© istockphoto.com/Jezperklauzen nisme qui les réplique ; démontrer qu’elles tique est déjà comme dépassée, l’heure sonne la chimie ou du codage génétique. peuvent être transcrites en ARN in vivo, co- de la biologie augmentée. «Les travaux de Denis A. Malyshev et der des messages génétiques, pris en charge Il ne s’agit plus ici d’une simple «recombi- Floyd Romesberg constituent le franchissepar l’organisme d’accueil pour, par exemple, naison» de fragments de génomes, créés à ment d’un «cap symbolique historique», a contrôler l’expression des gènes. Que restera- partir d’un alphabet du vivant, alphabet tenu déclaré au Monde Philippe Marlière. «Une t-il alors de l’antique Escherichia coli et quels jusqu’ici pour universel et indépassable. Il troisième paire de bases entièrement artifiseront les profils et les performances des nou­ s’agit bien au contraire de la création d’une cielle a aujourd’hui pu être répliquée in vivo, vie nouvelle (pour l’heure bactérienne) à par- résume M. Marlière. Il ne s’agit certes que velles Escherichia coli «augmentées» ? L’affaire couvait de longue date. Il y a treize tir d’un alphabet «enrichi». De ce point de de quelques générations dans une bactérie, ans précisément (Science du 20 avril 2001), vue, les perspectives ouvertes sont poten- mais le Rubicon est franchi.» M. Marlière ne dit pas ce qui attend l’hom­ nous découvrions les travaux de l’équipe tiellement considérables, enthousiasmantes amé­ ricaine dirigée par Peter G. Schultz pour les uns, effrayantes pour d’autres. Si les me de ce franchissement. Il n’y a pas que (Scripps Research Institute de La Jolla, déjà) frayeurs sont là, les espoirs commerciaux Belle-Ile et l’Irlande. On peut aussi être pris et de celle, franco-américaine, dirigée par demeurent à concrétiser. Rien n’est acquis d’une vertigineuse ébriété en regardant l’une Philippe Marlière, fondateur de la société quant à cet Eldorado et ses innombrables et l’autre rive du dangereux Rubicon. Evologic. Ces chercheurs étaient parvenus à applications dans les champs environnemen­ Jean-Yves Nau créer, de deux manières différentes, une Esche­ taux, énergétiques ou médicaux. [email protected] Qu’adviendra-t-il des microorganismes richia coli ne correspondant plus vraiment aux tériens qui pourront pianoter sur un règles du code génétique naturel, et conte- bac­ nant, en son sein, un acide aminé modifié. nouveau clavier, plus large, de leur métaboEn réalité, l’affaire est bien plus ancienne. lisme et de leur reproduction ? des micro­ Sans remonter à la Genèse, on peut citer Ro- organismes à mi-chemin du naturel et de bert Burns Woodward (1917-1979), prix No- l’artificiel, aux frontières du «paranaturel» ? 1www.nature.com/news/first-life-with-alien-dna-1.15179 bel 1965 de chimie pour ses travaux sur la des bactéries comme frankensteinisées. On 2www.nature.com/nature/journal/vaop/ncurrent/full/ nature13314.html synthèse de molécules organiques complexes parle déjà ici de xénobiologie. Le chercheur 3www.nytimes.com/2014/05/12/business/media/foxlooks-to-gotham-to-reverse-its-prime-time-slump.html (quinine, cholestérol, cortisone, strychnine, français, Philippe Marlière, présente la xéno­ ?rref=business&module=Ribbon&version=context&re chlorophylle, céphalosporine, colchicine…). biologie comme la discipline qui verra la créa­ gion=Header&action=click&contentCollection=Busine Ou encore, en 1970, le biologiste indien Har tion de formes de vie radicalement étrangères ss%20Day&pgtype=article Gobind Khorana (1922-2011), prix Nobel 1968 à celles connues sur Terre, qu’il s’agisse de de médecine, et ses travaux de synthèse d’un gène codant pour réten­tion en soin et une deuxième dépendances en bref un ARN de transfert. C’est le déService d’alcoologie, CHUV, Lausanne que les soins prodigués étaient but de l’ingénierie génétique. sous-optimaux. En 1972, Paul Berg construit une Patients souffrant de problèmes d’alcool ou de Commentaires : quelques études molécule d’ADN hybride. drogue : l’attitude des soignants s’améliore avec montrent des attitudes positives Les années 1970 sont celles où vis-à-vis des patients présentant l’expérience l’on a peur des monstres qui des problèmes d’abus de subs­ pourraient naître des premières Cette revue systématique s’est tances mais, de façon générale, avec problèmes de drogues illi­ recombinaisons génétiques. 1978 : cites sont encore plus négatives inté­ressée à l’attitude des profes­ les attitudes négatives l’emportent et les professionnels de la santé sionnels de la santé vis-à-vis des chez les professionnels de la le biologiste polonais Waclav patients présentant des problèmes préfèrent que ces patients soient santé. La formation et l’expérience Szybalski déclare : «Le travail sur d’abus de substances et l’impact pris en charge par des spécia­ sont associées avec des attitudes les nucléases de synthèse nous de ces attitudes sur les soins pro­ listes de l’addiction. plus positives. Une formation et permet non seulement de cons­ digués. Les auteurs ont identifié •Un grand nombre de profes­ une expérience en médecine de truire aisément les molécules 28 études menées dans des pays sionnels de la santé rapporte une l’addiction devraient être encoura­ d’ADN recombinant et d’analyoccidentaux et publiées entre gées dans les organisations et méconnaissance des probléma­ ser les gènes individuels, mais tiques d’abus de substances et 2000 et 2011. Les populations institutions de formation afin nous a aussi menés à une noud’améliorer la confiance des pro­ observées comprenaient des infir­ ressent un manque de formation, fessionnels de la santé et les y compris pratique, en ce qui miers, des professionnels travail­ velle ère de la biologie de synrésul­tats des traitements. lant dans le domaine de l’addiction concerne le traitement des thèse, où non seulement les gè­ de la santé mentale, et des patient­ . La formation et l’expé­ s et nes existants sont décrits et anaDr Nicolas Bertholet méde­cins. Les conclusions géné­ rience sont associées à des atti­ lysés, mais où aussi de nouvelles (version originale anglaise rales des auteurs sont : tudes positives. et traduction française) configurations génétiques peu­ •une proportion élevée des pro­ •Le soutien institutionnel pour vent être construites et évaluées.» fessionnels de la santé a une atti­ les professionnels de la santé van Boekel LC, Brouwers EP, van Weeghel C’est le début des années 1980 tude négative vis-à-vis des patients contribue à une augmentation des J, Garretsen HF. Stigma among health pro­ avec problèmes d’abus de subs­ attitudes positives. marquées par la fécondation in fessionals toward patients with substance use disorders and its consequences for tances comparativement à •Les conséquences de ces atti­ vitro réussie dans l’espèce huhealthcare delivery : Systematic review. Drug tudes sur la prise en charge sont groupes de patients d’autres maine. Les peurs s’effacent. En Alcohol Depend 2013;131:23-35. rarement évaluées. Une étude a comme ceux souffrant de diabète 1984, le laboratoire de Steven Lien vers la version intégrale de la lettre d’in­ montré que les discriminations ou de problèmes de santé men­ formation : www.alcoologie.ch/alc_home/ Benner synthétise un gène coalc_documents/alc-lettreinformation-2.htm tale. perçues par les patients sont dant pour une protéine. Trente •Les attitudes vis-à-vis de patients asso­ciées à une moins bonne ans plus tard, la biologie synthéRevue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 21 mai 2014 58_61.indd 4 1157 19.05.14 11:21