Djibouti 2012 www.africaneconomicoutlook.org Djibouti Bien que la croissance économique du pays ait été affectée au cours de l’année par une série de trois chocs successifs qui ont pesé sur sa performance, une accélération est attendue en 2012 et 2013 sur la base d’une reprise des deux principaux moteurs de l’économie djiboutienne que sont les activités portuaires et l’afflux d’investissements directs étrangers (IDE). Conformément au programme de la facilité élargie de crédit (FEC) du Fonds monétaire international (FMI) dans lequel le pays est engagé, Djibouti a privilégié en 2011 une gestion macroéconomique prudente et la poursuite des réformes structurelles figurant dans le programme. La pauvreté reste une question préoccupante dans le pays où plus de 70 % de la population est pauvre et plus de 50 % des actifs sont au chômage. Vue d'ensemble En 2011, Djibouti a été affecté par une série de trois chocs successifs qui ont pesé sur sa croissance économique. Le pays a continué d’accuser un ralentissement de sa croissance causé par la poursuite des répercussions de la crise financière sur les deux principaux moteurs de son économie que sont, les investissements directs étrangers (IDE) et les activités portuaires. De plus, l’économie du pays a été affectée par une sévère sécheresse et l’élection présidentielle qui a conduit à une période d’attentisme de la part des acteurs du secteur privé. Les IDE e t l’activité portuaire devraient enregistrer en 2012 et 2013 une croissance liée à la mise en place d’investissements reportés depuis le début de la crise financière mais aussi à l’extension du terminal à conteneurs de Doraleh et à l’exploitation des ressources géothermiques du pays. Le pays a en outre signé en février 2012 un accord historique de coopération tripartite avec l’Éthiopie et le Sud-Soudan visant la construction d’infrastructures de télécommunication, routières, ferroviaires et de transport pétrolier dans les trois pays afin de relier, en passant par l’Éthiopie, le Sud-Soudan à Djibouti qui dispose d’un accès à la mer. Cet accord est porteur de nouveaux investissements pour Djibouti et d’un regain d’activités notamment portuaires pour le pays qui permettrait de découpler les performances économiques de Djibouti des activités commerciales de l’Éthiopie. Malgré les difficultés liées aux trois chocs successifs subis au cours de l’année, les autorités ont veillé à respecter les engagements pris dans le cadre de leur programme de facilité élargie de crédit (FEC) avec le Fonds monétaire international (FMI). Les autorités poursuivent le développement du pays avec comme objectif de mettre en place une plateforme régionale de services commerciaux, logistiques et financiers. A cette fin, la mise en service de l’interconnexion électrique entre l’Éthiopie et Djibouti constitue un développement majeur pour le pays, grâce à l’amélioration de l’environnement des affaires du fait d’une meilleure disponibilité de l’énergie et à la réduction du déficit de sa balance commerciale résultant de la diminution des importations de pétrole du pays. L’économie du pays continue d’être dominée par le secteur tertiaire au travers des activités portuaires et des services logistiques connexes, de l’activité bancaire ou des télécommunications dont le secteur connait une forte croissance. Cependant, l’amélioration des conditions de vie de la population et notamment la réduction du niveau de pauvreté continue de constituer des défis majeurs pour le pays qui compte une population à près de 75 % pauvre dont 42 % vivent dans une situation d’extrême pauvreté. Les jeunes sont sévèrement touchés par le chômage qui est endémique dans le pays. Les autorités ont mis en place des initiatives visant à favoriser l’entreprenariat des jeunes afin de résorber leur chômage et de stimuler le secteur privé. Ce dernier n’est pas encore assez développé pour créer suffisamment d’emplois. De plus, le rôle de principal pourvoyeur d’emplois, aujourd’hui révolu, qu’a tenu historiquement l’Etat, est encore ancré dans les mentalités. Cela explique la déconnexion qui existe actuellement entre les compétences des jeunes et les besoins du marché du travail. Les autorités cherchent à y remédier par l’intermédiaire de plusieurs projets visant à identifier les secteurs porteurs d’emplois afin d’offrir des formations adéquates en phase avec les besoins du marché du travail et à insuffler aux jeunes l’esprit d’entreprenariat. Perspectives économiques en Afrique 2012 2 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA Figure 1 : Taux de croissance du PIB réel (Orientale) 10% Crois s ance réelle du PIB (%) 8% 6% 4% 2% 0% 2003 2004 2005 Taux de crois s ance du PIB réel (%) 2006 2007 2008 2009 Afrique de l'Es t - Taux de crois s ance du PIB réel (%) 2010 2011 2012 2013 Afrique - Taux de crois s ance du PIB réel (%) 2010 : estimations ; 2011 et années suivantes : prévisions. http://dx.doi.org/10.1787/888932623706 Tableau 1 : Indicateurs macro-économiques 2010 2011 2012 2013 Taux de croissance du PIB réel 3.5 3.5 4.8 6.7 Taux de croissance du PIB réel par habitant 1.6 1.6 2.9 4.8 Inflation IPC 4 5.1 2.1 2.1 Balance budgétaire % PIB -0.6 -0.5 2.1 2.9 Balance courante % PIB -5.5 -6.9 -6.6 -8.5 2010 : estimations ; 2011 et années suivantes : prévisions. http://dx.doi.org/10.1787/888932605124 Perspectives économiques en Afrique 2012 3 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA Développements récents et perspectives Tableau 2 : PIB par Secteur (en pourcentage du PIB) 2006 2011 Agriculture, foresterie, pêche et chasse 3.6 3.6 Agriculture, élevage, sylviculture et pêche - - dont agriculture - - Mines et extraction 0.2 0.2 dont pétrole - - Industries manufacturières 2.6 2.5 Electricité, gaz et eau 5.8 5.3 Electricité, eau et assainissement - - Construction 8.2 14.3 Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants 19 18.5 dont hôtels et restaurants - - Transports, entreposages et communications 26.6 26.6 Transport et stockage, information et communication - - Finance, immobilier et services aux entreprises 13.3 14.7 Intermédiation financière, services immobiliers, services aux entreprises et autres services - - Services des administrations publiques 18.8 12.7 Administration publique et défense, sécurité sociale, éducation, santé et travaux sociaux - - Administration publique, éducation, santé - - Administration publique, éducation, santé et autres services sociaux et personnels - - Autres services communautaires, sociaux et personnels - - Autres services 1.9 1.6 Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs 100 100 Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants - - 2010 : estimations ; 2011 et années suivantes : prévisions. http://dx.doi.org/10.1787/888932625682 La croissance économique du pays devrait rester stable en 2011 autour de 3.5%, taux enregistré en 2010. Au cours de l’année, l’économie du pays a subi une série de trois chocs qui a pesé sur son dynamisme. Premièrement, le pays a continué de subir les conséquences de la crise financière internationale comme en témoigne la poursuite du ralentissement de son activité portuaire et de l’afflux d’IDE dans le pays. Le reflux attendu pour 2011, des IDE reportés en 2009 et 2010 à cause de la crise financière, n’a pas eu lieu. Deuxièmement, la sévère sécheresse qui a sévi dans la Corne de l’Afrique en 2011 a, par une ampleur sans commune mesure depuis 60 ans, affecté le pays, en aggravant considérablement sa situation, déjà structurelle, d’insécurité alimentaire. Troisièmement, les élections présidentielles en avril 2011, ont conduit à une période d’observation et d’attentisme de la part des acteurs du secteur privé qui a alimenté la contre-performance de l’économie. La croissance de l’économie devrait repartir à la hausse en 2012 et 2013 portée par la reprise des Perspectives économiques en Afrique 2012 4 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA activités portuaires et le retour des IDE qui avaient été reportés depuis l’avènement de la crise financière en 2008, l’afflux de ceux liés à l’extension du terminal à conteneurs de Doraleh et à l’exploitation des ressources géothermiques du pays. La croissance de l’économie a continué d’être tirée par le secteur des services qui domine l’économie avec une contribution de près de 77 % au produit intérieur brut (PIB) en 2011. L’activité portuaire est le principal moteur du secteur tertiaire. Elle se concentre pratiquement sur l’activité de transit avec l’Éthiopie suite à la marginalisation de l’activité de transbordement en 2010. Le volume de l’activité de transit avec l’Éthiopie s’est maintenu en 2011 au niveau de 2010 qui était déjà en net recul par rapport aux années précédentes. Les activités de télécommunications et les services financiers prennent une place de plus en plus importante au sein du secteur tertiaire. Cependant, leur ampleur n’est pas encore en mesure de compenser la perte d’activité du port et de ses services logistiques et la réduction de l’afflux d’IDE. Le développement du secteur secondaire est resté jusqu’à présent en retrait avec près de 19.5 % du PIB du fait de la contrainte qu’imposent sur son développement la disponibilité et le coût des facteurs de production dans le pays. A côté des deux entreprises nationales de production d’eau et d’électricité, le secteur comprend quelques firmes concentrées dans le secteur agro-alimentaire sur la production de boissons gazeuses, d’eaux minérales ou minéralisées et des entreprises du bâtiment et de travaux publics (BTP). Le secteur a néanmoins connu un développement majeur au cours de l’année avec l’opérationnalisation de l’interconnexion électrique entre Djibouti et l’Éthiopie. L’interconnexion a permis partiellement au pays de lever sa contrainte énergétique, grâce à l’importation à moindre coût d’électricité d’origine hydraulique en provenant de l’Éthiopie. Le prix de l’énergie facturé aux ménages pauvres a été réduit de 30 % en janvier 2012. Une généralisation de la réduction des coûts de facturation pour l’ensemble des acteurs du secteur privé stimule le développement économique et social. Le secteur primaire reste marginal et ne contribue avec 3.5 % q u e très faiblement au PIB. Le sousdéveloppement du secteur résulte de conditions climatiques arides, de la faiblesse des disponibilités et d e la mobilisation des ressources en eau ainsi que de l’absence de mise e n valeur des quelques terres arables du pays, du développement des activités piscicoles et de la non-maîtrise des techniques d’irrigation. La situation d’insécurité alimentaire structurelle du pays a été accentuée en 2011 par la sévère sécheresse qui a sévi dans la Corne de l’Afrique et a frappé tout le pays. Les régions pastorales du nord-ouest près de la frontière éthiopienne et du sud-est près la Somalie ont été les plus touchées ainsi que les zones urbaines. Les populations nomades de ces régions, pour qui le bétail est l’unique source de revenus au travers de la vente des animaux et du lait, ont été particulièrement affectées. Les populations des zones urbaines ont dû faire face à une augmentation des prix des produits alimentaires. Le nombre de personnes touchées a été estimé à 120 000, ce qui représente près de 15 % de la population soit une part importante des habitants du pays. Pour faire face à cette crise alimentaire aigue, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a lancé un appel de fonds à hauteur de 33 millions de dollars américains pour fournir une aide humanitaire aux 120 000 personnes en situation de grande vulnérabilité. La mobilisation de la communauté internationale a permis de rassembler 19 millions de dollars américains. Le pays a néanmoins poursuivi au cours de l’année sa politique de long terme, initiée en 2008, visant à limiter la dépendance du pays envers l’extérieur pour son approvisionnement alimentaire, en exploitant des fermes agricoles en Éthiopie et au Soudan. Les produits issus de ces exploitations ont permis de limiter l’impact de la sécheresse sur les prix des produits alimentaires de base dans le pays. Du côté de la demande, les investissements continuent de soutenir la croissance économique du pays. Ils ont représenté en 2011 près de 24 % du PIB et provenaient pratiquement autant du secteur public que du secteur privé. Il s’agit d’un changement notable résultant de la crise financière car durant les années 2000 les investissements du secteur privé ont été largement supérieurs à ceux du public. Du fait de la structure de l’économie djiboutienne, la balance commerciale continue d’être déficitaire. Le développement futur du pays passe par la transformation de Djibouti en une plaque tournante des échanges commerciaux, de logistique et de services connexes ainsi que de services financiers. Les autorités travaillent sur la mise en œuvre de l’exploitation de l’énergie géothermique du pays afin de parachever la levée de la contrainte énergétique. Le pays dispose de perspectives significatives pour élargir ses activités portuaires grâce à la récente accession à l’indépendance du Sud-Soudan qui constitue un nouveau marché potentiel important. Le pays vise aussi le marché des échanges commerciaux des pays enclavés de la région des Grands Lacs. Les risques qui pourraient compromettre les perspectives de développement du pays sont liés à la concurrence exercée par les ports des pays de la région notamment Salalah à Oman et Aden au Yémen, de la poursuite du ralentissement des IDE principalement en provenance de l’Émirat de Dubaï et des fluctuations défavorables des activités commerciales en Éthiopie. Perspectives économiques en Afrique 2012 5 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA Politiques macroéconomiques Politique budgétaire Les autorités ont eu pour objectif en 2011 de respecter le programme de la FEC du FMI dont la cinquième revue du programme a été conclue en février 2012. Le pays a dû faire face à une série de trois chocs successifs qui a pesé sur ses finances publiques. L’année 2011 s’achève avec un déficit de 0.5 % du PIB alors qu’il était prévu un excédent budgétaire de 0.4 %. La contreperformance a été toutefois contenue. Bien que ces chocs successifs aient contracté les recettes fiscales, l’État a réussi à réduire ses dépenses de fonctionnement notamment les dépenses de transferts non sociaux, les dépenses militaires et a reporté certaines dépenses d’investissements. Les autorités tablent sur un budget à l’équilibre en 2012 et 2013. La performance du recouvrement des recettes fiscales et non fiscales a pâti de la période électorale, la mise en place du nouveau gouvernement et la réorganisation des administrations fiscales. Après l’introduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en 2009, les autorités poursuivent l’élargissement de l’assiette fiscale avec l’ouverture en 2011 d’un centre des impôts de proximité dans la commune de Balbala et un second à Tadjourah début 2012. Dans le cadre de la décentralisation, il est prévu de doter chaque grande région du pays de centres similaires. De plus, le seuil d’assujettissement à la TVA pour les entreprises sera abaissé en 2012 à un chiffre d’affaires de 50 millions de DJF contre 80 en 2011. Les dépenses courantes représentent 50 % des dépenses de l’État dont près de 30 % sont consacrées aux salaires. Les autorités tentent d’accroitre la part des investissements publics financés à partir des recettes fiscales. Le gouvernement a maintenu sa politique de subvention des prix des produits alimentaires de base et des produits pétroliers notamment le pétrole lampant consommé par les ménages les plus pauvres. Les importations de pétrole brut et de produits dérivés représentent près de 30 % des importations de biens du pays. Afin de limiter l’impact des hausses des cours mondiaux du pétrole, le pays dispose d’un mécanisme de péréquation reposant sur la variation de la redevance payée lors de l’importation de produits pétroliers qui permet de limiter le transfert de la hausse des prix internationaux sur les prix à la pompe dans le pays. La hausse des cours des produits pétroliers survenue en 2011 a ainsi conduit à un manque à gagner de recettes provenant de la redevance pétrolière pour l’État. Les autorités ont aussi maintenu la suppression des taxes décidée lors de la crise alimentaire de 2008 sur cinq produits de base à savoir : le riz, l’huile alimentaire, le sucre, la farine et le lait en poudre. Le coût de cette mesure a été estimé à 5 millions de dollars américains par an. Tableau 3 : Opérations financières de l'Etat (en pourcentage du PIB) 2003 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Recettes totales (avec dons) 34 34.9 35.2 39.8 38.2 40.7 43.3 43.7 41.4 Recettes fiscales 20.6 23.1 20.5 19.1 20.7 23.2 23.3 23.2 23.2 Recettes pétrolières - - - - - - - - - Dons 6 3.9 5 12.4 6.6 6.1 8.5 9.1 7 Dépenses totales (et prêts nets) (a) 36.3 37.4 37.7 38.6 42.9 41.3 43.8 41.5 38.5 Dépenses courantes 29.6 29.9 26.6 25.5 25.1 27.8 28.4 26.6 24.3 Sans les intérêts 29.3 29.4 26.2 25.2 24.7 27.4 27.9 26 23.8 Salaires 15.5 14.6 13.8 10.8 13.3 14.6 14.3 13.6 12.5 Intérêts 0.3 0.4 0.4 0.3 0.4 0.4 0.5 0.6 0.6 Solde primaire -1.9 -2 -2.2 1.5 -4.3 -0.2 0.1 2.8 3.4 Solde global -2.3 -2.5 -2.6 1.2 -4.7 -0.6 -0.5 2.1 2.9 2010 : estimations ; 2011 et années suivantes : prévisions. http://dx.doi.org/10.1787/888932626670 Perspectives économiques en Afrique 2012 6 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA Politique monétaire Le régime de change de la caisse d’émission mis en place en 1949 a été un facteur déterminant de la stabilité monétaire de l’économie du pays. Depuis 1973, la monnaie nationale, le franc djiboutien (DJF), est lié au dollar par une parité fixe de 1 dollar américain pour 177.721 DJF. La Banque centrale de Djibouti (BCD) est tenue de disposer en dollars auprès de la Réserve fédérale américaine de l’équivalent de sa monnaie en circulation. Ce régime offre à Djibouti la possibilité de devenir une place financière pour la région car le franc djiboutien est librement et totalement convertible en toutes devises et les mouvements de capitaux sont libres. Afin de permettre à la BCD de disposer d’un instrument de gestion de la liquidité, elle travaille depuis 2010 à l’introduction de réserves obligatoires. Cependant, le ratio n’a pas encore été défini. L’inflation a connu une légère accélération depuis le début de l’année 2012 mais reste néanmoins contenue avec un taux annualisé de 5.1 % pour l’année 2011 comparé à 4.0 % en 2010. L’augmentation des prix a été tirée par les produits alimentaires dont la hausse a néanmoins été maitrisée grâce aux mesures prises par le gouvernement pour contenir les variations à la hausse des prix de cinq produits alimentaires clés pour l’alimentation de base. De plus, l’exploitation de fermes au Soudan et en Éthiopie a permis d’alimenter le marché domestique avec des produits de base à des prix contrôlés. Les fermes ont respectivement produit 500 tonnes de tournesol et 6 500 tonnes de blé. Le tournesol a été transformé pour 40% en huile de tournesol et pour 55% en tourteau pour le bétail et le blé a été transformé pour 80 % en farine et pour 20 % en son. Coopération économique, intégration régionale et commerce L’activité portuaire et les services de transport et de logistique qui en découlent constituent le cœur de l’économie djiboutienne. Des accords commerciaux sont en préparation avec le Kenya et l’Arabie Saoudite, ceux conclus avec l’Éthiopie devront être renouvelés en 2012. Depuis son accession à l’indépendance en juillet 2011, le Sud-Soudan constitue un nouveau marché potentiel important pour Djibouti. A cet effet, des discussions tripartites entre l’Éthiopie, Djibouti et le Sud-Soudan ont abouti à la signature d’un accord historique tripartite de coopération économique entre les trois pays en février 2012. L’accord porte sur l’extension du réseau de télécommunications de Djibouti vers le Sud-Soudan, la construction d’un oléoduc pétrolier et d’infrastructures routières et ferroviaires reliant le Sud-Soudan à Djibouti en passant par l’Éthiopie. Djibouti cherche aussi à élargir son marché en captant les échanges commerciaux des pays de la région des Grands Lacs. Djibouti a connu entre 2004 et 2009 un afflux massif d’IDE qui ont porté la croissance du pays sur cette période. Les IDE proviennent principalement des pays du Golfe et particulièrement de l’Émirat de Dubaï. La particularité de Djibouti réside dans la forte présence de donateurs issus du monde arabe (Dubaï, Koweït, Arabie Saoudite). La Chine et l’Inde ne sont que très peu présents dans le pays. Les secteurs traditionnellement receveurs sont principalement des secteurs à forte intensité capitalistique : les transports, notamment portuaires, l’immobilier, l’hôtellerie mais aussi le secteur bancaire. L’afflux des IDE s’est considérablement ralenti sous l’effet conjugué de l’achèvement de la construction du terminal et de la crise financière qui a conduit Dubaï à reporter ses investissements. L’absence de reprise significative des IDE a maintenu le déficit de la balance commerciale et de la balance des transactions courantes aux niveaux de 2010. On s’attend à une dégradation de leur solde respectif en 2012 et 2013 du fait du retour prévu d’IDE massifs dans le pays qui entraineront une augmentation des importations de biens d’équipement. L’aide publique au développement reçue par Djibouti est stable autour de 5 % du PIB. La coordination des donneurs continue de faire défaut dans le pays même si une initiative est progressivement en train de se mettre en place. Elle n’est, à l’heure actuelle, pas encore opérationnelle. Perspectives économiques en Afrique 2012 7 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA Tableau 4 : Comptes courants (en pourcentage du PIB) 2003 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Balance commerciale -32 -43.8 -50.1 -48.9 -36.7 -28.8 -33.3 -33.7 -34.3 Exportations de biens (f.o.b.) 5.9 7.2 6.8 6.7 7.6 8.2 7.8 7.1 6.6 Importations de biens (f.o.b.) 38 51 57 55.6 44.4 37 41.1 40.8 40.9 Services 23.2 20.9 17.2 16.5 19.1 14.7 17.4 19.7 19 Revenu des facteurs 8.1 11 10.5 9 8 8.5 7.5 5.9 5.4 Transferts courants 4.1 -2.7 -3.3 0.3 0.3 0 1.5 1.6 1.4 Solde des comptes courants 3.4 -14.7 -25.7 -23.1 -9.4 -5.5 -6.9 -6.6 -8.5 2010 : estimations ; 2011 et années suivantes : prévisions. http://dx.doi.org/10.1787/888932627658 Politique de la dette Le pays reste très endetté avec une dette publique extérieure s’élevant à 681 millions de dollars en 2011. Bien que le ratio d’endettement du pays se réduise progressivement, il représente, en 2011, 54.6 % du PIB et est proche du plafond de 60 % garant de la soutenabilité de la dette du pays. Ce niveau critique contraint les autorités à ne pas recourir à des emprunts non concessionnels. Le pays n’a pas été reconnu éligible à l’initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) conférant des allègements de dette. En outre, la répartition de la dette entre donneurs limite les possibilités d’allégement hors PPTE. Les créditeurs multilatéraux détiennent 66 % de la dette tandis que les bilatéraux détiennent les 34 % restant, notamment le Club de Paris (12 %), le Koweït et l’Arabie Saoudite. Le pays a néanmoins réussi à restructurer en octobre 2008 une portion de sa dette avec les créditeurs du Club de Paris. Sur la base de la clause de comparabilité de traitement, des accords bilatéraux ont été signés avec l’Arabie Saoudite et des négociations ont été entamées avec les Émirats arabes unis et le Koweït. Des arriérés extérieurs ont été accumulés au cours de l’année par l’État et certaines entreprises publiques (Électricité de Djibouti (EDD) et Société Immobilière) vis-à-vis de créanciers multilatéraux et bilatéraux, y compris du Club de Paris mais la situation a pu être normalisée avant la fin de l’année. Pour éviter toute situation d’accumulation d’arriérés extérieurs, un renforcement du suivi des paiements du service de la dette a été mis en place en 2011. Les autorités djiboutiennes ont respecté depuis plusieurs années leur engagement de ne pas souscrire de dette non concessionnelle. Compte tenu du niveau actuel d’endettement et des besoins importants d’investissement, la politique du gouvernement vise à maintenir une politique d’endettement raisonnable, l’accroissement des ressources internes, le recours aux dons et emprunts concessionnels et la poursuite des négociations afin d’assurer la viabilité des finances publiques. La stratégie du pays consiste à réduire davantage les dépenses publiques non prioritaires et à conclure des accords de rééchelonnement avec les créanciers bilatéraux afin de se consacrer au paiement régulier de la dette non rééchelonnable. La dette intérieure reste faible. Elle a été estimée à 14 % du PIB en 2009 dont 9 % est constitué d’arriérés de salaires auprès de fonctionnaires et de paiements auprès de fournisseurs. Dans le cadre du programme du FMI, les autorités continuent de travailler à la réduction de l’encours de la dette intérieure. Des conventions de dettes croisées ont été finalisées en fin d’année entre les entreprises publiques : l’Électricité de Djibouti (EDD), Djibouti Telecom et l’Office national d’eau et d’assainissement de Djibouti (ONEAD). Perspectives économiques en Afrique 2012 8 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA Figure 2 : Part de l’encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations (en pourcentage) 80% Pourcentage 60% 40% 20% 0% 2003 2004 2005 2006 Dette/PIB 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Service de la dette/Exportations 2010 : estimations ; 2011 et années suivantes : prévisions. http://dx.doi.org/10.1787/888932623706 Perspectives économiques en Afrique 2012 9 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA Gouvernance économique et politique Secteur privé Le secteur privé est concentré dans les activités de services particulièrement les activités portuaires et ses services connexes. Le secteur bancaire est en expansion tandis que le secteur de l’industrie reste toujours embryonnaire. Il existe des secteurs dont les potentialités ne sont pas pleinement exploitées tels que le secteur de la pêche, du tourisme, des télécommunications ou les ressources naturelles minières (sel et perlite). Comme en témoigne le classement du pays dans la publication Doing Business de 2012, l’environnement des affaires à Djibouti est propice aux activités de commerce international et favorise le paiement des taxes pour lesquels le pays se positionne respectivement à la 37e et 70e place sur les 183 pays étudiés. Cependant, des difficultés persistent en ce qui concerne l’enregistrement d’un titre de propriété, l’application des contrats, l’obtention d’un crédit, la création d’entreprise et la protection des investisseurs. Ces catégories ont enregistré de faibles performances pour lesquelles le meilleur classement n’excède pas le 148e rang. Bien que le coût élevé des facteurs de production (énergie, eau et ressources humaines) continue de freiner le développement du secteur privé, des avancées notables ont été réalisées au cours de l’année avec l’interconnexion électrique entre l’Éthiopie et Djibouti. Celle-ci a permis d’améliorer significativement la disponibilité de l’énergie, d’éliminer les fréquents délestages et de réduire les importations de pétrole du pays. Afin d’améliorer la disponibilité de l’eau potable dans le pays, les autorités travaillent à la mise en place d’une unité de dessalement d’eau de mer. Enfin, les autorités ont rassemblé des fonds en 2011 pour effectuer les études de faisabilité nécessaires à l’exploitation des ressources géothermiques du pays. Ces actions permettront à terme d’améliorer le climat des affaires au travers d’une meilleure disponibilité des facteurs de production et d’une réduction de leur coût. Les autorités poursuivent les réformes structurelles. Le code du commerce a été refondu et devrait être bientôt adopté par l’Assemblée nationale. Les dernières composantes relatives aux textes de loi sur les sociétés et la faillite ont été finalisées à la fin de 2010. Des initiatives ont été entreprises pour réduire les rigidités du marché d u travail avec la révision du code du travail dont les changements portent sur la suppression du salaire minimum, compensée par l’introduction de conventions collectives négociées par secteur d’activité. Son application est désormais effective. Le code des douanes a été modernisé pour être en cohérence avec celui de la zone COMESA ; il a été adopté en juin 2011. Afin d’attirer les investissements, les autorités ont institué e n 2001 l’Agence nationale de promotion des investissements (ANPI). Elle permet de promouvoir la création d’entreprises grâce à la mise en place d’un guichet unique facilitant les formalités administratives. Le pays dispose aussi d’une zone franche qui offre des incitations fiscales administratives et logistiques pour les entreprises qui s’y installent. Secteur financier Le secteur s’est rapidement développé depuis 2006. L’activité bancaire et d’assurance représente une part toujours croissante du PIB qui a atteint 13 % en 2011. Le secteur a connu l’arrivée de nouvelles banques qui portent à 11 le nombre d’établissements contre seulement 2 e n 2006. Les nouvelles banques se sont positionnées sur des niches, avec l’introduction d’instruments de finance islamique ou l’ouverture de comptes pour les petits épargnants. Toutefois, le secteur reste très concentré avec deux principales banques rassemblant 85 % des actifs. La vitalité du secteur découle d’une politique monétaire accommodante et incitatrice fondée sur la libre circulation des capitaux, une absence de contrôle de change et le régime de change de la monnaie. L’analyse du secteur faite par le FMI estime que le risque systémique est faible. Le secteur bancaire est très liquide, avec une part très faible de créances douteuses de l’ordre de 6 % en 2011. L’implantation de nouvelles banques sur la place djiboutienne a engendré un fléchissement des taux d’intérêt sous l’effet d’une concurrence accrue. Ils restent néanmoins relativement élevés se situant, en moyenne autour de 12 % pour les prêts sans risque, de 15 % pour les découverts et de 10 % pour les crédits immobiliers. Le volume de crédit accordé à l’économie témoigne d’un effort de financement de l’activité économique du pays par le système bancaire domestique. Les crédits au secteur privé augmentent progressivement chaque année, ils ont représenté, en 2011, 84 % des crédits octroyés, le reste ayant été accordé pour 14.5 % à l’État et pour 1.5 % aux entreprises publiques. Les crédits à l’économie ont représenté près de 20 % du PIB en 2011. Cependant, ce sont des crédits majoritairement à court terme et des crédits à la consommation. Les crédits à moyen et long terme restent marginaux et concernent l’équipement et l’habitat. Les maturités supérieures à 5 ans sont considérées comme des maturités de long terme et sont relativement rares. Les banques ne sont pas confrontées à des problèmes de liquidités. Elles sont limitées par leur ratio prudentiel du fait de fonds propres faibles. L’introduction de mécanismes de fonds de garantie initiée par les donneurs a Perspectives économiques en Afrique 2012 10 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA permis aux banques de lever partiellement cette contrainte. Le mécanisme a permis de faciliter l’accès au crédit de s PME. Le gouvernement souhaite pérenniser cette initiative en mettant en place un fonds de garantie national. Parallèlement, le secteur de la micro-finance a pris de l’ampleur au cours des années récentes. La montée en charge des activités de la micro-finance a permis d’atteindre en cumulé 700 millions de DJF accordés en crédit depuis 2008 avec pour l’année 2011, environ 140 millions d’épargne mobilisée. Sous l’égide du FMI, les réformes pour renforcer la supervision et la régulation bancaire ont été amorcées. Des projets de lois relatifs à la finance islamique et aux coopératives financières ont été adoptés par l’Assemblée nationale début 2011. Une nouvelle loi bancaire qui inclut le triplement du capital minimum (1 milliard de FDJ) pour l’ouverture d’une banque sur une période de 3 ans a été ainsi adoptée en janvier 2011. Le resserrement de l’octroi de licences et des conditions d’imposition de pénalités pour le non-respect de soumission régulière de l’état financier des banques est prévu afin de réguler l’expansion du secteur. En mai 2011, les projets de lois relatifs à la lutte contre le blanchiment, à la répression et au financement du terrorisme ont été adoptés par l’Assemblée nationale. Afin de renforcer les mécanismes de surveillance, une cellule spéciale a été créée au sein de la Banque centrale et des fonctionnaires recrutés en juin 2011. Gestion du secteur public, institutions et réformes D’une manière générale, l’État reste très présent dans l’économie en étant représenté dans 44 entités parapubliques. Les différentes évaluations de la gouvernance telles que l’index Mo Ibrahim ou transparence internationale montrent les enjeux en matière de gouvernance. D’une manière générale, le pays pâtit de la faible efficacité et de la qualité de ses services publics. Le classement de Transparency International (TI) basé sur l’indice de perception de la corruption (ICP) situe Djibouti au 91ème rang en 2010 sur 178 pays avec une note de 3.2 sur une échelle allant de 0 à 10 où 10 est considéré comme une absence de corruption. En dépit de l’introduction récente de pratiques modernes en matière de gestion administrative, il n’existe pas de réelle culture administrative reposant sur la qualité du service rendu. La stratégie de réforme de l’État approuvée en 2002 n’a connu qu’une mise en œuvre limitée. Des retards sur le paiement des salaires sont encore enregistrés ce qui nuit à la productivité des agents de l’État et à l’efficacité du service rendu. En matière de transparence des affaires publiques, la pratique des audits, généralisée depuis quelques années à Djibouti, se poursuit mais les conclusions des rapports demeurent encore confidentielles. En 2011, le pays a réactivé le mécanisme d’évaluation par les pairs (MEAP) dont il fait partie. L’objectif du MAEP est d’encourager l’adoption des meilleurs politiques, normes et pratiques en vue de promouvoir la stabilité politique, une croissance économique soutenue, un développement durable et une intégration économique accélérée sur la base du partage d’expériences et du renforcement des meilleures pratiques et des acquis. Le diagnostic effectué permettra de mettre en place un plan d’action national. Les réformes dans lesquelles l’État s’est engagé dans le cadre du programme du FMI portent sur la fiscalité, le développement du secteur financier, la supervision bancaire ou encore l’amélioration du climat des affaires. Gestion des ressources naturelles et environnement Djibouti est vulnérable aux catastrophes naturelles suivantes : des périodes pluriannuelles étendues de sécheresses, de fréquentes inondations éclaires et intenses, des tremblements de terre récurrents provenant de la zone volcanique le long du Rift Assal, et des incendies alimentés par la sécheresse. Ce contexte environnemental accentue la vulnérabilité de la population dont 33 % vit dans des zones considérées à haut risque. La stratégie actuelle de gestion des ressources naturelles comprend les quatre axes suivants : la lutte contre la dégradation des terres, la préservation de la biodiversité, l’adaptation au changement climatique et le renforcement des capacités de prévention du risque et de gestion des désastres. Suite à la violente sécheresse qui a affecté le pays en 2011, les autorités travaillent à rendre plus opérationnelle la politique nationale de gestion des risques et des catastrophes adoptée en 2006 par le biais de la mise en place de mécanismes d’anticipation, d’évaluation des besoins post-catastrophe et du renforcement de la résilience du pays avec l’aide des donneurs. Une étude de recensement des besoins post-catastrophe a été réalisée en 2011 par la Banque mondiale afin d’accélérer l’opérationnalisation du système de gestion des risques. Situé au carrefour de trois plaques tectoniques, Djibouti dispose d’un important potentiel géothermique inexploité. Le gouvernement a commencé en 2011 à mobiliser des fonds auprès de donneurs pour lancer les sondages. Djibouti dispose aussi de ressources minières non exploitées telles que le sel du lac Assal, dont le potentiel est estimé à 1 200 000 tonnes par an, un gisement de perlite estimées à 23 millions de tonnes. Des recherches sont en cours pour la prospection d’or et de pétrole. Le pays a signé avec la compagnie Oyster Oil & Gas, courant septembre 2011, son premier accord de partage d’exploration gazière et pétrolière off-shore. Contexte politique Perspectives économiques en Afrique 2012 11 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA Dans une région en proie à des conflits, Djibouti se caractérise depuis une dizaine d’années par sa stabilité. Le président Ismaël Omar Guelleh, au pouvoir depuis 1999, a été réélu avec une forte majorité pour un troisième mandat le 8 avril 2011. Sa candidature a été rendue possible grâce à un amendement de la constitution en avril 2010, qui a augmenté de deux à trois le nombre de mandats qu’un président peut exercer. En revanche, une limite d’âge fixée à 75 ans a été introduite pour les candidats à une élection présidentielle. La candidature du président sortant a été critiquée par l’opposition, donnant lieu à des contestations populaires début 2011 qui ont été réprimées par les autorités. L’opposition reste fragmentée. Elle boycotte fréquemment les élections qu’elle juge irrégulières et dénonce la répression politique. L’organisation non gouvernementale (ONG) américaine, Démocratie Internationale, qui souhaitait agir en tant qu’observateur international lors des élections présidentielle, a été renvoyée du pays par les autorités moins d’un mois avant le jour du scrutin. L’accès à l’information s’effectue à travers un réseau de médias majoritairement étatique limitant la transparence de l’information. Les médias et notamment la presse relaient l’actualité de l’activité étatique sans apporter de regard critique sur les actions gouvernementales ou des faits de société. Sur le plan régional, Djibouti entretient de bonnes relations avec l’Éthiopie. Le pays a joué un rôle important en Somalie en accueillant les discussions qui ont abouti aux accords de Djibouti d’août et de décembre 2008 mettant en place le gouvernement fédéral de transition de la Somalie. Cependant, Djibouti a connu un conflit frontalier avec l’Érythrée entre 2008 et 2010 au sujet du Ras et de l’île de Doumeira. Ce conflit a été résolu grâce à la médiation du Qatar. Le processus de démarcation de la frontière entre les deux pays est en cours. Du fait de sa situation géographique stratégique dans le golfe d’Aden, le pays abrite plusieurs bases militaires étrangères. Depuis 2010, une base militaire japonaise s’est ajoutée aux bases militaires françaises et américaines présentes sur le territoire Djiboutien. Sont aussi présents des contingents de militaires allemands ainsi que la force Eurofor de lutte contre la piraterie. Perspectives économiques en Afrique 2012 12 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA Contexte social et développement humain Développement des ressources humaines Malgré les progrès réalisés, la population a un accès limité aux services sociaux de base comme en témoigne le faible niveau de réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD). L’OMD 2 relatif à l’éducation primaire pour tous pourrait être atteint à horizon 2015, suivi par ceux relatifs à la réduction de la mortalité infantile (OMD 4) et à la promotion de l’égalité de sexes (OMD 3). Les autres objectifs ont une probabilité très faible d’être réalisés, notamment l’OMD 1 relatif à la réduction de l’extrême pauvreté et de la faim dont la probabilité d’être atteint d’ici 2015 est quasiment nulle. Les indicateurs de santé sont relativement bas. La couverture sanitaire est faible, avec 2 médecins pour 10 000 habitants. L’espérance de vie est limitée, se situant à 56 ans en 2010. Le taux de mortalité maternelle est élevé avec 300 cas en 2009 pour 100 000 naissances. Quant au taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans, il se situait à 93 pour 100 000 naissances en 2006. S’agissant de l’éducation, des progrès ont été enregistrés. Le taux de scolarisation du primaire a atteint 74 % en 2010 contre 52.3 % en 2002 et le taux d’alphabétisation était de 79 % en 2009 contre 46.2 % en 2002. Le taux moyen d’accès aux structures scolaires tous niveaux confondus est actuellement de 70 %. Néanmoins, la qualité de l’éducation reste insuffisante. Elle se traduit par un faible taux d’achèvement du cycle primaire, un taux élevé d’absentéisme des enseignants et le sureffectif du nombre d’élèves par classe. Des efforts ont été faits par les autorités en vue de faciliter l’accès des populations aux soins notamment pour lutter contre le virus de l’immunodéficience humaine/syndrome d’immunodéficience acquise (VIH/SIDA) et d’autres maladies transmissibles, à travers la gratuité des prestations pour la plupart des soins. La séroprévalence représentait 2.5 % en 2009 et le nombre de malades suivant un traitement anti-rétrovirus a augmenté atteignant 30.8% du nombre de personnes ayant besoin d'un traitement en 2011 contre 6 % en 2004, soit 1 384 patients sur 4 314. Par ailleurs, les conditions d’habitat restent précaires, avec seulement 45 % des ménages vivant dans un logement dont les murs sont en matériaux définitifs. La sous-alimentation touche 31 % de la population et la proportion des enfants souffrant de malnutrition s’élève au taux élevé de 33 %. L’une des particularités de Djibouti réside dans l’importation quotidienne de khat en provenance de l’Éthiopie qui est consommé par une grande partie de la population. Les ménages peuvent y consacrer jusqu’à 30 % de leur salaire. Il s’agit d’une plante dont les feuilles contiennent une substance psychotrope, ayant des propriétés euphorisantes et stimulantes. Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail Malgré la croissance soutenue qu’a connue le pays, et les dépenses conséquentes de l’État dans les secteurs sociaux, peu de progrès ont été enregistrés en termes de réduction de la pauvreté. Même en l’absence de données récentes, des évaluations ponctuelles et spécifiques témoignent du caractère toujours endémique de la pauvreté dans le pays. Les données collectées en 2002, qui avaient ensuite été confirmées en 2006, révélaient que la pauvreté touchait 74.4 % de la population, dont 42.2 % vivait dans une situation de pauvreté extrême. Une enquête des ménages prévue pour 2012 permettra d’actualiser les données et de mieux cibler les interventions en faveur des populations vulnérables. A cette situation précaire, s’ajoute l’afflux constant de populations étrangères car Djibouti sert de lieu de transit pour les mouvements migratoires à destination entre autres du Moyen Orient. Le pays abrite une population estimée en janvier 2012, par le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies, à 20 580 réfugiés, pour la plupart originaires de Somalie, et de 1 800 demandeurs d’asile qui accentuent la pression sur les services sociaux. Le manque de résultats enregistrés dans la lutte contre la pauvreté s’explique par l’absence d’une gestion des finances publiques axée sur les résultats limitant ainsi l’efficacité des dépenses publiques notamment dans les secteurs sociaux. La dépense publique se trouve ainsi déconnectée des priorités stratégiques identifiées dans la stratégie nationale de développement : l’initiative nationale de développement social (INDS). Des efforts d’amélioration de la gestion des finances publiques sont néanmoins en cours et visent à l’introduction pour 2013 d’un cadre budgétaire à moyen terme. Les autorités travaillent aussi à l’introduction d’un système de suivi et d’évaluation afin de mesurer les progrès réalisés au regard des objectifs visés. L’économie du pays reste une économie duale dans laquelle un secteur moderne basé sur des revenus de rente, issus des activités portuaires et des bases militaires, coexiste avec un large secteur informel. Le chômage continue de toucher 54 % de la population. La croissance soutenue qu’a connue le pays à partir de 2006 n’a pas permis de réduire significativement le chômage. De plus, ce sont essentiellement les secteurs à forte intensité Perspectives économiques en Afrique 2012 13 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA capitalistique qui ont bénéficié d’un afflux d’IDE, créant ainsi peu d’emplois. Le système de protection sociale a été refondu et modernisé en 2008. Il est géré par la Caisse nationale de sécurité sociale mais ne couvre cependant que les travailleurs du secteur formel soit selon les estimations, seulement 5.5 % de la population. Égalité hommes-femmes Djibouti dispose depuis le 27 mars 2008 d’un ministère pleinement consacré à l’amélioration du statut et de la position de la femme dans la société. Les différences entre hommes et femmes demeurent cependant significatives notamment en termes de scolarisation ou d’accès au travail. Cette situation est confirmée par l’indicateur sexo-spécifique du développement humain (ISDH) qui s’établissait à 0.514 en 2009 selon les dernières données disponibles. Il s’agit d’un indice composite qui comprend les mêmes variables que l’indicateur de développement humain (IDH) mais qui corrige la moyenne obtenue par le degré d’inégalité qui existe entre hommes et femmes pour chacune des variables incluses dans le calcul. Plus les disparités sont importantes entre les genres et plus le résultat de l’ISDH est faible et proche de zéro. Malgré le développement de la microfinance, le taux d’emploi des femmes était de 12 % en 2010. En dépit d’un cadre juridique et d’une volonté politique favorables à une participation égale comme en témoigne la loi sur le quota de représentation adoptée en 2002, la femme demeure sous-représentée dans l’administration publique avec seulement 10 % de femmes présentes dans le gouvernement et 14 % au Parlement. Le code de la famille contient une disposition stipulant l’égalité de droits entre les hommes et les femmes dans l’accès à la propriété, cependant la pratique n’est pas encore totalement établie. Malgré la promulgation d’une loi interdisant les mutilations génitales féminines en 1995, la pratique reste courante dans le pays où 93.1 % des femmes en sont victimes en milieu urbain et 95.5 % en milieu rural. Perspectives économiques en Afrique 2012 14 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA Analyse thématique : Promouvoir l’emploi des jeunes Le chômage est endémique dans le pays et touche particulièrement les jeunes. Malgré un recul, les estimations les plus récentes font état d’un taux de chômage de 54 % de la population active en 2010 contre 59 % en 2002. Le pays ne dispose actuellement pas d’une stratégie formalisée pour favoriser l’emploi des jeunes mais a mis en place plusieurs initiatives visant à améliorer le fonctionnement du marché du travail, à promouvoir l’entreprenariat auprès des jeunes et à fournir des formations en adéquation avec les besoins du marché du travail. Les autorités ont révisé et adopté le code du travail pour rendre le marché du travail plus flexible. En 2010, s’est tenu un Forum national sur l’emploi réunissant les acteurs publics, les entreprises et les demandeurs d’emplois. Il a révélé la nécessité de définir une nouvelle politique de l’emploi plus adaptée aux besoins du marché du travail. Elle devrait viser en priorité la réforme du système de formation professionnelle et l’amélioration des services d’appui à l’emploi. Les acteurs principaux sont l’Agence nationale de l’emploi, de la formation et de l’insertion professionnelle (ANEFIP), l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANPI) et la Chambre de commerce. L’ANEFIP centralise les offres d’emplois, enregistre les demandeurs d’emploi et les assiste dans leurs recherches d’emplois et lors de concours de la fonction publique, elle constitue les listes de personnes aptes à se présenter au concours sur la base de ses fichiers. L’ANPI encadre les créateurs d’entreprises dans leurs démarches pour la constitution d’un plan d’affaires ou la recherche de financements. Elle a aussi entrepris un travail d’identification d’opportunités d’investissement et prépare les fiches de projets y afférentes. La Chambre de commerce prend ensuite le relais pour accompagner les entreprises. Les deux initiatives majeures mises en place pour promouvoir l’emploi des jeunes sont l’initiative « crédit jeunes diplômés » et « crédit jeunes promoteurs ». L’initiative « crédit jeune diplômés » a été mise en place en 2011 avec un financement de 40 millions de dollars de l’Agence djiboutienne de développement social (ADDS) pour aider des jeunes diplômés de niveau BAC + 2 au minimum à mettre en place des projets de création d’entreprises. Le dispositif comportait une formation à la gestion d’entreprise d’un mois dispensée conjointement par l’Université de Djibouti, l’ANPI et l’ANEFIP. L’initiative a abouti à l’obtention de crédits pour 10 projets. L’initiative « crédit jeunes promoteurs » a été lancée en 2011 et est destinée aux porteurs de projets particulièrement ceux liés au secteur primaire (pêche, agriculture et élevage) pour soutenir la création d’entreprises et remédier au faible développement du secteur. Le projet comporte les appuis suivants : formation à l’esprit entrepreneurial, assistance au montage de projet, assistance à l’élaboration du plan d’affaires et accompagnement dans la phase de démarrage. Une ligne de crédit d’un montant de 30 millions de dollars sera disponible sur la période 2012-2013, 40 dossiers ont été retenus. Même si l’économie génère peu de nouveaux emplois, il existe néanmoins une inadéquation entre les besoins du marché du travail et les compétences des jeunes. Les compétences des jeunes diplômés restent concentrées dans les principales filières d’enseignement dispensées par l’Université de Djibouti à savoir les langues (anglais, ar abe, français), l’économie et le droit. Les difficultés rencontrées par les diplômés de certaines filières classiques telles que les filières littéraires et la filière « administration économique et sociale », dont les diplômés se prédestinaient à des carrières de fonctionnaires, ont conduit l’Université de Djibouti à réorienter son enseignement vers des formations professionnalisantes dispensées par l’Institut universitaire technologique (IUT), dans lequel sont proposées des filières techniques plus en adéquation avec les besoins du marché local. Pour les jeunes ayant peu de formation, divers projets ont été initiés au sein de l’ADDS entre 2010 et 2011 et ont abouti à la formation de 418 jeunes et adultes sans emploi et peu qualifiés, dans des secteurs identifiés comme étant à employabilité immédiate : mécanique, électricité, coiffure, secrétariat et informatique. Une nouvelle formation dans le secteur des métiers de la mer a été récemment ajoutée pour élargir le panel proposé et tirer parti des potentialités du secteur. Les autorités travaillent aussi au recoupement des besoins en formation par zone géographique avec les besoins en main d’œuvre qualifiée par secteur productif dans l’optique de proposer un panel de formations spécialisées. Les spécialisations identifiées comme porteuses sont liées au transport, à la logistique, à la chaîne du froid et à l’électricité industrielle. En ce qui concerne les catégories de population à besoins spécifiques dans les zones rurales, un nouveau centre de formation va être mis en place et offrira une formation pluridisciplinaire adaptée au contexte local dans les métiers ruraux de l’agriculture, l’élevage, l’artisanat et la pisciculture. L’objectif est de répondre à la fois aux problèmes du chômage, de l’exode rural et de l’insécurité alimentaire du pays. Le chômage que rencontrent les jeunes s’explique par les problèmes existants tant du côté de la demande que du côté de l’offre. Du côté de l’offre, l’économie du pays génère peu d’emplois. En 2010, 37 837 emplois salariés ont été recensés dont 30 % étaient issus de la fonction publique. Entre 2009 et 2010 seulement 2 473 emplois ont été créés. Ce faible niveau s’explique par le fait que le secteur privé n’est pas encore assez développé pour créer suffisamment d’emplois notamment pour absorber les nouveaux diplômés. Cependant, malgré le faible nombre d’emplois créés chaque année, il existe une forte déconnexion entre le marché du travail et les compétences des jeunes. De plus, les employeurs ne sont pas prêts à embaucher des jeunes diplômés ne disposant pas d’expérience professionnelle. Ils demandent un minimum de deux à trois ans Perspectives économiques en Afrique 2012 15 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA diplômés ne disposant pas d’expérience professionnelle. Ils demandent un minimum de deux à trois ans d’expérience préalable. Du côté de la demande, l’inadéquation des compétences avec les besoins du marché résulte en grande partie du fait que l’État a historiquement assuré le rôle de principal pourvoyeur d’emplois dans le pays. Ainsi les formations dispensées notamment par l’université étaient orientées vers les métiers de la fonction publique au détriment de ceux du secteur privé. Même si l’État a gelé ses embauches à l’exception de ceux pour les ministères de l’Éducation et de la Santé depuis plusieurs années, l’ajustement tant en termes de formation dispensée que dans les mentalités ne s’est pas fait immédiatement. Il en résulte de fortes attentes des jeunes notamment diplômés pour qui l’emploi de référence est un emploi dans la fonction publique. De plus, ils callent leurs prétentions salariales sur la grille de rémunération de la fonction publique qui, du fait des revenus de rente du pays, a été historiquement relativement élevée. Le nombre d’autorisations de travail octroyées pour de la main d’œuvre étrangère témoigne des difficultés que rencontrent les entreprises du secteur privé à pourvoir leurs emplois. En 2011, l’ANEFIP a recensé 1 100 autorisations, soit près de 7 % des emplois existants. Les jeunes demandeurs d’emploi acceptent d’être mobiles pour travailler dans Djibouti-Ville mais sont peu candidats à l’expatriation. L’absence d’une diaspora djiboutienne témoigne du caractère ancien de ce phénomène, entretenu par le rôle historique de l’État comme principal employeur. Perspectives économiques en Afrique 2012 16 | © BAfD, OCDE, PNUD, CEA