Contribution à l’aide robotisée au geste chirurgical ; nouvelle approche en Ophtalmologie Introduction INTRODUCTION Dans les premiers temps, les robots avaient été conçus afin de remplacer l’homme dans des tâches répétitives pénibles pour des utilisations principalement industrielles en manutention et sur de longues lignes d’assemblage, de soudure, de peinture ou autres. Quelques années plus tard, la Robotique devint intelligente et les robots ont pu évoluer du moins partiellement en fonction de leur environnement ; depuis, les applications de la Robotique s’étendent à de nombreux nouveaux domaines, hors du monde industriel. On peut prendre comme exemples le robot mobile qui se déplace entre des obstacles fixes ou mobiles jusqu’à atteindre un but préalablement fixé, ou encore le chien jouant au football et remuant de la queue sous les caresses. Une autre nouvelle application de la Robotique, récente puisque datant de moins d’une vingtaine d’années, se situe dans le milieu médical et plus précisément chirurgical. De nombreux pays sont concernés par cette évolution, dont les principaux sont entre autres les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne, mais également la France où en effet un pôle CNRS regroupe les chercheurs travaillant sur les GMCAO (Gestes Médico-Chirurgicaux Assistés par Ordinateur) qui viennent de laboratoires de Lille, Grenoble, Montpellier, SophiaAntipolis, Clermont-Ferrand, Paris, Rennes, Brest, Lyon. Malgré cet effort international important, couplant chercheurs scientifiques et praticiens, peu de dispositifs sont réellement exploités à l’heure actuelle dans les blocs opératoires (cependant parmi ceux-ci, plusieurs sont français !) mais cette tendance se généralise et représente un enjeu important pour ce nouveau siècle. L’équipe Robotique du Laboratoire d’Automatique Industrielle (LAI) de l’INSA de Lyon a bien pressenti ce changement et a voulu contribuer à son émergence. Certains domaines chirurgicaux tels que la Neurologie et l’Orthopédie connaissent déjà de nombreuses propositions d’assistance au chirurgien. Par contre, d’autres domaines, comme la chirurgie de l’œil ou celle de l’appareil auditif, n’ont pas subi la même évolution. Dans une étude préliminaire sur l’état de l’art en matière d’assistance robotique à la Chirurgie, les chercheurs du LAI ont noté entre autres que, dans l’évolution de la Chirurgie motivée par la prise en compte de l’apport des techniques modernes d’Imagerie et de Robotique, le domaine de l’Ophtalmologie restait à ce jour l’un des moins explorés ; il apparaît pourtant comme un champ d’investigation à l’avenir des plus prometteurs ; c’est donc vers celle-ci que le LAI s’est tourné. Après, d’une part, une étude approfondie des différentes opérations chirurgicales pratiquées en Ophtalmologie, des tâches accomplies, des résultats obtenus et des possibilités de robotisation et, d’autre part, une discussion entre les différentes équipes concernées (chirurgiens ophtalmologues, chercheurs scientifiques et industriel de la microinstrumentation chirurgicale), l’acte de greffe de cornée (ou kératoplastie perforante) est apparu finalement comme l’intervention chirurgicale ophtalmologique candidate à une assistance robotisée. Elle concentre en effet les limitations rencontrées dans de nombreuses autres interventions du domaine [Laffite 96]. 13 Contribution à l’aide robotisée au geste chirurgical ; nouvelle approche en Ophtalmologie Introduction Au dire des praticiens, lorsque l’on considère l’acte chirurgical en Ophtalmologie, il est fondamental d’obtenir trois éléments : l’immobilité du globe oculaire, la parfaite reproductibilité des gestes du chirurgien, la qualité des instruments ; toutes choses qu’il est impossible d’obtenir et de maintenir avec rigueur … Les résultats après une telle opération sont plutôt décevants, les patients présentant souvent une déformation visuelle appelée astigmatisme post-opératoire. Celui-ci résulte de plusieurs imperfections lors de l’opération, provoquées par les outils utilisés et les techniques opératoires actuelles. Devant ce constat, les chirurgiens pressentent que la Robotique permettrait de franchir les diverses difficultés rencontrées au cours du geste chirurgical, en autorisant une meilleure reproductibilité et en augmentant la performance de l’instrumentation. Il s’agit en fait d’apporter plus de précision et de régularité lors de la découpe des cornées, ainsi que lors de la suture du greffon sur l’œil du patient. Dans ce but, nous nous proposons d’étudier de nouvelles techniques de découpe et de suture, moins traumatisantes, et d’augmenter sensiblement la précision des gestes opératoires par l’introduction de la Robotique. En fait, la recherche entreprise a pour objet l’homme in fine ; elle devrait à terme aboutir à une évolution conséquente des techniques opératoires qui devraient conduire à une amélioration notable des résultats escomptés pour le patient. Il est évident que ce premier travail sur la remise en cause du processus opératoire de la kératoplastie perforante doit être considéré comme exploratoire et comme les prémices à une démarche longue et difficile devant conduire à la proposition d’un protocole opératoire nouveau, intégrant : de nouveaux outils et instruments non encore expérimentés sur l’homme, une assistance robotisée au geste chirurgical, une utilisation importante des techniques d’imagerie médicale. Le mémoire que nous présentons ici est constitué de deux parties, dont la première est une étude détaillée de la problématique abordée, tant d’un point de vue médical que d’un point de vue robotique. Le premier chapitre de ce mémoire présente un état de l’art de la Robotique chirurgicale en général. Les différents types de robots que l’on peut rencontrer dans un bloc opératoire ou qui ont été étudiés sont décrits. Ils sont à chaque fois associés à une technologie qui complète de tels dispositifs, comme l’imagerie, la réalité virtuelle, la télémanipulation. Un dernier exemple de robot est donné qui répond à des exigences de chirurgie minimalement invasive. D’après cette étude bibliographique, quelques caractéristiques particulières aux robots chirurgicaux ont été établies. Le deuxième chapitre aborde le domaine ophtalmique, en commençant bien sûr par une brève description du phénomène de la vision. Puis, sont exposées les quelques tentatives menées pour robotiser certaines opérations chirurgicales dans ce domaine. La cornée étant un tissu complexe bien spécifique, la connaissance de sa structure et de ses propriétés est nécessaire à l’appréhension des problèmes rencontrés lors de la greffe, en particulier lors de sa découpe. Après avoir détaillé sa structure biologique et ses caractéristiques biomécaniques, nous présentons les anomalies qui peuvent affecter ce tissu et dont le seul moyen de correction est la greffe. L’acte chirurgical est alors abordé, par une description des différentes étapes constituant le mode opératoire tel qu’il est réalisé actuellement. Certains résultats obtenus après des greffes de cornées sont comparés et discutés ; une réflexion sur leurs limitations, leurs origines et leur fréquence est faite, à partir 14 Contribution à l’aide robotisée au geste chirurgical ; nouvelle approche en Ophtalmologie Introduction de laquelle des propositions sont avancées pour l’amélioration du recouvrement visuel après une greffe de cornée. Le troisième chapitre expose différentes études menées pour l’amélioration de l’opération. Certains laboratoires travaillent sur les cornées artificielles, ce qui pourrait résoudre les problèmes de compatibilité et diminuer les listes d’attente et vraisemblablement augmenter les chances de réussite pour certaines indications de greffe. D’autres propositions concernent la découpe et plus particulièrement l’emploi de nouveaux outils, moins traumatisants que le trépan, pour le prélèvement des cornées. La suture a également été l’objet de recherches, dans le but de mieux régulariser les tensions du fil sur le pourtour du greffon. Une seule tentative de robot, créé pour la découpe de la cornée au trépan, a été réalisée. Toutes ces approches nouvelles conduisent théoriquement à des améliorations, mais leur utilisation ou les résultats obtenus révèlent un certain nombre d’inconvénients majeurs. Après avoir bien étudié le tissu, les problèmes rencontrés lors de l’opération, les tentatives d’améliorations avancées ainsi que leurs limitations, de nouvelles pistes peuvent être envisagées. Celles-ci font l’objet de la deuxième partie de ce mémoire. Le quatrième chapitre concerne la découpe des cornées du donneur et du receveur. Pour réaliser cette tâche, un nouvel outil de découpe est étudié. Il s’agit du jet d’eau sous pression. Après une présentation rapide de l’utilisation du jet d’eau dans l’industrie, les phénomènes et caractéristiques propres à ce moyen de découpe pouvant être transposés en chirurgie sont décrits. En effet, très récemment, cet outil a trouvé des applications dans le milieu chirurgical dont quelques rares exemples, présentés ici, concernent l’Ophtalmologie. Le fonctionnement du dispositif utilisé pour mener nos expériences est explicité. La majeur partie de ce chapitre concerne ces essais, qui sont détaillés et dont les résultats sont discutés. Le dernier chapitre aborde la robotisation de l’opération, telle qu’on l’envisage. Celleci présente deux intérêts dans notre cas. Tout d’abord, le robot permet de limiter l’astigmatisme dû à la suture des tissus. En effet, utilisé comme support de l’outil, il autorise des formes de découpe, autres que circulaires, ce qui nous conduit à proposer un type de formes de découpe bien particulier, dont la caractéristique essentiel est d’engendrer un maintien naturel du greffon dans l’œil du patient. Différentes formes de greffons ont été étudiées afin de déterminer la forme optimale à notre point de vue. Ensuite, bien sûr, le robot permet l’obtention de formes régulières, réalisées avec une précision remarquable. La deuxième partie de ce chapitre aborde la conception du robot dédié à la greffe de cornée incluant une analyse de risque, indispensable à l’introduction de nouveaux dispositifs médicaux en bloc opératoire, qui fut préliminaire à la définition du cahier des charges. Il faut noter que toutes les expérimentations qui sont exposées dans ce mémoire ont été conduites, soit sur un gel simulant d’une façon assez réaliste le matériau de la cornée, soit sur des yeux d’animaux (cochons) morts depuis peu. Une seule expérimentation de découpe de cornée au jet d’eau a été tentée sur vivant (lapin), sans conduire à des résultats probants, à ce stade de notre étude. 15