Tendances de consommation et politique des dépendances: Rapport de monitorage d’octobre 2011 à mars 2012 Entre 2001-2002 et 2009-2010, la proportion de fumeurs parmi les 14-19 ans a baissé d’un quart pour atteindre 22%. Ce développement réjouissant ressort de l’enquête suisse sur le tabagisme (monitorage sur le tabac, TMS). Ce n’est toutefois pas une raison pour relâcher nos efforts; et c’est pour ça que les milieux de la prévention ne sont pas les seuls à souhaiter que la Suisse ratifie la Convention de l’OMS sur le tabac. Cette convention-cadre vise à endiguer la consommation de tabac et définit les principes de régulation du marché des produits du tabac pour une amélioration de la santé publique. La Suisse l’a déjà signée en 2004, ce qui montre sa volonté de vouloir l’appliquer en Suisse aussi. L’OMS a aussi publié un document international sur les politiques en matière d’alcool qui décrit la situation actuelle de la consommation d’alcool et de ses dégâts sanitaires; ce document propose des mesures efficaces pour réduire ces dégâts. Ce plan d’action adopté par les 53 pays de la région Europe de l’OMS – dont la Suisse – souligne que la politique de ces pays en matière d’alcool ne parvient pas à faire face à la gravité des dégâts dus à la consommation d’alcool. La politique de fixation des prix et la limitation de la publicité pour les boissons alcooliques font partie, entre autres, des mesures permettant de limiter les dommages dus à la consommation d’alcool. Fin-janvier 2012, le Conseil fédéral a soumis aux Chambres fédérales deux projets de lois pour réviser entièrement la législation sur l’alcool. Dans son message, le Conseil fédéral souligne entre autres que ces nouvelles lois contribueraient à diminuer la consommation problématique d’alcool et ses conséquences, ainsi qu’à protéger la jeunesse. Cette déclaration se base entre autres sur l’introduction d’un «régime de nuit» pour la vente d’alcool qui compléterait utilement l’interdiction des offres d’appel pour les spiritueux. Mais dans leur ensemble, les modifications proposées protègent surtout les intérêts de l’économie – au détriment de la santé publique. Il n’est ainsi pas prévu d’introduire de mesures préventives pourtant connues pour être efficaces, comme la régulation du prix de vente; les prescriptions en matière de publicité pour les spiritueux sont même assouplies. Il faut espérer que le parlement assumera son rôle et établira un équilibre entre les intérêts économiques et une prévention efficace. 2 1. Etudes et tendances de consommation Monitorage sur le tabac: la consommation de tabac des adolescent-e-s et des jeunes adultes Le rapport1 traite des habitudes des fumeurs entre 14 et 19 ans entre 2001-02 et 2009-2010. Il expose entre autres les raisons qui poussent ou non les jeunes à fumer, ainsi que les habitudes de consommation de l’environnement social. Dans les années 2001-02, 29% de la population âgée entre 14 et 19 ans fumait; dans les années 2009-10, ce ne sont plus que 22%. Ce recul s’observe particulièrement en Suisse romande. Ces 10 dernières années, par contre, le nombre de cigarettes fumées en moyenne est resté relativement constant. Les adolescent-e-s qui fument tous les jours fument en moyenne 11.1 cigarettes par jour, celles et ceux qui ne fument pas tous les jours fument en moyenne 1.5 cigarette par jour. Les fumeurs et les fumeuses comme les personnes qui ne fument pas considèrent que les non-fumeurs bénéficient d’une meilleure image que les fumeurs. Monitorage sur le tabac: opinions sur les mesures législatives Ce rapport2 informe sur l’opinion des habitants de la Suisse âgés de 14 à 65 ans à l’égard de la publicité pour le tabac. Selon ce rapport, en 2010, deux tiers des personnes âgées de 14 à 65 ans considéraient que la publicité minimise la dangerosité de la consommation de tabac. La majorité des personnes interrogées est aussi d’avis que la publicité pour le tabac incite les jeunes à commencer à fumer et augmente la consommation des fumeurs et des fumeuses. Alors que les adolescent-e-s et les jeunes adultes entre 14 et 24 ans considèrent que la publicité pour le tabac n’a qu’une influence moindre sur la consommation de tabac, il n’en va pas de même des personnes âgées de plus de 34 ans; et les personnes avec une formation supérieure sont plus nombreuses que la moyenne à considérer que la publicité pour le tabac en augmente la consommation. Monitorage sur le tabac: impact des mises en garde sur les paquets de cigarettes et opinions à l’égard de l’augmentation des prix La première partie du rapport3 est consacrée à la prise en compte par les fumeurs des avertissements écrits et graphiques imprimés sur les paquets de cigarettes. En 2010, 26% des fumeurs et fumeuses de 14 à 65 ans indiquaient remarquer souvent à toujours les avertissements imprimés. Selon leurs propres indications, ces avertissements imprimés ont conduit 8% de fumeurs et fumeuses à réduire leur consommation de tabac. Les personnes qui fument et celles qui ne fument pas considèrent que les avertissements graphiques et photographiques ne motivent pas 1 Radtke 2011a. Krebs 2011. 3 Radtke 2011b. 2 3 les fumeurs à cesser de fumer, mais confortent les non-fumeurs dans leur abstinence. La seconde partie du rapport traite de l’augmentation du prix des cigarettes (de CHF 7.20 à CHF 8.10). 36% des personnes âgées de 14 à 65 ans sont très favorables à cette augmentation de prix et 23% sont plutôt favorables. Ce sont les adolescent-e-s qui fument tous les jours qui sont le plus opposé-e-s à l’augmentation du prix des cigarettes. Consommation d’alcool en Suisse En 2010, la consommation totale de boissons alcooliques en Suisse avait de nouveau légèrement reculé4. Elle s’éleve à l’équivalent de 8.5 litres d’alcool pur (8.6 litres en 2009). C’est surtout la consommation de bière qui a reculé. La consommation de cidre et de spiritueux est restée pratiquement stable. La consommation de vin a par contre légèrement augmenté par rapport à l’année précédente. Consommation de médicaments en Suisse Le rapport5 de l’Observatoire suisse de la santé (Obsan) examine à la fois la consommation et les coûts des médicaments en Suisse. La base de données provient de l’Enquête suisse sur la santé 2002 et 2007, ainsi que de données de l’assurance maladie obligatoire entre 1998 et 2009. A côté des médicaments contre un taux de cholestérol et une pression sanguine trop élevés, une attention particulière est accordée à certains médicaments psychotropes. On observe une augmentation de la consommation régulière de médicaments entre 2002 et 2007. La proportion des personnes ayant consommé un médicament durant les sept jours précédant l’enquête est ainsi passée de 40.8% à 46.3% an. Ce sont les antidouleurs qui sont le plus souvent consommés. Les femmes consomment plus souvent des médicaments que les hommes et la consommation de médicaments augmente nettement avec l’âge. La consommation de médicaments est plus élevée en Suisse romande que dans les autres régions du pays. Rapport SINUS 20116 En 2010, l’alcool a joué un rôle dans 13% de tous les accidents graves de personnes. Ce pourcentage n’a pratiquement pas changé durant les 10 dernières années. 570 usagers et usagères de la route ont été grièvement blessé-e-s dans des accidents dans lesquels de l’alcool était en jeu; 63 personnes ont été tuées dans de tels accidents. Les jeunes conducteurs et les hommes en état d’ébriété sont impliqués plus que la moyenne dans des accidents graves. Les pertes de maîtrise du véhicule et les accidents individuels durant la nuit sont particulièrement fréquents. 67% des blessures graves sont provoquées de nuit lors d’accidents impliquant de l’alcool (en comparaison de 20% de tous les accidents). 4 Régie fédérale des alcools 2011. Roth 2011. 6 Bureau suisse de prévention des accidents 2011. 5 4 Monitoring de l’état de santé de la population migrante en Suisse7 A côté d’autres éléments, le monitorage de la santé effectué en 2010 auprès de la population immigrée a aussi porté sur le comportement des immigré-e-s en matière de santé. La consommation d’alcool et de tabac en faisait partie. Les résultats de cette enquête auprès des immigré-e-s seront ensuite comparés à la population résidente des pays d’origine considérés dans le monitorage: Portugal, Turquie, Kosovo et Serbie. Les immigré-e-s consomment nettement moins d’alcool que la population suisse. Avec 15.5%, le taux d’abstinence des Suissesses est substantiellement plus bas que celui des Portugaises (51.8%), des Turques (75.4%), des Kosovares (87.7%) et des Serbes (47.2%). Chez les hommes aussi le taux de Suisses abstinents (7.6%) est largement plus bas que celui des Portugais (16.4%), des Turcs (51.1%), des Kosovars (47.1%) et des Serbes (30.6%). 17.2% des Portugais indiquent boire de l’alcool deux fois par jour (en mangeant). C’est aussi ce que font 3% des Suisses, alors que ces proportions sont encore plus basses chez les autres immigré-e-s. 14.4% des Suisses et 16% des Portugais, ainsi que 7.4% des Suissesses et 5.8% des Portugaises indiquent consommer de l’alcool une fois par jour, significativement plus que les immigré-e-s provenant de Turquie, de Serbie et du Kosovo. En ce qui concerne l’ivresse ponctuelle (plus de cinq verres chez les hommes et plus de quatre verres chez les femmes), 17.9% des Suisses, 13.4% des Portugais et 11.9% des Serbes, ainsi que 11.8% des Suissesses indiquent avoir ce mode de consommation environ une fois par mois. Les Portugais et les Serbes ne se distinguent pas des Suisses dans ce domaine. Les proportions sont toutefois nettement plus basses chez les Turcs et les Kosovars, ainsi que chez les immigré-es. L’ivresse ponctuelle occasionnelle (moins d’une fois par mois) concerne 36.8% des Suisses et 32.2% des Suissesses. En la matière, les proportions sont ainsi bien plus élevées dans la population autochtone que dans la population immigrée. Les immigrés consomment nettement plus de tabac que les Suisses; il y a moins de différences entre les Suissesses et les immigrées dans ce domaine. 21.7% des Suisses fument chaque jour. C’est le cas de 55.2% des Turcs. De leur côté, les Serbes et les Portugais sont 37.5% et 39.2% à fumer, soit significativement plus que les Suisses. Les Suissesses sont 19.5% à fumer tous les jours et ne se distinguent en cela pas des Kosovares et des Portugaises; la proportion est plus élevée chez les Serbes (37.1%) et les Turques (29.5%). Evaluation des besoins en offre de traitement pour les personnes ayant un problème d’alcool L’évaluation des besoins8 effectuée dans le cadre du Programme national alcool 2008-2012 (PNA) avait pour but d’obtenir une vue d’ensemble du système existant pour traiter les personnes ayant des problèmes d’alcool. Il s’agissait aussi d’identifier les lacunes existantes et de définir les possibilités d’optimisation. 7 8 Arbeitsgemeinschaft BASS, ZHAW, ISPM, M.I.S Trend 2011. Schaub 2011. 5 La situation actuelle au niveau cantonal et fédéral peut généralement être considérée comme bonne. Des déclarations très différentes ont été faites en ce qui concerne les nécessités de changement, mais c’est une amélioration de la collaboration et de la mise en réseau des différents acteurs qui a été la plus demandée. Il a aussi été demandé d’améliorer les offres spécifiques pour les groupes cibles, de promouvoir la transdisciplinarité, ainsi qu’une meilleure transparence dans le financement des offres. L’alcool dans l’Union européenne Le rapport9 décrit la situation de l’Union européenne concernant la consommation d’alcool et ses conséquences, ainsi que les mesures efficaces de prévention pour réduire les dégâts provoqués par l’alcool. Il s’appuie pour cela sur les données recueillies en 2011 et les études scientifiques les plus récentes en la matière. Dans l’Union européenne, qui est la région du monde où l’on consomme le plus d’alcool, la consommation annuelle par habitant de plus de 15 ans est de 12,5 litres d’alcool pur. Ce qui représente 3 boissons alcooliques par jour. L’alcool y est le troisième facteur de risque de maladie et de décès après le tabagisme et l’hypertension artérielle. 10% des décès parmi la population de 15 à 64 ans est attribuable à l’alcool. Les décès dus à la consommation problématique d’alcool ont augmenté de 28% et coûtent à la société 2 à 3% du produit national brut, ce qui représente plus de 300 euros annuels par personne. Les mesures politiques efficaces en matière d’alcool sont les mesures sur les prix, l’accessibilité et la publicité. Pourtant seuls quelques pays européens ont mis en place des mesures appropriés. Etat du phénomène de la drogue en Europe Le rapport annuel10 de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) montre une image contradictoire des tendances de la consommation de drogues en Europe. La consommation de drogues «conventionnelles» comme la cocaïne et le cannabis reste stable à un niveau élevé et n’augmente pas; elle aurait même tendance à reculer dans certains segments. Mais on constate par ailleurs aussi des évolutions dangereuses et inquiétantes comme l’augmentation de la disponibilité de drogues synthétiques, la rapide apparition de nouvelles substances (en 2010, 41 nouvelles substances ont ainsi été annoncées au Système européen d’alerte précoce, c’est plus que jamais et il n’y a pas d’indications de recul) et la consommation de substances multiple qui est largement répandue. Le modèle de consommation dominant en Europe est la combinaison de drogues illégales et d’alcool, parfois aussi avec des médicaments et des substances non contrôlées. Cela constitue un important défi pour de nombreux Etats, car ils manquent souvent de stratégies politiques complètes dans le domaine de la consommation de substances psychoactives. 9 Anderson 2012 Observatoire européen des drogues et des toxicomanies 2011. 10 6 Rapport annuel 2011 de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) Un des points forts du rapport11 porte sur des groupes de populations marginalisées touchés par de nombreux problèmes: chômage, violence, mauvaise santé et consommation problématique de drogue. L’OICS demande de l’aide et des efforts accrus pour soutenir ces populations marginales. Ce rapport met aussi en garde contre la disponibilité accrue de substances psychoactives vendues par des pharmacies illégales sur internet. Il est particulièrement inquiétant que ces pharmacies basées sur internet utilisent les réseaux sociaux pour accéder à un jeune public et l’inciter à acheter de substances d’autant plus dangereuses qu’elles ne sont pas contrôlées. 2. Politique nationale et internationale Loi sur l’alcool Le Conseil fédéral a approuvé le message12 sur la révision totale de la législation fédérale sur l’alcool. Les Chambres fédérales ont reçu deux projets de lois: la Loi fédérale sur l’imposition des boissons spiritueuses et de l’éthanol (Loi sur l’imposition des spiritueux, Limpspi) et la Loi fédérale sur le commerce des boissons alcooliques (Loi sur le commerce de l’alcool, LCal). La première libéralise le marché de l’éthanol et des spiritueux en supprimant le monopole de l’Etat sur l’éthanol; sa taxation reste inchangée à CHF 29.-- le litre d’alcool pur. La révision de la LCal apporte aussi quelques innovations en allégeant les prescriptions en matière de publicité pour les spiritueux, en interdisant de vendre de l’alcool dans le commerce de détail entre 22 heures et 6 heures, en interdisant les offres d’appel dans les établissements publics aux mêmes heures, et en instaurant une base légale pour les achats tests d’alcool. Ces projets de révision de la législation fédérale sur l’alcool renoncent complètement aux mesures dans le domaine de la fixation des prix. L’actuelle Régie fédérale des alcools (RFA) sera intégrée dans l’Administration fédérale des douanes (AFD) qui sera chargée de l’application de cette nouvelle législation. Commentaire Il est extrêmement regrettable que cette révision de la législation rate l’opportunité historique d’intégrer les connaissances scientifiques concernant les mesures efficaces contre 11 12 International Narcotics Control Board 2012. Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de la loi sur l’alcool: http://www.efd.admin.ch/dokumentation/gesetzgebung/00570/02431/index.html?lang=fr 7 la consommation problématique d’alcool dans le projet de loi. Il s’agit en particulier de mesures concernant le prix de vente et la limitation de la publicité. Les intérêts économiques passent une fois de plus avant ceux de la santé publique. Achats tests d’alcool: une investigation secrète La Commission des affaires juridique (CAJ) du Conseil national s’est basée sur l’initiative parlementaire de Daniel Jositsch (08.458)13 pour adopter un projet de modification du Code de procédure pénale (CPP). La CAJ y propose une définition plus étroite des investigations secrètes que celle utilisée récemment dans la jurisprudence du Tribunal fédéral. L’investigation secrète doit ainsi être exclusivement utilisée pour élucider des délits particulièrement graves en utilisant une fausse identité documentée pour prendre contact dans un but précis, par un comportement actif et trompeur, avec des personnes spécifiques dans le but d’établir une relation de confiance et de s’introduire dans un environnement criminel. Il s’agit simultanément de créer une base légale pour une investigation secrète effectuée lorsqu’il existe un soupçon de délit ou d’infraction. La CAJ a rejeté un amendement permettant une enquête secrète préventive. Ce projet de modification du CPP sera probablement débattu début 2012 par la CAJ du Conseil des Etats. Commentaire La nouvelle législation sur l’alcool établira fort probablement une base légale pour les achats tests d’alcool. Il reste toutefois le problème que le Tribunal fédéral considère que les achats tests sont des investigations secrètes; ils ne peuvent donc être à l’origine de procédures administratives et encore moins de procédures pénales pour les points de vente en infractions. Seule une adaptation du CPP permettra de créer les bases nécessaires à ce que la vente d’alcool à des mineurs ne soit plus dépourvue de conséquences. Loi sur la prévention Après que le Conseil national eut adopté la Loi sur la prévention14, il a été suivi par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-E) qui a dans l’ensemble suivi le Conseil national lorsqu’elle en a discuté les détails. Lors de sa session d’hiver 2011, le Conseil des Etats a toutefois refusé d’entrer en matière sur la Loi sur la prévention; le projet est donc retourné au Conseil national. En mars, celui-ci dans sa nouvelle composition a de nouveau voté en faveur de la Loi pour la prévention; la balle est donc de nouveau dans le camp du Conseil des Etats. Commentaire Les positions ne pourraient pas être plus opposées. Pendant que les partisans de cette loi 13 Texte de l’initiative parlementaire de Daniel Jositsch: http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20080458 14 Aperçu de la Loi sur la prévention: http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20090076 8 parlent d’une loi d’organisation devant permettre une meilleure coordination des mesures préventives, ses adversaires argumentent avec des formules comme «dictature de la santé». C’est ce qui a permis de couler ce projet de loi au Conseil des Etats. Il serait préférable de pouvoir tenir une discussion factuelle, plutôt que de mener les habituelles guerres de tranchées, de façon à ce que cette loi qui est en discussion depuis trop longtemps puisse être adoptée avec les corrections et les compromis nécessaires. Initiative sur la fumée passive Le Conseil national a rejeté l’initiative «Pour une protection contre le tabagisme passif»15 lancée par la Ligue pulmonaire suisse en décembre 2011; le Conseil des Etats l’a suivi avec un refus net en mars 2012. Le but de cette initiative est une législation unifiée pour toute la Suisse qui ne permette ni les fumoirs avec service ni les établissements fumeurs. Les adversaires de cette initiative la qualifient de «système de contrainte» et parlent d’apôtres de la santé qui veulent marginaliser encore plus une minorité de la population. Les arguments des partisans et les expériences positives faites avec les restaurants non-fumeurs, que ce soit le recul des infarctus dans les cantons des Grisons et du Tessin, ou la baisse de la contamination du personnel hôtelier par la fumée passive dans le canton de Vaud, n’ont rencontré d’écho positif ni au National ni aux Etats. Commentaire De nombreuses études scientifiques ont été faites en Suisse et à l’étranger sur l’efficacité de la protection contre la fumée passive depuis l’introduction de l’interdiction de fumer dans les espaces publics. Elles montrent toutes un effet positif de l’interdiction de fumer sur la santé publique, que ce soit un recul des infarctus ou des maladies asthmatiques; le très net rejet de cette initiative par le Parlement fédéral est d’autant plus étonnant. Il faut souhaiter que la population soit plus clairvoyante et qu’elle soit favorable à une régulation unifiée de la protection contre la fumée passive pour toute la Suisse. Libéralisation des heures d’ouverture des boutiques de stations-service Le message16 du Conseil fédéral est favorable à l’initiative Lüscher et soutient la libéralisation des heures d’ouverture des boutiques de stations-service. Cela signifie qu’à l’avenir les boutiques de stations-service pourront vendre 24/24 des boissons alcooliques à côté de leurs nombreux autres produits. Le Conseil national doit débattre de ce projet durant sa session de printemps 2012. Commentaire En décidant de soutenir l’initiative Lüscher, le Conseil fédéral court le risque de miner les mesures de protection de la jeunesse en matière de disponibilité des boissons alcooliques. L’extension des heures d’ouverture des boutiques de stations-service crée au contraire de nouvelles possibilités de se procurer de l’alcool 24/24. 15 16 Initiative: http://www.rauchfrei-ja.ch/nc/fr/home.html Aperçu des éléments concernant la libéralisation des heures d’ouverture des boutiques de stations-service: http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20090462 9 Soins médicaux d’urgence à la charge des personnes ayant consommé de manière excessive Une initiative parlementaire17 déposée par Toni Bortoluzzi demande que les personnes consommant de l’alcool et des drogues de façon excessive doivent assumer elles-mêmes les coûts financiers de leur traitement médical d’urgence (p. ex. séjour hospitalier ou cellule de dégrisement). Les initiants affirment que cela renforcerait le sens de la responsabilité individuelle et ferait reculer les cas de consommation excessive. Les Commissions de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS) du Conseil national et du Conseil des Etats se sont prononcées en faveur de cette initiative. Commentaire Même si elle paraît plausible au premier abord, cette initiative méconnaît qu’une consommation excessive d’alcool n’est pas qu’une erreur individuelle, mais qu’elle s’inscrit dans un contexte sociétal au sein duquel la consommation d’alcool constitue une norme reconnue et acceptée. Une telle règlementation donnerait en outre un signal dangereux en faveur de l’abolition du principe de solidarité des caisses maladies. Plan d’action européen visant à réduire l’usage nocif de l’alcool 2012-2020 Les 53 Etats du comité régional de l’Europe à l’OMS ont adopté un nouveau plan d’action 18 visant à réduire l’usage nocif de l’alcool. Ce plan d’action souligne d’entrée l’importance de l’alcool en matière de santé publique. Bien que seule la moitié de la population planétaire boive de l’alcool, celui-ci est, avant le tabac, la 3e cause de maladie et de décès prématuré. La région Europe de l’OMS est la région qui connait le taux le plus élevé de consommation d’alcool et les plus importants dégâts consécutifs à cette consommation élevée d’alcool. Dans la région Europe, 40% de toutes les maladies et décès prématurés peuvent être ramenés à trois facteurs de risque: la fumée, l’abus d’alcool et les accidents de la circulation (qui sont souvent aussi dus à l’alcool). Le plan d’action souligne en outre que la politique des Etats de la région Europe en matière d’alcool n’arrive pas à faire face à l’importance des dégâts sanitaires, sociétaux et économiques de la consommation d’alcool, et que les mesures appliquées ne suffisent pas à en empêcher et en réduire les problèmes. Ce plan d’action donne un aperçu complet des mesures efficaces pour réduire les dégâts liés à l’alcool. La politique des prix, la limitation de la disponibilité des boissons alcooliques, la limitation de la publicité pour l’alcool et l’application de limites d’alcoolémie en pour mille dans la circulation routière, ainsi que des interventions brèves et des offres de soins pour les personnes ayant une consommation d’alcool problématique. Commentaire Le plan d’action de l’OMS ne pourrait être plus clair; la région Europe connaît la consom- 17 Initiative concernant les coûts financiers des personnes qui boivent jusqu’au coma: http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20100431 18 OMS Comité régional de l’Europe 2011. 10 mation d’alcool la plus élevée de la planète et donc aussi le plus de dégâts liés à l’alcool. On pourrait s’attendre à ce que l’alcool, resp. les dégâts liés à l’alcool, figurent en tête de l’agenda de politique sanitaire des Etats de la région Europe. La plupart de ces Etats négligent pourtant d’appliquer des mesures appropriées, bien que les conséquences sanitaires et économiques d’une consommation nuisible d’alcool soient connues et leurs données disponibles et accessibles; il en va malheureusement de même des mesures permettant d’empêcher et de réduire ces dégâts. Le nouveau plan d’action énumère les principaux éléments d’une politique en matière d’alcool en 5 objectifs et 10 mesures; il les illustre au moyen de nombreuses options d’action – un modèle idéal pour un plan d’action national en matière d’alcool, resp. une législation qui voudrait lutter efficacement contre les dégâts liés à l’alcool. 3. Politiques cantonales et communales Ancrage légal des achats tests d’alcool et de tabac à Zurich Le canton de Zurich connait depuis le 1er janvier une base légale explicite pour les achats tests d’alcool et de tabac par les jeunes. Selon la nouvelle loi zurichoise sur la santé19, le canton et les communes ont le droit de contrôler le respect de l’âge minimal légal lors de la vente d’alcool et de tabac au moyen d’achats tests par des adolescents. 19 Gesundheitsgesetz: http://www.zhlex.zh.ch/Erlass.html?Open&Ordnr=810.1 11 4. Bibliographie Anderson, Peter; Moller, Lars; Galea, Gauden (Hrsg) (2012). Alcohol in the European Union. Consumption, harm and policy approaches. Copenhagen : WHO, Regional Office for Europe. http://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0003/160680/Alcohol-in-the-European-Union-2012.pdf Arbeitsgemeinschaft BASS, ZHAW, ISPM, M.I.S Trend (2011). Gesundheitsmonitoring der Migrationsbevölkerung (GMM) in der Schweiz. Schlussbericht. Bern : BASS, ISPM ; Winterthur : ZHAW ; Lausanne : M.I.S. Trend. http://www.bag.admin.ch/themen/gesundheitspolitik/07685/12533/12535/index.html?lang=fr&download=NHzLpZeg7t Bureau suisse de prévention des accidents (2011). Rapport SINUS 2011. Niveau de sécurité et accidents dans la circulation routière en 2010. Berne: bpa.. http://www.bpa.ch/PDFLib/1724_74.pdf International Narcotics Control Board (2012). Report of the International Narcotics Control Board for 2011. New York : INCB. http://www.incb.org/incb/en/annual-report-2011.html Krebs, H.; Keller, R.; Radtke, T.; Hornung, R. (2011). Publicité pour le tabac et parrainage: l’opinion de la population suisse (2010). Monitorage sur le tabac – Enquête suisse sur le tabagisme. Zurich: Psychologisches Institut der Universität Zürich, Sozial- und Gesundheitspsychologie. http://www.tabakmonitoring.ch/Berichte/EinstellungenWerbe/Werbung_11_fr.pdf Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (2011). Jahresbericht 2011: Etat du phénomène de la drogue en Europe. Luxembourg: Office des publications de l’Union européenne.. http://www.emcdda.europa.eu/attachements.cfm/att_143743_FR_EMCDDA_AR2011_FR.pdf OMS Bureau régional pour l’Europe (2011). Plan d’action européen visant à réduire l’usage nocif de l’alcool 2012-2020. Kopenhagen : OMS. http://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0008/148067/RC61_wd13F_Alcohol_111373.pdf Radtke, T.; Keller, R.; Krebs, H.; Hornung, R. (2011a). Der Tabakkonsum Jugendlicher und junger Erwachsener in den Jahren 2001 bis 2009/10. Tabakmonitoring – Schweizerische Umfrage zum Tabakkonsum. Zürich: Psychologisches Institut der Universität Zürich, Sozial- und Gesundheitspsychologie. http://www.tabakmonitoring.ch/Berichte/Jugendliche/Forschungsbericht/Gesamt_jugend_10_dt.pdf Résumé en français: http://www.tabakmonitoring.ch/Berichte/Jugendliche/Kurzberichte/kurz_jugend_10_fr.pdf Radtke, T.; Keller, R.; Bearth, A.; Krebs, H.; Hornung, R. (2011b). Impact de mises en garde écrites et graphiques sur les paquets de cigarettes et augmentation de prix en 2010. Monitorage sur le tabac – Enquête suisse sur le tabagisme. Zurich: Psychologisches Institut der Universität Zürich, Sozial- und Gesundheitspsychologie. http://www.tabakmonitoring.ch/Berichte/Warnhinweise/Warnaufschriften_fr_11.pdf Régie fédérale des alcools (Ed.) (2011). L’alcool en chiffres 2011. Berne : RFA. http://www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/24116.pdf 12 Roth, S.; Moreau-Gruet, F. (2011). Consommation et coût des médicaments en Suisse. Analyse des données de l’Enquête suisse sur la santé 2002 et 2007 et des données de l’assu- rance obligatoire des soins de 1998 à 2009 (Obsan Rapport 50). Neuchâtel: Observatoire suisse de la santé. http://www.obsan.admin.ch/bfs/obsan/de/index/05/publikationsdatenbank.Document.149920.pdf Schaub, Michael; Dickson-Spillmann, Maria; Koller, Stephan (2011). Offres de traitement pour les personnes ayant des problèmes d’alcool. Analyse des besoins. Rapport final. Zurich : Institut de recherche sur la santé publique et les addictions. http://www.infodrog.ch/index.php/besoins-analyse.html Addiction Suisse Av. Louis-Ruchonnet 14 Case postale 870 CH-1001 Lausanne Tel. 021 321 29 11 Fax 021 321 29 40 PC 10-261-7 www.addictionsuisse.ch