. Selon P. Mercier et F. Doré (1992, p.4), il existe un lien étroit entre l’apprentissage et la mémorisation puisque celui-ci s’inscrit « dans un déroulement historique » propre à chacun, construit sur des expériences passées provoquant des modifications de connaissance ou de comportement le plus souvent durables. La mémoire serait donc la seconde base de l’apprentissage, et cela, les sages hindous l’avaient déjà proclamé depuis longtemps : « on apprend en vérité que quand on oublié sept fois »3. Il faudrait donc oublier une information pour l’intégrer. Selon B. De Lièvre et L. Staes (1993, p.13), l’enfant commence à apprendre à partir de ses expériences corporelles desquelles découle « un vécu corporel » qui va « se marquer dans sa mémoire intellectuelle, perceptive et affective » pouvant aboutir à une connaissance plus abstraite et plus élaborée. L’apprentissage commence donc par une rencontre entre le corps de l’individu et son environnement4. Ainsi, l’apprentissage serait le résultat d’un savant mélange : « une pincée » de corps sain, « une dose » d’environnement contenant et réceptif, le tout, « enveloppé » d’une communication équilibrée et riche entre ces deux « ingrédients ». 1 P. Mercier et F. Doré, 1992, p. 2. « Apprendre consiste à acquérir des connaissances sur le monde qui nous entoure, sur notre environnement, ou à les modifier » (P. Mercier et F. Doré, 1992, p. 2). 3 A. Giordan, 1998, p. 9 4 M. Berger, 2004, p. 1 2 -2- 1.2. La notion d’apprentissage et d’habituation En 1961, C. Kimble5 a défini l’apprentissage comme une « modification plus ou moins permanente d’un comportement en puissance qui est le résultat d’un exercice répété ». Le sujet s’enrichit donc d’expériences qui lui permettent, grâce à la mémoire, de stocker les comportements adaptés afin de les restituer ultérieurement. Comment expliquer que ces modifications de comportements soient durables ? Pour répondre à cette question, il faut se pencher sur une forme encore plus simple que l’apprentissage qui est l’habituation. L’habituation est en quelque sorte « la forme inversée » 6 de la réaction à la nouveauté. Selon F. Cordier et D. Gaonac’h (2004, p.10), cette réaction est déclenchée par « la propriété qu’a un stimulus nouveau de rompre l’uniformité des perceptions qu’a un sujet de son environnement ». En d’autres termes, c’est cette réaction qui va amener le sujet à modifier son comportement face à une situation nouvelle et inconnue. A la suite d’une présentation répétée de la stimulation, nous obtiendrons une diminution de la réaction à la nouveauté pouvant aller jusqu’à sa disparition, donnant « une accoutumance »7 et donc une habituation. Humphrey (1933) et Harris (1943) postulaient que le phénomène d’habituation est le résultat d’un processus d’apprentissage. Effectivement, « l’existence d’une récupération spontanée montre que l’habituation est un processus actif : ce n’est pas la perte d’une réponse, mais la mise en œuvre d’un mécanisme qui empêche la réponse de se produire »8. Ainsi, après une période de latence, si on présentait à 5 in P. Mercier et F. Doré, 1992, p. 23 F. Cordier et D. Gaonac’h, 2004, p. 11 7 Ibid. 8 Ibid. pp. 11-12. 6 -3- nouveau le même stimulus, on verrait une réponse adaptée de la part du sujet due à la récupération spontanée. 1.3. La notion d’apprentissage à travers le temps Il existe quantité de discours, théories, définitions et études sur l’apprentissage. Actuellement, de nombreux écrits en psychomotricité, portant sur ce processus, s’appuient sur les théories freudiennes, walloniennes et piagétiennes. Néanmoins, sur quelles études historiques se sont basées ces théories ? En conséquence, j’ai choisi pour retracer schématiquement l’évolution de cette notion, de citer les plus emblématiques d’entre elles. 1.3.1. Avant le XXème siècle En 500 ans avant J.C., Alcméon de Crotone démontre, grâce à des dissections, que les sièges de la sensation et de la pensée se trouvent tout deux dans le cerveau. Ses conceptions, reprises par Hippocrate puis Platon sont contestées par Aristote, pour qui, le principe de sensation est localisé dans le cœur, centre du corps humain. Selon l’auteur, l’homme est composé des deux entités indissociables : « la forme » et « la matière ». En effet, Aristote parle déjà d’« unité entre le corps (la matière) et l’âme (la forme) »9, c’est ce qu’il appelle l’hylémorphisme. En d’autres termes, pour le philosophe, la « matière » corporelle ne permet pas à elle seule l’apprentissage. Effectivement, l’être humain a besoin de son « âme » comprenant ses envies, ses motivations et ses désirs pour donner une « forme » à son corps afin d’accéder à la connaissance. 9 Aristote voyait l’âme comme une « forme d’un corps naturel ayant la vie en puissance ». Pour lui, la mort résultait d’une séparation entre l’âme et le corps. -4- De plus, Aristote pense qu’à la naissance, l’esprit du nouveau-né est comme une « tabula rasa »10 sur laquelle « l’expérience sensorielle inscrirait les connaissances »11. Cette idée que la connaissance se fonde sur l’expérience se retrouve aussi au 18ème siècle, avec les empiristes comme John Locke et David Hume. Selon ce courant, rien n’est inné et l’expérience est nécessaire pour atteindre une quelconque connaissance. Il faudra attendre le 19 ème siècle, pour entendre parler d’ « apprentissage » et non de connaissance et c’est à Ebbingaus que nous devons ce « changement terminologique »12. Ce glissement sémantique semble être le reflet d’un changement de conception. Alors que le mot « connaissance » désigne un résultat, la notion d’ « apprentissage » renvoie davantage au processus menant à une acquisition. Par ailleurs, les avancées scientifiques ont permis de localiser le siège de l’apprentissage au niveau cérébral, mettant l’aspect psychoaffectif au deuxième plan. Par conséquent, l’acte d’apprendre serait-il donc devenu selon certains courants comme le behaviorisme, une association mécanique entre un stimulus et sa réponse ? Afin de répondre à ce postulat, je propose de vous présenter quelques auteurs comme Pavlov, Thorndike et Skinner qui ont appartenu au courant du behaviorisme. Ces scientifiques se sont penchés sur la notion d’apprentissage et sur les paramètres qui pouvaient améliorer ou ralentir ce processus. 10 11 12 Notion d’Aristote, expression latine qui signifie « table rase, vierge ». Aristote pensait que l’esprit humain, à la naissance, était dépourvu d’idées innées et que toute connaissance dérivait de l’expérience. P. Mercier et F. Doré, 1992, p. 38 Ibid. p. 42 -5- 1.3.2. Le behaviorisme Le behaviorisme ou comportementalisme est en psychologie, un courant de pensée qui centre ses recherches sur l’étude du comportement. Selon le dictionnaire de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent 13, cette théorie prétend « ramener la psychologie dans le champ des sciences exactes » considérant que les comportements des individus répondaient à un principe de stimulusréponse. Ce principe est étudié en premier par Ivan Petrovitch Pavlov (1849-1936). Ce médecin russe met « en lumière ce qui apparaît comme une autre forme fondamentale d’apprentissage: le conditionnement classique ou pavlovien »14. Pavlov était physiologiste et en tant que tel, il a cherché un lien entre le système nerveux central (SNC) et les comportements. Il a voulu démontrer qu’il y avait deux types de réflexes : le réflexe inné et le réflexe dit « conditionné » dû à un apprentissage. Il montra à travers la fameuse expérience du « chien » que, si on associait un stimulus inconditionnel (la nourriture du chien) avec un stimulus conditionnel (source sonore), on obtenait une accoutumance, un apprentissage permettant le déclenchement d’une réponse conditionnelle (la salivation de l'animal) avec seulement la présence du stimulus conditionnel (sonore). Pavlov parlait de réflexe conditionné. Quelques années plus tard, Edward Lee Thorndike (1874-1946) précurseur du behaviorisme écrivit dans son livre Why study animal psychology ?, en 1911, qu' « [e]n plus de fournir des principes généraux qui peuvent être adéquats pour rendre compte d’une partie, si ce n’est de tout l’apprentissage humain, les 13 Définition de Guy Sandner dans le dictionnaire de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent sous la direction de D. Houzel, M. Emmanuelli et F. Moggio en 2000, édition Presses Universitaires de France 14 P. Mercier et F. Doré, 1992, p. 47 -6- expériences avec des animaux permettent aux psychologues de vérifier des hypothèses de toutes sortes, dans la mesure où ces hypothèses n’impliquent pas l’intervention d’idées ou d’impressions particulières à l’homme »15. Cette vision a permis d’obtenir des résultats certes plus objectifs mais purement mécaniques. En mettant de côté l’aspect psychoaffectif propre à l’homme, on obtient des résultats précis et exacts mais ne prenant pas en compte la globalité humaine, « un corps et une psyché ». Thorndike considérait que l’apprentissage se faisait par « essais et erreurs », cette forme de base se retrouve chez l’animal comme chez l’homme. Pour démontrer sa théorie, le psychologue américain utilisait l’idée de « boîteproblème ». Thorndike plaça un chat affamé dans une boîte, à l’extérieure de laquelle était disposée de la nourriture. Pour accéder à celle-ci, l’animal devait trouver les comportements adaptés pour ouvrir la cage qui était équipée d’un mécanisme. Après plusieurs essais-erreurs, Thorndike a constaté que l’animal améliorait ses performances et arrivait à mettre en place des stratégies pour obtenir des comportements adaptés afin d’accéder à la nourriture. Il est effectivement possible de retrouver ce type de comportement d’essaiserreurs chez l’homme. Le nouveau-né, par exemple, apprend au départ en réalisant des expériences répétées, souvent élaborées par hasard, aboutissant petit à petit à l’acquisition de différentes notions. Néanmoins, cette théorie part du postulat, que le sujet est capable d’isoler l’acte qui lui a permis d’arriver au résultat, mais aussi d’avoir une mémoire corporelle permettant de se souvenir de l’acte déterminant, afin de le répéter. 15 P. Mercier et F. Doré, 1992, p. 44 -7- Enfin, l’américain Burrhus Skinner (1904-1990) enrichit la théorie du behaviorisme avec la notion de conditionnement dit « opérant ». Skinner s’est inspiré des travaux de Pavlov et Watson16. Pour établir ce conditionnement dit « opérant », Skinner plaça, comme Thorndike, un animal affamé dans une cage reliée à un mécanisme. Il constata de même, qu’un apprentissage de la part de l’animal s’installait. « Dans cette situation, un conditionnement est établi lorsqu’un comportement, produit au départ par hasard, devient, au bout d’un certains temps, systématique »17. Contrairement à Pavlov et Thorndike, pour parler de conditionnement opérant, deux notions devaient être réunies : il faut qu’un comportement soit produit soit par hasard, soit par provocation de la part d’un autre en induisant le mouvement, voire par imitation du geste. Le fait d’induire le mouvement ou de le démontrer par imitation montre que le mécanisme d’apprentissage n’est pas limité aux comportements connus de l’animal et qu’une mise en place de comportements nouveaux est donc possible. La seconde condition est que le conditionnement produit doit être renforcé et donc récompensé de manière positive contrairement à Thorndike où le renforcement pouvait être positif ou négatif. Effectivement, Thorndike avait pour hypothèse que les renforcements négatifs permettaient de comprendre que le comportement était incorrect mais que seul le renforcement positif amenait l’animal à intégrer les comportements adéquats pour obtenir le renforçateur positif (la nourriture). Skinner souligne dans son expérience l’importance de l’environnement. En effet, récompenser l’animal positivement lui indique que son comportement est 16 Psychologue américain (1878-1958) fortement influencé par Pavlov qui est considéré comme le créateur du behaviorisme, il a réalisé beaucoup de travaux sur le couple « stimulus-réponse » et sur l’adaptation. Selon Watson, tous les comportements étaient le fruit d’un apprentissage conditionné. (Barlow et Durand, 2007, p. 40) 17 F. Cordier et D. Gaonac’h, 2004, p. 15 -8- correct et adapté. Ce type de comportement se retrouve de même dans la relation parent / enfant. Effectivement, le jeune enfant se socialise en imitant ses parents, en réalisant des expériences et en recherchant toujours le regard et l’approbation de ses parents pour savoir si son comportement est adapté ou non. Enfin, Skinner souligne dans son expérience que « c’est l’animal lui-même, par son activité, qui obtient la nourriture, alors que, dans le cas de l’expérience de Pavlov, l’activité est une réponse de l’animal (la salivation) à une stimulation »18. En d’autres termes, l’expérience de Skinner met en avant la notion de volonté, de choix. Effectivement, l’animal choisit de réaliser une action afin d’obtenir une récompense alors que dans le cas de l’expérience de Pavlov, la réponse est physiologique et donc non maîtrisable par le sujet. 1.3.3. La notion de renforcement Il me semble intéressant d’approfondir cette notion de renforcement. Selon Thorndike, « un renforçateur renforce un sujet parce qu’il lui procure une satisfaction »19. Le concept de satisfaction de Thorndike a été souvent critiqué provoquant de nombreux questionnements. Comment peut-on définir satisfaction ? Ce qui plaît à un individu plaît-il nécessairement à un autre ? la 20 Ces questions permettent d’aborder la dimension subjective de l’apprentissage. Si chaque individu répond différemment aux stimuli qui l’entourent et détient un renforcement qui lui est propre, lui correspondant, il faut donc envisager un lien entre apprentissage et affectivité. Selon André Giordan (1998, p.42), « apprendre est le moment par excellence où se déploient les émotions, le désir, l’angoisse, l’envie, l’agressivité, la joie, le plaisir, le dégoût, et autres, qui sont transversaux à 18 F. Cordier et D. Goanac’h, 2004, p. 16 P. Mercier et F. Doré, 1992, p. 215 20 Ibid. 19 -9- l’acte d’apprendre». Suivant cette idée, l’apprentissage ne correspond pas seulement à des réponses comportementales et neurologiques mais un facteur psychoaffectif existe et devrait être pris en compte. Comme l’avait illustrée Skinner, même les animaux 21 vont être plus ou moins « motivés » par un apprentissage. En d’autres termes, pour apprendre, il ne suffit pas de simples stimulationsréponses mais il faut qu’une réelle envie d’apprendre se créée. Certains auteurs22 appartenant au courant de la phénoménologie avaient démontré que « l’accès de la connaissance ne pouvait se faire que par le sujet luimême, au titre d’une introspection »23. Cette idée d’introspection peut paraître subjective et exagérée mais on peut la retrouver sous d’autres appellations, dans certains textes de Piaget. Effectivement, Jean Piaget proposait des situations d’évaluation clinique où « l’élève était invité à justifier, expliciter ses procédures de pensée, à argumenter ses décisions par une réflexion sur ses propres stratégies mentales »24. Pour conclure, pour apprendre nous avons « besoin » d’un corps moteur ou d’une « matière », auquel nous apportons une « forme » correspondant à l’âme, faisant appel à l’intelligence et aux émotions. En d’autres termes, l’apprentissage est le résultat d’un équilibre entre le développement sensori-moteur, psychoaffectif et cognitif. 21 Dans les années quarante, un éthologue Clark Hull a réalisé, aux Etats-Unis, une expérience permettant de démontrer « la motivation des souris » l’amenant à une conclusion que pour l’apprentissage « tout se joue dans une résonnance entre les besoins, les intérêts, les désirs, les attentes, les aspirations d’un apprenant et les propriétés d’une situation à même de les satisfaire » (A. Giordan, 1998, p. 100). 22 Ce courant fut notamment représenté par Edmond Hursell (1859-1938) et Maurice Merleau-Ponty (1908-1961). 23 J-L Chabanne, 2003, p. 69 24 Ibid. - 10 - 2. Les troubles des apprentissages 2.1. Rappel sur les étapes neurologiques de l’apprentissage Selon Denise Destrempes-Marquez et Louise Lafleur (1999, p.14) « apprendre, c’est acquérir des connaissances et des habilités ». Ces auteurs expliquent dans leur ouvrage que l’apprentissage est un processus comportant différentes étapes. En premier, la personne perçoit le stimulus pour ensuite enregistrer l’information dans le cerveau, c’est l’étape de la réception. L’information est alors classée et comprise par l’individu, c’est l’intégration. Suite à cette intégration, l’information doit être conservée en mémoire afin d’être réutilisée ultérieurement, c’est la mémorisation ou la rétention. Enfin, l’individu répond à ce stimulus via une action, un moyen de communication (parole, geste, écrit) permettant de faire communiquer l’information à l’environnement, c’est l’étape de la production ou de l’exécution. Les troubles des apprentissages résultent d’une difficulté à effectuer l’une de ces étapes, l’origine de cette difficulté peut être d’ordre « génétique, neurologique ainsi que pédagogique ou psychologique et affectif »25. Comment peut-on actuellement diagnostiquer un trouble des apprentissages ? Le bilan psychomoteur peut-il contribuer à la localisation de ce trouble ? Je tenterai de répondre à ce questionnement lors de ma discussion néanmoins, dans un premier temps, nous allons découvrir en quoi consiste ce trouble et quels sont les critères pour parler d’un trouble des apprentissages. 25 J-C Juhel, 1998, p. 61 - 11 - 2.2. En quoi consiste un trouble des apprentissages ? La différence apprentissages. 2.2.1. entre difficultés et troubles des La notion de difficulté d’apprentissage renvoie à des symptômes transitoires, elle correspond à « des obstacles à l’apprentissage qui sont temporaires et ponctuels (…) résultant de facteurs extérieurs à l’enfant »26 alors que les troubles des apprentissages sont « persistants, permanents et intrinsèques à l’enfant sans être liés à son intelligence »27. Les troubles des apprentissages sont souvent accompagnés d’échecs scolaires répétés et de troubles du comportement. Selon J-L Chabanne (2003, p.12), un enfant n’a pas de « difficultés scolaires », il est « momentanément en difficulté dans tel domaine de son apprentissage, et dans tel contexte » alors que le trouble des apprentissages correspond à « un écart à la norme », celle-ci étant différente selon les cultures, les pays ou les pédagogies. Actuellement à l’école primaire, les élèves ont des « grilles de compétences », chaque apprentissage correspond à une compétence précise qui doit être acquise à la fin d’un cycle donné. Pour chaque trimestre, un enfant est noté sur une centaine de compétences différentes puis il est réévalué sur ces mêmes items pendant le reste de l’année. Cela signifie, que l’apprentissage scolaire répond à des règles précises et strictes, laissant peu de place à l’adaptation. Un enfant ne rentrant donc pas dans ce « moule » pourrait être considéré comme un enfant « fainéant », un enfant « qui ne s’intéresse pas aux apprentissages ». Effectivement, la pédagogie est rarement remise en cause et la présence d’une éventuelle pathologie est peu souvent soulevée ; il faut même parfois attendre un échec scolaire pour que 26 27 D. Destrempes-Marquez et L. Lafleur, 1999, pp. 14-15 Ibid. p. 15 - 12 - l’on recherche les causes possibles. Mais qu’elles sont réellement les critères de définition d’un trouble des apprentissages ? Définitions apprentissages 2.2.2. et caractéristiques d’un trouble des Selon D. Destrempes-Marquez et L. Lafleur (1999, p.16), les troubles des apprentissages correspondent à un « ensemble hétérogène de troubles causés par un dysfonctionnement apparent ou non du système nerveux central. (…) Ils sont intrinsèques à la personne (…) et se manifestent par un retard ou par des difficultés sur les plans de la concentration, de la mémoire, de la communication »,… Les troubles des apprentissages correspondent à un trouble cognitif comprenant plusieurs critères, ils doivent être durables (+ 2 ans), persistants ou résistants, sans déficit intellectuel grave, invisible (sans déficit moteur) et hétérogène, c'est-à-dire qu’ils peuvent toucher plusieurs domaines différents 28. Dans le dictionnaire de la psychopathologie de l’enfant, B. Gibello29 classe ce trouble selon trois types : Les troubles globaux correspondent aux individus ayant une déficience mentale (QI inférieur à 70). Ces troubles ne permettent pas aux individus d’accéder aux apprentissages. Les troubles partiels sont limités à un ou plusieurs domaines mais le plus souvent un des troubles prédomine. Il existe différents troubles partiels comme la dyspraxie, le trouble des apprentissages de la maîtrise sphinctérienne, la dysharmonie cognitive, l’instabilité psychomotrice, la dysphasie, … 28 29 J. Dumas, 2007, p. 203 Ouvrage rédigé sous la direction de D.Houzel, M.Emmanuelli et F.Moggio, 2000, p. 61 - 13 - Les troubles d’apprentissage scolaire spécifique correspondent à des difficultés au niveau du calcul et de la langue écrite. Ces anomalies peuvent être isolées mais elles sont le plus souvent révélatrices de troubles préexistants comme les troubles partiels. En d’autres termes, si nous excluons les troubles globaux, il existe un lien étroit entre les troubles partiels et les troubles d’apprentissage scolaire. Effectivement, la plupart des troubles scolaires sont dus à la présence de troubles partiels mais comme il est écrit plus haut, ces même troubles sont rarement isolés et souvent liés à d’autres pathologies. Par exemple, un enfant peut présenter une instabilité psychomotrice accompagnée d’une dyspraxie et de troubles anxieux provoquant des troubles de l’écriture, de la lecture et de l’attention. Le diagnostic est donc parfois difficile à poser. En effet, malgré la prédominance de certaines pathologies, comme l’hyperactivité, de nombreuses pathologies ou troubles associés peuvent également exister chez un même sujet. Il ne faudra donc pas négliger ces troubles secondaires. En lien avec ma partie clinique, j’aimerais donc m’arrêter sur deux troubles partiels qui sont l’instabilité psychomotrice et la dysphasie. 2.3. Les troubles partiels 2.3.1. L’instabilité psychomotrice 2.3.1.1. Les définitions Il existe aujourd’hui une multitude de termes pour désigner ce trouble, on parle d’« instabilité psychomotrice »30, d’hyperactivité, de troubles de l’attention avec hyperactivité, de trouble hyperkinétique, etc. D’après Corraze (1999, p.75), « on 30 M. Berger, 2004, p. 1 - 14 - ne peut appeler, en français, ce sujet hyperactif car il ne s’agit pas d’une activité supérieure à la normale, mais qualitativement inadaptée. » J’utiliserai donc le terme d’instabilité psychomotrice ou d’hyperkinésie dans le cadre de ce mémoire. Corraze et Albaret (1996, p.17) donnent une définition assez concrète de ce type d’enfant, ils parlent d’ « enfant agité et distrait » c'est-à-dire un enfant qui est en quasi permanence en mouvement, « dont la motricité est rarement au repos » et « ne pouvant se concentrer suffisamment sur une tâche ». Le DSMIV en 1994, parlera de TDA/H le trouble déficitaire de l’attention avec ou non hyperactivité et impulsivité alors que le CIM 10 utilise le mot hyperkinétique pour désigner ce trouble. 2.3.1.2. Les trois symptômes : inattention / hyperactivité / impulsivité S’il existe de nombreuses définitions de ce trouble, tous les ouvrages relatent les mêmes caractéristiques. Ce trouble doit se manifester dans au moins deux milieux sociaux (école et maison) différents, de plus, les symptômes doivent persister au moins pendant 6 mois et débuter avant l’âge de 7 ans31. Certains symptômes peuvent même apparaître très tôt, dès les premières années de l’enfant. Le bébé dort peu, il est très actif, cependant, le plus souvent, c’est seulement lors des premières contraintes scolaires que le diagnostic est posé. Selon Narbona et Schlumberger (2007, p.493), l’instabilité psychomotrice se caractérise par les symptômes suivants : « labilité de l’attention, impulsivité, hyperactivité « improductive », et fragilité des mécanismes d’adaptation à l’environnement. Il convient d’ajouter à cette définition deux autres critères : la 31 CIM 10, 1990 - 15 - constatation d’un niveau intellectuel normal et l’absence de toute manifestation psychopathologique préexistante (dépression, psychose, …) susceptible d’expliquer ce type de comportement ». D’après cette description, trois symptômes ressortent parmi les autres. En effet, les enfants atteints d’hyperkinésie manifestent « un ensemble de comportements perturbateurs dans lesquels l’inattention et/ou l’hyperactivité et l’impulsivité prédominent »32. Je vais donc vous présenter ces trois symptômes qui prennent une place centrale dans l’instabilité psychomotrice. Le trouble de l’attention ou « l’instabilité psychique »33 : D’après Mirsky (1987)34 , il existe deux types d’attention : o L’attention sélective : C’est « la capacité à maintenir l’attention sur une cible quand des distracteurs sont présents »35 . En d’autres termes, le sujet arrive à maintenir « un niveau d’efficience attentionnelle suffisant » et donc arrive à ne pas être distrait36. o L’attention soutenue : Selon Corraze et Albaret (1996, p.30), « il s’agit de la capacité à soutenir pendant un temps relativement long son niveau d’attention, qualifié encore de niveau de vigilance. » Un trouble de l’attention peut être au niveau de l’attention sélective ou soutenue ou les deux. Cependant, selon G. Wahl (2009, p.23), l’attention « dépend aussi de la motivation et du niveau de développement cognitif ». Il est donc 32 J. Dumas, 2007, p. 264 M. Berger, 1999, p. 11 34 J-M. Albaret et J. Corraze, 1996, p. 29 35 Ibid. p. 30 36 J. Thomas et G. Willems, 1997, p. 41 33 - 16 - important de prendre en compte les deux notions avant de déclarer la présence ou non d’un trouble de l’attention. L’impulsivité : Selon G. Wahl (2009, p.27), « les enfants impulsifs répondent précipitamment et globalement sans attendre la fin des consignes et des séquences. ». Effectivement, la réponse est formulée « sans réflexion préalable »37, le sujet ne peut contrôler ses comportements ou inhiber son mouvement car il ne peut respecter les exigences environnementales. L’hyperkinésie ou « l’instabilité motrice »38 : J. Bergès (1985) émet l’hypothèse d’une défaillance au niveau des enveloppes corporelles « les enfants ne sentent pas leur hyperkinésie pour cette excellente raison que cette activité incessante sert de « senti », de « vécu », de « frontière ». L’agitation apparaît (…) comme une quête incessante des limites, des frontières, la place du corps agissant étant très problématique ou impossible à intégrer comme tel. »39 Cette agitation physique perturbant « l’ordonnance de toute activité »40 est souvent la première indication de consultation. Il existe donc trois symptômes principaux dans l’hyperkinésie. Néanmoins, dans la majorité des cas, nous pouvons retrouver des troubles associés assez importants. Effectivement, nous constatons rarement une instabilité psychomotrice isolée. Mais quelles sont ces comorbidités ? 37 J-M. Albaret et J. Corraze, 1996, p. 33 M. Berger, 1999, p. 11 39 Ibid. p. 21 40 G. Wahl, 2009, p. 25 38 - 17 - 2.3.1.3. Les troubles associés Comorbidité TDAH et trouble de la conduite Cantwell parlait en 1996 « d’un manque de savoir-faire social ». Effectivement, les interactions entre l’enfant présentant une instabilité psychomotrice et ses pairs sont parfois délicates : ce sont des enfants souvent « rejetés » car ils sont « plus agressifs, plus brutaux, jouent le plus souvent seuls, (…) ils sont imprévisibles et ont des modifications brutales de l’humeur et des crises de colères »41. De plus, les interactions avec les adultes se soldent souvent en conflit, leurs parents leur reprochent « la désobéissance, la non-conformité aux règles régissant la vie quotidienne »42. Dans la Classification internationale des maladies (CIM-10), les troubles de la conduite sont définis chez les hyperkinétiques comme « des comportements caractérisés par une forme persistante et récidivante de comportements infantojuvéniles asociaux, agressifs ou provocateurs qui dépassent les limites normales de l’espièglerie enfantine ou de la rébellion de l’adolescent »43. Enfin, selon Biederman et coll. en 1991, ces deux troubles sont associés dans 30 à 50% des cas44. Comorbidité TDAH et faible estime de soi voire états dépressifs Actuellement, de nombreux enfants (15 à 75%) présentent cette association 45 en lien avec le trouble précédant. Maurice Berger (1999, p.12) évoque dans son ouvrage, le fait que les enfants instables présentent « une fragilité narcissique » qui 41 J. Corraze et J.M Albaret, 1996, p. 81 Ibid. 43 J. Narbona et E. Schlumberger, 2007, p. 499 44 J. Corraze et J.M Albaret, 1996, p. 83 45 Ibid. p. 84 42 - 18 - les amène à fuir toute situation reconnue comme difficile pouvant engendrer un échec. Les personnes hyperkinétiques sont conscientes de leur trouble et de l’impact que cela provoque sur leur environnement, néanmoins « il existe des troubles de l’estime de soi (…) chez tous les enfants présentant un trouble des apprentissages »46. Cette comorbidité n’est donc pas propre au TDAH mais ne doit pas être mise de côté car « le risque suicidaire » chez ce type de population est fréquent 47. L’importance de la notion d’empathie est donc fondamentale et comme l’explique J. Thomas et G. Willems (1997, p.168), il faut « comprendre l’enfant et le saisir dans son angoisse et sa difficulté, dans son désarroi et son désespoir sur luimême ». Comorbidité TDAH et trouble anxieux Selon J. Corraze et J.M Albaret (1996, p.84), 25% des enfants atteints d’instabilité psychomotrice présentent un trouble anxieux. En effet, l’anxiété pourrait provoquer à elle seule « des troubles de l’attention ou des perturbations au niveau de la mémoire »48. Comorbidité TDAH et incapacités d’apprentissages scolaires Selon certains auteurs cette comorbidité serait l’origine des autres troubles associés. Effectivement, cette incapacité d’apprentissage démontre à l’enfant son inefficacité face au système scolaire et c’est « l’échec scolaire lui-même qui est à l’origine d’une baisse de motivation chez l’enfant »49. 46 J. Thomas et G.Willems, 1997, p. 168 J.M Albaret et J. Corraze, 1997, p. 85 48 J. Thomas et G. Willems, 1997, p. 162 49 Ibid. p. 152 47 - 19 - D’après Cantwell et Baker, en 1992, près de 80% des enfants instables ont déjà acquis, à l’âge de onze ans, un retard scolaire de deux ans ou plus. Mais pourquoi ces enfants n’arrivent-ils pas à apprendre ? Dumas évoque en 2007 le fait que les personnes hyperkinétiques présentent une défaillance au niveau de la fonction exécutive. En effet, de nombreux neuropsychologues se sont interrogés sur le lien étroit entre l’instabilité psychomotrice et le déficit frontal et notamment sur le défaut d’inhibition dû à une pauvreté de planification incluant les fonctions exécutives. Les fonctions exécutives correspondent à la capacité d’élaboration d’un plan « incluant l’estimation du point de départ, du point d’arrivée et des stratégies intermédiaires pour s’y rendre », la prise de décision « impliquant la capacité à choisir l’action la plus appropriée pour atteindre le but », le jugement de l’acte réalisé et l’autocorrection « qui assure le contrôle et le maintien de la programmation jusqu’à son achèvement complet »50. Le concept de fonction exécutive demande donc une inhibition des informations, difficulté première d’un enfant instable. Bien qu’il reste encore beaucoup à explorer s’agissant de l’origine de l’hyperkinésie, certains scientifiques parleraient d’une « atteinte ou d’une immaturité neurologique des lobes frontaux »51, notamment de la partie préfrontale et d’une « anomalie au niveau de certains neurotransmetteurs »52 et singulièrement de la dopamine. On constate donc qu’un enfant hyperkinétique présente probablement des défaillances neurologiques ou biologiques mais qu’il existe aussi une part importante du psychoaffectif empêchant l’enfant de cheminer vers la connaissance. 50 F. Lussier et J. Flessas, 2009, p. 379 Ibid. p. 380 52 J-M. Albaret et J. Corraze, 1996, p. 104 51 - 20 - 2.3.1.4. La méthode Barkley Il existe actuellement beaucoup de méthodes concernant les troubles des apprentissages. J’ai choisi de vous présenter celle de Russel Barkley car ces travaux m’ont aidé dans ma pratique psychomotrice auprès d’un enfant qui présente un trouble des apprentissages en partie dû à une instabilité psychomotrice. Le modèle de Russel Barkley appartient au domaine des psychothérapies comportementales. Les techniques comportementales sont issues des théories de l’apprentissage vues précédemment, elles cherchent à modifier certains comportements en utilisant l’environnement. Les échelles de comportement sont très largement utilisées aux Etats-Unis et comprennent des programmes éducatifs sous forme de questionnaires proposés aux parents, voire aux enseignants. Ces questionnaires reposent d’apprentissage, les sur « les plaintes troubles somatiques, de la conduite, les l’impulsivité, problèmes l’hyperactivité et l’anxiété »53. Selon l’auteur, il était nécessaire « d’associer au traitement médicamenteux un travail auprès des parents et des enseignants pour les aider à fournir des réponses adéquates aux manifestations de l’enfant »54. Le comportementaliste souligne la notion de triade en incluant dans le projet thérapeutique de l’enfant, sa famille et son école. Pour Barkley, l’instabilité psychomotrice correspond à une « pauvreté de l’inhibition comportementale, qui va entraver secondairement le fonctionnement de quatre capacités neuropsychologiques, éléments de la fonction exécutive» 55. Ces quatre éléments engendrant un déficit d’inhibition correspondent à « la mémoire de travail, l’autorégulation de l’affect, de la motivation et de la vigilance, le langage internalisé et la reconstitution »56. Un enfant instable, selon Barkley, présente un dysfonctionnement qui perturbe ces composantes de la fonction 53 P. Ferrari et C. Epelbaum, 1993, p. 205 J-M. Albaret, 2005, p. 146 55 J. Corraze, 1999, p. 88 56 F. Lussier et J. Flessas, 2009, p. 385 54 - 21 - exécutive. Rappelons que les fonctions exécutives « font référence aux différentes activités mentales, utilisées par l’individu pour s’auto-contrôler et pour générer des comportements dirigés vers un but »57. A quoi correspondent exactement ces items ? La mémoire de travail permet de « conserver des informations alors même qu’on exécute une activité qui les utilise »58. Ce déficit engendrerait des difficultés de maintien de l’information, d’anticipation, de la conscience de soi, de l’organisation spatio-temporelle et de l’exécution des données. L’autorégulation de l’affect, de la motivation et de la vigilance concerne l’autocontrôle des émotions, l’objectivité sociale, l’autorégulation des pulsions et la régulation de la vigilance au service d’une action orientée vers un but. Le langage internalisé renvoie à la mémoire de travail verbal, c'est-à-dire à la notion de description et de réflexion, à la résolution de problème, à l’autoquestionnement, à l’organisation d’une réponse et à l’élaboration d’une stratégie. La reconstitution permet d’analyser et de synthétiser des comportements, d’agir de façon créative avec des comportements orientés dans un but de créativité et de diversité. En conclusion, pour Barkley, un enfant instable présente un dysfonctionnement au niveau de quatre paramètres faisant partis de la fonction exécutive. Cette précision pourrait expliquer pourquoi ces enfants ont de telles difficultés face à l’apprentissage. En effet, comment peut-on écrire, lire, calculer, analyser, réfléchir lorsqu’on présente un défaut d’anticipation, de conscience spatiotemporelle, de manipulation des données, de régulation de ses émotions et de son tonus, de créativité, de planification, d’organisation et autres ? Barkley met en évidence une multitude d’items à travailler, explorer, découvrir et affiner comme 57 58 J-M. Albaret, 2005, p. 146 J. Corraze, 1999, p. 88 - 22 - la régulation tonique et émotionnelle, l’organisation spatio-temporelle, la séquentialité cognitive mais aussi gestuelle, l’imagination et la créativité … Il me semblait important de présenter cet auteur car finalement, ces paramètres n’appartiendraient-ils pas au domaine de la psychomotricité ? 2.3.2. La dysphasie 2.3.2.1. La définition « La dysphasie se définit par l’existence d’un déficit durable des performances verbales, significatif en regard des normes établies pour l’âge. Cette condition n’est pas liée à un déficit auditif, à une malformation des organes phonatoires, à une insuffisance intellectuelle, à une lésion cérébrale acquise au cours de l’enfance, à un trouble envahissant du développement, à une carence grave affective ou éducative. »59 La dysphasie est un trouble spécifique du langage, notamment de l’acquisition du langage malgré « une audition normale, une intelligence non verbale normale, une absence de dommages cérébraux sévères et d’un environnement linguistique stimulant »60. C’est un trouble permanent ayant un degré d’atteinte variable, des manifestations diverses et provoquant des répercussions sur la vie affective, sociale, familiale et scolaire. 59 60 C-L Gérard, 1993, pp. 12 et 13 D. Destrempes-Marquez et L. Lafleur, 1999, p. 40 - 23 - 2.3.2.2. Retard simple ou dysphasie ? Selon L. Danon Boileau (2004, p. 86), le cas rencontré le plus fréquemment est celui d’un enfant « pourvu d’un langage, mais qui parle mal, sans trouble de la communication ni de la personnalité ». Ce type d’enfant arrive à se faire comprendre dans la vie quotidienne mais c’est à l’école où le déficit apparait, provoquant alors des difficultés d’apprentissage pouvant aller jusqu’à l’échec scolaire. Comment savoir si nous sommes face à un retard de langage ou à une dysphasie? Faut-il attendre l’échec scolaire pour diagnostiquer un trouble du langage ? Le retard simple de langage correspond à un « décalage par rapport à une courbe de développement normal du langage (…) lié à un contexte particulier »61, ce retard doit être transitoire, ne pouvant pas « persister au-delà de 5 ans »62 et présentant rarement un retentissement sur le langage écrit contrairement à la dysphasie. Actuellement, il existe de plus en plus de dysphasies dites légères dont le dépistage tardif retarde la rééducation. Dans ce cas, comment savoir si nous sommes face à un simple retard de langage ou à une réelle dysphasie ? Il me semble difficile de prendre une décision tranchée. Effectivement, si nous considérons que tout retard « un peu trop important » correspond à une dysphasie, nous risquons de cristalliser la difficulté de l’enfant et de l’enfermer dans cette différence alors qu’en réalité nous sommes face à un simple retard de maturation. A l’inverse, combien de temps faut-il attendre avant de poser un diagnostic, ignorant cette pathologie, risquant de laisser des séquelles de plus en plus importantes au fil du temps ? 61 62 D. Destrempes-Marquez et L. Lafleur, 1999, p. 39 L. Danon Boileau, 2004, p. 86 - 24 - 2.3.2.3. Les différentes formes de dysphasies Il existe actuellement différents types de dysphasies. Christophe-Loïc Gérard (1993, p. 29 à 34), a tenté de les différencier en s’inspirant du modèle de Crosson. Dysphasie phonologique-syntaxique : C’est l’atteinte la plus fréquente. Selon Rapin et Allen, 1983, cette dysphasie correspond à « une atteinte mixte (expressive et réceptive) »63. Le trouble expressif, souvent sévère, est secondaire à une difficulté de décodage des énoncés. La compréhension est lacunaire mais souvent mieux préservée que l’expression. Dysphasie de production phonologique : C’est une atteinte de l’expression notamment de l’articulation. Les enfants ont un trouble au niveau du « contrôle phonologique » et au niveau de la séquence des phrases, voire même des mots. Ces caractéristiques rendent souvent leur discours inintelligibles, néanmoins, leur compréhension est intacte. Selon l’auteur, cette pathologie aurait un meilleur pronostic d’évolution. Dysphasie kinesthésique afférente ou « dyspraxie verbale »64: C’est une atteinte expressive due à une incapacité à organiser et à produire les mouvements articulatoires pour émettre un son. Ces enfants manquent de fluidité verbale, ils parlent peu, les mots sont « tronqués, isolés, sans structures grammaticales »65. Cette dysphasie s’accompagne souvent de dysarthrie ou difficulté au niveau de la motricité fine. Dysphasie réceptive ou « agnosie auditivo-verbale »66: C’est une altération de la compréhension et de l’expression. Elle résulte d’une incapacité à analyser les 63 F. Lussier et J. Flessas, 2009, p. 161 Ibid. 65 Ibid. 66 Ibid. p. 160 64 - 25 - sons due à un défaut compréhension est de décodage phonologique. L’atteinte de la souvent sévère et l’expression est généralement rudimentaire, voire déformée. Un autre mode de communication comme les pictogrammes sont souvent proposées à ce type d’enfant. Dysphasie sémantique-pragmatique : C’est un trouble de la formulation, il touche essentiellement la compréhension. L’enfant apprend les mots sans vraiment en connaître le sens, il interprète concrètement les messages, sans nuance, n’ayant pas accès au langage métaphorique. Ce sont des personnes qui ne comprennent pas la fonction du langage comme outil de communication. Ce trouble engendre généralement un isolement menant parfois à un renfermement autistique. Dysphasie lexicale syntaxique ou mnésique: C’est une atteinte au niveau du traitement de l’information. Il s’agit d’un trouble de l’évocation du mot ou d’une dysnomie. L’enfant se trouve confronté à un « manque de mot invalidant » plus ou moins important, dépisté le plus souvent tardivement. Le mot « dysphasie » correspond donc à plusieurs définitions. En fonction du type de dysphasie, l’expression, la compréhension, l’impact du trouble sur l’environnement, le niveau d’atteinte et les troubles associés possibles seront différents. De plus, pour chaque type de dysphasie, il existe des formes plus ou moins sévères et plus ou moins résistantes à la rééducation. En lien avec ma partie clinique, il me semble important de revenir sur la dysphasie lexicale syntaxique ou « manque du mot » afin de vous apportez un tableau complet sur cette pathologie. - 26 - 2.3.2.4. La dysphasie lexicale syntaxique ou « manque du mot » Comme je l’ai dit précédemment, la dysphasie lexicale syntaxique est un trouble de l’évocation du mot. L’accès lexical est limité, le langage appris est souvent de meilleure qualité que le langage spontané. On retrouve généralement dans le discours de l’enfant des hésitations, des faux-départs, une lenteur avant de répondre, des essais d’autocorrection, « remplissage (chose, truc, ça, …)» le sens est proche : cuillère 67 l’utilisation de mots de ou des « paraphasies sémantiques (mots dont = fourchette, » 68 bras = coude) ou « phonologiques (mot de consonance proche : bain = blanc)»69. Néanmoins la fluidité, l’articulation et l’intelligibilité sont de bonnes qualités. Michèle Mazeau (2005, p. 184), définit cette dysphasie comme un trouble de l’accès lexical. Effectivement, les mots semblent présents dans le lexique mais non atteignables, non mobilisables au moment voulu. Néanmoins, comment distinguer un manque du mot d’une simple méconnaissance ? L’auteur explique dans son ouvrage qu’il existe plusieurs arguments pour répondre à ce questionnement. En effet, lors d’une épreuve de reconnaissance de mots, l’enfant démontre par des essais ou des réactions tonico-émotionnelles qu’il connait ce mot (blocage de la respiration, balayage de l’espace avec le regard, crispation de la face, …). Si l’enfant ne trouve pas le mot, « certaines aides par l’examinateur pourront déclencher la dénomination recherchée »70 comme « l’ébauche orale » en donnant par exemple la première lettre du mot, ou en indiquant le rôle de l’objet ou le contexte dans lequel on le trouve. Michèle Mazeau (2005, p. 192), rajoute qu’il faut distinguer la dysphasie mnésique, correspondant à un trouble exclusif du secteur langagier, d’un trouble de 67 68 69 70 F. Lussier et J. Flessas, 2009, p. 161 Ibid. Ibid. M. Mazeau, 2005, p. 129 - 27 - la mémorisation plus large incluant une atteinte du domaine sémantique ayant pour conséquence une dysphasie mnésique. Ainsi, dans le premier cas, la dysphasie est la cause de trouble mnésique alors que dans la deuxième situation, elle en est la conséquence. Il est important de noter cette distinction car au final, beaucoup d’épreuves mnésiques sont tout à fait valides chez l’enfant dysphasique. De plus, le type de rééducation n’est pas identique pour les deux pathologies. Effectivement, Michèle Mazeau, a souligné dans son ouvrage un lien étroit entre la dysphasie lexicale syntaxique et un dysfonctionnement des traitements des activités séquentielles. Ainsi, l’auteur a mis en évidence que l’échec n’est pas dû aux tâches mnésiques en tant que telles mais à toutes les tâches impliquant des traitements séquentiels, qu’elles soient mnésiques (la mémoire de travail), linguistiques (la syntaxe) ou autre (le rythme). En conclusion, la rééducation pour les personnes atteintes de dysphasie mnésique sera axée d’une part sur la mémorisation et les stratégies de récupération mais aussi, sur la séquentialité, l’organisation spatio-temporelle, la planification et l’ordre de priorité. 2.3.2.5. Les troubles associés Comme l’instabilité psychomotrice, la dysphasie s’accompagne presque toujours de troubles associés correspondant à des « anomalies du fonctionnement mental, souvent communes à l’ensemble des dysphasies »71. Pour C-L Gérard (1993, p. 152), les troubles associés sont la plupart du temps les conséquences des dysfonctionnements cérébraux, néanmoins « ils interviennent 71 C-L. Gérard, 1993, p. 152 - 28 - au même titre que les troubles linguistiques dans les difficultés d’apprentissages et ils peuvent gêner certains processus éducatifs »72. Parmi ces troubles, on note fréquemment un trouble de la perception auditive qui se traduit par des difficultés dans le traitement du signal sonore, l’enfant présente des difficultés à discriminer tous les mots. Nous pouvons retrouver comme dans l’instabilité psychomotrice, un défaut de planification et d’organisation faisant parti des fonctions exécutives. Ce défaut est en lien avec un trouble de séquentialisation vu précédemment, souvent associé à des difficultés de la perception temporo-spatiale. De plus, nous pouvons retrouver parfois des difficultés praxiques dues à un défaut de planification motrice. En conséquence, au même titre que pour l’hyperkinésie, ce type de pathologie engendre le plus souvent des troubles des apprentissages empêchant l’enfant d’accéder à la connaissance. Il me semble donc pertinent d’ajouter à ces troubles associés certains items de la sphère psychoaffective, notamment l’anxiété, la dépression, la peur, le repli sur soi, l’agressivité, la culpabilité… 72 C-L. Gérard, 1993, p. 152 - 29 - CONCLUSION DE LA PARTIE THEORIQUE En conclusion, il me semble opportun de spécifier que « les troubles des apprentissages » correspondent encore aujourd’hui à un terrain vaste, qui comprend une multitude d’écrits appartenant à des courants différents, neuropsychologiques, comportementalistes, psychanalytiques, et autres. Je pense qu’il est difficile de parler d’un trouble sans en avoir défini et répertorié les différents aspects. Néanmoins, il faudra être attentif à ne pas tomber dans « l’étiquetage » et donc toujours resituer le trouble de l’enfant dans son contexte et prendre en compte les diverses interactions possibles. Finalement, la manière la plus constructive de vous présenter une pathologie serait de l’exposer sous forme de cas clinique. Néanmoins, les deux cas décrits dans ma partie clinique, restent des exemples et reflètent seulement un type de pathologie chez une personne X, à un moment T, réagissant d’une certaine façon. En d’autres termes, je ne vais pas vous présenter la dysphasie et l’instabilité mais bel et bien la dysphasie d’Ambre et l’hyperkinésie d’Alex, elles sont toutes deux différentes, uniques et propre à chacun. *** - 30 - PARTIE CLINIQUE 1. Présentation de la structure 1.1. La présentation de l’hôpital L’hôpital a été fondé sous Napoléon III en 1858. Cette ancienne structure est aujourd’hui un centre regroupant plusieurs services de soins de rééducation et de réadaptation fonctionnelle pour les adultes et les enfants. Cet établissement est divisé actuellement en trois pôles : Le pôle « rééducation fonctionnelle et soins de suite adulte » Le pôle « rééducation et réadaptation de l’enfant » Le pôle « traitement de l’insuffisance rénale chronique » Le pôle pédiatrique est lui-même divisé en trois services (A, B et C) pour enfant : o Le pavillon A ou « service de rééducation des pathologies neurologiques acquises qu’elle soit cérébrale ou médullaire». o Le pavillon B ou « service de rééducation orthopédique ou post-traumatique accueillant des enfants atteints de malformation congénitale des membres ou d’une pathologie osseuse congénitale ou acquise». o Le pavillon C ou « service de rééducation neurologiques congénitales pour des enfants présentant une déficience motrice et/ou cognitive, porteurs d’une pathologie cérébrale, évolutive ou non ayant lésé le cerveau en période anté ou périnatale ». J’ai effectué mon stage dans le pavillon C de l’hôpital, ce service accueille actuellement une quarantaine d’enfants, âgés de deux à seize ans présentant des atteintes cérébrales variés, des infirmités motrices cérébrales mais aussi des enfants ayant des troubles importants des apprentissages scolaires. L’hôpital - 31 - accueille la majorité des enfants le jour mais certains enfants sont internes à la semaine. 1.2. Le projet de l’établissement Une équipe pluridisciplinaire est attribuée à chaque pavillon composé d’un médecin chef responsable du service, d’une équipe médicale (médecins spécialisés, aides-soignants et infirmiers), d’un personnel administratif (cadre de santé, secrétariats, assistante sociale) et d’une équipe paramédicale et éducative (psychomotriciens, ergothérapeutes, psychologues, éducateurs spécialisés, kinésithérapeutes, orthophonistes et enseignants spécialisés). Lorsqu’un enfant est admis à l’hôpital, l’équipe réalise une évaluation globale neuromotrice et/ou cognitive. Après quelques jours de bilan, le médecin chef réunit les parents pour proposer un projet à la famille en collaboration avec les équipes médicales, paramédicales et éducatives. Tout au long de la prise en charge de l’enfant, deux synthèses par an sont proposés entre les thérapeutes permettant de mettre en commun leurs différents points de vue afin d’apporter à l’enfant une prise en charge adaptée et personnalisée. La rééducation peut venir en complément d’une intégration en milieu ordinaire ou s’associer à une scolarisation spécialisée et/ou à une prise en charge éducative au sein de l’hôpital. Effectivement, il existe au sein du pôle enfant une école de l’Education Nationale commune aux trois services permettant une prise en charge globale de l’enfant afin d’éviter une rupture avec son cursus scolaire. Les élèves ne sont pas scolarisés en fonction de leur pathologie ou de leur handicap créant ainsi une hétérogénéité au sein des classes. En effet, l’organisation pédagogique est fondée selon des critères de compétences scolaires, d’âge et d’autonomie. Cette école spécialisée apporte à chaque enfant une pédagogie adaptée respectant le rythme et l’individualité de chacun. - 32 - En conclusion, le projet de cet établissement vise principalement à donner aux enfants une prise en charge organisée, complète et globale favorisant les apprentissages, l’autonomie et le potentiel de chacun. 1.3. Le rôle du psychomotricien en sein du service Selon le décret n°88-659 du 6 mai 1988, le psychomotricien intervient « sur prescription médicale » auprès de patients pour agir sur les troubles du développement psychomoteur ou des désordres psychomoteurs répertoriés dans le décret d’acte: « retards du développement psychomoteur, troubles de la maturation et de la régulation tonique, troubles du schéma corporel, troubles de la latéralité, troubles de l’organisation spatio-temporelle, dysharmonies psychomotrices, troubles tonico-émotionnels, maladresses motrices et gestuelles, dyspraxies, débilité motrice, inhibition psychomotrice, instabilité psychomotrice, troubles de la graphomotricité à l’exclusion de la rééducation du langage écrit » . Au sein de l’établissement, toute prise en charge psychomotrice est précédée d’un bilan psychomoteur afin d’évaluer les possibilités et les difficultés du sujet permettant d’élaborer si besoin, un projet thérapeutique adapté. Les psychomotriciens du service privilégient l’aspect ludique dans leur exercice et mettent l’accent sur le relationnel et sur la valorisation de l’enfant en utilisant différents moyens pour mener à bien leurs rééducations. Au sein de l’hôpital, les thérapeutes proposent diverses médiations en groupe ou en individuel comme les ateliers corps et expression, l’escalade, l’équithérapie, la balnéothérapie, la salle Snozelen, la relaxation et autres. Enfin, les psychomotriciens de l’établissement ont effectivement un rôle auprès des enfants « d’éducation précoce et de stimulations psychomotrices » mais aussi auprès des autres thérapeutes et des familles. En effet, au sein de l’institution, les thérapeutes rédigent quotidiennement des comptes rendus pour l’équipe et les familles, participent à des groupes de travail de recherche et à des réunions de - 33 - synthèses ainsi qu’à d’autres groupes de réflexions sur la douleur, la neuropsychologie, l’intérêt de la pratique psychomotrice et autres. 2. Les cas cliniques Alex et Ambre sont deux enfants de dix ans présentant des troubles des apprentissages, pris en charge au sein du service C de l’établissement. Ils sont depuis un an et demi dans la même classe en CAF 3 (l’équivalent du CP, CE1 et CE2). Alex présente une instabilité psychomotrice accompagnée d’un trouble anxieux et d’une suspicion de dyspraxie et Ambre une dysphasie lexicale syntaxique ou « manque du mot ». 2.1. Alex 2.1.1. Présentation du patient 2.1.1.1. Contexte familial Alex est un jeune garçon de dix ans, souriant, agréable et participant, né en Novembre 1999. Il est le premier enfant du couple, sa mère a une fille âgée de 25 ans issue d’un premier mariage et son père, lui, a deux enfants âgés de 24 et 21 ans. Les deux parents d’Alex travaillent. Alex entretient de bonnes relations avec les membres de sa famille et peut facilement en parler en séance. 2.1.1.2. Anamnèse A la naissance, Alex pesait 2700g et mesurait 47 cm, il est né 10 jours avant terme. Il acquiert la marche à 9 mois et demi. Le développement psychomoteur est normal mais les parents notent l’apparition de chutes alors qu’Alex avait 5 ans, motivant un examen ophtalmologique et le port de lunette, sans que cela apporte de modification. - 34 - D’après les parents, petit, Alex était un enfant agité, ayant des difficultés de coordination, un « besoin » d’occuper ses mains, de bouger. En plus de cette agitation, Alex pouvait être facilement émotif et présentait des anxiétés telles qu’une « phobie » du noir provoquant des réveils toutes les nuits, une peur de la solitude et de l’isolement. A partir de l’entrée en CE1, Alex présenta des difficultés d’apprentissages. Il était maladroit, agité et ayant des difficultés d’acquisition de l’écriture et de la lecture. Ces difficultés étaient associées à une anxiété et une agitation importante empêchant Alex de se concentrer. De ce fait, Alex est adressé en Octobre 2006 pour une évaluation en lien avec son hyperactivité et ses troubles anxieux, retentissant de façon significative sur les apprentissages scolaires et la vie quotidienne. 2.1.2. Le projet Institutionnel L’évaluation à l’hôpital en service des rééducations neurologiques et des apprentissages fondamentaux, a confirmé l’hyperactivité avec troubles anxieux accompagnée d’une suspicion de dyspraxie visuo-spatiale. Une consultation externe a été proposée à Alex pendant un an (d’Octobre 2006 à Septembre 2007) en psychomotricité, ergothérapie et orthophonie ; puis, en Septembre 2007, il a intégré une classe spécialisée au sein de l’école de l’hôpital dans le service de rééducation. Actuellement, Alex bénéficie d’une prise en charge pluridisciplinaire comprenant une séance de psychologie par semaine, deux séances d’orthophonie, une séance d’ergothérapie et deux séances individuelles en psychomotricité. - 35 - 2.1.3. Les Bilans 2.1.3.1. Les bilans complémentaires Bilan d’ergothérapie (Décembre 2009) : Alex fait beaucoup d’efforts pour se montrer plus concentré et moins impulsif en participant de plus en plus aux activités. Néanmoins, il est important de le valoriser fréquemment car il exprime souvent le fait de souffrir, d’être souvent réprimandé par l’adulte et l’image qu’il a de lui est assez négative. Bilan orthophonique (Décembre 2009) : On note des améliorations notables sur le plan de la stabilisation du comportement et de la reprise de confiance en lui, Alex arrive désormais à profiter des aides apportées en séance. Les axes de la rééducation doivent être focalisés maintenant sur l’orthographe, la qualité de la lecture et de l’écriture. Bilan psychologique (Décembre 2009): Alex a beaucoup mûri dernièrement, il a élargi son cercle d’amis et a pu désinvestir les relations duelles exclusives au profit du groupe. Il semble plus épanoui et montre de moins en moins de signes d’anxiété. Néanmoins, il est important de le soutenir quotidiennement pour l’aider à se projeter dans un avenir qui peut parfois l’angoisser. Bilan scolaire (Décembre 2009) : Alex a fait beaucoup de progrès depuis son intégration en Septembre 2007. Il arrive mieux à se canaliser, il est plus à l’écoute de ses camarades et des consignes que l’on lui donne. Actuellement, il a acquis pratiquement toutes les connaissances nécessaires du CE1 et son intégration progressive en CE2 lui permet petit à petit de rattraper son retard. Bilan médical (Février 2010) : Depuis début février, Alex est sous Ritaline®. Cette prescription tardive résulte d’un tracé anormal lors d’un encéphalogramme, mettant en évidence de nombreuses figures pointues à tendance paroxystique, constituant une contre-indication à l’introduction d’un traitement de Ritaline®. - 36 - 2.1.3.2. Le bilan psychomoteur Lors du bilan, Alex était souriant, participant, montrant parfois une certaine fatigabilité et ayant des comportements ambivalents. Effectivement, il pouvait être attentif aux consignes, se concentrer en essayant de bien faire mais dès qu’il était face à un échec, il devenait angoissé provoquant une augmentation de son instabilité, faussant certainement la production des épreuves. Le bilan a été réalisé par moi-même sous le regard bienveillant et présent de la psychomotricienne, il a duré au total deux heures et s’est déroulé sur trois séances. La motricité globale : Alex aime courir, marcher et sauter, son rythme est plutôt rapide mais régulier. L’amplitude des sauts, la longueur des foulées et l’équilibre sont bons. Lors des déplacements dans la salle, Alex aime beaucoup se regarder dans le miroir. Le schéma corporel : Les résultats du test de la somatognosie de Bergès sont excellents pour son âge. Alex a pu nommer pratiquement toutes les parties de son corps. De plus, Alex présente une bonne mémoire kinesthésique et proprioceptive ainsi qu’une bonne perception corporelle, il a réussi l’épreuve du sens musculaire de Soubiran sans difficulté. Cependant, lors de cette épreuve, Alex a fait preuve d’impulsivité et d’une légère fatigabilité. En fin de séance, Alex a réalisé un dessin du bonhomme d’un niveau en dessous de son âge. Il ne s’est pas investi dans cette épreuve, m’expliquant qu’il n’aimait pas dessiner. Son dessin est simple, réalisé rapidement, comportant peu de détails. Ceci ne nous permet donc pas d’évaluer sa représentation corporelle, ni son image du corps mais cela nous indique la difficulté qu’Alex semble avoir à laisser une « trace » de lui-même. Le test d’imitation de gestes de Bergès- Lézine a montré qu’Alex présentait d’assez bonnes praxies et une bonne connaissance de son schéma corporel. - 37 - Néanmoins, quelques items ont été réalisés en « pièce à pièce » et en miroir. De plus, lors de cette épreuve, il a fait preuve d’impulsivité et montrait des difficultés à orienter ses doigts lors des gestes complexes. Enfin, lors de l’épreuve de commande/ auto-commande, le mouvement demandé a pu être réalisé mais de façon lente et saccadée avec des hésitations. Alex n’a pas pu automatiser le geste demandé à cause d’une difficulté de dissociation des membres inférieurs et supérieurs et d’intégration du geste. La latéralité : Tout au long du bilan, nous avons pu constater qu’Alex a une latéralité d’utilisation manuelle à gauche et une latéralité d’utilisation pédestre à droite. Lors du bilan du tonus, nous avons pu observer qu’il avait une latéralité neurologique à gauche pour les membres supérieurs et inférieurs. L’organisation spatiale : Lors de l’épreuve de la figure A (complexe) de Rey, Alex a obtenu un résultat en dessous de son âge pour la copie ainsi que pour la reproduction en mémoire. La copie est pauvre, peu investi, comportant de nombreux oublis, il y a peu de fils directeurs dans la construction de la figure. Cela pourrait mettre en évidence, une difficulté d’organisation d’un espace graphique. Les trajets au sol d’Agostini ont montré qu’Alex avait de grandes difficultés de décentration, d’orientation dans l’espace, d’adaptation spatiale et de passage d’un espace graphique à un espace réel. Lors de cette épreuve, il semblait « perdu », ne supportait pas son échec, faisant preuve d’impulsivité et d’hypermétrie. Néanmoins, Alex essayait vraiment d’y arriver ce qui montre son envie de réussir et la possibilité, certes encore insuffisante, d’inhiber une action en essayant de la planifier antérieurement. Nous lui avons seulement proposé la série A (simple). Enfin, à travers l’épreuve de reconnaissance relative de la position de trois objets de Piaget, nous avons pu constater qu’Alex connaissait sa droite et sa gauche sur lui et sur autrui. Il a réussi à l’épreuve d’orientation des objets avec quelques hésitations. Lors de l’épreuve main-œil-oreille d’orientation sur soi de Head, Alex a - 38 - réussi chaque item correctement ou par autocorrection instantanée (erreur due à son impulsivité). Cela démontre sa capacité d’adaptation et d’autocorrection et une bonne acquisition de la réversibilité. L’organisation temporelle : A travers, l’épreuve des reproductions rythmiques de Mira Stamback, nous avons pu souligner qu’Alex avait un tempo spontané très rapide et irrégulier. Les reproductions rythmiques ont été un échec, Il faisait preuve d’inattention et d’impulsivité. Enfin, la capacité de symbolisation était correcte mais parfois difficile pour les structures complexes. La mémoire : Les épreuves de mémoires visuelles et auditives de Feuillerat et Dhellemmes (mémoire des dessins et le jeu du marché) montrent qu’Alex a une bonne mémoire de travail (immédiate) avec une capacité d’apprentissage lors du jeu du marché (1er essais : 6/10 - 3ème essais : 10/10). Dans les deux épreuves, la mémoire en différée (après 15 minutes) était satisfaisante (8/10 pour le jeu du marché et 10/10 pour les dessins). La graphomotricité : Nous lui avons fait passer le bilan graphomoteur de GB Soubiran. Les modèles à reproduire ne sont pas toujours réguliers, la pression est assez importante et on note une certaine impulsivité lors du pointillage. De plus, Alex était souvent angoissé à l’idée d’écrire, cette activité est peu plaisante pour lui. Néanmoins, on note une amélioration depuis l’année dernière, les boucles sont de meilleures qualités et les boucles alternées sont désormais possibles à réaliser. Pour conclure, Alex présente de bonnes perceptions et représentations corporelles, néanmoins, l’orientation spatiale, l’adaptation spatiale et le passage d’un espace graphique à un espace réel, demeurent difficiles. La reproduction graphique est faible cependant, il détient une excellente mémoire sensorielle (kinesthésique, visuelles, auditive). De plus, on note que son hyperactivité, son impulsivité et son instabilité restent très présents lors du bilan et augmentent lorsqu’ Alex est face à une difficulté. - 39 - Tout au long du bilan, Alex a démontré une angoisse importante face à l’évaluation et la mise en échec. Ces aspects nous empêchent donc d’évaluer son niveau réel. Enfin, malgré les difficultés de l’évaluation, Alex a fait de réels efforts et a pu à la fin de l’évaluation, verbaliser son angoisse et discuter sur ses comportements anxieux et instables qui parasitent sa réalisation. 2.1.4. Le projet thérapeutique 2.1.4.1. Le cadre de la prise en charge Actuellement, Alex a une prise en charge individuelle et une autre groupale par semaine. Chaque séance dure une heure, la psychomotricienne et moi-même allons chercher Alex dans sa classe et nous le raccompagnons à la fin de la séance. Ce petit laps de temps est un moment essentiel permettant à l’enfant de se préparer physiquement et psychiquement à passer d’un lieu à un autre. 2.1.4.2. Les axes de la prise en charge Plusieurs axes de prises en charge se dégagent du bilan psychomoteur et des bilans complémentaires. Dans un premier temps, nous sommes parties de sa prise de conscience de ses difficultés de comportements et de ses angoisses, pour établir avec lui un cadre précis et contenant avec des objectifs à atteindre. Nous proposerons donc à Alex, en début de séance, de réaliser un « contrat » sur lequel nous noterons les activités à réaliser et le temps nécessaire pour chacune d’entre elles. Ceci permettra de travailler le respect du cadre l’amenant à être le « maître » de son propre comportement. - 40 - Ensuite, la séance est divisée en deux temps. Dans un premier temps, des activités axées autour de la régulation tonique, l’adresse corporelle, l’orientation du corps dans l’espace et autour de l’élaboration mentale et la planification seront proposées à Alex. Nous alternerons ainsi des jeux calmes et des moments de décharges motrices pour travailler autour de son impulsivité et de son attention, amenant Alex à utiliser au maximum sa créativité et son imagination. Enfin, le deuxième temps de la séance est basé sur la prise de conscience de ses enveloppes corporelles, sur la capacité de détente spontanée, d’équilibration et de régulation tonique. L’enrichissement de son schéma corporel vise à conduire Alex vers une meilleure conscience et représentation de son corps afin qu’il puisse élaborer des repères corporels l’amenant à une meilleure organisation spatiotemporelle. De plus, un temps de verbalisation de ses vécus lui est proposé pour travailler le ressenti corporel, la mentalisation de son vécu et la capacité à pouvoir exprimer son état psychique et physique. L’objectif à long terme de ce projet thérapeutique, est d’amené Alex à pouvoir contrôler son impulsivité et son hyperactivité lui permettant d’améliorer son attention et donc ses capacités d’apprentissage. Effectivement, cette évolution permettrait à Alex de se réapproprier son corps afin de maîtriser ses limites corporelles mais aussi afin de connaître ses capacités d’action diminuant son anxiété et améliorant sa confiance en lui afin de parvenir à un plaisir d’agir et d’interaction avec son environnement. 2.1.4.3. Le déroulement d’une séance Lors de la séance, Alex est un enfant agréable, participant, de plus en plus respectueux du cadre, pouvant être attentif et disponible. Il apprécie énormément la psychomotricité et essaye d’apporter de nouvelles idées pour les activités. Il utilise davantage son corps à bon escient et commence à pouvoir verbaliser ses ressentis psychiques mais aussi corporels. - 41 - La séance se décline en plusieurs temps : En premier, Nous proposons à Alex un temps d’accueil et d’élaboration du contrat. Ce temps permet à Alex de raconter le déroulement de sa semaine et d’évoquer ses éventuels ressentis. Ensuite, nous rédigeons ensemble le « contrat » sur lequel sont rédigées les activités que nous allons réaliser pendant la séance. Ce contrat contient toujours une activité motrice, une activité cognitive ou de motricité fine et un temps de détente. Les activités motrices proposées à Alex sont axées sur l’expression corporelle et la régulation tonique. Des activités [telles que les jeux de mimes, les improvisations, la réalisation de parcours psychomoteur, les jeux de ballon, les jeux de quilles, de golf et de raquettes] vont amener Alex à maîtriser son corps, à contrôler son tonus et à gérer son impulsivité et son instabilité. De plus, cela lui permettra de solliciter sa mémoire corporelle, d’explorer ses capacités et ses limites corporelles et d’accéder à une meilleure orientation dans l’espace. Enfin, ces activités stimulent son imagination, sa créativité améliorant sa représentation mentale. Alex investit beaucoup ces activités qui lui permettent d’une part, de décharger toute son anxiété et d’autre part, de contrôler ses émotions et son corps afin de pouvoir l’utiliser à bon escient. Nous proposons ensuite à Alex de manière alternée selon les séances, des activités cognitives où des situations mettant en jeu la motricité fine comme des jeux de mémoire, de stratégie, d’orientation spatiale (Tangram, Labyrinthe) et/ou de graphomotricité (avec des rubans de GRS ou de la peinture à doigts). Ces activités permettent à Alex d’améliorer sa représentation mentale, ses fonctions exécutives, son élaboration mentale et ses stratégies mises en œuvre pour réaliser une tâche. De plus, lors du bilan, Alex avait exprimé son anxiété face à l’écriture, nous avons donc proposé des activités permettant d’améliorer sa graphomotricité sans utiliser d’outils scripteurs, à travers des jeux demandant une coordination oculo-manuelle, une précision du geste et un contrôle visuo-moteur. - 42 - Lors de ces activités, Alex a souvent du mal à se poser, à réguler son tonus ou à rester attentif jusqu’à l’exécution de la tâche. Il fait souvent preuve d’anxiété et d’instabilité lorsqu’il se trouve face à une difficulté. Il est donc important de réaliser ces activités de façon ludique, sous forme de jeux de rôle ou en instaurant un monde imaginaire et valorisant pour essayer de captiver Alex qui est souvent en difficulté voire en échec. A la fin de chaque séance, un temps calme lui est proposé. Ce temps permet de mobiliser son attention afin de l’amener vers une meilleure conscience corporelle et accéder à l’écoute de ses ressentis corporels. Lors de ces temps, nous proposerons à Alex des enveloppements à l’aide de couverture avec des stimulations sensorielles (balles à picots, pinceau, plume, bouillotte chaude, …) afin d’affiner sa mémoire corporelle et de l’associer à un ressenti verbal. Effectivement, les enveloppements permettent de travailler la connaissance et la conscience du corps et de se sentir unifié. Ce rassemblement permet à Alex de se recentrer sur son corps, sur ses expériences, sur ses ressentis sans être envahi par d’autres stimulations. Dans un second temps, nous proposons à Alex des exercices avec le ballon de « gymnastique » afin d’explorer son équilibre et sa régulation tonique. Ce deuxième temps, permet à l’enfant de reprendre une activité motrice dans le calme et la détente. Alex y apprend à contrôler son corps mais aussi à le relâcher volontairement. Ce travail permet d’aider Alex à gérer son hyperactivité et son instabilité. Lors de ces moments de calme, il est important d’encourager Alex dans la verbalisation de son vécu corporel. Ce temps est un moment fortement apprécié par Alex, il arrive réellement à se poser et à se détendre, son agitation cesse lui permettant de verbaliser ses angoisses, ses gênes et ses ressentis sur la séance. - 43 - 2.1.4.4. L’évolution de la prise en charge Alex est pris en charge en psychomotricité depuis deux ans et demi. Je vais vous présenter l’évolution de sa prise en charge depuis Septembre (2009) date à laquelle je l’ai rencontré et réalisé le bilan vu précédemment. D’un point de vue corporel, depuis le début de l’année, Alex commence à se poser, à appréhender l’espace et à utiliser celui-ci. J’ai pu noter, une nette amélioration depuis janvier au niveau de l’orientation spatiale. Alex arrive petit à petit à orienter son corps, à se donner des repères concrets, à se situer au niveau spatial mais aussi temporel. Par exemple, il peut désormais se déplacer dans la salle à l’aide d’un plan comprenant cinq repères différents et réaliser des trajets plus ou moins complexes. Les temps de relaxation ont certainement aidé Alex à s’orienter dans l’espace du fait qu’il connaisse mieux son corps et arrive désormais à le contrôler et à l’utiliser à bon escient. Effectivement, Alex essaye de plus en plus de rester calme et posé lors des activités motrices, cognitives et de motricité fine. La verbalisation de ses ressentis lors des temps de relaxation demeurent encore difficile mais Alex commence néanmoins, à prendre conscience de ce qu’il aime, souhaite et de ce qui le détend. Tout au long de l’année, nous avons essayé différents types de stimulations, positions, espaces, inductions essayant d’amener Alex vers une autonomie. Depuis quelques semaines, Alex choisit le type de relaxation qui lui convient le mieux. Pour conclure, depuis janvier, Alex a beaucoup progressé au niveau de la régulation tonique et notamment du graphisme. Il accepte désormais d’utiliser l’outil scripteur et démontre un certain plaisir à écrire. D’un point de vue psychoaffectif, Alex présente encore quelques difficultés à gérer son angoisse face à certaines situations, notamment face à l’échec. Néanmoins, depuis cette année, Alex a pris conscience de ses limites corporelles mais aussi de ses capacités, lui permettant d’avoir une meilleure estime de lui- - 44 - même. Tout au long de l’année, Alex a respecté le cadre proposé par l’adulte et a pu prendre des initiatives profitant pleinement des séances qui lui ont été proposées. Pour conclure, Alex a beaucoup progressé depuis Septembre, l’idée d’instaurer un « contrat » en début de séance a permis à Alex de se sentir « acteur » de la séance, lui permettant de l’investir pleinement afin d’en tirer un maximum de bénéfice. Enfin, la mise en place d’un traitement (Ritaline®) depuis janvier, a visiblement réduit l’instabilité et l’inattention et l’hyperactivité d’Alex, le mettant ainsi dans des situations de réussite, améliorant son estime de soi. 2.1.5. Conclusion et devenir de l’enfant Pour conclure, Alex a beaucoup progressé depuis Septembre, néanmoins l’objectif actuellement est de le préparer à sa « sortie » de l’établissement. Effectivement, l’institution a fait récemment une demande d’orientation dans une école dite « normale » mais pouvant s’adapter à la pathologie d’Alex. Cette orientation semble angoisser Alex mais nous essayons de le rassurer et de lui montrer qu’il est désormais capable de contrôler son instabilité. Désormais, nous nous situons davantage dans un travail d’accompagnement thérapeutique et essayons au maximum d’apporter à Alex tous les outils nécessaires pour qu’il puisse s’adapter à sa nouvelle école aussi bien au niveau des apprentissages qu’au niveau relationnel. - 45 - 2.2. Ambre 2.2.1. Présentation du patient 2.2.1.1. Contexte familial Ambre est une jeune fille de 10 ans, née en août 1999, souriante, participante et calme. Elle a un demi-frère de 22 ans et un frère jumeau. Le père de son demifrère est décédé il y a 15 ans d’un accident de la voie publique. Quelques années plus tard, Madame rencontre le père des jumeaux, un architecte qui est lui-même décédé d’un cancer fin 2005. Actuellement, sa mère travaille beaucoup, c’est donc son grand frère qui s'occupe d'elle et de son frère jumeau, notamment pour les devoirs. Elle entretient de bonnes relations avec les membres de sa famille mais en parle peu en séance. 2.2.1.2. Anamnèse Ambre est née à terme d’une grossesse gémellaire par césarienne avec un poids de 2600g. Son score d’Apgar est à 2 la naissance puis remonte à 7 et enfin se stabilise 9 à 10 minutes. Le premier résultat (score d’Apagar à 2) aurait été dû à une inhalation de liquide sanglant lors de l’accouchement. A la suite de cette souffrance fœtale aigüe, elle fait un séjour de trois jours en soins intensif avec une évolution satisfaisante sans anomalie aux examens complémentaires et à l’examen clinique. Au niveau moteur, elle acquiert la marche vers un an. Le développement du langage oral est considéré au départ comme normal mais on retrouve néanmoins des défauts de prononciation et d’articulation constatés en maternelle. C'est une enfant qui parlait peu, moins que son frère et qui se présentait comme une petite fille timide et réservée. - 46 - A partir de l’entrée en CP, des difficultés d’apprentissages sont perçues. Ambre oublie la consigne en cours de réalisation ce qui entraîne un sentiment d’échec et de repli sur soi. Ambre bénéficie alors, d'une rééducation orthophonique hebdomadaire, au sein d’un CMP, durant une année, à compter de Mars 2007. En dépit de ses efforts, Ambre redouble son CP. Sa maman décrit par la suite, des oublis dans les consignes verbales, dans la mémoire des faits (ce qu’elle a mangé à midi), dans le nom des objets. Dans un premier temps, sa maman mettait ses difficultés sur le compte du contexte psychologique (décès brutal du père et agression de son frère jumeau) puis, elle s'est interrogée sur un éventuel déficit cognitif. 2.2.2. Le projet de l’institution Ambre est donc adressée en Mars 2008 pour une évaluation en lien avec des troubles de la mémoire, retentissant de façon significative sur les apprentissages scolaires et la vie quotidienne. Cette évaluation a mis en avant, un tableau cognitif assez atypique avec au premier plan des plaintes de troubles de la mémoire, le diagnostic de dysphasie lexical syntaxique est alors posé. Elle intègre alors, en Septembre 2008, pour deux années scolaires, une classe spécialisée au sein de l’école du service de rééducation, en classe des apprentissages fondamentaux. Actuellement, Ambre bénéficie depuis deux ans, d’une prise en charge pluridisciplinaire comprenant une séance de psychologie par semaine, deux séances d’orthophonie, une séance d’ergothérapie et deux séances en psychomotricité, une individuelle et une en groupe. - 47 - 2.2.3. Les bilans 2.2.3.1. Les bilans complémentaires Bilan psychologique (Novembre 2009) : Cette réévaluation (première en novembre 2008) n’a montré aucune régression depuis un an. Le bilan a permis de souligner de nouveau l’idée d’un trouble spécifique de la mémoire et particulièrement à long terme. Ambre se situe au niveau intellectuel dans la moyenne inférieure et montre des difficultés dans les domaines de la mémoire sémantique et de la compétence linguistique. Néanmoins, contrairement à l’année dernière, Ambre est bien intégrée dans l’institution et semble épanouie. On note quand même qu’elle ne parle jamais de son passé douloureux et de ses difficultés familiales (mère angoissée et parfois incohérente). Bilan d’observation des éducateurs (Novembre 2009) : Les éducateurs voient seulement Ambre lors des repas. Elle est une jeune fille très observée, c’est un leader dans le groupe souvent source de rivalité entre les enfants. Ambre aime se mettre en scène, néanmoins, elle est très autonome, respecte les règles, est mesurée et apporte souvent des raisonnements très fins et matures pour son âge. Bilan orthophonique (Février 2008- car absente à la synthèse de Novembre 2009) : Ambre est à l'aise en conversation spontanée et s'exprime intelligiblement. Sur le plan du contenu, son niveau linguistique est faible, sans dissociation entre les versants expressif et réceptif ni entre le lexique et la syntaxe. Les apprentissages de la langue écrite sont bien entamés, avec toutefois une faiblesse par rapport au niveau CE2. Bilan scolaire (Novembre 2009) : Ambre est actuellement en CE2 mais intègre la classe de CM1 pour les mathématiques et la lecture. Elle a désormais « un petit niveau » de CM1, mais conserve un comportement scolaire adapté, de bonnes réflexions et est de plus en plus autonome et attentive. Récemment, Ambre a beaucoup progressé, elle cherche à être plus précise mais à toujours des difficultés pour trouver les mots justes. - 48 - 2.2.3.2. Le bilan psychomoteur Lors du bilan, Ambre est méticuleuse, souriante, essaie de faire de son mieux, demeure concentrer et attentive aux consignes, elle établit facilement un contact, se montre appliquée sans fatigabilité particulière. Le bilan a été réalisé par moi-même sous le regard bienveillant et présent de la psychomotricienne, il a duré au total deux heures et s’est déroulé sur trois séances. La motricité globale : Ambre aime courir, marcher et sauter, son rythme est plutôt lent pour son âge mais cela s’explique par le fait qu’elle aime s’appliquer. L’amplitude des sauts, la longueur des foulées et l’équilibre sont bons. Le schéma corporel : Les résultats du test de la somatognosie de Bergès sont en dessous de la moyenne de son âge. Cependant, Ambre a obtenu de meilleurs résultats lorsqu’il fallait « montrer sur soi » que lorsqu’il fallait « nommer sur soi ». Nous rappelons qu’Ambre présente des troubles de mémorisation du mot. Néanmoins, elle présente une bonne mémoire kinesthésique et proprioceptive ainsi qu’une bonne perception corporelle, elle a réussi l’épreuve du sens musculaire de Soubiran sans difficulté. En fin de séance, elle a réalisé un dessin du bonhomme d’un niveau au dessus de son âge, riche en détails et correctement proportionné. Cela nous apporte des informations sur sa représentation corporelle ainsi que sur son image du corps qui sont donc très satisfaisantes. Le test d’imitation de gestes de Bergès-Lézine a montré qu’Ambre présentait de bonnes praxies et une bonne connaissance de son schéma corporel. Néanmoins, la majorité des items ont été réalisés en « pièce à pièce » et en miroir. Enfin, lors de l’épreuve de commande/ auto-commande, le mouvement demandé a pu être réalisé mais de façon lente et saccadée avec des hésitations. Ambre n’a pas pu automatiser le geste demandé dû à une difficulté de dissociation des membres inférieurs/ supérieurs et d’intégration du geste. - 49 - La latéralité : Tout au long du bilan, nous avons pu constater qu’Ambre a une latéralité d’utilisation manuelle à gauche et une latéralité d’utilisation pédestre de façon prédominante à droite (parfois aussi à gauche). Lors du bilan du tonus, nous avons pu observer qu’elle avait une latéralité neurologique à gauche pour les membres supérieur et inférieur. L’organisation spatiale : Lors de l’épreuve de la figure A (complexe) de Rey, Ambre obtenu un résultat en dessous de son âge pour la copie ainsi que pour la reproduction en mémoire. Cependant, d’un point de vue purement graphique, la figure reproduite de mémoire était meilleure que la copie. Cela pourrait mettre en évidence un léger trouble visuo-spatial. Les trajets au sol d’Agostini ont montré qu’elle détenait une bonne capacité de décentration et d’organisation spatiale. Néanmoins, Ambre a eu quelques difficultés lors de la réalisation des trajets les plus complexes. Enfin, à travers l’épreuve d’orientation droite-gauche de Piaget, nous avons pu constater qu’elle connaissait sa droite et sa gauche sur elle et sur autrui, et qu’elle disposait de même d’une bonne orientation spatiale des objets entre eux. Lors de l’épreuve main-œil-oreille d’orientation sur soi de Head, Ambre a eu des hésitations pour autocorrection imiter les items en vérité et a souvent procédé instantanée. Cela démontre la capacité d’adaptation par et d’autocorrection d’Ambre. L’organisation temporelle : A travers l’épreuve de reproduction de structures rythmiques de Mira Stamback, nous avons pu souligner qu’Ambre avait un tempo spontané assez rapide, un peu irrégulier avec des coups de plus en plus forts. La mémoire auditive est bonne, cependant elle avait tendance à inverser des éléments dans les structures rythmiques les plus complexes. Enfin, Ambre détient une bonne capacité de symbolisation. - 50 - La mémoire : Les épreuves de mémoires visuelles et auditives de Feuillerat et Dhellemmes (mémoire des dessins et le jeu du marché) montrent qu’Ambre a une bonne mémoire immédiate visuelle (les dessins) et auditive avec une capacité d’apprentissage lors du jeu du marché (1er essai : 7/10 3ème essai : 10/10). Dans les deux épreuves (visuelle et auditive), la mémoire en différée (après 15 minutes) était satisfaisante (9/10 pour les deux épreuves). La graphomotricité : Nous avons fait passer à Ambre, le bilan graphomoteur de GB Soubiran. Elle écrit de la main gauche, avec une pince à quatre doigts, sa feuille est droite, son dos est courbé, sa tête penchée, entrainant une torsion au niveau de son axe vertébral pouvant donner des douleurs dans le temps. Ambre présente une écriture verticale, lisible, régulière et harmonieuse mais assez lente pour son âge avec une pression assez forte (révélée par le carbone). Pour conclure, Ambre a de bonnes perceptions et représentations corporelles, néanmoins, elle a des difficultés à nommer les différentes parties de son corps et à exprimer son ressenti. Cette difficulté renvoie à ses troubles de mémorisation du mot, cependant, on note qu’elle présentait, lors du bilan, une bonne mémoire sensorielle (auditive, visuelle, kinesthésique,..). De plus, on note des difficultés au niveau spatial à travers une réversibilité encore un peu fragile, une orientation corporelle parfois erronée et des difficultés au niveau de la reproduction graphique. Enfin, Ambre investit énormément les séances de psychomotricité, elle semble en attendre beaucoup, ce qui crée une réelle motivation. Elle est de plus en plus à l’aise avec son corps et avec l’autre (adulte ou enfant) et essaie peu à peu de verbaliser davantage. - 51 - 2.2.4. Le projet thérapeutique 2.2.4.1. Le cadre de la prise en charge Actuellement, Ambre vient deux fois par semaine en psychomotricité, le vendredi, elle intègre un groupe axé sur le rythme et le lundi, elle est en séance individuelle. Chaque séance dure une heure, la psychomotricienne ou moi-même allons chercher Ambre dans sa classe pour l’emmener dans la salle. Ce temps informel nous permet de prendre contact avec elle et de lui redonner des repères afin de la mettre en confiance pour aborder la séance. 2.2.4.2. Les axes de la prise en charge Plusieurs axes de prises en charge se dégagent du bilan psychomoteur et des bilans complémentaires. Dans un premier temps, nous sommes parties de sa volonté de réussir, de sa motivation, de ses bonnes capacités corporelles, pour l’aider à mieux s’organiser dans les espaces réels et graphiques, apprendre à orienter son corps et à automatiser des gestes afin de lui faire travailler sa mémoire corporelle, la régulation tonique et l’amener à utiliser son corps comme un outil d’expression. Nous alternons entre des activités théâtrales et des jeux alliant motricité et stratégie. Ce projet rentre dans une continuité avec sa prise en charge de l’année dernière qui était portée sur la danse. Dans un deuxième temps, nous proposons à Ambre des exercices l’amenant à stimuler son langage oral, enrichir son vocabulaire, améliorer son positionnement et sa pince graphique, développer son imaginaire, améliorer ses capacités cognitives notamment la séquentialité, la planification des idées et le tri d’information. Nous alternons selon les semaines entre des exercices cognitifs et la réalisation d’un petit livre. Enfin, nous proposons un temps calme pour lui faire prendre conscience de son corps, travailler le ressenti corporel et la mémoire corporelle. Nous proposons à - 52 - Ambre des exercices de respiration pour lui apprendre à gérer son stress, la sensibiliser à l’écoute du corps et à la maîtrise de celui-ci. Nous mettons à sa disposition plusieurs médiateurs (balles à picots, gros ballon de gymnastique, …) et proposons des activités travaillant le souffle et la détente corporelle. L’objectif à long terme de ce projet thérapeutique, est d’amener Ambre à diminuer son « manque du mot » qui lui paralyse ses productions en mettant à sa disposition des stratégies solides lui permettant d’améliorer ses capacités d’apprentissage. Effectivement, cette évolution amènerait Ambre à se sentir plus en sécurité et à avoir plus en une meilleure confiance en elle. 2.2.4.3. Le déroulement d’une séance type Ambre est une enfant assez discrète, calme, attentionnée et motivée. Dès le début de l’année, elle nous a fait part de son désir de « bouger son corps », d’être plus à l’aise avec celui-ci. Effectivement, Ambre prend beaucoup de plaisir à mettre son corps en action. Elle arrive plus facilement à s’exprimer avec son corps qu’avec la parole, le but de cette prise en charge est donc de permettre à Ambre d’utiliser son corps comme un moyen de communication tout en stimulant son langage verbal. Ambre respecte le cadre proposé par l’adulte. La séance se décline en plusieurs temps, elle commence par un temps de parole et d’échauffement « corporel ». Verbaliser n’est pas toujours facile pour elle, nous proposons dès lors un temps en début de séance pour s’exprimer. Nous mettons à sa disposition plusieurs outils d’expressions : la parole, le dessin, l’écriture, les mimes (pour exprimer par le corps son état actuel), la pâte à modeler, … Nous offrons à Ambre plusieurs supports, autres que la parole, pour l’amener à pouvoir extérioriser ses ressentis et il sera intéressant par la suite de l’aider à mettre des mots et à faire le lien entre ses productions corporelles ou matérielles et ses propres ressentis. - 53 - Ensuite, nous proposons un temps d’expression corporelle. Des activités telles que les jeux de mimes, les statues, la réalisation de parcours psychomoteur, vont amener Ambre à maîtriser son corps, à améliorer sa régulation tonique, pour essayer par la suite, de verbaliser son vécu. De plus, cela lui permettra de travailler sa mémoire corporelle, d’explorer ses capacités et ses limites corporelles afin d’accéder à une meilleure orientation dans l’espace. Ambre investit beaucoup ses activités, elle aime comme elle le dit « bouger » ! De plus en plus, Ambre arrive à utiliser son corps, à l’orienter, à verbaliser ses ressentis et à utiliser son corps comme un support, un moyen d’expression. Ces activités stimulent son imagination, sa créativité et améliore sa représentation mentale. Ensuite, nous passons à des jeux plus calme ou lui demandant une activité cognitive plus importante. Effectivement, nous alternons selon les séances entre des jeux cognitifs ou un atelier d’expression graphique. Les jeux cognitifs font souvent appel à la mémoire auditive ou visuelle et surtout aux fonctions exécutives. Ambre présente un défaut de restitution des mots, nous essayons donc de mettre en place des stratégies pour l’aider à restituer des informations. Nous utilisons énormément les supports visuels et la mise en action. Par exemple, pour aider Ambre à raconter une histoire entendue précédemment, nous commençons par classer ses « souvenirs » par ordre de priorité et ensuite nous proposons à Ambre de mettre en scène l’histoire pour la vivre corporellement. Nous utilisons donc l’expression corporelle, vue en début de séance, pour travailler l’encodage, le tri et le classement des informations ainsi que leur restitution. L’atelier graphique a pour but d’aider Ambre à imaginer une histoire composé de différents personnages (animaux, enfants, …). Cette activité lui est proposée afin de développer son imagination, sa créativité et de lui permettre de travailler son positionnement et sa pince graphique pour améliorer sa qualité et sa vitesse d’écriture. - 54 - Nous finissons la séance sur un temps calme. Ce moment permet de mobiliser son attention pour une meilleure conscience corporelle en état de repos et d’accéder à l’écoute de ses ressentis corporels. Lors de ces temps, nous proposerons à Ambre du toucher thérapeutique par pression tout en nommant les différentes parties de son corps afin stimuler sa mémoire verbale associée à un ressenti corporel. Effectivement, les pressions permettent de travailler la connaissance et conscience du corps. Dans un second temps, nous proposerons à Ambre des exercices avec le ballon de « gymnastique » afin d’explorer son équilibre et sa régulation tonique. Lors de ces moments de calme, il est important d’encourager Ambre dans la verbalisation de son vécu corporel. Ce temps est encore un peu difficile pour elle, il sera donc essentiel de lui proposer divers outils, médiateurs, positions pour que ce temps soit le plus bénéfique possible. 2.2.4.4. Evolution de la prise en charge Ambre est prise en charge en psychomotricité depuis un an et demi. Je vais vous présenter l’évolution de sa prise en charge depuis Septembre (2009) date à laquelle je l’ai rencontré et réalisé le bilan précédent. Au niveau corporel, depuis quelques semaines, Ambre est de plus en plus à l’aise dans son corps. Nous avons beaucoup travaillé les mimes, les improvisations et les jeux en miroir. De plus en plus, Ambre prend conscience de ses limites corporelles et arrivent à se représenter son corps, à l’orienter de façon adaptée. On note aussi une amélioration au niveau de sa régulation tonique, son écriture est plus fluide, plus rapide et sa pince graphique est désormais correcte. Néanmoins, Ambre présente encore des difficultés à verbaliser son ressenti et son état physique et psychique en général. Elle a jusque là refusé la relaxation allongée et les mobilisations passives, nous lui avons donc proposée récemment un travail de représentation d’images mentales positives afin de diminuer ses anxiétés (elle est angoissée le soir lorsqu’elle est allongée dans son lit). - 55 - Au niveau de la mémorisation, Ambre arrive de plus en plus à mémoriser les mots et les situations. Elle utilise désormais plusieurs types de mémorisation (visuelle, auditive, corporelle, par association, …). Effectivement, pendant plusieurs semaines nous avons abordé un mot (un animal par exemple) à travers diverses approches (étiquettes visuelles, sensations tactiles, imitation du bruit de l’animal, mimer le déplacement de cet animal, …) Néanmoins, Ambre présente encore des difficultés à trier ses idées lui empêchant de mémoriser certains items. Effectivement, au niveau cognitif, Ambre présente encore des difficultés à planifier ses idées, à les trier et poser des priorités. L’évocation des mots est encore difficile surtout lorsqu’on met en place plusieurs consignes. Par exemple, lui demander de citer des mots commençant par une lettre ou correspondant à un thème. L’association des deux (thème + lettre) est actuellement impossible. Enfin, elle apprécie pleinement la rédaction de la petite histoire, cependant, Ambre a du mal à imaginer des situations et à souvent tendance à relater sa propre vie. L’imagination et la créativité sont en règle générale encore un peu fragiles pour son âge. 2.2.5. Conclusion et devenir de l’enfant Pour conclure, Ambre est une jeune fille agréable et souriante mais ayant souvent une production scolaire variable. Une intégration dans son école de secteur a été proposée lors de la dernière synthèse, néanmoins, son niveau scolaire demeure encore un peu faible et irrégulier pouvant ainsi compromettre son orientation en CM2 « traditionnelle ». Effectivement, lors de cette synthèse, nous avons constaté qu’Ambre se décourage assez rapidement face à une difficulté notamment lorsqu’elle est en présence d’une personne qu’elle investit peu. La réussite de la jeune fille dépendrait donc la plupart du temps, de sa motivation et de son envie de réussir pour « faire plaisir » à la personne qui est avec elle. Dès lors, nous avons donc pensé qu’il serait important d’expliquer davantage à Ambre la raison des apprentissages. Pourquoi apprenons-nous ? Devons-nous apprendre pour soi ou pour les autres ? A quoi sert les mathématiques, la lecture, l’écriture ? - 56 - CONCLUSION DE LA PARTIE CLINIQUE Pour clôturer cette partie clinique, j’aimerais exposer quelques questionnements. En effet, ces deux enfants que j’ai suivis pendant presque un an, m’ont démontré qu’il y avait plusieurs étapes dans une prise en charge psychomotrice. En premier lieu, nous avons le dépistage du trouble, puis la rééducation de celui-ci et des éventuels troubles associés mais nous avons aussi dans un deuxième temps, une période de « réconciliation ». Effectivement, lorsque nous nous trouvons face à des enfants qui présentent des troubles des apprentissages, il est primordial de leur redonner « goût » aux apprentissages avant de les relâcher dans « la jungle humaine ». Mais au final, comment réconcilier ces enfants avec les apprentissages ? Comment la psychomotricité peut-elle dépister, rééduquer et enfin aider ces enfants à réintégrer des systèmes scolaires, sereinement et en confiance ? Quel est le rôle et la place du bilan psychomoteur face à des enfants présentant des troubles des apprentissages ? Et quel est l’impact du psychoaffectif lorsqu’on apprend ? En lien avec ma partie théorique et clinique, j’ai décidé d’axer ma discussion sur ces questionnements pour tenter d’y répondre le plus justement possible. *** - 57 - DISCUSSION : QUELLE EST LA PLACE ET LE ROLE DE LA PSYCHOMOTRICITE FACE AUX TROUBLES DES APPRENTISSAGES 1. ? Le bilan psychomoteur, un outil de dépistage pour les troubles des apprentissages ? 1.1. Définition Le psychomotricien diplômé d’état est habilité à accomplir sur prescription médicale un certain nombre d’actes professionnels, dont le bilan psychomoteur. Selon L. Vaivre-Douret (2007, p.19) ce bilan « prend la forme d’une évaluation neuro-psychomotrice, évaluant différentes fonctions du système nerveux (…) le but étant d’explorer la normalité de la réponse ou de détecter des anomalies ou dysfonctionnements qui viennent perturber la (les) fonctions(s) en jeu ». Plus précisément, le bilan psychomoteur permet d’évaluer les différentes fonctions psychomotrices notamment le tonus, la motricité, le schéma corporel, la latéralité, la structuration spatio-temporelle, les praxies, les gnosies et les capacités tonico-émotionnelles du sujet. Ces paramètres nous amènent à établir si besoin, un projet thérapeutique adapté au sujet. L’évaluation psychomotrice semble donc être un outil indispensable dans notre pratique. Mais quelle peut être sa place dans une profession basée sur la subjectivité, l’empathie, les ressentis et l’observation d’un sujet pris dans sa globalité ? L’analyse mérite alors d’être double. Comme l’affirme Y. Le Roux (2005, p.72), « nous avons besoin d’outils d’évaluation car nous ne pouvons nous satisfaire d’impressions vagues et subjectives ». En effet, malgré le fait que notre profession s’attache à évaluer des paramètres peu ou difficilement mesurables, il me semble important de se référer à des outils objectifs et précis. Cependant, cette démarche - 58 - doit veiller à prendre en compte l’histoire et l’environnement dans lequel le sujet évolue : l’objectivation ne doit donc pas tendre vers la « dé-subjectivation »73. Ainsi, lors de la rédaction du compte rendu du bilan psychomoteur, nous devrons tâcher de replacer cette évaluation dans un contexte individuel. Il sera donc préférable de préciser que les réussites et les difficultés notées lors du bilan correspondent dans une certaine mesure à la situation d’évaluation dans laquelle se trouve l’enfant, ce qui peut engendrer des peurs ou des angoisses. Enfin, l’évaluation psychomotrice présente une particularité : elle se réalise à partir de tests objectifs, précis et côtés mais aussi d’épreuves plus ludiques. Ceci permet à l’enfant d’être plus en confiance, ce qui lui offre la possibilité de révéler davantage ses réelles capacités. Cette approche idéalement équilibrée permet au thérapeute d’évaluer l’enfant dans une globalité comprenant trois pôles : le neuromoteur, le cognitif mais aussi le psychoaffectif. 1.2. L’apport du bilan psychomoteur Le bilan psychomoteur correspond par définition à une évaluation, réalisée à un instant t, permettant de mettre en relief les capacités et les difficultés d’un enfant dans l’espoir d’arriver à un diagnostic. Pour Ambre et Alex, le bilan psychomoteur a apporté des précisions sur leurs troubles mais aussi sur leur personnalité et leur comportement face à une évaluation. Les élèves sont actuellement évalués dès leur plus jeune âge ; l’école semble être devenue autant un lieu d’évaluation qu’un lieu d’apprentissage. L’évaluation demande aux enfants de se confronter avec la réalité, de se retrouver face à leurs difficultés. Cependant, les enfants réagissent différemment face à l’échec, ainsi Ambre l’ignore et essaie de le masquer tandis qu’Alex, s’angoisse, essaie de fuir cet 73 Y. Le Roux, 2005, p.78 - 59 - échec en réalisant des productions bâclées voir en marquant une opposition face à l’exercice. Néanmoins, ces stratégies sont importantes à repérer car elles sont la clé pour la prise en charge ultérieure. En effet, il me semble intéressant de faire prendre conscience à l’enfant des stratégies qu’il met place plus ou moins inconsciemment, afin qu’il puisse être « acteur » de sa prise en charge et ainsi modifier par lui-même ses comportements. Le bilan psychomoteur nous permet d’essayer de cibler la localisation du trouble. Le trouble est-il au niveau des organes sensoriels ? Au niveau sous-cortical, siège du contrôle émotionnel ? Au niveau cortical, siège de la compréhension, des fonctions exécutives et de la mémoire ? Ou alors au niveau des organes effecteurs ? En fonction de la localisation du trouble, la prise en charge sera différente ainsi que le pronostic d’évolution. Par exemple, dans le cas d’Alex, le bilan a révélé un trouble au niveau du contrôle émotionnel dû à son instabilité et son manque de confiance en soi. Néanmoins, le bilan a aussi révélé une difficulté au niveau de l’organisation, notamment de l’orientation spatiale, activité mentale qui siège au niveau cortical. Dans ce cas, il sera nécessaire d’axer en premier lieu la prise en charge sur le contrôle émotionnel, mais il faudra aussi aborder par la suite l’organisation dans l’espace. Le bilan est donc un outil qui nous donne des informations multiples, nous permettant de diagnostiquer des troubles. Cependant, dans ce cas la réévaluation permet de vérifier si les difficultés perçues lors du bilan existent réellement ou si elles sont la conséquence d’un désordre émotionnel. Dans le cas d’Alex, il existe effectivement un trouble spatial associé à des difficultés de contrôle émotionnel. Dans le cas d’Ambre, le bilan a permis d’instaurer un diagnostic différentiel. Etant donné les résultats obtenus lors des épreuves demandant un travail mnésique, le bilan d’Ambre soulève des questions sur l’origine de son trouble. La prise en charge a contribué à mieux cerner un trouble au niveau des fonctions exécutives. Lors de son intégration dans le service, le déficit mnésique d’Ambre était souvent - 60 - associé au décès brutal de son père lorsqu’elle avait six ans. Dorénavant, même si l’aspect affectif n’est pas à mettre de côté, nous savons qu’Ambre présente réellement un trouble au niveau de la séquence et du tri des informations. Il ne reste plus qu’à savoir, si ses troubles mnésiques sont la conséquence de ce trouble ou bien la cause ? Pour conclure, le bilan psychomoteur est un outil contribuant à diagnostiquer un trouble mais aussi à éliminer des diagnostiques différentiels. 1.3. Le bilan psychomoteur en complémentarité avec les autres évaluations Comme je l’ai précisé précédemment, le bilan psychomoteur a peu de valeur s’il n’est pas replacé dans un contexte propre à chacun. En effet, cette évaluation doit être comparée aux autres « systèmes » de l’enfant comprenant : l’école, la famille et les autres thérapeutes. Dans l’institution où j’ai effectué mon stage, lorsqu’un enfant est admis à dans le service, l’équipe réalise une évaluation complète neuromotrice et/ou cognitive ainsi que comportementale (psychique). A la suite de ces bilans, le médecin-chef reçoit les parents, contacte l’ancienne école et met en relation la famille avec la nouvelle école intégrée à l’hôpital. Cette communication entre les différents « systèmes » qui entourent l’enfant permet d’instaurer une prise en charge globale et adaptée au sujet. De plus, cette coopération pluridisciplinaire incluant le système scolaire et le système familial au système médical permet de mieux comprendre, analyser et situer les difficultés de l’enfant afin de poser si possible un diagnostic complet et de mettre en place un projet personnalisé respectant le potentiel et l’individualité de chacun. Dans les cas d’Alex et d’Ambre, les bilans complémentaires et les comptes rendus d’entretiens avec les parents nous ont aidés à comprendre davantage leur fonctionnement et leur personnalité. En effet, le bilan psychomoteur ne suffit pas à - 61 - lui seul pour dresser un tableau complet de l’enfant. De plus, ces écrits m’ont aidée à replacer le bilan psychomoteur du sujet dans son histoire et dans son contexte relationnel. En effet, l’aspect relationnel lors du bilan est primordial. L. le Vaivre-Douret (2007, p.19) ajoute dans son ouvrage que le psychomotricien doit intégrer dans son bilan « le rôle de l’affectivité en situation d’examen, prenant en considération les éléments du vécu propre du sujet ». Effectivement, lors de l’évaluation, le thérapeute observe le corps de l’individu, son corps agissant, explorant et communiquant avec l’environnement, reflétant sa propre histoire. 1.4. L’aspect relationnel lors d’un examen psychomoteur avec un enfant présentant des troubles des apprentissages Dans notre pratique psychomotrice, l’aspect relationnel correspond à une donnée fondamentale. Beaucoup d’auteurs, comme J.C Carric (2001, p. 79) expliquent que la première rencontre entre le thérapeute et le patient est un moment crucial duquel dépendra la réussite de la prise en charge en psychomotricité. Néanmoins, selon Albaret et Corraze (1996, p. 39) de manière générale, « en situation duelle avec l’enfant, il est possible et relativement fréquent qu’aucun symptôme ne se manifeste ou que l’importance de la symptomatologie soit sans commune mesure avec les descriptions faites par ailleurs. » En effet, dans le cas d’Alex, la situation d’évaluation le « paralyse », le « mot bilan » est pour lui quelque chose d’effrayant, de pénible et d’angoissant. Rappelons que ce mémoire porte sur des enfants présentant un échec scolaire et donc par définition, en difficulté lors des situations d’évaluation. Pour Alex, toute mise en échec augmente son instabilité, influant sur l’objectivité de son niveau réel. Ainsi, avec la psychomotricienne, nous avons donc décidé de finir le bilan sur des épreuves ludiques étant donné que la majorité des tests étaient devenus incotables. Lors du bilan graphomoteur de madame Soubiran, nous avons même utilisé le « jeu de rôle » : la psychomotricienne était devenue une maîtresse et moi une élève qui passait comme Alex une évaluation sur le graphisme. Cette situation - 62 - a permis de mettre en confiance l’enfant, l’amenant à réaliser des productions graphiques correspondant à son niveau réel. Wallon parle d’une « continuelle infiltration de la vie affective dans le mouvement lui-même 74». L’impact de l’émotion sur l’activité motrice mais aussi psychique est donc très important. Dans ce cas, cet impact demande de grandes adaptations et une imagination débordante de la part du thérapeute. Effectivement, face à des enfants qui sont désormais effrayés par les apprentissages, le rôle du psychomotricien est donc tout d’abord de redonner « goût » aux apprentissages et de montrer que même une situation d’évaluation peut être agréable. L’évaluation ne sert pas à juger mais à prendre conscience du niveau de l’enfant, à essayer de trouver pourquoi il n’y arrive pas, afin de lui donner les outils adéquats pour accéder aux apprentissages. Néanmoins, quelle est la valeur d’un bilan résultant principalement des manifestations anxieuses et non des capacités réelles du sujet ? Qu’en est-il dans les cabinets libéraux ? Peut-on rendre aux parents, aux autres professionnels, un compte rendu de bilan reflétant l’aspect émotionnel de l’enfant au détriment de ses capacités cognitives et/ou neuromotrices ? En parallèle à mon stage à l’hôpital, j’étais en stage le samedi en cabinet libéral. Dans ce contexte, le psychomotricien réalise au début d’une prise en charge un bilan complet et précis. Néanmoins, au fil de la prise en charge, le psychomotricien demande parfois à l’enfant d’effectuer une épreuve ou un test permettant de compléter le bilan initial ou de réaliser une épreuve qui n’était pas possible au début de la prise en charge. Etant donné que cette évaluation est intégrée dans la prise en charge, les enfants n’ont pas l’impression d’être évalué et donnent la plupart du temps des résultats correspondant à leur réel niveau. Cette nouvelle évaluation ou réévaluation offre la possibilité de mettre en partie de côté le facteur émotionnel et de réajuster le projet thérapeutique en cours de prise en charge voire de compléter le bilan initial. 74 Bucher, H. 2004, p.51 - 63 - Pour conclure, le système de réévaluation offre la possibilité de vérifier si les troubles émotionnels perçus le jour du bilan, sont à l’origine du trouble ou sont la conséquence de celui-ci. Enfin, la réévaluation pourrait permettre de « réconcilier » l’enfant avec l’évaluation et l’apprentissage. En effet, selon A. Protin (2005, p.66) « lorsque les enfants sont depuis trop longtemps dans une logique d’échec et dépassés par les apprentissages qui leur sont imposés, vient un moment où apprendre n’a plus aucun sens pour eux et devient seulement source de souffrance ». Ainsi, il me semble indispensable que le thérapeute adopte lors de l’évaluation une attitude contenante et sécurisante, en apportant du sens à la situation, en expliquant le rôle, la place, l’apport et la valeur du bilan psychomoteur au sein de cette rééducation psychomotrice. 1.5. Conclusion – le bilan psychomoteur est-il un outil de dépistage pour les troubles des apprentissages ? Pour répondre à cette question et conclure cette première partie, je pense que le bilan psychomoteur paraît être un outil essentiel et équilibré permettant de détecter des troubles en lien avec les apprentissages. En effet, il offre parfois la possibilité de localiser l’origine de ces troubles ou bien de fournir des éléments sur les axes à travailler par la suite lors des prises en charge. Le bilan psychomoteur semble donc avoir sa place dans le diagnostic des troubles des apprentissages, néanmoins, il ne suffit pas à lui seul. Effectivement, cette évaluation n’a de valeur que si elle est replacée dans un contexte prenant en compte la personnalité du sujet et les différents systèmes qui l’entourent (famille, école, autres rééducations, …). Enfin, la qualité relationnelle du thérapeute me semble indispensable. Le psychomotricien devra tenter d’adapter son bilan au patient, de juger ensuite si une réévaluation est nécessaire et enfin, de tenir une attitude contenante et sécurisante afin de mettre l’enfant en confiance. - 64 - 2. La psychomotricité, une réponse thérapeutique pour des enfants présentant des troubles des apprentissages ? 2.1. Les aptitudes requises pour apprendre selon Jean-Charles Juhel Selon J-C Juhel (1998, p.23 et 24), un « bon » apprentissage notamment scolaire implique: Une bonne organisation spatio-temporelle comprenant l’acceptation d’un ordre d’écoulement de la gauche vers la droite et l’acceptation d’une correspondance entre l’espace et le temps Une bonne perception auditive et visuelle Une rapidité d’analyse et de décision, une faculté de mémorisation et d’évocation immédiate ainsi qu’une faculté de symbolisation Une attitude de détente et de motivation au travail scolaire qui fait que l’élève est disponible et réceptif Une maîtrise de la latéralité Une bonne motricité fine Une maîtrise de la notion de quantité afin de pouvoir l’associer au symbole correspondant Une connaissance des notions d’ajouter, d’enlever, de multiplier, de diviser Une faculté de raisonnement et de réversibilité de la pensée Une possibilité de représentation mentale Nous retrouvons donc les items de la psychomotricité que nous pourrions regrouper sous différents thèmes : le tonus et la motricité, l’espace-temps, le psychoaffectif et le cognitif. Effectivement, afin d’accéder à un apprentissage et à l’intégration d’une information, nous avons besoin de bonnes perceptions sensorielles (auditives, visuelles et autres), d’une capacité de contrôle tonique, d’une envie d’apprendre mais aussi de facultés de compréhension et de représentation mentale. - 65 - Ainsi, tous ces thèmes correspondent à nos compétences professionnelles, nous pouvons donc en conclure que la psychomotricité a bien sa place auprès des enfants présentant des troubles des apprentissages. Néanmoins, comment peut-on aider un enfant à apprendre ? Peut-on apprendre à « apprendre » ? 2.2. Comment apprenons-nous ? 2.2.1. La réception de l’information … une expérience corporelle. Comme nous l’avons vu précédemment, apprendre nécessite de pouvoir recevoir une information au niveau sensoriel puis au niveau mental. Cela correspond à notre « manière privilégiée de recevoir l’information »75 et peut varier d’une personne à une autre. Pour recevoir cette information, nous avons besoin en amont de bons organes sensoriels et d’un niveau cognitif suffisant. Néanmoins, afin de recevoir une information, nous devons créer une rencontre entre l’objet externe et notre corps et c’est de cette rencontre que va naître l’expérimentation. Comme je l’ai expliqué dans ma partie théorique, l’expérience est à la base de tout apprentissage, l’enfant apprend en vivant corporellement ces expériences. Selon Piaget il existe une intelligence dès le début de la vie offrant la possibilité à l’enfant d’accéder à ses premiers apprentissages. Lors du premier stade sensori-moteur, Piaget parle d’une « intelligence pratique »76. Effectivement, l’enfant va dès les premiers mois explorer son environnement par essai-erreur comme l’expliquait Thorndike 77, pour ensuite instaurer un lien entre un objet externe et sa fonction. L’apprentissage naît grâce à une rencontre établie par une curiosité intellectuelle. 75 B. Hourst, 2002, p.99 J. Piaget, 1966, p. 17 77 Cf la partie théorique p. 7 76 - 66 - Le rôle du psychomotricien consiste dès lors à apporter des stimulations riches et variées au niveau des différents organes sensoriels afin d’amener l’enfant à se créer une curiosité mentale. Pour cela, le thérapeute proposera « des expériences » sensorielles pour qu’il puisse s’approprier de manière autonome son environnement afin de l’utiliser à bon escient. Dans le cas d’Alex, nous voulions apprendre à l’enfant à pouvoir se détendre de manière autonome. Nous avons donc procédé en deux temps : au départ, nous avons cherché avec lui quel type de stimulations (tactile, auditive, visuelle) pouvait l’amener à une détente corporelle. Nous avons donc fait vivre à Alex différentes expériences sensorielles ayant comme but la détente de son corps. Au bout de quelques mois, Alex a pu sélectionner certaines stimulations parmi d’autres, comme dans un restaurant où l’on « commande à la carte ». Alex connaît désormais exactement ce qui lui convient pour arriver à se détendre : Pour lui, ce sera donc « une pincée » de sensation de chaleur au niveau du front et de l’abdomen accompagnée « d’une cuillérée » de stimulations répétées sur les bras à l’aide d’un pinceau épais, le tout « servi » avec une pression moyenne et un rythme plutôt lent. Dans un deuxième temps, nous avons proposé à Alex de réaliser ce « menu » de manière autonome. Le rôle du psychomotricien, à ce moment là, est d’apporter un cadre psychique, de verbaliser et d’accompagner l’enfant dans cet apprentissage. L’apprentissage d’Alex s’est donc construit petit à petit, en réalisant de prime abord de nombreux essais et une multitude d’expériences afin de s’approprier corporellement son environnement. Néanmoins, peut-il utiliser ses sensations de détente, ses perceptions lorsqu’il est angoissé et qu’il n’a pas « ses outils » près de lui ? Est-il possible de mettre de côté quelque part en nous, ces expériences corporelles afin de les ressortir lorsque nous en avons soudainement besoin ? - 67 - 2.2.2. Le traitement de l’information … « le geste mental » 2.2.2.1. L’assimilation, un processus d’intériorisation Pour apprendre à se détendre, Alex a dû dans un premier temps, comprendre ce que signifiait la détente puis, de ses expériences sensorielles sont nées des perceptions qui ont ensuite cheminé vers les centres cérébraux pour être traitées. L’enfant intériorise donc ses perceptions, créant ainsi l’assimilation. L’assimilation correspond au « processus de compréhension de la nouvelle information reçue, qui permet de se l’approprier »78. Antoine de la Garanderie et Geneviève Cattan (1988, p. 34), parlent de la création d’ « une image mentale ». Le sujet intériorise l’objet externe en une image mentale correspondant à un objet dit « interne ». Les « images mentales » peuvent être visuelles, auditives, verbales, kinesthésiques, olfactives, … elles sont présentes mentalement à l’intérieur de la personne permettant par la suite, le codage de l’information perceptive. Apprendre, c’est prendre à l’intérieur de soi. Ces images sont essentielles à l’apprentissage. Le rôle du psychomotricien est donc d’amener l’enfant à prendre conscience de ses images mentales en lui posant des questions, en lui demandant de comparer son ressenti à d’autres stimulations ou de les associer à des ressentis antérieurs ; Antoine de la Garanderie et Geneviève Cattant (Ibid, p. 36) parlent « de dialogue pédagogique ». Mais à quoi sert l’association dans l’apprentissage ? Comment peut-on mémoriser une information que nous avons comprise et assimilée ? Comment garder en tête nos « images mentales » ? 78 B. Hourst, 2002, p. 103 - 68 - 2.2.2.2. La mémorisation, un processus de gestion La mémorisation d’une information dépend aussi des capacités mnésiques du sujet. Effectivement, dans le cas d’Ambre, l’apprentissage est parfois difficile du fait de son défaut de mémorisation. Néanmoins, partons du principe que l’enfant détient des capacités de stockage dite « normales ». Dans ce cas, comment mémorise-t-on ? Selon Bruno Hourst (2002, p.103), pour retenir une information, l’enfant doit dans un premier temps avoir compris cette information et c’est l’envie d’apprendre et le fait d’associer cette information à « des connaissances antérieures (même minimes) » qui permettront son intégration. En d’autres termes, pour apprendre, il faut en avoir envie et il faut associer ! Nous avons donc proposé à Alex d’associer ses perceptions avec des situations ou d’autres sensations afin de les mémoriser pour les utiliser ultérieurement. Notre bouillotte d’eau chaude est devenue un feu qui crépite dans une forêt et le pinceau, un cheval blanc galopant dans un champ de blé. Cependant, comment utiliser cette information ? Comment récupérer « nos images mentales » ? 2.2.3. L’utilisation de l’information … « l’évocation mentale » 2.2.3.1. La récupération mnésique Pour utiliser une information, nous devons récupérer cette donnée dans notre stock mnésique. Cette petite action peut paraître simple et presque automatique, mais néanmoins à travers mes différents stages, j’ai constaté que certains enfants n’arrivaient pas à aller chercher les informations et que ce déficit était le plus souvent lié à des difficultés d’organisation spatio-temporelle. J’ai retrouvé cette difficulté chez Ambre lors d’un exercice de mémorisation auditive. En effet, lors d’une séance, j’ai demandé à Ambre de retenir du mieux - 69 - qu’elle pouvait une petite histoire d’une quinzaine lignes. Après avoir lu l’histoire deux fois, je lui ai proposé de me résumer l’histoire que je venais de lui lire. Rapidement, je me suis aperçue que les réponses de la jeune fille étaient assez désordonnées et déstructurées. Effectivement, il n’y avait pas de priorité dans les réponses, ainsi, la couleur du morceau de tissu en soie avait pour elle, autant d’importance que le personnage principal. Nous sommes certainement face à un défaut des fonctions exécutives mais plus précisément face à un trouble de l’organisation spatiale et temporel au niveau mental. Comment peut-on se souvenir d’une information, si nous sommes dans l’incapacité de l’ordonner et de séquencer ses idées. Comment peut-on mémoriser une information et l’utiliser si nous n’avons pas de prime abord, ranger, trier, catégoriser l’information ultérieurement ? 2.2.3.2. « L’évocation mentale »79 Pour utiliser une information, nous avons donc besoin de faire un peu de « rangement » dans notre esprit. Mais comment aider Ambre à « ranger », à organiser ses informations au niveau spatio-temporel ? J’ai donc proposé à Ambre d’imaginer dans sa tête l’histoire en lui posant des questions précises comme : Comment s’appellent les personnages principaux ? Comment les imagines-tu ? Leur taille ? Leurs expressions ? Leur personnalité ? Où se passe la scène ? Comment est cette pièce ? Eclairée ? De quelle couleur ? … . A travers ce questionnement ou ce « dialogue pédagogique » comme le décrit Antoine de la Garanderie, j’ai essayé d’amener Ambre à se créer des images mentales afin qu’elle puisse les utiliser par la suite pour mieux structurer ses réponses ; l’auteur parle « d’évocation mentale ». Enfin, afin qu’elle puisse comprendre le concept d’ « image mentale » et « d’évocation mentale », je lui ai proposé par la suite de jouer l’histoire en créant 79 Terme utiliser par A. de la Garanderie - 70 - une courte saynète pour qu’elle puisse rendre corps à ces images mentales. Comme le souligne Ph. Chantalat (1994, p.11) « la motricité spatio-temporelle est commandée d’abord par une expérience sensorielle (…) ainsi, le passage du moteur vers le sensoriel garantit l’apprentissage du geste. » Dans ce cas, passer par des exercices corporels et donc sensoriels ne permettrait-il pas d’aider Ambre à « retenir » ces « gestes mentaux » ? Dans ce cas, le rôle du psychomotricien consiste à guider l’enfant à ordonner ses idées, à créer des espaces en prenant le temps et à utiliser si besoin des supports sensoriels différents (schéma, imitation, …). Le thérapeute amène l’enfant à être « acteur » de ses apprentissages ; selon Wallon, « l’expérience passe d’abord par le corps et l’intelligence se construit dans l’action ». Dans le cas d’Ambre, nous avons donc exploré davantage des jeux de rythmes, de reproductions de séquences motrices pour l’amener à représenter la notion de « séquentialité » et l’aider à développer une meilleure séquence mentale. Antoine de la Garanderie parle donc « d’évocation mentale » comme l’utilisation des images mentales. Selon l’auteur, il faut prendre le temps de s’imprégner d’une information puis prendre le temps de s’en faire une représentation et de lui donner une place dans notre esprit. Dans le cas d’Alex, l’évocation mentale lui a permis de se préparer à une action qui l’angoissait, comme l’écriture. En effet, avant même de produire le geste d’écriture, nous prenions un temps pour nous préparer : je lui demandais tout d’abord de se détendre, d’essayer de visualiser les images mentales associées à la relaxation (le feu et le cheval blanc), je lui proposais ensuite de visualiser dans sa tête le mot qu’il allait écrire et de l’imaginer. Pour finir, je lui proposais de se préparer physiquement (deux pieds sur le sol, tronc redressé, respiration lente…) afin de s’inscrire dans un espace et de prendre le temps de retrouver ses repères (placement sur la feuille, tenu du stylo, …). Ces différentes étapes permettent ainsi de donner du « sens » à l’acte graphique de l’enfant et de se placer dans les - 71 - meilleures conditions pour l’exécuter. En effet, dans ses écrits, Antoine de la Garanderie évoque l’importance de mettre en place un « projet de sens »80. Selon B. Hourst (2002, p. 275) « donner un sens à ce que l’on apprend n’est pas uniquement en avoir une compréhension intellectuelle. C’est nous approprier une connaissance, et la connecter à ce que nous sommes et ce que nous voulons être ». La recherche de sens semble être présente dès la petite enfance, l’enfant, tel un détective, se questionne, réfléchit, imagine, cherche à comprendre certains éléments de son environnement en créant justement des expériences. Selon B. Hourst (2002, p. 276), entre la petite enfance et l’âge adulte « bien souvent, apprendre perd son sens. Le système scolaire fait trop souvent appendre à la manière behavioriste (bonne réponse = récompense ou bonne note, mauvaise réponse = punition ou mauvaise note) ». En effet, les quelques auteurs que je vous ai présentés dans ma partie théorique ont démontré des systèmes d’apprentissages pertinents mais prenant peu en compte la personnalité de chacun et notamment le désir d’apprendre. Or « le sens que l’on donne à ce que l’on apprend est relié à l’ensemble de notre personnalité »81. Mais comment donner envie d’apprendre ? Comment donner goût aux apprentissages à des enfants en échec scolaire, qui au contraire fuient les apprentissages ? 2.3. La thérapie par le « JEU » … le désir d’apprendre Le « jeu » représente actuellement un médiateur important dans notre exercice professionnel. Il permet de mettre en action le corps, l’esprit et la personnalité du sujet. Selon Piaget, apprendre est « une suite d’actions intériorisées » et c’est cette action qui « stimule puissamment l’intérêt de l’élève et le place dans une situation 80 81 A. de la Garanderie et G. Cattan, 1988, p. 36 B. Hourst, 2002, p. 276 - 72 - telle qu’en retour, il éprouve le désir d’exécuter une tâche »82. En tant que professionnel, notre objectif est d’amener l’enfant à devenir acteur de ses apprentissages en lui proposant différentes stratégies, méthodes, supports variés, … afin de lui donner envie d’apprendre et qu’il puisse enfin, s’approprier l’élément qu’il veut intégrer. Le jeu est selon la définition du dictionnaire le petit Robert 2007, une « activité physique ou mentale purement gratuite qui n’a, dans la conscience de celui qui s’y livre, d’autre but que le plaisir qu’elle procure ». En effet, le jeu, contrairement à l’évaluation, n’implique pas d’obligation de résultat ; les sujets, en cas de difficultés, seront aiguillés par le thérapeute vers la solution. A cet effet, le psychomotricien proposera à l’enfant des stratégies, des outils ou des expériences corporelles pour l’amener vers la réponse. Selon A. Saint-Cast (2005, p. 45) : « La psychomotricité peut être l’occasion pour l’enfant de vivre une autre expérience corporelle. Les jeux (…) sont organisés pour lui permettre d’agir autrement, de repousser un peu les limites à son épanouissement, en faisant l’expérience d’activités nouvelles, dans une situation relationnelle où il est assez sécurisé pour oser utiliser d’autres facettes de ses potentiels et abandonner ainsi un peu de ce symptôme, parfois protecteur, qui le restreint toujours. » Dans cette citation, A. Saint-Cast explique que le jeu permet à l’enfant d’agir librement et surtout d’ « oser ». L’enfant ose, essaye, cherche, scrute, il devient comme dans sa petite enfance, ce petit détective qui va chercher des interactions avec son environnement. En effet, le jeu permet à des enfants comme Ambre et Alex, de mettre en avant leur propre corps, d’exprimer toute leur capacité et leur potentiel sans avoir peur d’être en échec. Le jeu rassure, sécurise, il redonne le sourire et permet de réconcilier des enfants en échec scolaire avec les apprentissages. 82 A. Giordan, 1999, p.116 - 73 - Néanmoins, il sera important d’expliquer à l’enfant pourquoi nous jouons et en quoi le jeu effectué peut l’aider lors de ses apprentissages scolaires. En effet, cette médiation permet selon C. Ballouard (2006, p.36) « de jouer à vide des conduites appliquées plus tard à des objets réels. » Ainsi, en passant par le jeu et en expliquant à Alex en quoi ces activités l’aideraient à améliorer son graphisme, l’enfant a essayé petit à petit de réinvestir l’écriture. Par conséquent, le choix du jeu ou du médiateur n’est donc pas à mettre de côté et correspond à un élément fondamental dans la prise en charge. Ainsi, pour Alex, nous lui avons proposé des jeux autour de la régulation tonique et de la coordination œil/main étant donnés son hypermétrie et son impulsivité. De plus, nous avons proposé à Alex d’utiliser au départ un ruban de GRS qui permettait de remplacer l’outil scripteur. Ainsi, comme il le disait, nous n’écrivions plus, nous faisions « danser nos mains ». A partir d’une expérience corporelle, Alex a pu réinvestir l’écriture et c’est ainsi que l’acte graphique est devenu pour l’enfant une danse entre un stylo et une feuille. C’est donc à travers l’expérience sensorielle et la mise en action de son propre corps qu’Alex a retrouvé l’envie d’écrire. En effet, selon Winnicott (1971, p.103), jouer, « c’est une expérience : toujours une expérience créative qui se situe dans le continuum espace-temps, une forme fondamentale de la vie ». Dans le cas d’Ambre, le fait d’être passé par le jeu, lui a permis de développer sa créativité, son imagination pour l’aider à se créer des images mentales. Par le jeu, elle a découvert ses réelles capacités et aussi pris conscience de ses difficultés et de la nature de celles-ci. « C’est en jouant, et peut-être seulement lorsqu’il joue, que l’enfant ou l’adulte est libre de se montrer créatif (…) et d’utiliser sa personnalité toute entière. C’est seulement en étant créatif que l’individu découvre le soi »83. Le jeu semble donc avoir sa place dans notre rééducation. Néanmoins, l’objectif du thérapeute sera d’utiliser cet outil pour donner du sens aux 83 D.W Winnicott, 1971, p. 108 et 110 - 74 - apprentissages afin de recréer une motivation chez l’enfant. En effet, « sans la motivation à apprendre, même de très nombreuses répétitions n’auraient aucune conséquence positive observable. La motivation est un facteur de premier ordre dans l’apprentissage »84. 2.4. Conclusion- la psychomotricité est-elle une réponse thérapeutique pour des enfants présentant des troubles des apprentissages? Pour conclure cette discussion, je pense que la psychomotricité tient une place importante auprès des enfants présentant des troubles des apprentissages. Cette thérapie permet à l’enfant de se réconcilier avec les apprentissages et notamment de reprendre confiance en lui, de retrouver cette estime de soi qu’il avait perdu au fil des échecs répétés. Dans cette dernière partie, nous avons donc constaté que l’apprentissage commence par une expérience corporelle, repose sur un projet de sens et dépend d’une envie d’apprendre. Le rôle du psychomotricien sera donc de proposer une multitude d’expériences, différentes méthodes, stratégies, outils, en y mettant du sens et en apportant une contenance physique mais aussi psychique. La psychomotricité semble donc avoir sa place au sein des troubles des apprentissages néanmoins, dans le cas d’Ambre et d’Alex, un travail pluridisciplinaire, des échanges entre thérapeutes et des mises en commun entre les rééducateurs, ont permis d’optimiser le progrès des enfants. En effet, la plupart du temps, c’est en travaillant à plusieurs que nous pouvons aider l’enfant à retrouver l’envie d’apprendre pour ensuite, mettre à sa disposition tous les outils nécessaires pour accéder paisiblement aux apprentissages. 84 Soprano et Narbona, 2009, p.28 - 75 - CONCLUSION GENERALE Il existe une multitude de théories concernant la notion d’apprentissage ainsi que diverses définitions des troubles liés à ce processus. Malgré ces apports intellectuels importants, la pratique se révèle être plus complexe, particulièrement face à un enfant en état de souffrance et d'angoisse. En effet, il s'agit d'élaborer et de proposer des stratégies adaptées à chaque enfant afin qu'il puisse les assimiler, se les approprier, afin de les réutiliser dans d’autres contextes. Ainsi, le bilan psychomoteur n'aura de valeur que s'il est replacé dans un contexte propre à chacun, prenant en compte les évaluations complémentaires du sujet, l'environnement dans lequel il évolue et sa personnalité psychocorporelle. Même si le bilan demeure une épreuve d'évaluation pouvant générer des angoisses chez l'enfant qui redoute l'échec, il permet de contribuer à localiser l'origine du trouble du sujet. Le thérapeute devra donc tenter d'adopter une attitude contenante et sécurisante afin de mettre l'enfant en confiance. Tant au niveau du bilan que de la prise en charge, il sera essentiel d'apporter du sens à l'activité pour que l'enfant se sente acteur de la rééducation. En fonction des observations obtenues lors du bilan, il sera nécessaire de partir des capacités de l'enfant. De plus, étant donné que l'apprentissage correspond à un processus complexe comprenant plusieurs étapes distinctes, le thérapeute devra adapter sa rééducation en fonction de la localisation du trouble. A travers le jeu, l'enfant est amené à aborder plus facilement les notions d'apprentissage car cette médiation psychocorporelle permet d'éviter la confrontation à l'échec. Cette activité purement "gratuite" aide l'enfant à réinvestir le domaine scolaire et à retrouver l'envie d'apprendre. En effet, en passant par l'activité corporelle, le sujet ne recherche pas la performance ou la réussite mais tente d’explorer librement ses capacités psychocorporelles. - 76 - Comme l’explique A. Saint–Cast (2005, p.47) dans son article, la psychomotricité est une thérapie psychocorporelle qui est à même d’aider des enfants en échec scolaire, si le thérapeute oriente sa rééducation « en ne se focalisant pas sur le trouble de l’apprentissage, (mais) en tentant de s’approcher au plus près du mode de l’agir de l’enfant, en renforçant ses potentiels, en dégageant son expression corporelle des émotions trop intenses ». Ainsi, la thérapie psychomotrice permet à l’enfant de mettre son corps en jeu, de l’utiliser comme un outil d’expression, d’expérience, de communication, mais aussi comme un médiateur permettant l’apprentissage et l’utilisation de ses connaissances. Grâce aux nombreuses études portant sur ces troubles, il est désormais possible de mieux cerner les dysfonctionnements de l'apprentissage et d'y apporter une solution adaptée. Cependant, il semble que cette approche se focalise principalement sur des difficultés qui se sont progressivement enracinées. Il serait donc opportun de porter notre attention sur le rôle préventif du psychomotricien au sein de l'environnement proche de l'enfant, permettant ainsi de réduire le risque d'échec scolaire. - 77 - BIBLIOGRAPHIE ALBARET, J.-M. & CORRAZE, J. (1996). L'enfant agité et distrait. Condé-surNoireau: Expansion Scientifique Française Paris. BALLOUARD, C. (2006). Le travail du psychomotricien – 2ème édition. Paris : Dunod. BARLOW, H. & DURAND, M. (2007). Psychopathologie- 2ème édition. Bruxelles: De Boeck. BERGER, M. (1999). L'enfant instable. Paris: Dunod. BERGER, M. (2004). Les troubles du développement cognitif - approche thérapeutique chez l'enfant et l'adolescent. Paris: Dunod. CHABANNE, J.-L. (2003). Les difficultés scolaires d’apprentissage. France : Nathan CORDIER, F. & GAONAC'H, D. (2004). Apprentissage et mémoire. France: Nathan/SEJER. CORRAZE, J. (1999). Les troubles psychomoteurs. Marseille: Solal. DANON BOILEAU, L. (2004). 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