Radiothérapie métabolique antalgique des métastases osseuses

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J.M. Broglia
Radiothérapie métabolique antalgique des métastases osseuses.
Principes, moyens et pratique clinique
Jean-Marc Broglia
Médecine Nucléaire - CH Avignon
Résumé
La radiothérapie métabolique (RTM), est un moyen de prise en charge des métastases
osseuses douloureuses dont la diffusion reste modeste. On fait ici un bilan du principe du traitement et des moyens disponibles.
Radiothérapie métabolique / Métastase osseuse / Chlorure de strontium 89Sr / Samarium 153Sm lexidronam.
INTRODUCTION
PRINCIPE
La métastase osseuse
!La radiothérapie métabolique des
métastases osseuses a une cinquantaine d’années. Initiée aux Etats Unis
avec de l’iode 131 puis le phosphore
32 les radiopharmaceutiques disponibles en France sont le chlorium de
strontium 89Sr et le samarium 153Sm
lexidronam. Malgré cette ancienneté
ces traitements sont peu diffusés.
!C’est réaliser une irradiation in situ,
à faible débit de dose (de l’ordre du
centiGray), des métastases osseuses
diffuses douloureuses grâce à un
radiopharmaceutique à tropisme osseux émettant un rayonnement β-
!Evolution fréquente de la maladie
cancéreuse, elle est souvent à elle
seule, par sa multiplication et ses
complications, à l’origine du décès.
Ses mécanismes physiopathologiques sont complexes. Elle est présente dans 40 à 70 % des cancers évolués.
Correspondance : Jean-Marc Broglia
Médecine Nucléaire - Centre Hospitalier - 84902 Avignon
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Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2006 - vol.30 - n°3
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Radiothérapie métabolique antalgique des métastases osseuses.
La douleur
Ta bleau I - Pr
incipales car
actér
istiques et indications des rradiophar
adiophar
maceutiques
Principales
caractér
actéristiques
adiopharmaceutiques
Main radiopharmaceutical characteristics and indications
!Les causes de la douleur métastatique sont multiples, à la fois mécanique, inf lammatoire, œdémateuse,
fracturaire, compressive, avec la participation de médiateurs tumoraux.
Cette douleur s’exprime chez un patient en fin de vie pour lequel les dimensions de la douleur vont être
multiples, physique, psychologique,
morale, compliquant sa prise en
charge.
MOYENS
Les radiopharmaceutiques
Indication
!Actuellement deux radiopharmaceutiques sont disponibles en pratiTableau II) [1-9].
que clinique (T
!Les atteintes osseuses poly-métastatiques algiques ostéocondensantes
Le chlorure de strontium 8 9S r
(Metastron®)
C’est un analogue calcique, émetteur
bêta pur, d’énergie bêta maximale 1,46
MeV, d’énergie moyenne 580 keV et
de parcours moyen de 2,4 mm. Il ne
permet pas d’imagerie scintigraphique de contrôle. Sa demi-vie physique est de 50,5 jours. Son élimination
urinaire lente n’impose pas de précaution vis-à-vis des urines. Il est prescrit par injection IV, l’activité habituelle est de 1,5 à 2,2 MBq/kg.
chez un patient dont l’espérance de
vie est supérieure à six mois. En général patient score OMS 1,2 ou score
de Karnofsky supérieur ou égal à
Tableau II
60%. (T
II)
Ta bleau II - Scor
e de Kar
nofsk
y
Score
Karnofsk
nofsky
Karnofsky score
Le samarium 153Sm – lexidronam
(Quadramet®)
Le samarium 153 couplé à un éthylène diamine tétra-méthylène phosphonate est un émetteur bêta d’énergie maximale 810 keV, d’énergie
moyenne 230 keV et de parcours
moyen 0,6 mm. L’émission d’un photon de 103 keV autorise la réalisation
d’une scintigraphie. Sa demi-vie est
de 1,9 jours. L’élimination rapide dans
les urines impose de recueillir les
urines des six premières heures après
l’injection. Associée à une bonne hydratation la procédure peut être réalisée en ambulatoire. Il est prescrit par
injection IV, l’activité habituelle est
de 37 MBq/kg.
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Bilan
!Le bilan comporte une scintigraphie osseuse de moins de 2 mois,
un contrôle hématologique (plaquettes, numération, formule sanguine),
une calcémie, et une évaluation de la
fonction rénale de moins d’une semaine. Le taux des plaquettes doit être
au moins égal à 100 000/µL, celui des
leucocytes supérieur à 3 000/µL et
l’hémoglobine supérieure à 10 g/dL.
tique de la technique. La RTM est trop
souvent proposée chez des patients
en bout de course sujets à toutes les
complications, sans bénéfice visible
et donc avec un mauvais retour
auprès des cliniciens.
La scintigraphie osseuse initiale reste
la clef. On ne peut définir des schémas types d’infiltrats métastatiques
multiples bons répondeurs, mais une
atteinte trop diffuse, trop intense, est
plutôt le gage de moins bonne réponse et de complications dans notre expérience personnelle.
Contre indications, précautions
!Les effets myélo-suppressifs font respecter un délai de 4 à 8 semaines
après un traitement par chimiothérapie et de deux à trois mois après une
radiothérapie hémicorporelle.
La myélo-suppression additionnelle
engendrée par la RTM doit être estimée car elle peut générer des complications délétères : saignements, infections.
Les métastases compressives médullaires ne sont pas une indication et
doivent bénéficier d’un traitement
spécifique complémentaire.
Les biphosphonates, s’ils n’altèrent
pas les résultats de la scintigraphie
osseuse indiquant le traitement, peuvent être poursuivis. On respectera
un délai de 48 h après la RTM pour
une nouvelle injection.
Un rebond algique transitoire peut
être constaté ; il impose le renforcement des traitements antalgiques.
La répétition des traitements est possible avec un espacement habituel
d’au moins 4 mois [10-14].
PRATIQUE CLINIQUE
ET EXPÉRIENCE
Indication
La sélection du patient est essentielle,
elle est la clef de la réussite thérapeu-
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Evaluation
!L’évaluation de la douleur est fondamentale et doit permettre d’apprécier les composantes multiples de la
douleur, retentissement physique,
psychologique, sur la qualité de vie
et la vie sociale. Il est important que
le médecin nucléaire puisse évaluer
ses pratiques et estimer l’efficacité du
traitement. Ceci afin de parfaire les
indications et orienter les indications
de retraitement. Le recours à un ou
plusieurs questionnaires simples est
souhaitable. Nous faisons remplir par
le patient le questionnaire concis sur
Annexe 1
la douleur [15] (Annexe
1) à J0, J15,
J30, et J60. C’est un test simple, aisément compréhensible et peu fastidieux pour un patient fragile. Une
quantification en score est possible.
Un retour par courrier autorise une
gestion simple des dossiers et un
suivi en parallèle des patients avec
leur clinicien par le médecin nucléaire.
Résultats
!Ils restent conforme aux rares publications existantes et sont principalement des impressions cliniques
des praticiens réalisant ces traitements.
Sous couvert de bonne indication les
effets indésirables sont rares, essentiellement une baisse transitoire de
la lignée plaquettaire de 30% en
moyenne.
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La technique est facilement mise en
place ; elle est bien supportée par le
patient, ne nécessite qu'une seule
journée d’immobilisation et une simple injection IV lente.
Le rebond douloureux répond habituellement bien aux traitements
usuels.
L’efficacité est plus difficile à apprécier, essentiellement par le caractère
complexe de l’évaluation d’un traitement pour la douleur chez un patient
en fin de vie. Dans notre expérience
on peut considérer que 30 à 60 % des
patients bénéficient du traitement
selon le niveau d’efficacité que l’on
définit (amélioration partielle ou complète de score OMS, Karnofsky, résultats des QCD).
Cette amélioration porte autant sur la
diminution du score douloureux que
sur la reprise d’une autonomie du
patient malgré un fond douloureux
résiduel qui devient supportable et
n’entache plus la vie quotidienne.
CONCLUSION
!Si l’impression clinique d’efficacité
pour nombre de praticiens de Médecine Nucléaire est bien réelle, l’absence de développement de la technique de RTM de la douleur métastatique impose un constat. Le faible
nombre de centres de Médecine Nucléaire, l’historique appréhension de
la radioactivité et surtout la méconnaissance par les cliniciens semblent
en grande partie responsables de cet
état des lieux.
En pratique clinique la place du Médecin Nucléaire dans l’indication de
ces traitements est centrale. C’est lui
qui a le moyen, au moment de la scintigraphie osseuse d’un patient algique avec une scintigraphie "positive",
d’orienter vers la RTM. La contre-partie de cette nouvelle responsabilité
est la nécessaire authentification de
résultats validés par des études cliniques. Résultats qui, sur bien des plans,
sont encore à évaluer ou à confirmer,
notamment dans le champ de l’antalgie et d’un potentiel rôle adjuvant à
d’autres thérapeutiques.
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Radiothérapie métabolique antalgique des métastases osseuses.
Annexe 1 - Questionnaire concis sur la Douleur (QCD)
Brief Pain Inventory
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Radiothérapie métabolique antalgique des métastases osseuses.
Metabolic radiotherapy in painful bone metastasis.
Principle and practical use.
Metabolic radiotherapy is an efficient tool to release pain of bone metastasis.
This paper describes the principle and the use of this palliation treatment.
Metabolic radiotherapy / Bone metastasis / Strontium chloride / Samarium lexidronam
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