Diagnostic et traitement de l`ostéoporose $$ Définition

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Forum Med Suisse No 15 10 avril 2002
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Diagnostic et traitement
de l’ostéoporose
1er partie: Définition – Importance – Diagnostic
J. Jeger
Définition de l’ostéoporose
Importance de l’ostéoporose
L’ostéoporose est une maladie de tout le squelette caractérisée par une faible masse osseuse
et par une perturbation de la micro-architecture du tissu osseux menant à un risque augmenté de fractures. Cette définition a été adoptée en 1993 par la «Consensus Development
Conference» [1]. L’OMS a défini en 1994
l’ostéoporose en se basant sur la mesure quantitative de la densité osseuse de la façon suivante:
Une étude récapitulative des hospitalisations en
Suisse durant 1992 a montré que l’ostéoporose
est la cause de 550 000 journées d’hospitalisations annuellement, un nombre plus élevé que
celui dû aux maladies respiratoires chroniques
obstructives, aux accidents vasculaires cérébraux, aux cancers du sein et aux infarctus du
myocarde. Les coûts annuels directs ont été estimés à 1,3 milliard de Francs [2]. Aux USA surviennent chaque année environ 500 000 fractures ostéoporotiques de la colonne vertébrale,
300 000 fractures du col du fémur, 200 000 fractures du radius dont les coûts ont été estimés à
13,8 milliards de dollars [3]. On a enregistré environ 1,7 million de fractures du col du fémur
dans le monde en 1990 et l’on estime le nombre
de fractures du col du fémur qui surviendront
en 2050 à plus de 6 millions en raison de l’augmentation de l’espérance de vie et de l’évolution démographique [4].
L’ostéoporose n’est pas seulement une grande
charge pour le système de la santé, elle est pour
les patients concernés la cause de grande souffrance, d’immobilité, d’handicap, de perte de
qualité de vie et de décès précoce. Environ 20%
des patients ayant eu une fracture du col du
fémur décèdent dans l’année suivant leur fracture, environ 50% sont handicapés et tributaires d’une aide externe, et seulement environ
30% des patients se rétablissent grâce à la chirurgie moderne sans séquelles notables. Les
fractures vertébrales sont aussi à l’origine
d’une diminution considérable de la qualité de
vie et le risque de fractures ultérieures augmente avec chaque fracture subie [5].
T-Score > –1: Densité osseuse normale
T-Score entre –1 et –2,5: Ostéopénie
T-Score < –2,5: Ostéoporose
Ostéoporose sans fracture
Ostéoporose sévère (avec fractures)
Correspondance:
Dr J. Jeger
Rheumaerkrankungen FMH
Obergrundstrasse 88
CH-6005 Luzern
[email protected]
On parle d’ostéoporose si la densité osseuse
est inférieure à 2,5 déviations standard de la
densité osseuse moyenne de jeunes femmes en
bonne santé. Le nombre de déviations standard
est exprimé en valeur de T-score: un T-score de
–2,8 p.ex. signifie que la densité osseuse de la
patiente mesurée est de 2,8 déviation standard
inférieure à la valeur moyenne des jeunes
femmes en bonne santé. Cette définition est indépendante de l’âge.
La valeur seuil de –2,5 déviation standard a été
choisie par l’OMS car elle corrèle assez bien
avec la fréquence de fractures ostéoporotiques:
Le risque, pour une femme de 50 ans, de se
fracturer un os durant le restant de sa vie est
d’environ 30% et environ le même nombre de
femmes de plus de 50 ans ont une densité osseuse avec un T-score inférieur à –2,5. Le même
seuil est employé pour l’instant chez les
hommes, le T-score se basant par analogie sur
la valeur de densité moyenne des jeunes
hommes en bonne santé. Il n’est cependant pas
encore établi si le risque de fracture chez les
hommes dépend dans la même mesure du
T-score que chez les femmes.
Ostéoporose: pas seulement
une pathologie de la femme
Environ une femme sur 3 et un homme sur 7
souffriront durant leur existence d’une fracture
ostéoporotique. L’ostéoporose postménopausique est la forme d’ostéoporose la plus fréquente chez la femme, et jusqu’à 50% des fractures sont secondaires chez les hommes
d’après la littérature dont il est important
d’identifier et de traiter la pathologie primaire.
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Formes d’ostéoporose
Nous distinguons les formes d’ostéoporose suivantes:
– Ostéoporose postménopausique
– Ostéoporose sénile
– Ostéoporose juvénile
– Ostéoporose secondaire
L’ostéoporose postménopausique est due avant
tout à une insuffisance hormonale: Baisse de
l’activité œstrogénique →
augmentation de
diverses cytokines (avant tout Interleukine-6)
→ stimulation des ostéoclastes → catabolisme
osseux accéléré → turnover accéléré. Les facteurs suivants sont prédominants lors d’ostéoporose sénile: résistance relative à la vitamine
D, déficit en vitamine D, résorption intestinale
du calcium diminuée, malnutrition, mobilité réduite. Environ 20 à 30% des ostéoporoses sont
secondaires chez les femmes, ce taux est encore
bien supérieur chez les hommes (jusqu’à 50%).
Les étiologies primaires les plus fréquentes
entraînant une ostéoporose secondaire sont:
Hypogonadisme (surtout chez les hommes),
traitement stéroïdien au long cours, les néoplasies, l’alcoolisme prononcé, les maladies
rhumatismales inflammatoires, les maladies
gastro-intestinales inflammatoires chroniques
et les hyperthyroïdies.
Détecter les patient(e)s à risque
De nombreux facteurs de risques, plus ou
moins étroitement liés avec une fréquence de
fractures ostéoporotiques, ont été identifiés ces
Figure 1.
Ostéoporose chez un homme:
cyphose thoracique augmentée, plis de la peau en forme
de sapin.
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dernières années [6]. La National Osteoporosis
Foundation estime particulièrement important
les 5 facteurs de risque suivants:
– Faible densité osseuse
– Fractures survenues après 40 ans
– Fractures du col du fémur, de la colonne ou
du radius chez les parents du premier degré
– Poids corporel dans le quart inférieur (poids
absolu <52 kg ou BMI <19 kg/m2)
– Tabagisme actuel
Un des meilleurs paramètres qui prédit pour
la survenue ultérieure de fractures est la faible
densité osseuse, qui ne peut être constatée
qu’avec une ostéo-densitométrie. Les autres
facteurs de risques peuvent être recherchés ou
mesurés facilement par l’anamnèse et l’examen clinique.
D’autres facteurs de risques mentionnés fréquemment sont: Une ménopause avant 45 ans,
des longues périodes d’aménorrhée, un traitement stéroïdien prolongé (plus de 7,5 mg
d’équivalent de prednisone sur plus de trois
mois), des maladies rhumatismales inflammatoires chroniques, des maladies intestinales
inflammatoires chroniques (colite ulcéreuse,
maladie de Crohn), les syndromes de malabsorption, un traitement anti-épileptique prolongé, une forte consommation d’alcool.
Ce n’est pas tant un facteur de risque isolé, mais
l’association de plusieurs facteurs de risques
chez la même patiente [7] qui constitue un
risque élevé, comme p.ex. l’accumulation d’une
anamnèse familiale positive (mère avec fracture du col du fémur), une silhouette frêle et un
fort tabagisme. Il faut donc surtout détecter les
femmes avec plusieurs facteurs de risque et mesurer leur densité osseuse.
L’examen clinique
L’ostéoporose demeure longtemps asymptomatique avant qu’elle n’entraîne des fractures ou
un effondrement de la posture. L’examen clinique (tabl. 1) ne permet malheureusement pas
Tableau 1. L’examen clinique.
Mesurer la taille et le poids
Cyphose thoracique augmentée, posture altérée
(«bosse des veuves»)
Formation de plis de peau en forme de sapins
sur la colonne vertébrale
L’arc des côtes affleure la crête iliaque
(«kissing ribs»)
Examiner le rachis avec le marteau à réflexes
(fractures récentes)
Evaluer le risque de chutes: acuité visuelle,
trouble de la marche, orthostatisme
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de diagnostiquer les stades précoces mais seulement les complications d’une ostéoporose. Il
est important lors d’un examen clinique de mesurer la taille et le poids, et pas seulement de le
demander. C’est une banalité, qui malheureusement ne va pas toujours de soi dans le rythme
hectique quotidien. De nombreux patients
s’étonnent d’apprendre leur valeur de poids et
de taille actuels. Ils ont souvent en tête la valeur
inscrite dans leur passeport et n’ont pas remarqué l’insidieuse perte de taille. Une perte de
taille supérieure à 4 cm est suspecte de fracture
vertébrale déjà intervenue, pouvant sans autre
s’être déroulée sans douleurs massives. Seulement 1⁄3 des fractures vertébrales provoquent
des douleurs aiguës [5]. L’examen clinique met
en évidence la forme de la colonne vertébrale
(fig. 1: cyphose thoracique augmentée, «la
bosse des veuves», avec plissement de la peau
en sapin sur la colonne thoracique), le tronc est
trop court par rapport aux jambes, les côtes frôlent la crête iliaque («kissing ribs», souvent à
l’origine de douleurs gênantes du bas ventre),
la musculature cervicale et dorsale est tendue
et douloureuse à la palpation, la mauvaise statique avec déplacement du centre de gravité
provoque une démarche incertaine et des
chutes fréquentes. Lors de l’examen soigné,
chaque vertèbre est examinée individuellement
(douleur à la pression ou à l’ébranlement) et le
tapotement avec le marteau à réflexe permet de
tester si certaines vertèbres sont particulièrement sensibles (indice de fracture récente).
L’examen soigné doit aussi relever les indices
de pathologies associées à un risque de chute
accru: baisse de l’acuité visuelle, trouble de la
marche, réaction orthostatique, trouble de
rythme. Mentionnons dans ce contexte le danger de la prescription combinée d’antihypertenseurs et de médicaments psychotropes chez
les patients âgés: fréquence de chutes accrues
lorsque les patients vont la nuit aux toilettes
sous l’influence de médicaments sédatifs. Les
Tableau 2. Examens de laboratoires.
Bilan de base
Bilan extensif lors d’indications
particulières
Vitesse de sédimentation
TSH
Formule sanguine avec répartition
Parathormone
Calcium
Vitamine-D-25-OH
Phosphatase alcaline
Electrophorèse des protéines
Créatinine
Excrétion de calcium dans les urines
de 24 heures
Protéines totales
Ponction de moelle osseuse
Tests hépatiques
Biopsie osseuse
Désoxypyridinoline urinaire
Chez les hommes: Testostérone / FSH / LH
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médecins de famille doivent saisir l’occasion
lors de visite à domicile de rendre attentifs sur
les dangers potentiels de chutes de certains
détails d’habitation: tapis glissants, câbles placés en embuscade, chambres insuffisamment
éclairées, sols mouillés dans la cuisine et la salle
de bains.
La place des examens
de laboratoire
Les examens de laboratoire ne sont de première utilité pour le diagnostic d’ostéoporose,
mais sont utiles pour exclure d’autres pathologies (diagnostic différentiel). L’ostéoporose
primaire ne se traduit pas par des altérations
de valeurs de laboratoire, hormis des valeurs
élevées de métabolisme osseux accéléré et de
phosphatase alcaline lors de fractures récentes.
Les examens de laboratoire donnent des indices sur l’origine d’ostéoporoses secondaires,
sur des maladies métaboliques ou des néoplasies. La mesure de paramètres de métabolisme
osseux donne des informations supplémentaires sur le risque de fracture. La valeur prédictive sur le risque de fracture ultérieure est
cependant mal établie et demeure controversée.
La mesure de la desoxypyridinoline dans
l’urine du matin est la plus couramment utilisée aujourd’hui. (On utilise la deuxième urine
du matin, sans diète préalable, L’urine étant envoyée au laboratoire dans un flacon protégeant
de la lumière.) Les pyridinolines sont des
molécules de liaisons («Cross links»), liant les
fibrilles de collagène. Elles sont en partie excrétées dans l’urine lors de catabolisme osseux.
Les télopeptides NTX et CTX sont d’autres
paramètres de catabolisme osseux. Les paramètres anaboliques osseux (particulièrement
l’ostéocalcine) sont régulièrement utilisés lors
d’études cliniques, mais ne sont pas d’utilité
essentielle pour la pratique clinique.
La mesure de paramètres de catabolisme osseux
peut avoir sa place pour surveiller un traitement antirésorption (monitoring) et aide pour
motiver et conseiller des patients, lorsqu’on
peut leur montrer après seulement quelques
mois de traitement qu’il a déjà pu freiner efficacement le catabolisme osseux [8]. La mesure
de la desoxypyridinoline est utile avant le début
et après 2–3 mois de traitement.
La place de l’imagerie médicale
Les radiographies conventionnelles ne permettent pas de détecter les stades précoces.
Lorsque nous soupçonnons une déminéralisation à l’examen d’une radiographie, la perte de
la substance osseuse est estimée à déjà plus de
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Figure 2.
Déformation cunéiforme d’une
vertèbre (fracture vertébrale).
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La place de la mesure
de la densité osseuse
30%. Les radiographies conventionnelles ne
permettent que de mettre en évidence les complications d’une ostéoporose: des fractures et
des déformations de vertèbres, des fractures
périphériques. Lorsqu’on envisage une ostéoporose à l’origine de douleurs vertébrales, il est
utile de faire des clichés antéropostérieurs et latéraux de la colonne lombaire et dorsale. L’on
examine la statique, la structure osseuse et les
déformations éventuelles des vertèbres il faut
être attentif à: des impressions des plateaux
vertébraux, des vertèbres thoraciques cunéiformes (fig. 2), des vertèbres lombaires en
forme vertèbres de poissons, des fractures
fraîches ou anciennes avec des spondyloses réactives, des érosions des racines des lames vertébrales comme indices de métastases. Les radiographies conventionnelles sont avant tout
indiquées pour éclaircir le cas de patients
symptomatiques et des patients avec une forte
présomption clinique (diminution de taille,
déformation du rachis). Les radiographies
conventionnelles ne sont généralement pas indiquées pour évaluer le risque de patientes
asymptomatiques en périménopause.
Une radiographie du bassin à la recherche de
lignes de Looser, fréquemment observées aux
niveaux des branches pubiennes et du col du
fémur, peut être indiquée lors de soupçon d’ostéomalacie.
Des examens plus poussés de l’imagerie médicale sont indiqués dans certains cas particuliers, comme une scintigraphie à trois phases
du squelette par exemple lors de recherches de
néoplasies ou de maladies rhumatismales inflammatoires.
Une densité osseuse diminuée est l’un des
meilleurs paramètres pronostiques pour la survenue de fractures ultérieures. Une diminution
de la densité osseuse d’environ une déviation
standard correspond à une perte de 10% environ. Le risque de fracture augmente de 2 à 2,5
fois par diminution d’une unité de déviation
standard de densité osseuse. Il faut se rendre
compte que le seuil de –2,5 déviation standard
est arbitraire et a été choisi par l’OMS en se basant sur des considérations épidémiologiques.
Une fracture peut sans autre survenir pour des
patients individuels avec des valeurs densitométriques ostéopéniques et d’autres patients
individuels avec des valeurs de densitométrie
du domaine d’ostéoporose sévère peuvent
rester sans fractures. La densitométrie osseuse
ne livre pas une valeur absolue et certaine de
risque de fracture, mais représente simplement
une aide pour les décisions thérapeutiques.
La détection précoce d’une ostéoporose est
seulement possible grâce à une mesure de la
densité osseuse (densitométrie osseuse). Une
densitométrie est indiquée en présence de facteurs de risques et non comme instrument de
dépistage généralisé. Ce sont surtout chez les
femmes (et les hommes) avec plusieurs facteurs
de risque qu’une densitométrie osseuse est
fructueuse, à condition que les patients concernés soient d’accord de tirer les conséquences
qui peuvent s’imposer (modification d’un comportement à risque, élimination des facteurs
de risque, acceptation d’un traitement) si une
ostéoporose est détectée. Un entretien avec les
patient(e)s avant d’ordonner une densitométrie
doit estimer quelles seraient leurs motivations
le cas échéant. Une densitométrie n’a aucun
sens si elle n’est pas suivie de conséquences! La
mesure de la densité osseuse est tout particulièrement indiquée au début d’un traitement
stéroïdien au long cours. De nombreuses
femmes avec des maladies rhumatismales inflammatoires (arthrite rhumatoïde, polymyalgia rheumatica) sont déjà exposées à une ostéoporose en raison de leur âge et d’autres facteurs
de risque et subissent des fractures ostéoporotiques vertébrales après seulement quelques
mois de traitement stéroïdien. Une mesure de
la densité osseuse devrait être ordonnée de routine au tout début d’un traitement stéroïdien au
long cours (prestation obligatoire des caisses
d’assurance-maladie) et un vigoureux traitement prophylactique contre l’ostéoporose, et
thérapeutique si nécessaire, devrait être associé à tout traitement stéroïdien au long cours
(plus de trois mois). On oublie souvent que les
stéroïdes inhalés peuvent aussi favoriser une
ostéoporose, même si ce n’est dans un moindre
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mesure qu’avec les traitements stéroïdiens
oraux au long cours.
La mesure de la densité osseuse est aussi utile
pour motiver la prise de substitution hormonale
après la ménopause, surtout chez les femmes
asymptomatiques qui n’accepteraient sinon
pas cette substitution. Quand la mesure de la
densité osseuse est parfaitement normale, il
n’existe pas de raison péremptoire à débuter
une substitution hormonale. Elle le devient par
contre quand les valeurs mesurées avoisinent
le seuil d’ostéoporoses ou sont franchement pathologiques.
Quelles sont les méthodes
utilisées aujourd’hui?
La DEXA (Dual X-ray Absorptiometrie) est l’étalon or universellement accepté de la mesure de
la densité osseuse. Cette méthode a été utilisée
dans la plupart des études cliniques et c’est avec
la méthode DEXA que les valeurs normales ont
été établies de façon la plus extensive. La définition OMS de l’ostéoporose qui se base sur le
T-score, s’appuie également sur des valeurs obtenues par la méthode DEXA. La méthode DEXA
utilise deux rayons X de fréquences différentes.
On peut calculer la densité du tissu irradié en
mesurant l’absorption des deux rayons et en
la comparant avec l’absorption d’un medium
standardisé. La mesure aux endroits où les fractures sont les plus fréquentes donne les résultats les plus utiles et les plus prédictifs: au niveau de la colonne vertébrale et du col du fémur.
La mesure DEXA n’expose le patient qu’à une
faible dose de rayons (DEXA 2–4 millirem, une
radio du thorax environ 120 millirem), ne dure
que quelques minutes, est indolore et coûte
selon les différents instituts de radiologie environ 150.– sFr. L’inconvénient principal des instruments pour DEXA est leur coût élevé et qu’ils
ne sont guère transportables.
Les ultrasons gagnent de l’importance, mesurant selon les appareils deux paramètres différents: le «Speed of Sound» (SOS) (vitesse du son)
et/ou le «Broadband Ultrasound Attenuation»
(BUA) (atténuation du son). Il existe déjà différents appareils sur le marché, pouvant mesurer la densité osseuse au niveau du calcanéum,
du tibia ou des phalanges des doigts. Les appareils les plus précis et donnant les meilleures
valeurs pronostiques sont ceux mesurant la
densité au niveau du calcanéum. Les autres
types d’appareils sont relativement mal évalués. Plusieurs études ont montrés que les données de bases SOS et BUA mesurées par appareils ultrason au niveau du calcanéum corrèlent
bien avec la survenue ultérieure de fracture du
col du fémur [9]. Ces études ont en majorité été
effectuées sur des femmes âgées et nous ne disposons encore que de peu d’éléments pour af-
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firmer la valeur prédictive des ultrasons chez
les femmes plus jeunes. Il n’existe encore très
peu de données pour savoir si les ultrasons
pourraient être employés pour le suivi du traitement. Les avantages particuliers des ultrasons sont l’absence d’irradiation, leurs petites
dimensions, leur facilité de transport, et leur
faible prix par rapport aux appareils DEXA. Les
ultrasons donnent probablement aussi des informations sur la texture des os, qui ne sont pas
obtenues par la mesure de la densité osseuse
DEXA. Un inconvénient majeur est l’impossibilité d’effectuer des mesures au niveau de la colonne et du col du fémur. Les ultrasons et la
DEXA ne mesurent pas exactement la même
chose et la comparaison de leurs résultats est
très limitée. Les ultrasons ne peuvent être recommandés pour l’instant comme seul élément
d’aide de décision pour le traitement et son
suivi.
La tomographie quantitative computérisée est
aussi parfois utilisée. La QCT au niveau du
rachis est dépassée, d’une part en raison de la
forte dose d’irradiation et aussi en raison de la
pauvreté relative des données pour établir les
normes de références. La tomographie quantitative computérisée périphérique PQCT (mesure à l’avant-bras) reste une modalité diagnostique utile pour certaines questions, en
particulier quand l’on désire des informations
sur la morphologie osseuse pour le diagnostic
différentiel. La précision de mesure dépend cependant fortement du type d’appareil et cette
modalité n’a pu s’établir sur le plan international.
Important: Les mesures de suivi doivent non
seulement être effectuées avec la même méthode de mesure, mais aussi avec le même type
d’appareil.
Quelles sont les critères de
prises en charge des frais de la
densitométrie osseuse par les
caisses maladies en Suisse?
D’après l’annexe du 1.1.1999 de l’OPAS (ordonnance sur les prestations de l’assurance des
soins), les indications suivantes sont pour l’instant nécessaires pour la prise en charges de la
densitométrie par les caisses d’assurances maladie:
– Lors d’ostéoporose manifeste ou lors de
fracture par un traumatisme inadéquat.
– Lors d’un traitement stéroïdien au long
cours ou lors d’hypogonadisme.
– Lors de maladies gastro-intestinales (malabsorption, maladie de Crohn, colite
ulcéreuse).
– Lors d’hyperparathyroïdie primaire (en
l’absence d’indication opératoire claire).
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– Lors d’osteogenesis imperfecta.
– Tous les deux ans lors de traitement d’ostéoporose.
Cette ordonnance ne définit pas explicitement
ce que l’on entend par traitement stéroïdien au
long cours et par hypogonadisme. La densitométrie n’est pas prise en charge lors des indications suivantes:
– Dépistage d’ostéoporose en présence de facteurs de risque.
– Suspicion d’ostéoporose sur une radiographie.
– Désir de la patiente («j’aimerais connaître
mon risque …»).
Quintessence
Environ une femme sur 3 et un homme sur 7 subiront une fracture
ostéoporotique au cours de leur existence.
Chaque fracture ostéoporotique augmente massivement le risque de
fractures ultérieures.
Les facteurs de risques les plus importants sont: une faible densité osseuse,
les antécédents de fractures, des fractures ostéoporotiques dans la parenté
du premier degré, un faible poids corporel (<52 kg/BMI <19 kg/m2),
le tabagisme.
Les patients avec des facteurs de risques bénéficient d’une mesure
de densité osseuse.
Les radiographies conventionnelles et les examens de laboratoire sont
surtout utiles pour le diagnostic différentiel.
Songer à l’éventualité d’une ostéoporose lors de chaque fracture.
353
Les caisses maladies ne sont tenues de prendre
en charge les frais de densitométries dans ces
dernières indications que lorsque les mesures
ont montré des valeurs d’ordre pathologique.
Mais la pratique quotidienne montre que de
nombreuses femmes sont aujourd’hui prêtes à
payer elles-mêmes les frais densitométrie pour
obtenir les résultats qui les concernent.
A quelle fréquence répéter
une densitométrie?
L’anabolisme et le catabolisme osseux s’effectuent avec une certaine inertie et les systèmes
de mesures ont une reproductibilité de l’ordre
de 0,5 à 2%. Il faut, pour des raisons statistiques, que la modification osseuse soit au
moins 2,77 plus élevée que la reproductibilité
de la méthode de mesure afin de pouvoir obtenir des résultats avec un risque d’erreur inférieur à 5%. Avec une reproductibilité de l’ordre
de 1–2% (méthode DEXA) une modification de
densité osseuse de 2,8 à 5,6% est nécessaire.
C’est pourquoi un délai d’au moins 1,5 à 2 ans
est nécessaire entre les mesures de contrôles
(en Suisse une mesure de contrôle est prise en
charge par les caisses d’assurance-maladie
tous les 2 ans). Le risque de fractures peut être
ainsi réévalué après les mesures sous traitement. Elles permettent de déterminer si la
poursuite du traitement est nécessaire ou si une
pause peut être faite.
Remerciements
L’auteur tient à remercier chaleureusement le
Dr Andreas Steiner, Küssnacht, pour sa lecture
critique du manuscrit et pour ses suggestions.
Références
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