MICROSTRUCTURES

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CHAPITRE 10
MICROSTRUCTURES
10.1 OBJECTIFS
. Decrire les principales methodes de microscopies optique (lumiere visible) et
electronique.
. Donner un apen;u des methodes de preparation utilisees pour etudier les microstructures des metaux et de leurs alliages en microscopie optique.
. Caracteriser les microstructures des principaux materiaux et expliquer leur
formation en fonction des diagrammes d'equilibre et des cinetiques de transformation de phases.
II est important de mettre en relation les mecanismes de transformation de
phases des materiaux avec les diverses microstructures qui se forment, car ce sont
celles-ci qui determinent dans une large mesure les proprietes mecaniques, physiques
et chimiques des materiaux.
On rencontre, dans les materiaux, un grand nombre de microstructures diverses:
grains cristallins ou phases amorphes comportant souvent des precipites d'une ou de
plusieurs phases dispersees, spherolithes, structures eutectiques lamellaires ou fibreuses, etc.
10.2 OBSERVATION DES MICROSTRUCTURES
10.2.1 Note preliminaire
Comme l'indique leur etymologie, les microstructures sont constituees d'un ensemble d' elements organises a l' echelle microscopique et qui contr6le les proprietes
d'un grand nombre de materiaux..Leur observation et leur caracterisation necessitent
donc l'utilisation de techniques microscopiques.
Comme nous l'avons rappele au paragraphe 3.4.1, Ie pouvoir separateur d'une
radiation eIectromagnetique est fixe par sa longueur d'onde. La limite de resolution
du microscope optique est de l'ordre du !--tm.Le pouvoir separateur des microscopes
electroniques, qui utilisent des faisceaux d'electrons d'energie elevee (A""0,005 nm),
est de l'ordre de grandeur des rayons atomiques, c'est-a-dire inferieur au nm. La methode la plus utilisee pour etudier la structure des solides a I' echelle de l' atome est la
microscopie electronique. II existe d'autres techniques pour l'observation de la microstructure. Dans cet ouvrage elementaire, nous nous sommes limites aux techniques
de microscopies optique et electronique.
274
Introduction a la sciences des materiaux
10.2.2 Microscopie optique (lumiere visible)
Le microscope optique est un instrument qui est connu de la plupart des scientifiques. C'est notamment cet instrument qui est a la base des decouvertes les plus importantes de la biologie. Depuis la fin du dix-neuvieme siecle, il est largement employe pour l'etude des materiaux. On utilise deux techniques experimentales principales: la microsc:opie it transmission lorsque la lumiere traverse l' echantillon et la
microscopie itreflexion dans Ie cas d' echantillons opaques ou l' on observe la lumiere
qui est r€flechie a la surface. La microscopie optique a r€flexion a surtout ete developpee pour les materiaux metalliques. La microscopie optique it transmission est exclusivement utili see pour etudier les materiaux transparents. On l' emploie, par
exemple, pour suivre Ie developpement d'une microstructure cristalline dans des
films minces de polymere (fig. 10.5).
La microstructure des materiaux opaques, comme les metaux, s' etudie au microscope optique it r€flexion apres polissage de l' echantillon et attaque chimique. Le
polissage produit un etat de surface comparable it celui d'un miroir et l'attaque chimique de la surface polie revele les differences d' orientation cristallographique et de
composition chimique. Les joints de grains sont materialises par des sillons. Cette
modification selective de la topographie de la surface (micrographie) est d'ordinaire
mise en evidence par analyse en lumiere r€flechie (fig. 1O.I(a» au microscope optique. Les joints de grains et autres inhomogeneites apparaissent sous forme de traits
ou de zones noirs (fig. 10.1 (b».
Un des avantages de la microscopie optique est de permettre d'etudier en direct
Ie developpement des microstructures, ce qui est plus difficile en microscopie electronique bien que certaines techniques recentes de microscopie electronique a balayage permettent ce genre de determination.
oculaire
lumiere
miroir
semitransparent
objectif
f
j
-100 ~m
objet
(b)
(a)
FIG.
10.1 Observation
des microstructures
au microscope
optique
a reflexion
d'une surface polie et
attaquee chimiquement:
(a) les joints de grains attaques plus fortement que les cristaux forment des silIons qui ne reflechissent pas la lumiere a travers I' objectif du microscope; (b) joints de grains d'un metal pur observes au microscope optique en lumiere reflechie.
Microstructures
275
10.2.3 Microscopie electronique
Pour I' observation de certains details de la microstructure des materiaux, il est
necessaire d'utiliser des grossissements superieurs a. 1000 (limite de la microscopie
optique) et de recourir aux techniques de la microscopie eIectronique. La structure en
grains des polymeres, dont les dimensions caracteristiques sont en general inferieures
au micron, est presque toujours etudiee par microscopie electronique. Les structures
des metaux apres trempe et des ceramiques fabriquees a.partir de poudres de taille
submicroscopique sont aussi mises en evidence par les techniques de microscopies
electroniques.
Parmi toutes les particules utilisables pour construire une image (protons, photons, rayons X, electrons, etc.), les electrons constituent Ie meilleur choix. lIs sont, en
effet, faciles a.obtenir par chauffage sous vide d'un filament metallique, ils sont acceleres par un champ electrostatique et leur charge electrique les rend capables d' etre
devies, c' est-a.-dire focalises par les champs electrostatiques ou electromagnetiques.
Avec des electrons acceleres par une difference de potentiel de 100kV et ayant une
longueur d'onde associee de 3,7 pm, on obtient une resolution d'environ 0,3 nm qui
est de I' ordre de grandeur des distances interatomiques. Cependant, comme les electrons sont fortement absorbes par la matiere, les echantillons doivent etre extremement minces (0,1 !tm environ). Leur preparation pour la microscopie electronique a.
transmission est souvent tres delicate et fait appel a.toute une serie de techniques particulieres comme par exemple l'amincissement electrochimique ou Ie bombardement
ionique.
La figure 10.2 donne une vue schematique generale d'un microscope electronique a transmission (MET). II est compose d'une source d'electrons, d'un condenseur (lentille electromagnetique L 1) qui sert a.focaliser Ie faisceau electronique
sur I' objet AB, d'une lentille-objectif Lz agrandissant l'image de I' objet et de lentilles
L3, L4 (projecteur) qui agrandissent et projettent l'image (A3B3) sur un ecran fluorescent, similaire a.celui d'un ecran TV ou sur une plaque photographique. II faut noter
que Ie schema de principe du microscope electronique a.transmission correspond
pratiquement a.celui du microscope optique.
Examinons succinctement Ie mecanisme de formation de l'image en microscope
electronique a.transmission. Celui-ci fait intervenir des processus de diffraction ou de
diffusion des electrons alors qu' en microscopie optique a.transmission, ce sont des
phenomenes d'absorption plus ou moins importants de la lumiere qui sont a.la base
du processus de formation de l'image.
Examinons ce qui se passe lors de l'observation d'un materiau cristallin. Vne
partie des electrons, qui traversent la preparation microscopique, interfere avec les
atomes des plans cristallins et est diffractee suivant des directions determinees de
I' espace prevues par la loi de Bragg (3.10). La fraction des electrons non diffractee
est transmise dans la meme direction que celIe du faisceau incident. La diffraction
d'une fraction du faisceau electronique incident induit une attenuation de l'intensite
electronique dans la direction du faisceau incident. Cette attenuation plus ou moins
importante du faisceau electronique apparait sur I' ecran detecteur dans une tonalite
plus foncee, grise ou meme noire suivant Ie cas. L'image de l'echantillon se presente
276
Introduction It la sciences des materiaux
Canon
Lt~
a electron
Anode a la masse
rnJ
1m
\JT:
raXmL,
L,
Lentille (condenseur)
AB
Objet
Lentille (objectif)
A,B,
Premiere image
Lentille
Deuxieme image
Lentille (projection)
A,B,
Image sur ecran fluorescent
FIG. 10.2 Vue schematique des elements d'un microscope electronique a transmission.
done en sombre sur un fond clair. C'est ce qu'on appelle l'image en champ clair. 11
existe d'autres modes d'observation de !'image que Ie champ clair. Nous ne les aborderons pas ici. Dans Ie cas d'un materiau amorphe, Ie mecanisme de formation de
l'image reste sensiblement Ie meme mis a part Ie fait que dans ce cas, Ie faisceau
d' electrons est non plus diffracte dans des directions specifiques mais plus ou moins
diffuse dans l' ensemble des directions de l' espace.
C'est grace au microscope electronique a transmission qu'on a reellement mis en
evidence l' existence des defauts dans la structure cristalline des materiaux. A titre
d'exemple, examinons Ie cas des dislocations. On montre a la figure 1O.3(a)une lame
mince cristalline contenant un certain nombre de dislocations qui traverse, en oblique,
la preparation. L'image de cette lame cristalline observee au microscope electronique
a transmission est representee a la figure 1O.3(b).On voit que les dislocations apparaissent sous forme de lignes sombres.
Lorsqu'un echantillon est soumis a l'effet d'un faisceau incident d'electrons, il
est Ie siege de divers phenomenes secondaires (emission d'electrons secondaires ou
d'electrons Auger, rayons X, etc.) qui peuvent servir a former une image a I' aide d'un
detecteur approprie. Ces phenomenes ont donne naissance a un type de microscopie
electronique, appelee microscopie electronique a balayage (MEB). Dans ce procede
la surface de l'echantillon est balayee par un faisceau tres fin d'electrons focalise sur
une surface d'environ 10 nm de diametre et Ie detecteur est place lateralement, ce qui
permet l'analyse de la surface de l'echantillon. On s'affranchit ainsi en grande partie
des difficultes liees a la preparation d'echantillons minces et on utilise pratiquement
toujours des echantillons epais. Cette technique a connu recemment une serie de de-
277
Microstructures
B
A
,'-
------
A
.-...-" "
c
I
I
(a)
B
.
D
.
\\ \l
FIG. 10.3 Image de dislocations obtenue par un microscope electronique
des defauts dans la lame mince; (b) image transmise.
(b)
C
a transmission:
(a) position
veloppements tres spectaculaires. Ainsi, il est a present possible de travailler en
maintenant la chambre du microscope sous une pression contr6lee de vapeur d'eau
(Environmental Scanning Electron Microscopy) et d'effectuer des mesures sur des
materiaux hydrates comme Ie bois sans en modifier la microstructure originale. Par
analyse simultanement des RX, on obtient un releve topographique de la composition
chimique de l' echantillon.
Un grand nombre de techniques d'analyse microscopique ont vu Ie jour durant
ces demieres annees. Citons, en particulier, Ie microscope a force atomique (Atomic
Force Microscope-AFM) qui permet l'etude des materiaux non conducteurs electriques. Cette technique est basee sur l'etude du deplacement, en surface de l'echantillon, d'une pointe tres fine. Celle-ci est fixee sur une lamelle flexible qui est deformee par les forces atomiques superficielles. Cette methode permet de determiner la
topographie de la surface a l' echelle atomique, avec une tres grande precision.
10.3 PRINCIPALES MICROSTRUCTURES DES MATERIAUX
10.3.1 Solidification des metaux purs
Lors de la solidification des metaux, il se forme en general un solide polycristallin (fig. 9.5(a). La taille du grain, en fin de solidification, est determinee par Ie
nombre de germes actifs au debut de la solidification.
Les metaux forment en general des dendrites qui sont egalement schematisees a
la figure 9.5(a) (temps t = t4). La formation d'une structure dendritique a ete expliquee en detail au paragraphe 9.3.4 (fig. 9.12). Dans les metaux purs, les dendrites ne
sont plus observables apres solidification complete. On observe la formation d'une
microstructure polycristalline en grains comme celIe montree a la figure 9.5(a) (a t5)
et a la figure 1O.1(b).
10.3.2 Polymeres purs cristallises it partir de l'etat fondu
Comme cela est schematise a Ia figure 9.5(b), la structure de base des polymeres
semicristallins est Ie spherolithe. Alors que chaque grain metallique cristallise sous
forme de dendrite a une structure monocristalline, les spherolithes ont une structure
polycristalline.
278
Introduction it la sciences des materiaux
Le detail de la microstructure des spherolithes est observe par microscopie electronique et par des techniques de diffraction. Les spherolithes (fig. lOA) sont constitues de longs rubans cristallins, issus d'un germe centraL Ceux-ci se ramifient progressivement a mesure que Ie rayon du spherolithe augmente. On note que les chaines
de polymeres sont perpendiculaires aux lamelles cristallines et adoptent une conformation partiellement repliee (fig. 9.9(c)). L'epaisseur de la lamelle est tres faible (1050 nm). La largeur des lamelles qui n'est pas determinee avec precision est plus ou
moins egale a 100 nm, tandis que leur longueur est de l' ordre de grandeur du rayon
du spherolithe qui peut atteindre jusqu'a 500 fAlll.Les lamelles sont reMes entre elles
par des segments de chaines amorphes. On trouve egalement entre les lamelles de la
matiere amorphe constituee par des chaines polymeres non cristallisables.
croissance
liaisons
intercristallines
phase
amorphe
germe
FIG. 10.4 Microstructure d'un spherolithe de polymere organique (d'apres Groupe fran~ais des polymeres (G.P.P.), 1982).
La microstructure qui est decrite ici pour Ie spherolithe fait intervenir un repliement tres regulier de la chaine avec rentree de celle-ci dans Ie cristal dans la zone
immediatement adjacente au repliement precedent. D'autres types de morphologies
sont egalement possibles pour les spherolithes.
Lorsque la densite de germination primaire n'est pas trop elevee, on peut observer les spherolithes au microscope optique (fig. 10.5). En lumiere polarisee, les spherolithes de polymeres sont birefringents avec des zones d'extinction caracteristiques
(Croix de Malte).
A cause de la complexite du processus de croissance cristalline qui procecte par
germination secondaire (§ 9.3.3), les cristaux de polymeres croissent beaucoup moins
rapidement que les cristaux metalliques. La vitesse de croissance maximale du polymere qui cristallise Ie plus rapidement (polyethylene) est de I'ordre de 100 !-lms-I.
Cette valeur est a comparer a des vitesses maximales de l'ordre d'une centaine de
metres par seconde observees dans les metaux.
Microstructures
279
En raison de cette cinetique plus lente, on doit cristalliser les polymeres a des
degres de surfusion beaucoup plus eleves que ceux des metaux et on obtient en gene-
ral des grainsde tailleextremementpetite « I [tm)qui ne sontvisiblesqu'au microscope electronique. En effet, la vitesse de germination primaire augmente fortement
avec Ie degre de surfusion (fig. 9.8). La diminution de la taille des sph€rolithes avec
Ie degre de surfusion resulte du plus grand nombre de germes. Celle-ci s' accompagne
egalement d'une diminution de l'epaisseur des lamelles cristallines due a une diminution de la longueur du germe secondaire avec la temperature. A noter que meme
lorsque les sph€rolithes remplissent tout Ie volume du materiau polymere, il subsiste
toujours une fraction de matiere amorphe car Ie taux de cristallisation des polymeres
depasse rarement 80%.
(a)
100 !J.IIl
>
1
(b)
100l-lill
I
I
FIG. 10.5 Micrographies optiques en lumiere polarisee de polymeres partiellement cristallises: (a)
spherolithes du poly(l-butylene) isotactique en coms de croissance; (b) spherolithes de polyethylene
cristallise (d'apres Groupe fran~ais des polymeres (G.F.P.), 1978).
Comme dans Ie cas des metaux, la microstructure des pieces realisees avec des
materiaux polymeres coules ou injectes n'est pas uniforme dans toute la section.
Ainsi, la partie exterieure de l' echantillon de polymeres (peau), qui est en contact
avec Ie moule et qui est refroidie plus rapidement, presente generalement un taux de
cristallinite inferieur a celui de l'interieur. De meme, la taille des grains est souvent
plus importante dans la partie interne des pieces, car celle-ci, qui refroidit plus lentement que les parties situees a proximite de la surface, cristallise a un degre de surfusion plus petit. La microstructure de polymeres peut egalement etre influencee par des
contraintes mecaniques residuelles induites par Ie processus de fabrication.
Introduction a la sciences des materiaux
280
10.3.3 Structures de solidification et de precipitation observees dans les alliages
metalliques
Les microstructures observees dans les alliages metalliques sont principalement
de quatre types:
.
Les cristaux dendritiques formes durant la solidification et qui deviennent visibles apres attaque chimique dans Ie cas des alliages en raison de variations
locales de composition chimique (segregation) (fig. 1O.6(a)). Ces variations
(a)
100 ftm
t
I
(b)
(c)
100 ftm
I
t
(d)
lOftm
t
I
.
"
Iftm
FIG. 10.6 Microstructures des alliages metalliques: (a) dendrites, (b) eutectique lamellaire, (c) dendrites et eutectique interdendritique, (d) precipites formes a l'etat solide a l'interieur des grains. II est
important de noter les differences de grossissement entre les diverses micrographies.
.
.
sont dues a la diffusion lente des elements a I' etat solide qui ne permet pas
d'atteindre l'equilibre thermodynamique. Sans attaque chimique, la microstructure a un aspect analogue a un metal pur polycristallin (fig. 1O.I(b)).
Les microstructures eutectiques formees a partir du liquide (transformation
eutectique) ou du solide (transformation eutectolde). Les microstructures eutectiques ont une morphologie lamellaire (fig. 1O.6(b))ou fibreuse constituee
de deux ou de plusieurs phases differentes.
Les microstructures mixtes dendritiques et eutectiques (fig. 1O.6(c)).
Les particules de petite taille qui apparaissent a l' etat solide au depart d'une
. phasesursatureepar precipitation(fig. 1O.6(d)).
281
Microstructures
On peut determiner les conditions d'apparition de ces microstructures en fonction des diagrammes d'equilibre de phases et des cinetiques de transformation de
phases. Ainsi, lors de la solidification des materiaux, il y a toujours un degagement
important de chaleur (chaleur latente de cristallisation) qui se produit durant la cristallisation de la phase liquide, ce qui ralentit considerablement Ie refroidissement du
materiau metallique (fig. 8.16). Dans Ie cas d'un metal pur et pour des vitesses de refroidissement peu elevees, Ie refroidissement s' arrete au point de fusion pendant Ie
temps necessaire a la croissance des grains dendritiques (fig.1O.7(b)).Dans Ie cas des
alliages a solution solide (fig. 1O.7(c)),la solidification ne se produit pas de maniere
isotherme comme dans les metaux purs. Les cristaux dendritiques se forment de maniere progressive dans tout 1'intervalle de solidification.
Germes Dendrites Grains
t
Liquide
f....
"
B
."E!
""'
a"
f-<
Cristallisation
de
I'element A pur
Cristallisation
I'alliage
de
A +B
A
ConcentrationCB-(a)
Tempst-----(b)
Temps t------
(c)
FIG. 10.7 Representation schematique de la formation des microstructures dans un metal pur et dans
un alliage en solution solide: (a) diagramme partiel d'equilibre de phases; (b) courbe d'analyse thermique d'un metal pur et (c) d'un alliage monophase (fuseau) avec en encart l'evolution de la microstructure a differents temps de formation.
Comme nous l'avons deja mentionne, lors de la solidification des alliages, il se
produit en general des inhomogeneites de Zacomposition cristalline (fig. 10.8). Les
elements de l' alliage qui possedent Ie point de fusion Ie plus eleve se trouvent localises preferentiellement au creur des dendrites, tandis que les parties externes sont enrichies en elements possedant Ie point de fusion Ie plus bas. Ces inhomogeneites de
composition permettent de visualiser les dendrites lors d'une etude microscopique
apres attaque chimique (fig. 1O.6(a)).
Un alliage de composition eutectique, dont la courbe d'analyse thermique est
donnee a la figure 1O.9(c),a Ie meme comportement thermique qu'un constituant pur.
Comme toute la transformation se deroule a temperature constante TE, sa courbe de
refroidissement a vitesse lente est caracterisee par un palier de solidification isother-
Introduction a la sciences des materiaux
282
FIG. 10.8 Schema illustrant les variations
tion dans des conditions hors d'equilibre.
de composition
(Cl, C2,...) d'une dendrite apn~s solidifica-
me. Durant cette cristallisation, il y a formation simultanee de deux phases cristallines
a et f3 sous forme de fines lamelles alternees (fig. 1O.6(b))ou de fibres dispersees
dans la matrice formee par l' autre phase.
Dendrite a
Eutectique
Eutectique a + (3
a + {3
t
E-..
'"
B
~
.'"
0.
S
11
~ TE~
a+{3
C, ICz Ij
A
Concentration
(a)
B
C ----
I
C, I
Temps t
(b)
I
Cz
Temps t
(c)
FIG. 10.9 Formation de la microstructure dans les systemes binaires presentant un eutectique: diagramme d'equilibre (a); courbe d'analyse thermique d'un alliage hypoeutectique CJ, (b) et eutectique
Cz(c).
Les alliages hypoeutectiques ou hypereutectiques (a composition respectivement
inferieure ou superieure a la composition eutectique) constituent des cas intermediaires entre l'alliage du type fuseau et l'alliage eutectique. Leur comportement
thermique est represente par la courbe d'analyse thermique de la figure 1O.9(b).Sa
microstructure, schematisee en encart, qui contient des dend~ites a et des grains eutectiques (a + f3),est representee a la figure 1O.6(c).
La solubilite d'un element dissout dans un alliage varie considerablement avec
la temperature. Un alliage peut ainsi etre homogene a haute temperature et exister
283
Microstructures
t
t
LiquideI
h
C=4%
h
e
.a
Homogeneisation
'OJ
(a)
0S
(b)
Trempe
Revenu
0<+ AI2Cu
2
Al
C = 4 % Cu
Concentration
AI2Cu
C ---
3
4
Temps t---
t
.,
(c)
::t::
T
~\
Cristalsursature Precipite AI,Cu
FIG. 10.10 Representation schematique de la formation d'une microstructure par precipitation en
phase solide de particules pour obtenir un durcissement structural: (a) diagramme d'equilibre partiel
AI-Cu; (b) traitement thermique d'homogeneisation (recuit) a une temperature proche, mais inferieure
a la temperature eutectique suivi d'une trempe et d'un recuit isotherme (revenu) a une temperature intermediaire; (c) quatre microstructures apres des temps de revenu differents en regard avec I' evolution
de la durete Hv du materiau.
C
= concentration
en % pds.
sous une forme biphasee aux temperatures plus basses. Cette transformation de
phases des solutions solides a rec,;uIe nom de precipitation. Cette denomination a ete
proposee par analogie avec la terminologie utilisee pour les solutions Iiquides ou l' on
observe des phenomenes simi1aires.
Un exemple bien connu est celui de l'aluminium qui peut dissoudre jusqu'it
5,7% pds de cuivre it 548°C (fig. 1O.1O(a».Cette solubilite diminue jusqu'it 0,2% it
200°C. A 540°C par exemple, un alliage AI-Cu, contenant 4% de cuivre, forme une
solution solide homogene. Si on refroidit lentement cet alliage, on observe la precipitation du cuivre excedentaire sous forme de particules qui sont constituees du compose intermetallique AhCu. Si on trempe cet alliage (fig. 1O.1O(b),point (1», on obtient, it temperature ambiante, une solution solide homogene sursaturee contenant 4%
de Cu, car 1a precipitation it l' etat solide est tres lente. Par un recuit it temperature
intermediaire, appele revenu, on peut faire apparaitre les precipites de maniere
contr6lee. Les microstructures varient donc en fonction du temps et de la temperature
(fig.lO.lO(c».
L'alliage homogene sursature est re1ativement mou, sa durete et sa limite elastique sont faibles. La precipitation d'une seconde phase provoque un durcissement
structural qui augmente la durete et la limite elastique. Cependant, un traitement
thermique prolonge produit des precipites grossiers qui rendent I' alIiage moins dur et
284
Introduction a la sciences des materiaux
fragile. II est necessaire, comme on peut Ie voir a la figure 1O.1O(
c), de contr61er les
conditions de precipitation de maniere stricte (T et t) si on veut obtenir une microstructure a durete maximale.
10.3.4 Principales
microstructures
des alliages fer-carbone
On distingue deux categories importantes d'alliages fer-carbone: les aciers et les
fontes. Le domaine des aciers au carbone correspond aux alliages fer-carbone contenant moins de 1,5% pds de carbone. Les alliages comportant plus de 2% de carbone
constituent les fontes.
Nous avons vu qu'a une temperature de 727°C et a une concentration en carbone de 0,8% (fig. 8.23 et 9.16), Ie diagramme Fe-C est caracterise par une transformation eutectoi"de entre les phases y (austenite et a (ferrite)+ Fe3C (cementite) .
La microstructure d'un acier eutectoi"de, refroidi lentement, est representee a la
figure 8.1. On distingue c1airement les couches alternees de ferrite et de cementite.
Cette structure lamellaire, qui apparait au microscope optique aux faibles grossissements sous un aspect chatoyant similaire a celui de la nacre, a rec;;uIe nom de perlite.
La formation de la perlite se fait d'une fac;;on analogue a la formation d'une microstructure eutectique (fig. 10.9), avec Ie cristal y -cfc comme phase en transformation a
la place du liquide.
Lorsqu'on refroidit un acier de composition hypereutectoide (> 0,8% pds C), il
se forme d' abord de la cementite (Fe3C) et la perlite eutectoi"de apparait ensuite. La
germination de cette cementite proeutectoi"de s' effectue preferentiellement
sur les
joints de grains de l' austenite car la germination et la croissance Ie long des joints de
grains est nettement plus facile, ce qui favorise l'implantation d'une nouvelle phase.
La perlite apparait en suite a la temperature de transformation eutectoi"de. En raison de
la presence d'un reseau de carbures aux joints de grains, ces aciers sont generalement
fragiles.
Dans Ie cas d'un acier hypoeutectoide « 0,8% C), il se forme un melange de
grains de ferrite, solution solide de fer a contenant moins de 0,02% C, et de grains de
perlite. C' est la microstructure caracteristique des aciers de construction (fig. 10.11
(a».
Par des traitements thermiques et des trempes appropries, on peut induire dans
les aciers une grande variete de microstructures comme par exemple, la fnartensite
(fig. 10.11 (b» qui est obtenue par trempe de l' austenite (Fey) et qui possede une durete et une limite elastique elevees (§ 9.3.8).
Les alliages contenant plus de 2% C constituent lesfontes. L'addition de 4,3%
pds de carbone au fer (fig. 8.23) abaisse la temperature de fusion du fer de pres de
400°C. Cela permet d'obtenir des alliages eutectiques d'un prix de revient peu eleve
et dotes de proprietes interessantes et convenant pour Ie moulage de pieces compliquees.
.
II existe trois grandes categories de fontes: les fontes grises qui contiennent du
graphite soit sous forme de lamelles eutectiques, ce qui les rend fragiles, soit sous
forme de graphite spherolithique, et les fontes blanches ou Ie carbone est present a
l'etat precipite sous forme de lamelles eutectiques de carbure de fer (Fe3C): La mor-
285
Microstructures
Ferrite
(a)
Perlite
100 /lm
f
I
Austenite
(b)
Martensite
5/lm
f
I
FIG. 10.11 (a) Microstructure typique d'un acier de construction (hypoeutectoide) apres refroidissement lent (-0,4% pds C) et d'un acier trempe, martensitique de meme composition (b).
phologie lamellaire des fontes grises traditionnelles est favorisee par la presence
d'impuretes comme Ie soufre. Les proprietes des fontes grises peuvent etre adaptees
aux besoins des applications en ajustant les teneurs en elements additionnels.
L'addition de certains elements, comme Ie silicium, favorise la formation de graphite.
L'addition de Mg permet la production de fontes a graphites spherolithiques qui sont
ductiles et qui peuvent se substituer aux aciers dans un certain nombre d'applications.
En particulier, dans l'industrie automobile, ces fontes malleables moulees se substituent a l'acier embouti pour confectionner des pieces diverses comme les bras de suspension des voitures. L'addition de chrome favorise la formation de cementite et produit de la fonte blanche. Cet effet est renforce par un refroidissement rapide. La fonte
blanche peut etre rendue ductile par un traitement thermique a des temperatures de
900-1000 °C qui decomposent la cementite instable en austenite et graphite nodulaire.
10.3.5 Microstructure des ceramiques frittees
Les proprietes des ceramiques sont fortement fonction de leur processus de fabrication. Les ceramiques traditionnelles, comme la porcelaine, sont fabriquees en general a partir de matieres premieres naturelles (kaolin, quartz, feldspath) dont la composition chimique n' est pas rigoureusement constante. Celles-ci subissent d' ordinaire
une etape de broyage qui est tres importante pour la qualite finale du produit. Les
matieres premieres sont ensuite mises en oeuvre sous forme d'une pate aqueuse par
divers proced6s (moulage a la main, pressage), les produits mis en forme sont seches
et soumis a une cuisson a temperature choisie en fonction de la composition du produit. Cette temperature varie suivant Ie cas entre 900 et 1500 °C. Pendant la cuisson,
la porosite diminue. Les ceramiques traditionnelles sont des materiaux ayant une microstructure complexe et dependante du processus de fabrication. Ces materiaux sont
souvent poreux.
Nous avons represente (fig. 10.12), a titre d' exemple, la microstructure d'une
porcelaine industrielle utilisee pour l'isolation electrique. Ce materiau est fabrique au
286
Introduction a la sciences des materiaux
depart d'un melange de quartz, de feldspath et de silicates hydrates d'aluminium et de
magnesium. La microstructure formee apres la cuisson a haute temperature (-800 DC)
est tres variee. On identifie sur la micrographie divers composants comme des cristaux de mullite (fibres noires) qui est un silicate d'aluminium, des cristaux de quartz
(grains blancs polyedriques) qui etaient presents dans Ie melange de depart et qui ne
sont pas modifies par la cuisson de la ceramique. Ces composants sont disperses dans
une matrice vitreuse. On note egalement en noir la presence de pores.
Pore
(noir)
MuIlite
Quartz
(fibre noire) (blanchatre)
10 11m
f---i
FIG. 10.12 Microstructure d'une porcelaine technique composee de cristaux de quartz, de cristaux de
mullite disperses dans une matrice vitreuse. On note egalement en noir la presence de pores.
Les ceramiques techniques (AIZO3,ZrOz, SiC...) produites a partir de poudres
synthetiques de granulometrie contr6lee sont en general caracterisees par une microstructure monophasee. Leur porosite est pratiquement nulle; leur densite peut etre superieure a 99% de la densite theorique.
Dans un grand nombre de ceramiques techniques et traditionnelles ainsi que
dans les metaux a point de fusion eleve (metaux refractaires: tungstene W, tantale Ta,
molybdene Mo), la mise en ceuvre se fait par un procede defrittage. Ce procede de
formation d'un solide polycristallin ne passe pas par un etat liquide comme c'est Ie
cas dans la majorite des materiaux mais par diffusion en phase solide, ce qui necessite
Ie chauffage de poudres a temperatures elevees, avec ou sans application de pression.
Le principe du frittage est schematise succinctement a la figure 10.13. Nous
avons represente schematiquement en (a), (b), et (c) trois etapes du procede. Le
nombre de grains presents dans chaque cadre est identique. On remarque que la dimension des cadres diminue quelque peu car Ie volume global du materiau diminue
legerement a mesure que Ie frittage se fait. La porosite representee en noir est initialement tres importante. Celle-ci diminue progressivement (b). A la fin du frittage, la
porosite est considerablement reduite surtout dans Ie cas des ceramiques techniques.
Globalement, les grains croissent legerement et Ie volume diminue legerement.
Microstructures
287
(c)
~
10 f!m
1---1
FIG. 10.13 Representation schematique des etapes du procede de frittage: (a) poudres compactees; (b)
stade intermediaire: la taille des vides diminue; (c) stade terminal: les volumes vides ont pratiquement
disparu et il ne subsiste plus que quelques pores et des joints de grains.
On voit sur Ie schema de la figure 1O.13(c) que les joints de grains restent visibles au microscope et que la porosite residuelle est localisee en ces endroits. En utilisant des procedes de pressage multidirectionnel (pressage isostatique), on obtient
des densificationss'approchant
de la densite theorique. La microstructure des materiaux obtenus par frittage est en grande partie conditionnee par la granulometrie des
poudres et par leur traitement. La fabrication de poudres ayant des caracteristiques
determinees et reproductibles est devenue une activite industrielle importante.
Dans un certain nombre de cas cependant, un film liquide se forme 11l'interface
des grains, mais l' ensemble du materiau ne passe pas 11l' etat liquide. C' est Ie frittage
en phase liquide. Dne dissolution partielle de certains compos ants peut intervenir.
Des rearrangements structuraux et des reprecipitations sont susceptibles de se produire pendant la phase de consolidation. Le procede de frittage en phase liquide est
couramment utilise pour la fabrication des metaux durs pour outils de coupe 11base de
WC et de Co. Dans ce cas, la formation d'un film de Co liant les grains de carbure de
tung stene (~90% en volume) est obtenue par Ie traitement thermique qui amene la fusion de l'eutectique de Co-Wc. Grace 11cela, on obtient un materiau ayant une resistance au choc elevee.
10.3.6 Microstructures des melanges de polymeres et des copolymeres
Nous avons vu au chapitre 8 que les polymeres ne formaient presque jamais
d' alliages par melange physique de deux macromolecules de nature differente. La
Introduction a la sciences des materiaux
288
plupart du temps, les melanges (alliages) de polymeres sont obtenus par voie chimique, c' est -a-dire par copolymerisation.
Les copolymeres statistiques (fig. 8.28(a)) ne comportent qu'une seule phase
amorphe, et de ce fait ils ne possedent pas de microstructure. Les copolymeres comportant des sequences homogimes de structure chimique differente, c'est-a-dire copolymeres a blocs (fig. 8.28 (b)) et greffes (fig. 8.28 (c)), se presentent en general sous
la forme d'une emulsion de deux phases finement dispersees. Dans ce type de copolymere, on distingue (fig. 10.14) trois microstructures de base suivant la longueur relative des sequences A et B; formation de spheres, de cylindres ou de lamelles. Ces
elements de microstructure ont une dimension caracteristique (diame-tre des spheres et
des cylindres, epaisseur des lamelles) comprise entre 10 nm et 1 !--tm.
Copolymeres
A
Spheres
trisequences
ABA
~fiJtW
A
Cylindres
A,B
Lamelles
B
Cy lin dres
B
Spheres
~
% croissant de A
f
-
200nm
i
% decroissan t de B
FIG. 10.14 Variation de la microstructure des copolymeres trisequences ABA en fonction de leur
composition (d'apres Molau, 1970).
Nous decrirons succinctement ici deux types de materiaux polymeres synthetises
au depart de copolymeres comportant des sequences homogenes comme les copolymeres greffes ou des copolymeres triblocs. De maniere generale, lorsque la microstructure est constituee d'une dispersion de spheres caoutchoutiques dans une phase
amorphe vitreuse, on obtient un thermoplastique rigide a haute resistance au choc.
Dans Ie cas inverse d'une dispersion de sphere vitreuse dans une matrice caoutchoutique, on obtient un caoutchouc thermoplastique.
Nous discuterons d'abord, a titre d'exemple de thermoplastique rigide a haute
resistance au choc, du cas du polystyrene-choc. Ce materiau est un melange de polystyrene et d'un copolymere greffe ( fig. 8.28(c)). La chaine principale du copolymere
greffe est un polydiene (polybutadiene) (A) et les greffons (B) sont du polystyrene.
La microstructure (fig. 8.2) de ce materiau est un constitue d'une dispersion de nodules spheriques dont la taille varie de 1 a 10 !--tmdans une matrice rigide de polystyrene thermoplastique.
Ces nodules spheriques, qui sont produites par Ie procede de synthese (vol. 13,
chap. 5), ont une morphologie tres complexe. Celle-ci est detaillee a la figure 10.15.
La phase de polystyrene est en blanc, tandis que la phase de polybutadiene (marquee
au tetroxyde d'osmium) apparait en noir sur la figure. Nous avons indique schematiquement les details de l' organisation des chaines de copolymere greffe dans la microstructure. En traits pleins, les chaines de polybutadiene et en traits pointilles les chai-
289
Microstructures
Phase
Copolymere greffe
butadiene::::
polystyrene
Phase
I
poly butadiene
styrene
Polystyrene
Liaison pontale
entre deux chaines
de polybutadiene
Fig. 10.15 Details de la microstructure
d'un nodule inclus dans un polystyrene-choc.
rene est en clair et I'elastomere est en fonce. Nous avons indique schematiquement
La phase polystyles details de I'or-
ganisation des chaines de copolymere greffe dans la microstructure.
En traits pleins, les chaines de poIybutadiene(elastomere);
en traits pointilles les chaines de polystyrene greffees.
nes de polystyrene. Comme l'indique Ie schema, il existe egalement un petit nombre
de chaines de polystyrene qui relient entre elles deux chaines de polybutadiene. La
presence de ces chaines de polystyrene liees aux deux extremites induit la formation
d'un reseau tridimensionnel qui vient, en quelque sorte, corseter les nodules spheriques et les rend plastiquement indeformables. La presence de ce corset moleculaire
tridimensionnel empeche les nodules de se fragmenter pendant la mise en ceuvre du
polymere a haute temperature.
Comme exemple de caoutchouc thermoplastique, nous decrirons Ie cas d'un
copolymere tribloc (fig. 8.28(b» compose de deux sequences (A) de polystyrene et
d'une sequence de polybutadiene (B). La synthese de ce copolymere est egalement
decrite au volume 13 (chap. 5). Lorsque la proportion de polybutadiene dans Ie copolymere tribloc depasse 60%, on obtient un materiau polymere constitue d'une dispersion de spheres vitreuses de polystyrene dans une matrice caoutchoutique continue
de polybutadiene (fig. 10.16). Ce materiau est un elastomere a temperature ambiante
maislorsqu'on Ie porte a haute temperature (T> 100 QC),il passe a l'etat liquide et il
peut etre mis en forme. Ce type de materiau combine done les proprietes elastomeres
avec les facilites de mise en ceuvre des thermoplastiques d'ou leur denomination de
caoutchouc thermoplastique.
En effet, nous avons vu (chap. 5) qu'un elastomere etait constitue d'un reseau
tridimensionnel de chaines reliees entre elles par des liaisons pontales. Dans Ie reseau
290
Introduction it la sciences des materiaux
tridimensionnel d'un elastomere vukanise, les chaines elastiques sont fixees a chaque
extremite a une liaison pontale (fig. 6.12). En l'absence de liaison pontale, la deformation est irreversible, on a affaire a un liquide tres visqueux.
Dans les copolymeres lineaires triblocs decrits a la figure 10.16, les segments de
polybutadiene (caoutchoutique) sont lies a chaque extremite a une sequence polystyrene rigide. Les segments caoutchoutiques sont donc relies entre eux par les spheres
vitreuses de polystyrene et constituent un reseau tridimensionnel caoutchoutique caracterise par une grande deformabilite reversible (plus de 100 %) pour autant que la
temperature d'utilisation soit intermediaire entre les temperatures de transition vitreuse du polybutadiene --80 DC)et du polystyrene (-100 DC).En pratique, pour ces
copolymeres trisequences, la temperature d'utilisation varie entre -40 et 50 DCenviron. Si la temperature est superieure a la temperature de transition vitreuse du polystyrene (-I OODC),les nodules de polystyrene se ramollissent, Ie materiau devient
thermoplastique et il peut se mettre en forme (generalement a une temperature superieure a -200DC) par des procedes analogues a ceux utilises pour les polymeres thermoplastiques simples (polystyrene, poly(methacrylate de methyle).
I
polystyrene
Mn
= 10.15000
poly butadiene
Mn=50-70oo0
FIG. 10.16 Microstructure
des copolymeres trisequences
30% pds de styrene (d'apres M. Morton, 1977).
-20 nrn
I
polystyrene
Mn= 10-15000
styrene-butadiene-styrene
contenant
environ
II est tres important de mentionner qu'il est necessaire d'utiliser un copolymere
trisequence (ou multisequence) pour obtenir un caoutchouc thermoplastique. Avec un
copolymere bibloc (fig. 8.28 (b)) , les segments elastiques ne sont lies qu'a une seule
extremite et on n' obtient pas de reseau tridimensionnel caoutchoutique.
Microstructures
291
10.4 RESUME ET CONCLUSIONS
La microstructure des materiaux est composee de differentes phases de forme,
de taille et de distribution variables (grains, precipites, dendrites, spherolithes, lamelles, pores...). Les phases se differencient les unes des autres par leur structure
cristalline, semicristalline ou amorphe. Les morphologies s' observent au microscope
optique ou electronique. La microstructure determine les proprietes d'un tres grand
nombre de materiaux. C' est grace a la modification contr61ee de la microstructure
lors de la fabrication ou de la transformation que l'ingenieur en materiaux obtient une
large gamme de proprietes. Pour comprendre Ie comportement des materiaux, il est
indispensable d' etablir la liaison entre des phenomenes qui se deroulent aI' echelle de
la microstructure et les proprietes du materiau.
Les microstructures formees dans les materiaux dependent non seulement de la
composition ou de la structure chimique du materiau mais aussi de l'existence de gradients de temperature ou de concentration a l'interieur de celui-ci lors de sa transformation. Les microstructures sont egalement fortement influencees par l'energie necessaire a la creation des interfaces nouvelles.
La plupart des microstructures qui se forment lors de la solidification sont de nature cristalline. Le verre est toujours moins stable que Ie cristal si celui-ci peut se
former. Dans un certain nombre de cas cependant, une structure amorphe (vitreuse)
apparait lors d'un refroidissement rapide. Notons que c'est en raison de l'absence de
microstructure que les verres doivent leur transparence. Certains materiaux ont une
structure moleculaire tres irreguliere et ne sont pas capables de developper une
structure cristalline stable. Ils n' existent, a l' etat solide, que sous une forme vitreuse,
quelles que soient les conditions de refroidissement (polymeres atactiques). La microstructure des polymeres organiques est, en grande partie, contr6lee par leur structure chimique. Si les macromolecules ont une structure moleculaire reguliere, la cristallisation se produit generalement. Notons que la cristallisation des materiaux polymeres n'estjamais complete (structure semi-cristalline) et forme des spherolithes.
Les caracteristiques cinetiques des transformations de phases permettent d'induire, par des traitements thermiques adequats (trempe-recuit), des microstructures
tres diverses, qui ont en general une composition non homogene et qui sont presque
toujours metastables a la temperature d'utilisation. Dans Ie cas des metaux et de leurs
alliages, les traitements thermiques combines avec des traitements mecaniques,
comme Ie laminage, ont atteint un degre de sophistication tres eleve.
Les ceramiques sont obtenues souvent par frittage de poudres, ce qui explique la
presence de pores qui constituent un element important de leurs microstructures.
10:5 EXEMPLE ILLUSTRATIF: LE LASER, UN OUTIL POUR
L'INDUSTRIE AUTOMOBILE
Un laser est une source de rayonnement qui met en ceuvre une technique speciale
d'emission de la lumiere dite stimulee qui se caracterise par une grande coherence de
phase de l'emission lumineuse. Les sources traditionnelles de lumiere comme Ie fila-
292
Introduction a la sciences des materiaux
ment d'une lampe a incandescence ne produisent qu'une emission «spontanee» qui se
marque par des changements de phase frequents, ce qui engendre des interferences et
des pertes d'energie importantes. Dans un laser, les atomes d'un gaz ou d'un cristal
sont excites dans un etat de haute energie par un stimulant electrique ou lumineux.
Dne partie de cette energie est reemise sous forme d.'un faisceau intense et parallele
d'une radiation electromagnetique coherente, dans une bande etroite de longueur
d'onde. Ce faisceau est focalisable par des lentilles ou des miroirs, ce qui permet
d'apporter, dans un tres petit volume pendant un temps tres court, une puissance elevee. Les differents lasers operent dans un domaine de longueur d'onde allant de 1'ultraviolet a 1'infrarouge. Le concept de base du laser a ete propose des 1917 par A.
Einstein mais il a fallu plus de 40 ans avant que Ie premier laser ne soit realise par
Maiman en 1959. Le terme laser, qui est un acronyme accepte partout, provient des
initiales de la terminologie anglo-saxonne (Light Amplification of Stimulated
Emission of Radiation) qui se traduit en franc;ais par «amplification de lumiere par
emission stimulee de rayonnement».
Le laser est devenu un outil indispensable pour Ie traitement des materiaux. En
particulier, on a developpe un nombre important d'applications industrielles pour
l'usinage des materiaux metalliques (pen;;age,decoupage, soudage). Plus recemment,
on a developpe des procedes de transformation superficielle des alliages metalliques
en vue d'augmenter leur resistance a l'usure, a la fatigue et a la corrosion.
Pour realiser ces traitements de surface, on utilise un laser de haute puissance a
CO2 par exemple qui permet une emission continue de quelques kW a une longueur
d'onde de 10,6 [tm. Ce type de laser est egalement utilise pour la soudure. Le faisceau
lumineux de ces lasers est focalisable sur une surface reduite (-0,1 mm). En pratique,
on travaille souvent avec un spot d'environ 1 mm de diametre. Par balayage a haute
J
vitesse de la surface metallique avec ce spot laser, on obtient une couche metallique
avec une microstructure ultrafine resultant d'une fusion superficielle suivie d'un refroidissement a vitesse tres elevee. Si l' on associe a ce traitement laser superficiel une
projection de poudres metalliques ou ceramiques, on forme en surface une couche
d'alliage de composition differente de celIe de la masse du materiau et on modifie
ainsi les proprietes de surface. On se limitera dans cet exemple illustratif aux traitements laser utilisant des poudres de composition tres differente de celles du substrat.
Ceci permet de changer la resistance a la corrosion ou a 1'usure d'un materiau sans alterer ses proprietes mecaniques.
La figure 10.17 represente schematiquement Ie processus de depot d'une couche
d' alliage metallique en surface d'un materiau metallique par 1'interaction d'un faisceau laser a un jet de poudre. Pour obtenir un traitement en continu, on balaie la zone
a recouvrir en deplac;antprogressivement la piece a traiter sur une plateau mobile ou
par l' oscillation du faisceau. Lorsque Ie faisceau laser interagit avec une surface metallique, une partie de l' energie du faisceau est absorbee alors que l' autre partie est
reflechie. Le taux d'absorption (qui conditionne l'efficacite de chauffage du materiau
par Ie faisceau) depend de la nature du materiau, de son etat de surface, de la longueur d'onde et de l'intensite de la radiation. La profondeur atteinte et la forme de la
zone fondue restent stables durant Ie traitement et se deplacent de maniere uniforme
Microstructures
293
avec Ie deplacement du plateau mobile qui porte la piece. Les conditions de traitement dependent de l'intensite de la source laser et de la vitesse de deplacement du
Laser
Substrat
FIG. 10.17 Representation schematique du traitement de la surface d'un materiau metallique par balayage avec un spot laser couple it la projection simultanee d'une poudre. Recouvrement de la surface
du materiau par une couche d'alliage de composition differente de celie de la masse du materiau.
FIG. 10.18 Microstructure
d'une stellite (alliage Co, Mo, Cr, C) depose par laser.
plateau mobile. Celle-ci varie de quelques millimetres a quelques dizaines de centimetres par seconde. Le gradient de temperature induit par Ie traitement est de l' ordre
de 106 K m-I et la vitesse de refroidissement varie entre 103 et 105 K s-I. Ces conditions experimentales amenent la formation de microstructures fines (fig. 10.18), qui
ameliorent les proprietes superficielles du materiau. Ce procede de recouvrement est
294
Introduction a la sciences des materiaux
particulierement interessant parce que la surface du substrat, qui est fondue superficiellement, s'allie avec Ie materiau de revetement par une liaison metallique forte.
Ce processus presente une serie d'autres avantages:
.
Le temps d'interaction entre Ie substrat et Ie spot laser est tres court, la piece
traitee est peu chauffee et sa deformation est minime.
. L'epaisseur de la couche de recouvrement est bien contr6lee et Ie travail,d'usinage ulterieur est peu important.
Le processus est tres flexible et se prete al'automatisation.
L'outil de traitement, qui est un faisceau lumineux, ne s'use pas.
.
.
L'industrie automobile utilise actuellement cette technique pour la fabrication de
sieges de soupape directement sur des blocs moteurs prefabriques en alliages d'aluminium (fig. 10.19). Dans Ie procede c1assique,les sieges de soupape sont sertis sous
forme de bagues sur les tetes de cylindre par pressage. Le procede par traitement laser
est interessant car il assure une meilleure conduction thermique entre Ie cylindre et Ie
siege de soupape, ce qui leur permet de travailler a temperature plus basse. II s'ensuit
une diminution de l'usure. De plus, l'absence de bague dans Ie procede laser permet
la fabrication de sieges de soupape de plus grand diametre. Ceci augmente egalement
les performances du moteur tout en diminuant la consommation de carburants.
FIG. 10.19 Culasse de moteue traitee par laser avec un alliage due et resistant
Toyota)(D'apres
T. Saito).
a la corrosion
(procede
10.6 EXERCICES
10.6.1 La microstructure de la figure 10.20 a ete obtenue au microscope optique.
.
..
Definir les elements de cette microstructure.
Decrire l' element represente par les traits noirs .
Par quel traitement rend-on cette microstructure observable?
Microstructures
295
~
-100~m
FIG. 10.20 Exemple de microstructure
d'un metal pur au d'une ceramique
10.6.2 Donner les domaines d'application
scopie electronique a transmission.
obtenue par frittage.
de la microscopie optique et de la micro-
10.6.3 Expliquer pourquoi la cristallisation des polymeres organiques n' est jamais
complete. Dessiner schematiquement la structure observee au microscope optique a
divers stades de la cristallisation.
10.6.4 Esquisser 1'interface de croissance d'une lamelle cristalline de spherolithe.
Quelle est l' etape cinetique de la croissance cristalline des polymeres ? En vous basant sur Ie paragraphe 9.3.2, expliquer pourquoi l'epaisseur de cette lamelle diminue
avec la temperature.
10.6.5 Representer 1'evolution de la fraction volumique des spherolithes pendant une
cristallisation isotherme et indiquer schematiquement Ie developpement de la microstructure durant cette transformation de phase (fig. 9.14).
10.6.6 Esquisser l' evolution de la microstructure d'un acier contenant 0,4% pds de
carbone (fig. 9.16) et dessiner les microstructures observees apres un refroidissement
a 740 et a 700°C.
10.6.7 Quelle microstructure observe-t-on si on refroidit un acier contenant 0,4% pds
de carbone de 950°C a la temperature ambiante dans les conditions suivantes:
.
refroidissement
lent aI' equilibre;
. refroidissement rapide (trempe).
10.6.8 Apartir du diagramme de phases Cu-Zn (laiton) de la figure 8.32, tracer les
courbes de refroidissement et dessiner les microstructures des alliages contenant respectivement 10 et 20% pds de Zn.
10.6.9 Les deux alliages dont les diagrammes de phases representes a la figure 10.21
se pretent-ils au durcissement par precipitation de l' aluminium? Justifier votre reponse.
Introduction a la sciences des materiaux
296
700
600
~
500
~
::>
'§
'OJ
P.
~
""
.3
,
p.
E
400
300
200
100
0
Al
20
40
60
80
Pour-cent pds en magnesium
100
Mg
0
Al
20
60
40
80
(b)
100
Sn
(a)
FIG. 10.21 Diagramme d'equilibre de phase des alliages AI-Mg (a) et AI-Sn (b).
400 nm
1 f!m
(a)
(b)
Fig. 10.22 Microstructure
d'un melange de polypropylene
et d'un copolymere ethylene-propylene,
vue au microscope electronique 11transmission et marquee au ruthenium. Le copolymere ethylene-propylene forme la phase dispersee.
blocs (d'apres Biebuick, 1994).
On remarque
la structure core-shell
caracteristique
d'un copolymere
11
10.6.10 La figure 10.22 represente la microstructure d'un melange de polyPropylene
(phase continue) et d'un copolymere ethylene-propylene qui forme la phase dispersee.
.
QueUes sont les caracteristiques principales de cette microstructure?
Microstructures
.
.
.
297
Comparer cette microstructure a celle du polystyrene choc (fig. 8.2 et 10.15)
et discutee au paragraphe 10.3.6. Quelles sont les differences importantes
existant entre les caracteristiques physiques de ces deux materiaux ?
Que pouvez-vous en deduire du point de vue de la solubilite et de la resistance
a la temperature de ces materiaux ?
Le melange de polypropylene et de copolymere ethylene-propylene est-il un
materiau ductile? Justifier votre reponse en vous referant notamment au paragraphe 12.2.6.
10.7 REFERENCES ET LECTURES COMPLEMENTAIRES
R.W. DAVIDGE,
The Structure of Special Ceramics
with Particular
Reference
to Mechanical
Properties, Proc. Br. Ceram. Soc., 20 (1972) 364.
T.H. MAIMAN, Nature, Aug. 6,1969).
J.-P. EBERHART, Analyse structurale et chimique des materiaux, Bordas, Paris, 1989.
GROUPE FRAN<;:AIS DES POL YMERES (G.F.P.), Initiation a la Chimie et la PhysicoMacromoleculaire,
Volume 4. Quelques Grands Polymeres Industriels, 1982.
Chimie
GROUPE FRAN<;:AIS DES POL YMERES (G.F.P.), Initiation
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Volume I, Physico-Chimie
des Polymeres,
Chimie
H. JONES,
1982.
Rapid Solidification
W. KURZ, DJ. FISHER,
1998.
of Metals
Fundamentals
and Alloys,
of Solidification,
a la Chimie
1978.
Institution
et a la Physico-
of Metallurgists,
Trans. Techn. Publications,
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Britain),
Zurich (Suisse),
G.E. MOLAU, S.L. AGGARWAL
(ed.), Block Polymers, Plenum Press, New York, 1970, p. 79.
M. MORTON, Thermoplastic Elastomers, J. Polym. Sci, C 60, (1977),1.
T. SAITO, Toyota SAE Technical Series, 1992.
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