Les polynômes formels à une indéterminée à coefficients dans un corps K. Dans ce chapitre, (K ,,) désigne un corps (commutatif) quelconque. I La construction A) Etape 1 - Soit PK l’ensemble des suites d’éléments de K, indexées pas N et nulles à partir d’un certain rang. C'est-à-dire que PK est l’ensemble des a K N telles que N N , n N , ak 0K - On peut définir deux lois + et de la manière suivante : Pour tous P (ai )iN , Q (bi )iN PK , on pose : P Q (ai bi )iN et P Q ( pk ) kN où k N , p k k a b a b i j k i j i 0 i k i Alors : + et constituent des lois de composition internes sur PK , et ( PK ,,) est un anneau commutatif. - Déjà, + est bien une loi de composition interne sur PK . En effet, si P (ai )iN et Q (bi )iN PK , alors il existe n N tel que i n, ai 0K et m N tel que i m, bi 0K . Donc i max( n, m), ai bi 0K . Donc P Q est nulle à partir d’un certain rang, donc P Q PK . - Montrons que est une loi de composition interne sur PK . Soient P (ai )iN , Q (bi )iN PK , n N tel que i n, ai 0K et m N tel que i m, bi 0K . Notons enfin P Q ( pk ) kN Alors k n m , p k 0 K . En effet : Soit k n m . Alors pour tout (i, j ) N 2 : Si i j k , alors i m ou j n (car sinon j n et i m , et alors i j m n k ) Donc ai 0K ou b j 0 K , soit ai b j 0 K Donc p k a b i j k i j 0K . Donc P Q PK . - + n’est autre que la restriction à PK de la loi + sur K N . Donc + est associative et commutative. De plus, la suite (0 K ) kN est évidemment neutre pour + et appartient à PK . Et enfin, si P (ai ) iN PK , alors Q (ai )iN PK et P Q (0K ) k N . - Pour : est évidemment commutative (car est commutative sur le corps K) Il existe un neutre pour , c’est U (1K ,0K ,0K ...) En effet : notons U (ui )iN avec u 0 1K et i 1, ui 0K . Soit alors P (ai ) iN PK . Alors PU ( pk ) kN , où pk a u i j k i j ak u0 ak 1K ak Donc PU P , et par commutativité UP P , donc U est bien neutre pour . Distributivité de sur + : Soient P (ai )iN , Q (bi )iN , R (ci )iN PK . Alors : P (Q R) ( pk ) kN , où, pour tout k N : pk a (b i j k i cj ) j a b distributivité i j k dans le corps K i j ai c j a b a c i associativité, i j k commutativ ité de dans K j i j k i j Et P Q P R (qk ) kN , où, pour tout k N : qk a b i j k i j a c i j k i j . Donc P (Q R) P Q P R Et (Q R) P P (Q R) P Q P R Q P R P Associativité de : Soient P (ai )iN , Q (bi )iN , R (ci )iN PK . Alors P Q ( p k ) kN , où, pour tout k N , p k Et ( P Q) R (ql ) lN , où, pour tout l N , ql Donc ql a b k s l i j k i j a b i j k i j p c k s l k . s c s ai b j c s distributivité k s l i j k associativité et dans K a b c i j s l i j s commutativ ité de dans K Par ailleurs, on a de même P (Q R) (rl ) lN , où, pour tout l N : rl a b c i j s l i j s . D’où P (Q R) ( P Q) R , et le résultat comme est commutative. Donc ( PK ,,) est bien un anneau commutatif. B) Etape 2 : plongement de K dans PK . Soit : K PK . ˆ ( )( ,0K ,0K ,...) noté Alors est un morphisme injectif d’anneaux : ( ) ( ,0K ,0K ...) (,0K ,0K ...) (,0K ,0K ...) ( ) ( ) ( ) (,0K ,0K ...) (,0K ,0K ...)(,0K ,0K ...) ( ) ( ) Justification de la deuxième égalité : ( ,0K ,0K ...)( ,0K ,0K ...) (ck ) kN ( ai )iN avec c k ( bi )iN a b i j k i j . Donc ck a0 b0 si k 0 et ck 0 K sinon. (1K ) (1K ,0K ,0K ,...) 1P K Enfin, si (,0K ,0K ...) (,0K ,0K ...) , alors évidemment Par conséquent, (K ) est un sous anneau de PK , isomorphe à l’anneau (K ,,) . (On dit qu’« il y a une copie de K dans PK ») On va identifier cette copie à K, c'est-à-dire identifier, pour chaque K , et ̂ . Ainsi, pour , K et P, Q PK (avec ̂ (ui )iN , P (ai )iN ) : où c u a a P ˆP (,0 ,0 ,...) P (c ) K K k kN Donc P (a0 , a1 , a2 ,...) (ai )iN ( ) P P P ( P Q ) P Q ( ) P ( P) k i j k i j k 1K P 1̂K P 1PK P P Les éléments de K seront appelés des scalaires. C) Etape 3 : introduction de l’indéterminée Soit X l’élément de PK défini par : X (0K ,1K ,0K ,0K ,...) C'est-à-dire X ( i )iN où 1 1K et k N \ 1, k 0K Alors k N , X k (ui( k ) )iN où uk( k ) 1K et i N \ k , ui( k ) 0K Démonstration : par récurrence sur k. Pour k 0 : X 0 1PK (1K ,0K ,0K ...) Soit k N , supposons que X k (ui( k ) )iN où uk( k ) 1K et i N \ k , ui( k ) 0K Alors X k 1 X k X (ci )iN ui(k1)1 si i 0 Où i N , ci u ( k ) i u0 0 0 si i 0 0 si i k 1 Soit, pour i 0 , ci ui(k1) 1 si i k 1 k 1 ( k 1) Donc X (u i ) iN (k ) Théorème fondamental : Soit P PK . Alors P s’écrit de manière unique sous la forme : P ak X k où les a k sont des scalaires, nuls à partir d’un certain rang. kN Démonstration : Soit P PK . P s’écrit P (ak ) kN , suit d’éléments de K nulle à partir d’un certain rang, disons à partir du rang n 1. On a aussi : P (a0 , a1 ,...an ,0K ,0K ...) (a0 ,0K ,0K ...) (0K , a1 ,0K ,0K ...) ... (0K ,0K ,...0K , an ,0K ,0K ...) a0 (1K ,0K ,0K ...) a1 (0K ,1K ,0K ,0K ...) ... an (0K ,0K ,...0K ,1K ,0K ,0K ...) a0 X 0 a1 X 1 ... an X n D’où l’existence de P sous la forme a kN k X k où les a k sont nuls à partir d’un certain rang. Unicité de l’écriture : Si ak X k bk X k , où les a k et les bk sont nuls à partir d’un certain rang. kN kN Alors (ak ) kN ak X k bk X k (bk ) kN . kN kN Vocabulaire : - Les éléments de PK seront toujours notés sous la forme a kN k X k , où les a k sont des éléments de K nuls à partir d’un certain rang (on oublie la forme (ak ) kN ). Ils sont appelés polynômes formels à une indéterminée à coefficients dans K. - Le polynôme X est appelé l’indéterminée. - L’ensemble PK des polynômes à une indéterminée à coefficients dans K est noté K [ X ] . D) Etape 4 : conclusion, récapitulation Tout P K [ X ] s’écrit de manière unique sous la forme P ak X k où les kN a k sont des éléments de K nuls à partir d’un certain rang. a X Ainsi, kN bk X k k N , ak bk k k kN (K [ X ],,) est un anneau, dont K est un sous anneau. Si P ai X i , et Q bi X i où les ai sont nuls à partir du rang n 1 et les iN iN bi à partir du rang m 1 , alors : n m P ai X i , Q bi X i i 0 i 0 n m N N i 0 i 0 P Q ai X i bi X i ai X i bi X i (ai bi ) X i , où N max( n, m) i 0 i 0 P Q ai X i bi X i (ai X i )(b j X j ) ai b j X i j i 0 , n i 0 i 0 i 0,n n m j 0 , m nm ab X i j k 0 i 0 , n , j 0 , m i j k Où c k a b i j k i i j n m ab X i j k 0 i 0 , n , j 0 , m i j k j 0 , m nm k ck X k k 0 j II Degré A) Définition Soit P K [ X ] , P ai X i où les a i sont des éléments de K nuls à partir d’un iN certain rang. Si P 0 K [ X ] , c'est-à-dire P 0K ou P 0 . Alors i N , ai 0K . On dit alors que P est de degré Sinon, P 0 K [ X ] et donc il existe i N tel que ai 0K . On peut alors introduire n max i N , ai 0K (puisque l’ensemble est non vide, et majoré car les a i sont nuls à partir d’un certain rang). n est appelé le degré de P. Ainsi : Pour tout P K [ X ] , deg P N , et on a l’équivalence : P 0K [ X ] deg P N Les polynômes de degré 0 sont exactement les K \ 0K Les polynômes de degré 1 sont exactement les aX b avec a 0 n Les polynômes de degré n sont exactement les a X i 0 Les polynômes de degré n sont exactement les i i avec an 0 . n a X i 0 i i L’ensemble de ces derniers est noté K n [X ] ; en particulier, K 0 [ X ] n’est autre que K, ensemble des polynômes constants. B) Propriétés Soient P, Q K [ X ] et K . Alors : deg( P Q) max(deg P, deg Q) deg( P Q) deg P deg Q (n N , n , () ) deg P si 0 deg( P) sinon m N *, deg( P m ) m deg P (n N *, n () ) Démonstration : - Cas P Q 0 évident. - Si P 0 et Q 0 (ou P 0 et Q 0 ), le résultat est immédiat aussi. - Maintenant si P 0 et Q 0 : Notons p deg P et q deg Q . On pose n max( p, q) . n n On a P ai X i , et Q bi X i i 0 i 0 n Donc P Q (ai bi ) X i , donc deg( P Q) n i 0 q i P Q ai X bi X i où a p 0 K et bq 0 K i 0 i 0 pq ... Donc P Q a p bq X p 0 p P ai X i avec a p 0K i 0 Résultat avec une récurrence immédiate sur m. Vocabulaire : - Si P est un polynôme de degré n, le terme an X n s’appelle le terme dominant - de P et a n le coefficient dominant de P. Par convention, le coefficient dominant du polynôme nul est 0. a k s’appelle le coefficient de X k , et ak X k s’appelle le monôme/terme de degré k. Un polynôme P non nul est dit unitaire lorsque son coefficient dominant est 1. III Début d’arithmétique dans (K [ X ],,) . Théorème : (K [ X ],,) est un anneau intègre. Démonstration : - Déjà, (K [ X ],,) est commutatif et non réduit à 0K . - Soient maintenant P, Q K [ X ] , supposons que PQ 0K Montrons qu’alors P 0K ou Q 0K . Supposons que non, c'est-à-dire que P 0K et Q 0K . Soient alors p deg P, q deg Q . Ainsi, p, q N . p q Alors P ai X et Q bi X i , avec a p 0 K et bq 0 K i i 0 i 0 Mais alors le coefficient de X p q est a p bq 0 K , donc PQ 0K , ce qui est exclu. Autre démonstration : deg( PQ) deg P deg Q , et si deg P deg Q , alors forcément soit deg Q , soit deg P . Théorème : Les éléments inversibles de (K [ X ],,) sont exactement les éléments de K \ 0K . Démonstration : Soit P K [ X ] . Si P est inversible, alors il existe Q K [ X ] tel que PQ 1K . Alors deg P deg Q 0 . Or, deg P, deg Q N . Donc deg P deg Q 0 Réciproquement, si P K \ 0K , alors admet un inverse 1 . Donc Q 1 est inverse de P. Définition : Soient P, Q K [ X ] . On dit que P est multiple de Q ou que Q est un diviseur de P lorsqu’il existe S K [ X ] tel que P QS . Définition : Soient P, Q K [ X ] . On dit que P et Q sont associés lorsque P divise Q et Q divise P (ce qui équivaut à dire qu’il existe K \ 0K tel que Q P ) Démonstration de la parenthèse : Si Q P avec K \ 0K alors P divise Q et aussi Q 1P donc Q divise P. Si P divise Q et Q divise P alors il existe S , S ' K [ X ] tels que Q PS et P QS ' . Donc Q QSS ' . Donc Q(1K SS ' ) 0K , d’où, comme K [ X ] est intègre, soit Q 0K soit SS ' 1K . o Si Q 0K , alors P 0K car Q divise P donc il existe R K [ X ] tel que P QS 0 K . o Si SS ' 1K , alors S est inversible, donc S K \ 0K , donc Q P . A) Division euclidienne dans K [ X ] . Théorème : Soient A, B K [ X ] , avec B 0K . Alors il existe un unique couple (Q, R ) d’éléments de K [ X ] tels que A BQ R et deg( R) deg( B ) . On dit que Q est le quotient dans la division euclidienne de A par B et que R est le reste dans la division euclidienne de A par B. Démonstration : Unicité : Si A BQ R , avec deg( R) deg( B ) Et A BQ ' R' , avec deg( R' ) deg( B) , Alors B(Q Q' ) R' R . Donc deg( B) deg( Q Q' ) deg( R' R) max(deg R ,deg R ') Ainsi, deg( B) deg( Q Q' ) deg( B) , donc deg( Q Q' ) N . Donc Q Q ' 0 . Donc B 0K R'R , soit R ' R . D’où l’unicité. Existence : Soit B K [X ] \ 0K , de degré p N et de coefficient dominant b p . Montrons par récurrence que n N , P(n) , où : P(n) A K n [ X ], (Q, R) K [ X ]2 , A BQ R et deg R p - Déjà, P (0) est vrai, puisque si deg A 0 , on a : o Soit p 1 , et alors A 0K B A , donc (0K , A) convient. o Soit p 0 , et donc B b K \ 0K et donc A b(b 1 A) 0K , donc le couple (b 1 A,0K ) convient. - Soit n N , supposons P (n ) . Soit alors A de degré n 1 . Alors A s’écrit A an 1 X n 1 an X n ... a0 X 0 . K A1 où deg A1 n Supposons p n 1 (dans le cas contraire, A 0K B A et (0K , A) convient) On peut donc écrire : A an 1b p1 X n 1 p (bp X p B1 ) an 1bp1 X n 1 p B1 A1 deg B1 p B an1 X n1 1 n 1 p Donc A a b X n 1 p B ( A1 an 1b p1 X n 1 p B1 ) A2 ,deg A2 n Or, deg A2 n . Donc A2 BQ1 R1 avec (Q1 , R1 ) K [ X ]2 et deg( R1 ) p . Donc A (an1bp1 X n1 p Q1 ) B R1 . Exemple : A X 5 2 X 3 2 X 2 B X 2 1 A X 3 ( X 2 1) X 3 2 X 3 2 X 2 X 3 B X 3 2 X 2 X 3 B X ( X 2 1) X 2 X 2 ( X 3 X ) B 3 X 2 IV Substitution d’un polynôme à l’indéterminée A) Définition, propriétés Soit P K [ X ] . P s’écrit P ak X k où les a k sont nuls à partir d’un certain kN n rang, disons n 1. Donc P a k X k k 0 Soit Q K [ X ] . n On note Pˆ (Q) ak Q k , soit Pˆ (Q ) ak Q k kN k 0 Théorème : Soient P1 , P2 K [ X ] et Q K [ X ] , K [ X ] . Alors : ( P ˆ P )(Q) Pˆ (Q) Pˆ (Q ) 1 2 1 2 ( P1 ˆ P2 )(Q) Pˆ1 (Q) Pˆ2 (Q) ˆ (Q) Démonstration : Soient P1 ak X k , P2 bk X k . kN kN On introduit n N tel que deg P1 n et deg P2 n . On a alors : n P1 P2 (a k bk ) X k k 0 n n n k 0 k 0 k 0 Donc Pˆ1 (Q) Pˆ2 (Q) ak Q k bk Q k (ak bk )Q k ( P1 ˆ P2 )(Q) 2n P1 P2 ck X k où ck k 0 a b i j k i j 2n 2n n n et Pˆ1 (Q) Pˆ2 (Q) ak Q k bk Q k ai b j Q i j ai b j Q k ck Q k k 0 i j k k 0 k 0 k 0 0i , j n ˆ(Q) .ˆX 0 (Q) .Q 0 Remarque : Le théorème s’énonce aussi ainsi : Pour tout Q K [ X ] , l’application K [ X ] K [ X ] est un endomorphisme de P Pˆ (Q) l’anneau (K [ X ],,) (mais ni injectif ni surjectif). Remarque : Pour Q K 0 [ X ] et si K est un sous corps de C, P Pˆ (Q) est injective. B) Polynômes pairs, impairs On suppose ici que 1K 1K 0K (c'est-à-dire que 1K n’est pas un élément d’ordre 2 du groupe (K , ) ) Définition : Soit P K [ X ] On dit que P est pair lorsque P( X ) P( X ) ( P) On dit que P est impair lorsque P( X ) P( X ) ( P) Proposition : P est pair si et seulement si k N , a2 k 1 0K P est impair si et seulement si k N , a2 k 0K Démonstration : P( X ) (1) k ak X k . kN Donc P est pair k N , (1) k ak ak i N ,a2i 1 a2i 1 i N ,2.a2i 1 0 K Or, 2.a2i 1 a2i 1 a2i 1 (1K 1K )a2i 1 . On a supposé que 1K 1K 0K . Donc i N ,2.a2i 1 0K i N , a2i 1 0K On fait de même pour impair.