Adhésion au traitement de l`ostéoporose par bisphosphonates oraux

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Adhésion au traitement de l’ostéoporose par
bisphosphonates oraux parmi les patients en
pratique clinique canadienne
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liés aux soins de santé1.
On estime que près de deux millions de Canadiens sont atteints d’ostéoporose,
et que parmi ceux d’entre eux âgés de plus de 50 ans, une femme sur quatre, et au
moins un homme sur huit, en souffrent3. Une enquête d’envergure basée sur la
population menée auprès de résidents de l’Ontario âgés de 55 ans et plus a permis
de constater que 15 % des femmes et 5 % des hommes avaient déjà subi une fracture ostéoporotique4. Dans le même ordre d’idées, une importante étude de cohortes rétrospective réalisée auprès de femmes de 50 ans et plus vivant au Manitoba
a révélé qu’au cours d’une période de 3,2 années suivant la mesure initiale de la
densité osseuse, 4,6 % des femmes ont subi une fracture ostéoporotique5.
Les fractures ostéoporotiques et les hospitalisations qui en découlent ont des
répercussions importantes sur les coûts liés aux soins de santé. Une étude avance
que dans les années 1995 et 1996, les coûts annuels liés aux soins de santé associés aux fractures de la hanche au Canada se chiffraient à 650 millions de dollars,
et que d’ici 2041, ces coûts atteindront 2,4 milliards de dollars2. Ostéoporose
Canada estime le coût actuel pour traiter l’ostéoporose et les fractures qui en résultent à 1,9 milliard de dollars chaque année3.
La pharmacothérapie peut jouer un rôle important dans la réduction du risque
fracturaire, mais les bienfaits y étant associés reposent sur l’adhésion au traitement. Selon les lignes directrices de pratique clinique relatives à l’ostéoporose au
Canada récemment mises à jour, des données probantes révèlent que la pharmacothérapie diminue le risque de subir une fracture vertébrale de l’ordre de 30 % à
70 %, selon l’agent employé et le degré d’adhésion au traitement du patient, et que
certaines interventions permettent la prévention des fractures non vertébrales et/ou
des fractures de la hanche6. Une étude a montré que les sujets qui persistent dans
leur traitement par bisphosphonates bénéficiaient d’une diminution du risque de
fracture de la hanche pouvant atteindre 60 %1. Une autre étude a révélé que les
patients présentant une observance sur le plan du renouvellement de leurs bisphosphonates oraux d’au moins 80 % étaient significativement moins susceptibles de
subir une fracture comparativement à ceux affichant des taux inférieurs d’observance sur le plan du renouvellement7.
le clinicien mars 2011
43
Adhésion au traitement de l’ostéoporose
Le programme d’évaluation de l’ostéoporose actuel se penche sur l’adhésion
(observance et persistance) du patient à trois traitements par bisphosphonates
oraux qui sont offerts au Canada – l’alendronate, le risédronate et l’étidronate.
Selon les lignes directrices canadiennes, l’alendronate et le risédronate comptent
parmi les traitements de première intention recommandés pour la prévention des
fractures attribuables à l’ostéoporose chez les femmes postménopausées et les
hommes, et l’étidronate à titre de traitement de deuxième intention pour les
femmes ménopausées qui sont intolérantes aux agents de première intention.
Le programme d’évaluation visait à relever les lacunes courantes sur le plan de la
prise en charge des patients atteints d’ostéoporose qui sont traités par bisphosphonates oraux par l’entremise d’un sondage en ligne auprès de médecins canadiens.
Dans cette étude, l’adhésion était définie comme comprenant aussi bien l’observance que la persistance : l’observance était définie comme le fait de prendre
son médicament comme prescrit en ne sautant aucune dose; la persistance était
définie comme la poursuite du traitement pour la durée prescrite.
Méthodes
Des médecins de famille canadiens ont été invités à participer à un sondage en
ligne portant sur la prise en charge de l’ostéoporose. Les médecins devaient
fournir des renseignements au sujet de 15 patients consécutifs ayant été traités par
bisphosphonates oraux pour une période de trois mois à au moins cinq ans et ne
présentant aucune comorbidité qui aurait exigé l’interruption du traitement.
Les médecins ayant participé au programme d’évaluation ont répondu à un
questionnaire en ligne, lequel recueillait de l’information à propos de leur profil
de pratique, y compris le type de pratique et le lieu (par exemple, médecine privée, en clinique, en ville), le nombre d’années de pratique, le type de patients (plage d’âges et sexe), le
ien que certains traitements, tels les
nombre de patients atteints d’ostéoporose vus dans une
semaine, et les mesures prises pour la prise en charge des
bisphosphonates oraux, se soient
atteints d’ostéoporose. Les médecins participants
révélés efficaces pour prévenir les fractures patients
devaient également indiquer leurs opinions sur une série de 26
dans le cadre d’essais cliniques, l’adhésion
énoncés évaluant la prise en charge générale de l’ostéoporose.
Les médecins remplissaient aussi un profil pour chaque
au traitement de l’ostéoporose – comme
patient sur lequel ils devraient inscrire le nom et la posologie
dans le cas d’autres maladies chroniques
du traitement par bisphosphonate du patient en question, les
réponses du patient à 10 questions, et des données pertinentes
asymptomatiques – est souvent faible
tirées du dossier médical. Dans le cadre de l’entrevue, les
dans un contexte de pratique clinique.
patients étaient sondés sur les éléments suivants : moment de
la prise du bisphosphonate, le liquide ou la nourriture pris avec
le médicament, toute prise concomitante de médicaments ou
de calcium, le nombre de doses omises au cours des trois derniers mois, et les
raisons de ce manque d’adhésion. Parmi les données figurant dans les dossiers de
patients entrées dans le questionnaire, on compte l’âge, le sexe et les dates de la
première ordonnance de bisphosphonate et de la survenue de toute fracture.
Aucune donnée d’identification tels le nom du patient, le code postal ou la date de
naissance n’a été collectée, et tous les renseignements recueillis sont regroupés
afin d’assurer la confidentialité.
Les médecins devaient également préciser s’ils envisageaient de modifier le
plan de traitement de l’ostéoporose du patient à la lumière de l’entrevue et des
données du dossier.
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le clinicien mars 2011
Adhésion au traitement de l’ostéoporose
TABLEAU 1
Perceptions des médecins relatives aux mesures prises sur le plan de la prise en
charge de l’ostéoporose
Mesure prise*
Médecins ayant indiqué
prendre régulièrement la
mesure en question, %
(n = 159)
Je prodigue des conseils aux patients en matière de modifications
appropriées du mode de vie.
99
J’évalue l’adhésion sur le plan de la prise des suppléments de calcium et de vitamine D.
98
Je pose des questions relatives aux effets secondaires.
95
J’évalue l’adhésion sur le plan de la prise des médicaments.
93
Je me renseigne à propos des fractures de fragilisation auprès des
femmes postménopausées.
92
Je pose des questions au sujet de la prise concomitante de médicaments avant de
prendre des décisions relatives au traitement.
91
Je me renseigne au sujet des préférences du patient avant de prendre des
décisions thérapeutiques.
89
Je procède automatiquement à la mesure de la DMO dans le cas des
femmes de 65 ans et plus.
85
J’évalue le risque de non-adhésion avant de prendre des décisions relatives au traitement.
78
Je me renseigne à propos des fractures de fragilisation auprès des
hommes âgés de plus de 50 ans.
40
Je procède automatiquement à la mesure de la DMO dans le cas des
hommes âgés de 65 ans et plus.
32
*Les mesures correspondent à certains des énoncés que les médecins pouvaient choisir afin de décrire les stratégies thérapeutiques employées auprès
de leurs patients atteints d’ostéoporose.
Résultats
Les 159 médecins ayant participé au sondage étaient principalement du Québec
(49 %) et de l’Ontario (31 %), mais aussi de l’Alberta (7 %) et de la ColombieBritannique (13 %). La plupart (74 %) d’entre eux exerçaient leur pratique depuis
plus de 20 ans et plus de la moitié (59 %) exerçaient une médecine de groupe. La
majorité des médecins (87 %) travaillaient dans un bureau ou une clinique privé,
bien que 18 % œuvraient au sein d’un hôpital et 9 % dans un centre d’hébergement et de soins de longue durée, et la plupart (85 %) pratiquaient dans un contexte urbain ou de banlieue.
Les profils des patients ont été obtenus à partir de 1947 patients qui sont
actuellement traités par des bisphosphonates oraux. La plupart des patients à
l’étude étaient des personnes âgées avec un âge moyen de 70 ans, et 86 % étaient
des femmes.
En moyenne, 61 % des patients dans les pratiques des participants étaient des
femmes et environ la moitié étaient âgés de 50 ans et plus. En moyenne, chaque
semaine, plus de 40 % des médecins ont vu environ 11 à 15 patients atteints
d’ostéoporose
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Adhésion au traitement de l’ostéoporose
TABLEAU 2
Type et posologie des bisphosphonates oraux
Médicament
Posologie
Nombre de patients (n [%])
(n = 1947)
Alendronate (de marque)
10 mg/jour
70 mg/semaine
3 (0,2 %)
261 (13,4 %)
Alendronate (générique)
5 mg/jour
10 mg/jour
70 mg/semaine
3 (0,2 %)
5 (0,3 %)
317 (16,3 %)
Alendronate/cholécalciférol
70 mg/2800 UI/semaine
70 mg/5600 UI/semaine
47 (2,4 %)
150 (7,7 %)
Étidronate
400 mg/jour pour 14 jours,
ensuite calcium pour 10 jours
97 (5,0 %)
5 mg/jour
35 mg/semaine
150 mg/mois
11 (0,6 %)
820 (42,1 %)
233 (12,0 %)
Risédronate
Note : Les pourcentages pourraient ne pas totaliser 100 % en raison de l’arrondissement.
Presque tous les médecins (93 %) ont déclaré procéder régulièrement à l’évaluation de l’adhésion au traitement médicamenteux de l’ostéoporose, quoique moins
de médecins (78 %) ont allégué avoir évalué ce risque avant de prendre des décisions thérapeutiques (tableau 1). Bien que la majorité des médecins aient indiqué
qu’ils vérifiaient auprès des femmes postménopausées la survenue de toute fracture de fragilisation et mesuraient automatiquement la DMO des femmes âgées de
65 ans et plus, moins de la moitié des médecins ont mentionné qu’ils évoquaient
la question des fractures de fragilisation auprès des hommes
de plus de 50 ans ou qu’ils mesuraient automatiquement la
eulement 79 % des patients prenant le DMO chez les hommes de 65 ans et plus (tableau 1).
Les types et les doses de bisphosphonates pris par les
risédronate ou l’alendronate prenaient
patients sont résumés dans le tableau 2. Un peu plus de la
moitié des patients (55 %) prenaient le risédronate, et moins
leurs doses au moment approprié (...)
de la moitié (40 %) ont été traités par l’alendronate, tandis que
Un nombre encore moins important de
le reste des patients (5 %) prenaient de l’étidronate. La plupart
patients suivant le traitement par
des patients (82 %) suivaient le traitement selon un schéma
l’étidronate prenaient leur médicament au posologique hebdomadaire, tandis que quelques-uns (12 %)
recevaient l’administration mensuelle de risédronate, et très
moment approprié.
peu (1 %) recevaient une dose quotidienne de l’un ou l’autre
de ces médicaments. Le schéma posologique de l’étidronate
consistait à prendre le médicament pendant 14 jours, puis du
calcium pendant 10 jours.
Environ la moitié des patients recevaient leur traitement par bisphosphonates
oraux depuis deux à cinq ans, mais environ un tiers des patients suivaient le traitement depuis plus longtemps; 6 % des patients recevaient le traitement depuis
moins d’un an.
Environ 1 à 6 patients ont signalé des effets indésirables dans le cadre de leur
traitement par bisphosphonates. Parmi ces patients, les effets indésirables ont été
S
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le clinicien mars 2011
Adhésion au traitement de l’ostéoporose
TABLEAU 3
Pourcentage de patients prenant des bisphosphonates au moment approprié
Moment de la journée auquel le
médicament doit être pris
% de patients prenant le médicament
au moment approprié (n = 1947)
Alendronate
(40 % des patients)
Au lever, au moins 30 minutes avant de manger
(défini aux fins de l’analyse comme « > 30 minutes
avant le déjeuner »)
79
Risédronate
(55 % des patients)
Au lever, au moins 30 minutes avant de manger
(défini aux fins de l’analyse comme « > 30 minutes
avant le déjeuner »)
78
Étidronate
(5 % des patients)
Au milieu de la matinée, au milieu de l’après-midi ou
en soirée, au moins 2 heures avant ou après avoir
mangé (défini pour les fins de l’analyse comme
« en soirée » ou « autre »)
19
Médicament
TABLEAU 4
Pourcentage de doses de bisphosphonates manquées
Population à l’étude
% de doses de bisphosphonates
manquées* (moyenne [ÉT])
Schéma posologique
Quotidien (n = 22)
Hebdomadaire (n = 1595)
Mensuel (n = 233)
14 jours en 3 mois (n = 97)
2,1 (3,8)
8,0 (16,8)
5,2 (17,9)
16,3 (24,1)
Dans l’ensemble (n = 1947)
7,6 (17,0)
Pratiques de prise du médicament
Pris au moment approprié (n = 1408)
Non pris au moment approprié (n = 462)
Pris avec un verre d’eau (n = 1636)
Pris avec de la nourriture, un autre liquide, une gorgée d’eau ou seul (n = 311)
Pris avec du calcium (n = 365)
Pris avec un autre médicament (n = 289)
6,2 (15,1)
11,6 (20,7)
6,5 (15,4)
13,5 (23,8)
10,9 (18,9)
11,1 (19,4)
Fracture survenue après l’instauration du traitement par bisphosphonates
Oui (n = 186)
Non (n = 1761)
10,0 (18,5)
7,4 (16,8)
* dans les 3 derniers mois
principalement occasionnels (52 % des patients) ou rares (21 %), bien que certains
patients (27 %) aient manifesté des effets indésirables à chaque dose.
Résultats relatifs à l’adhésion
Seulement 79 % des patients prenant le risédronate ou l’alendronate prenaient
leurs doses au moment approprié – au lever, au moins une demi-heure avant de
manger (tableau 3). Un nombre encore moins important de patients suivant le
traitement par l’étidronate prenaient leur médicament au moment approprié – au
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Adhésion au traitement de l’ostéoporose
milieu de la matinée, au milieu de l’après-midi ou le soir, au moins 2 heures avant
ou après avoir mangé (défini aux fins de l’analyse comme « le soir » ou « autre »).
Les erreurs sur le plan du moment de la prise des bisphosphonates des patients
incluaient : juste avant le déjeuner (13 %), alors qu’ils étaient encore au lit (4 %),
avec le petit déjeuner (2 %), ou quand ils se souvenaient de prendre leur médicament (1 %).
Environ 16 % des patients ne prenaient pas leurs bisphosphonates correctement
avec un verre d’eau, mais plutôt avec une gorgée d’eau, un autre liquide, ou de la
nourriture. Un nombre similaire de patients prenaient de façon inadéquate le
médicament avec du calcium ou avec d’autres médicaments.
Plus de la moitié des patients (57 %) ont déclaré avoir omis de prendre des doses
au cours des 3 derniers mois, en raison d’un oubli (51 %), d’effets secondaires
(9 %), ou d’autres raisons non précisées (40 %). Toutefois, la persistance globale
(l’une des deux composantes de l’adhésion) a semblé être
élevée, les patients ayant manqué une moyenne de 7,6 % des
ême si plus de 90 % des
doses au cours des 3 derniers mois. Le tableau 4 résume le
pourcentage de doses omises par type de patient.
médecins ont déclaré évaluer
Les patients étaient qualifiés de non observants (l’autre
régulièrement l’adhésion des patients
composante de l’adhésion) s’ils avaient omis de prendre 80 %
aux bisphosphonates oraux, près de la ou plus de leurs doses dans les 3 derniers mois, pris leur bismoitié (49 %) des patients ne suivaient phosphonate avec autre chose qu’un verre d’eau, et/ou pris
leur bisphosphonate à un moment inapproprié. Selon ces
pas rigoureusement le traitement,
critères, 49 % des patients ont été jugés non observants.
En revanche, les médecins ont signalé une faible observance
puisqu’ils ont pris le médicament de
chez seulement 12 % des patients, et une faible persistance
façon inappropriée, au mauvais
dans le traitement chez 3 % des patients. Les médecins ont
moment, ou ont omis des doses.
indiqué que, par conséquent, ils auraient à prodiguer des conseils sur l’importance de la prise des médicaments et des suppléments à 36 % des patients.
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Discussion
Ce sondage en ligne auprès de cliniciens canadiens a permis de révéler une différence frappante entre l’observance du traitement par bisphosphonates oraux rapportée par les médecins et celle indiquée par les patients. Même si plus de 90 %
des médecins ont déclaré évaluer régulièrement l’adhésion des patients aux bisphosphonates oraux, près de la moitié (49 %) des patients ne suivaient pas
rigoureusement le traitement, puisqu’ils ont pris le médicament de façon inappropriée, au mauvais moment, ou ont omis des doses.
Un tel manque d’observance est semblable à celui rapporté dans une étude d’observation d’envergure récemment menée aux États-Unis, laquelle a utilisé les
bases de données de réclamation d’assurances afin d’examiner l’observance du
traitement par un bisphosphonate chez environ 35 000 femmes âgées de 45 ans et
plus ayant reçu un diagnostic d’ostéoporose postménopausique. Dans le cadre de
cette étude, seulement 43 % des femmes ont été identifiées comme suivant
rigoureusement leur traitement pendant la période d’étude de deux ans selon la
mesure objective du MPR (medication possession ratio/indice de possession de
médicaments, soit le nombre de comprimés délivrés divisé par le temps)7. De
même, dans une étude française fondée sur les réponses de médecins et de patients
à un questionnaire sur le traitement de l’ostéoporose, seulement les deux tiers des
patients ont précisé qu’ils estimaient suivre rigoureusement leur traitement, alors
48
le clinicien mars 2011
Adhésion au traitement de l’ostéoporose
que les médecins ont évalué que l’observance du traitement était adéquate pour
plus de 95 % de leurs patients8.
Ce programme d’évaluation comporte certaines limites, notamment sa nature
observationnelle, et le fait que le programme reposait sur l’observance
autodéclarée plutôt que sur des mesures objectives comme le dénombrement des
médicaments; de plus, le programme n’a pas été conçu en vue de recueillir des
renseignements détaillés sur les raisons pour lesquelles les patients pourraient
avoir omis des doses. On a demandé aux patients si la principale raison pour manquer des doses était « l’oubli », « les effets secondaires » ou une « autre raison ».
Il est possible que l’« autre » raison pour manquer une dose (citée par 42 % des
patients ayant omis des doses) comprenait le défi de suivre un schéma posologique
rigoureux de bisphosphonates, ou le fait de ne pas comprendre l’importance de
prendre le médicament. Ces raisons expliquant l’observance sous-optimale du
traitement par bisphosphonates ont été relevées dans le cadre
d’une étude canadienne récente qui était fondée sur des groupes
ien que les différences entre les
échantillons de 37 femmes postménopausées suivant des traitements pour l’ostéoporose. Cette étude suggère que la volonté
sexes sur le plan du diagnostic
des fournisseurs de soins de santé à consacrer du temps à expliet du traitement de la maladie n’ont
quer le traitement médicamenteux et à fournir un suivi régulier
pourrait motiver les patients à poursuivre leur traitement9. Une pas été abordées dans ce programme
analyse récente d’autres études a permis d’identifier de nomd’évaluation, il importe que les
breuses raisons à la non-observance du traitement par bisphosmédecins soient conscients du fait
phonates1. Le coût n’a pas semblé jouer un rôle important, et
les raisons les plus fréquemment évoquées pour justifier la nonque les hommes sont parfois laissés
observance dans les études antérieures ont été les effets seconde côté en matière de dépistage de
daires (lesquels ont été cités comme une raison d’avoir manqué
l’ostéoporose.
des doses par 8 % des patients ayant omis des doses dans le
cadre du programme d’évaluation actuel) ainsi que les perceptions des patients à propos de l’efficacité et de l’innocuité1.
Le programme d’évaluation actuel ne fait pas de distinction entre l’observance
chez les patients pour qui le traitement par bisphosphonates était nouveau par rapport à l’observance chez les patients qui prenaient ces médicaments depuis plus
longtemps. Une autre étude a révélé que plus de 50 % des femmes prenant des bisphosphonates de façon quotidienne ou hebdomadaire avaient abandonné leur
traitement après 1 an1. Notons que le programme d’évaluation n’a pas été conçu
pour examiner les taux de reprise du traitement parmi les patients ayant interrompu leur traitement par bisphosphonates puis l’ayant repris par la suite; il a été
estimé que ces taux pouvaient atteindre 30 % dans les 6 mois et 50 % dans les 2 ans1.
Même si l’identification de nouvelles façons d’améliorer l’adhésion au traitement ostéoporotique n’était pas l’un des objectifs du sondage, quatre essais à
répartition aléatoire récents ont relevé diverses stratégies. Le fait de simplement
remettre des dépliants au patient n’a pas semblé améliorer l’adhésion au traitement. Les stratégies mettant en jeu une interaction entre le patient et le médecin
semblaient plus efficaces. Par exemple, la persistance dans le traitement était
supérieure chez les patients avec lesquels on avait discuté de leurs résultats aux
tests de densité minérale osseuse (DMO). Certains patients ont indiqué qu’ils
souhaiteraient recevoir des rappels par courriel sur l’importance de prendre leur
traitement par bisphosphonate1.
Les hommes comptaient pour 14 % de cet échantillon, pourcentage compatible
avec l’estimation selon laquelle 1 homme sur 8 au Canada est atteint d’ostéo-
B
le clinicien mars 2011
49
Adhésion au traitement de l’ostéoporose
porose. Bien que les différences entre les sexes sur le plan du diagnostic et du
traitement de la maladie n’ont pas été abordées dans ce programme d’évaluation,
il importe que les médecins soient conscients du fait que les hommes sont parfois
laissés de côté en matière de dépistage de l’ostéoporose10. Selon l’expérience
clinique des auteurs, et à la lumière des discussions menées au sein de la communauté des médecins de famille au Canada, il appert que seulement le tiers des
hommes nécessitant un test de DMO s’en font offrir un, et que la question des
fractures de fragilisation n’est abordée qu’auprès de 14 % des hommes. De plus,
bien que la détection d’une perte de taille constitue un moyen efficace et peu coûteux de déceler les fractures vertébrales, il semblerait que l’on procède à une
mesure annuelle de la taille chez moins des deux tiers des aînés canadiens11.
En résumé, ce programme a permis de constater qu’il y a un écart entre la perception des médecins et la perception des patients en ce qui concerne l’observance
des patients recevant un traitement par bisphosphonates oraux dans la pratique
clinique canadienne. Une telle constatation souligne le besoin constant pour les
médecins d’évaluer et d’améliorer l’observance du traitement par bisphosphonates
oraux, et par le fait même l’adhésion des patients, afin de réduire le risque fracturaire. C
Énoncé de divulgation
Le programme d’évaluation de l’ostéoporose a été commandité par Novartis Pharma Canada inc.
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50
le clinicien mars 2011
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