France et la Garde de Paris

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La compagnie de maréchaussée de l’Ile –de – France et la Garde de Paris : deux
unités de police ; un même métier ?
P. BROUILLET
Résumé
En 1788, la nomination de Rulhière, officier de la compagnie de maréchaussée d’Ile –
de – France, à la tête de la Garde de Paris pouvait sembler annoncer une fusion de ces deux
unités. La possible volonté de fondre en un seul corps les deux unités en charge de la police
de la capitale et de sa banlieue se serait toutefois heurtée à l’existence de deux cultures
policières différentes. Malgré des évolutions similaires, de nombreuses ressemblances et le
partage de missions identiques, la Garde de paris et la prévôté de l’Ile ne partageaient pas la
même vision du métier de policier.
Les deux unités furent réorganisées en 1667 lors de la réforme totale de la police
parisienne. La Garde de Paris, à l’origine simple corps de cavalerie, prit de plus en plus
d’importance et finit par absorber le Guet en charge et la Garde des ports et remparts.
Comportant infanterie et cavalerie, la Garde était recrutée en commission. Elle fut organisée
en divisions, fut militarisée mais non casernée. La prévôté de l’Ile fut répartie en brigades en
banlieue. Recruté d’abord en offices, la militarisation progressive fit triompher le recrutement
en commission. A partir de 1777, des unités à pied complétèrent les brigades existantes. Les
deux unités suivirent donc sensiblement la même évolution : rationalisation des structures,
professionnalisation et militarisation.
Les relations étaient étroites entre les deux unités, qui eurent une administration
commune et devaient s’entendre pour harmoniser leur service. Parfois, elles agissaient de
conserve ou étaient autorisées à intervenir dans le secteur de l’autre unité. Cette répartition
était imposée par le Secrétaire d’Etat de la Maison du Roi, dont les deux unités dépendaient
directement. En outre, la Garde de Paris et la prévôté de l’Ile présentaient deux particularités.
Alors que toutes les forces de police dépendaient d’un magistrat ou d’une juridiction, ce
n’était pas le cas de la Garde de Paris ; dans la compagnie d’Ile – de – France, si le prévôt
conservait son rôle de magistrat, le commandement du service était confié à un lieutenant
inspecteur des brigades. En second lieu, les deux institutions avaient mis sur pied des unités
qui servaient d’école aux candidats à un poste définitif – uniquement pour la cavalerie en ce
qui concerne la Garde de Paris.
L’origine sociale du personnel aurait pu aussi renforcer les liens entre les deux unités,
essentiellement entre les cavaliers de la Garde de Paris et leurs homologues de la prévôté de
l’Ile ou entre officiers. Mais ce ne fut pas le cas. Les passages d’une unité à l’autre furent
rares. Les officiers semblent s’être ignorés malgré les inévitables liens de service. On retrouve
cette indifférence réciproque dans les écrits.
Les missions générales étaient identiques mais étaient formulées en termes très
généraux, ce qui laissait aux commandants d’unité toute latitude pour fixer les priorités. La
Garde de Paris était essentiellement une police de sûreté, qui donnait la priorité au contrôle de
l’espace public. En raison des pouvoirs de police accordés au personnel, la compagnie d’Ile
de France mettait davantage l’accent sur la police judiciaire. L’organisation du service était
aussi différente dans les deux unités. Plus lourd dans la prévôté de l’Ile il était aussi sans
doute plus valorisant.
Cette différence dans les priorités se retrouve dans les écrits des officiers de deux
corps. De Bar major de la Garde insiste sur le maintien de l’ordre ; ses homologues de la
maréchaussée sur la procédure. De même, si le premier refuse une militarisation totale et
l’encasernement, les seconds réclament l’une et l’autre.
Si définir le métier de policier s’apparente donc à une gageure, comme le prouve les
différences de conception entre responsables des deux unités, tous s’accordent cependant à
faire du service du bien public la base du métier de policier.
Pascal Brouillet
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