Joseph KOSUTH Joseph KOSUTH - Musée d`art contemporain de

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Joseph KOSUTH
Œuvres entrées dans la collection en
1986 à l’issue de l’exposition Joseph
Kosuth (1985) :
Zéro & Non, 1985
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Dimensions variables : environ 500 m
Œuvre acquise en 1986, n° d’inventaire :
986.1.1
N'importe quelle vitre de… à placer
contre n’importe quel mur de…, 1966
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Dimensions variables : environ 400 m
Œuvre acquise en 1986, n° d’inventaire :
986.1.2
Cathexis n° 4 , 1981
Dimensions : 330 x 205 cm
Don de l’artiste en 1986, n° d’inventaire :
986.1.3
Joseph Kosuth, Zéro & Non, 1985. ©Blaise Adilon
©Adagp, Paris 2010
Pour Joseph Kosuth, Marcel Duchamp change la nature de l’art : « Ce changement – un
passage de l’apparence à la conception – fut le commencement de l’art “moderne” et le début
de l’art “conceptuel”. » Tandis que Hegel propose de comprendre « l’art en tant que tel »,
Joseph Kosuth, quelques décennies plus tard, fait de l’art « une définition de l’art ». En 1969,
en effet, il énonce en une formule devenue célèbre que « l’œuvre d’art est une tautologie en ce
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qu’elle est une présentation des intentions de l’artiste […]. Les formes que prend l’art sont le
langage de l’art, on peut alors comprendre qu’une œuvre d’art est une sorte de proposition
présentée dans le contexte de l’art en tant que commentaire sur l’art. De là, nous pouvons aller
plus loin et analyser les types de propositions […]. Les œuvres d’art sont des propositions
analytiques. C’est-à-dire que si on les considère dans leur contexte – comme art – elles ne
fournissent aucune information sur quelque sujet que ce soit. Une œuvre d’art est une
tautologie dans la mesure où elle est une représentation de l’intention de l’artiste : l’artiste dit
que telle œuvre d’art est de l’art, ce qu’il faut comprendre par “est une définition de l’art”. Ainsi
que cela soit de l’art, cela est vrai a priori. » Plus loin, dans ce même essai, Joseph Kosuth
e
écrit : « Le XX siècle a inauguré une époque que l’on pourrait appeler la fin de la philosophie et
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le début de l’art. » L’artiste emprunte à Ayer ses certitudes : « Aucune proposition empirique
n’est absolument certaine. Seules les tautologies sont certaines. »
Ainsi l’idée d’art (ou « l’œuvre ») et l’art sont une seule et même chose que l’on peut apprécier
comme tel, à l’image de la logique et des mathématiques, sans qu’il soit besoin d’en vérifier
l’existence en dehors du champ artistique. Cette formule : « l’art est la définition de l’art »
consacre la victoire du principe de l’autonomie artistique (revendication née avec les avantgardes historiques) sur toute autre conception de l’art.
Cependant, si toute œuvre est de l’art en tant que définition de l’art et intention de l’artiste,
toute œuvre n’est pas forcément bonne. C’est de cette question, somme toute assez banale,
que nous discutons avec Joseph Kosuth vers 13 heures en février 1985 chez Tante Alice,
1
L’art après la philosophie, initialement publié dans Studio International, vol. 179, n° 915-917,
Londres, octobre-novembre-décembre 1969. Les citations suivantes sont extraites de l’ouvrage.
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Voir dans un contexte opposé, celui de l’art comme critique de la vie, la remarque d’Allan Kaprow :
« Maintenant que l’art est de moins en moins de l’art, il reprend le rôle premier de la philosophie… », in
Manifeste, 1966, A. Kaprow.
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A. J. Ayer, Language, Truth and Logic, Douvres, New York.
© Musée d’art contemporain de Lyon - 2010
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bonne table lyonnaise. Joseph Kosuth a entrepris un tour européen des nouveaux lieux
consacrés à l’art et des bastions dévolus à la gastronomie. Le contact s’est fait par Philip
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Nelson de la galerie Gaston/Nelson . Le Musée, ou ce qui en tient lieu, est ouvert depuis cinq
5
mois . Cette question de la qualité de l’œuvre est au cœur du débat avec l’artiste puisqu’une
pièce de Joseph Kosuth intitulée Zéro & Non, récemment conçue pour une exposition au
120 West Broadway (New York), vient d’être écartée par Leo Castelli.
Alors que nous n’avions aucun projet particulier avec l’artiste encore quelques minutes
auparavant, ce refus nous convainc de produire l’œuvre, afin d’en faire l’expérience (car elle
n’existe pas encore) et de l’acquérir (si elle est « bonne », évidemment) pour conserver
l’intégralité de ce moment particulier. Cette œuvre est la première incarnation de notre projet
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muséographique : elle est l’expression d’un moment et elle est une œuvre générique .
Sur la possibilité du Musée de collectionner des moments et sur leur « invention » (comme on
le dit d’un trésor), voir les notices consacrées à Abramović/Ulay, Baldessari, Buren, Fabre… Au
sujet de l’œuvre générique, nous la définirons comme un ensemble clos correspondant à une
temporalité spécifique ET à un projet artistique saisi dans sa totalité. Si l’on devait faire une
analogie avec le texte, on écrirait que l’œuvre générique relève moins de la phrase que du
chapitre. L’œuvre générique, complète (mais fragmentaire par rapport à une représentation
biographique par exemple), est une alternative au modèle de la collection générique incarnée
en France par le Louvre, collection encyclopédique, qui vise l’exhaustivité des œuvres, du
temps et de l’espace, exhaustivité que la globalisation, le temps réel et le couple
universalité/communautarisme rendent caduques aujourd’hui.
Dans Zéro & Non, Kosuth met en
place un jeu visuel et textuel qui
joue sur plusieurs niveaux. L’œuvre
se présente sous forme de papier
peint sur lequel est imprimé
plusieurs fois un extrait d’Au-delà du
principe de plaisir de Freud. Le texte
est totalement biffé et comprend un
système de chiffres et de bandes
colorées qui dessinent la possibilité
d’un espace linguistique donné.
2
L’œuvre occupe 800 m de murs et
répète vingt-deux fois le fragment
de Freud. Inaugurant une nouvelle
« série » de l’artiste, Zéro & Non est
produite par le Musée et présentée
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du 15 juin au 15 juillet 1985 , puis
elle sera reprise dans son principe Joseph Kosuth, Zéro & Non, 1985. ©Blaise Adilon ©Adagp,
et exposée à travers le monde. Sa Paris 2010
première réapparition se fera à
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Chambre d’Amis, à Gand, en 1986 .
Conçue sous la forme d’une exposition temporaire, puis acquise par le Musée dans sa totalité,
Zéro & Non échappe au principe de recomposition, de reconstruction et d’échantillonnage qui
caractérise les collections encyclopédiques.
4
Galerie Gaston/Nelson – 99, cours Émile-Zola, Villeurbanne – jusqu’en 1987. Philip Nelson (19562006).
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Voir l’hommage rendu au « moment », incarné par l’exposition organisée par Seth Siegelaub à New
York et intitulée January 5-31, à laquelle participent Joseph Kosuth, Robert Barry, Douglas Huebler.
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Zéro & Non est la « première production » conçue afin d’être conservée dans la collection. Mais la
première production à être suivie par le Musée est celle de 4-8-84 de Georges Adilon entre avril et août
1984.
7
Aux mêmes dates, le Musée expose aussi Lawrence Weiner.
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Exposition organisée par Jan Hoet, 21 juin-21 septembre 1986.
© Musée d’art contemporain de Lyon - 2010
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Mais pour mettre en balance ce moment particulier dans l’œuvre de l’artiste, nous cherchons
un autre « moment » dans son œuvre qui précède la logique strictement linguistique, et qui
crée une forme de métaphore de l’art entre l’avant et l’après philosophique de Joseph Kosuth.
L’artiste saisit l’humour de notre proposition et en mesure l’enjeu, c’est pourquoi il nous
propose alors N’importe quelle vitre de… à placer contre n’importe quel mur de…, créée en
1966.
L’œuvre consiste en vingt-deux carrés de verre progressant de dix centimètres en dix
centimètres de 60 cm à 270 cm, que l’on peut choisir d’exposer intégralement ou non, mais qui
exige une présentation minimum
de cinq plaques, quelles que
soient leurs dimensions. Le
parallèle qui s’opère de l’une à
l’autre des deux œuvres est
manifeste.
Ensemble,
elles
créent un moment de vingt ans
en une manière d’Epoché.
Exposées ensemble au cours
de l’été 1985, les deux œuvres
sont acquises la même année.
À l’issue de l’exposition, Joseph
Kosuth
donne
au
Musée
Cathexis n° 4 , 1981, 330 x
205 cm (tirage photographique,
sérigraphie,
adhésif,
bois,
plexiglas), qui, par retournement
conceptuel et avec humour,
traite de la perception, de
l’iconographie et de l’histoire de
Joseph Kosuth, N’importe quelle vitre de… à placer contre
l’art.
n’importe quel mur de…, 1966. ©Blaise Adilon ©Adagp, Paris
2010
Joseph Kosuth
Né en 1945 à Toledo (États-Unis), vit et travaille à New York (États-Unis) et à Gand (Belgique)
© Musée d’art contemporain de Lyon - 2010
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