Jacques Gagey – Historique UFR, 1996

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BULLETIN DE PSYCHOLOGIE
Tome XLIX - N° 423
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La création de l'U.E.R.
sciences humaines cliniques
J. GAGEY
l ians les années 50, avant la réforme Fouchet,
le cursus de psychologie comportait quatre certificats à passer en deux ans après l'année dite
propédeutique conçue, elle, comme une année
de culture générale, Trois de ces certificats, les
CI~S cie Psychopathologie, de Psychologie de
l'enfant et de Psychologie sociale avaient été
créés en 1947 en même temps que la licence, le
CES de Psychologie générale était lui d'un plus
haut lignage, Les psychologues l'empruntaient à
Iii vénérable licence de philosophie, La tradition
était clone que la responsabilité de la psychologie générale soit confiée à qui avait circulé entre
p hilosop hie et psychologie,
Juliette FavezBoutonier était du lot. Ayant amorcé et conduit
à hien. après son agrégation de philosophie, des
études de médecine, une formation psychanalytique. un Doctorat ès lettres sur un thème,
l'illlgoisse, situé au bar yce n t re de ces trois disciplines. elle avait très normalement été appelée
de Strasbourg à la Sorbonne pour assurer la direct iou du C.LS. de psychologie générale.
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Sur place cependant les choses ne se présentaient pas d'une façon propre à la satisfaire entièrcme nt Paul Fraisse, responsable de la section
cie psyc hologie de la Sorbonne, très en cour
auprè» des instances ministérielles, avait obtenu
t'Il eHe-t que le pr ogr ainrne de ce CES soit remodelé et comporte outre les réflexions traditionnellcs relevant de son versant philosophique, une
initiatiun assez poussée à J'approche expérimentale et aux statistiques. C'était mettre les enseignements relevant directement de Juliette FavezHouto nier à la portion congrue. En fin d'année
Il" mélange cie notes attribuées selon des systèmes de notation hétérogènes assuraient en effet
aux correcteurs des copies de statistique et de
psychologie expérimentale, peu avares de très
mauvaises et d'excellentes appréciations, une in-
fluence déterminante. La sélection des futurs
psychologues s'en trouvait quelque peu gaurhi«.
Juliette Favez-Boutonier ne se privait pas d'afficher le ressentiment qu'elle en éprouvait.
N'étant pas armée pour faire face sur ce plan.
elle avait choisi de contre-attaquer en affirmant
son autorité au niveau de la direction des thèses.
Tout professeur à J'époque était, comme tel. qualifié pour prendre en charge les impétrants de son
choix et les amener à soutenir un doctoral. 1)0['torats d'Etats dits Doctorats ès Lettres au premie-r
chef, mais aussi, depuis peu, Doctorats dit de troisième cycle ou de spécialité, qui comporteraient
donc de droit, dans le cas de J'espèce, la mention
psychologie. Cette innovation avait muit iplié les
candidatures. Juliette Favez-Bo utonier prit le
parti de n'en rejeter aucune, voire d'en solliciter
plusieurs. Elle ne se donnait nullement, ce faisant.
comme étant capable de les encadrer fortement.
L'approche holistique de J'homme en situation,
qu'elle avait vue sous le nom d'approche clinique.
selon une tradition ancienne résolument reprise
par Daniel Lagache et elle même, ne se prévitlait pas d'une méthodologie assurée. Mais .Juliette
Favez-Boutonier ne doutait pas que la réitération
de tentatives, même quelque peu désordonnées.
dans le sens d'une telle approche finisse par produire des fruits. Elle comptait aussi sur la disponibilité d'Anne-Marie Rocheblavc, secondée par
Robert Mallet. Dans la salle aussi modeste que
prestigieuse du premier étage cie l'escalier A,
pompeusement baptisée Laboratoire de Psychologie Clinique, ils s'activaient sans relâche ave-c
elle pour accueillir les doctorants. discuter de
leurs projets, ranimer leur flamme. orienter leurs
lectures, leur prêter tel ou tels des livres qui ('[1111mençaient à remplir les rayons de la IJilJliolllèque. Plus essentiellement, avec le sens politique
aigu qui était le sien, elle jugeait, sur le précédent
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BULLETIN
DE PSYCHOLOGIE
dt, lil guerrt . de Corée, qu'il pouvait être décisif
de cout r eba lancer par une foule, même un peu
bariolée, de docteurs en psychologie d'orienta-
tioll clinique, la prétention d'expértmentaltstes
trop infatués à son goût de leurs savants appareillages.
l.a réforme Foucher, dont la mise en œuvre
était prévue pour la rentrée 67, devait lui offrir
la possibilité d'ouvrir un autre front. Au cursus
ell t rois ans, tel que décrit ci-dessus, cette réforme
allait substituer Ull cursus en quatre années: un
Ueug de deux aus, différent de la propédeutique
car déjà spécialisé, suivi par une licence en deux
certificats obligatoires et une maîtrise elle-même
en deux certificats dont l'un optionnel. D'évidence dans celte affaire l'orientation que représentait Juliette Favez-Boutonier était appelée à
se diluer dans les enseignements du Deug, sauf
à ce que lui soit trouvé un domaine bien à elle
sous les espèces d'un certificat optionnel de maîtrise, Juliette Favez-Boutonier s'employa donc à
obtenir du Ministère la création d'un certificat C4
(lit de Psychologie clinique, La section de psychologie de la Sorbonne ne lui mît pas les bâtons dans
les roues dans la pensée sans doute que la clinique, dont les vertus lui paraissaient plus que douteuses, s'étiolerait dans ce ghetto, La médecine,
par contre, s'insurgera à l'idée que le monopole
du vocable clinique puisse lui échapper. Il fallut
à Juliette favez-Boutonier beaucoup d'habileté,
de persévérance et d'entregent (elle n'en manquait pas) pour obtenir gain de cause,
Il lui fallut également beaucoup de lucidité pour
mettre à profit, comme elle fit, l'ouverture en septembre 67 d'une annexe de la Sorbonne à Censier, La grande majorité de ses collègues refusait
obstinément de s'y « exiler ». Elle comprit qu'elle
pouvait y trouver un point d'ancrage pour la clinique et négocia habilement l'échange de la pièce
qui lui avait été allouée à la Sorbonne, contre bon
nombre de mètres carrés, au troisième étage de
la nouvelle construction,
C'est là qu'à la rentrée 67 furent accueillis les
étudiants inscrits au tout nouveau C4 de psychologie clinique. Juliette Favez-Boutonier en attendait vingt. Il s'en présenta six fois plus, Heureuse
surprise '/ Oui et non, Juliette Favez-Boutonier se
serait accommodée de roder sur un petit groupe
le programme pédagogique qu'elle avait conçu,
Elle n'en fit pas moins face avec les appuis dont
elle disposait de la part de Claude Prévost, de
Pierre Fédida, qui venait d'arriver de Lyon, et de
moi-même, Placée sous le signe d'une grande
liberté, déprise de la phobie des examens, l'année
fut agréable pour les enseignants,
Et tout autant, à ce qu'il semble, pour les étu(liants, Quand se produisirent au mois de mai les
événements que l'on sait, ceux-ci entreprirent en
effet de réfléchir la possibilité de généraliser à
l'ensemble du cursus de psychologie le st y!ed'enseignement qu'ils venaient de connaître, Ils
s'y appliquèrent davantage qu'à discuter des problèmes généraux de l'Université et de la société
française, Un mois durant salle 318, la discussion
fut permanente, Outre les étudiants et leurs enseignants, vinrent y prendre part de uo mb reux
psychologues en activité dans le secteur de la
santé mentale, Devenus ou non psychothérapeutes, et/ou psychanalystes, tous témoignaient de
l'inadéquation de leur formation première aux
responsabilité qu'ils avaient conquises, qui le ur
étaient échues ou qu'ils se sentaient vocation
d'obtenir. L'objectif était clair et consensuel. jeter
les bases d'un cursus qualifiant des psyc hologues
ayant à se spécifier comme des intervenants à
part entière dans le champ de la souffrance
psychique face à et en rapport avec la psychiatrie d'une part, la psychanalyse de l'autre,
Juliette Favez-Boutonier ne participait pas
directement aux échanges, mais elle venait régulièrement à son bureau de Censier, se faisait rendre compte des propos tenus, ne négligeait pas
de donner son avis, non pour contrer ce qui tentait de s'élaborer de façon un peu relationnelle
mais pour en favoriser la décantation.
A la retombée du mouvement fin juin, loin s'en
fallait que le bouillonnement d'idées ait accouché
d'un programme
réaliste,
Juliette Fa ve zBoutonier se garda bien d'en tirer occasion,
comme tant de ses collègues, pou r se repositionner dans un rôle magistral. Elle attendait la suite,
Celle-ci ne tarda guère, Avec la loi Edgard Faure
d'octobre 68, s'offrit à l'Université la possibilité
de mettre en acte le positif, pour autant qu'il existait, de ce dont il avait été débattu en mai,
S'agissant de la psychologie, ce positif existait
à tout le moins dans la revendication commune
que la formation donnée à l'Université soit ajustée aux responsabilités qui de fait s'avéraient
devenir celles des psychologues dans le monde
de la santé mentale et, faute que le temps imparti
et le cadre universitaire permettent d'atteindre
assez cet objectif, que les étudiants y soient bien
mis en posture de consolider et d'enrichir ultérieurement et ailleurs une première formation
dans ce sens,
Le programme détaillé d'un cursus répondant
à cet objectif était alors très loin d'être à l'esprit
de quiconque, Juliette Favez-Boutonier n'en
décida pas moins de demander la création d'une
U,E,R. de Psychologie clinique ayant pour vocation affichée d'encadrer des étudiants de maîtrise.
mais devant dans son esprit se rendre peu à peu
capable d'inventer un cursus tout entier placé à
l'enseigne de la clinique, La modestie du projet
affiché ne trompa qu'un instant le directeur cie
la section de psychologie de la Sorbonne, ll comprit vite qu'y était en cause un affaiblissement
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