Hanouka, au coeur des chocs de civilisations Extrait du AJCF Provence http://www.ajcf-provence.org/spip.php?article555 Hanouka, au coeur des chocs de civilisations - Divers - Autres - Date de mise en ligne : mercredi 21 décembre 2016 Description : Bien que les Livres des Maccabée aient été exclus de la canonisation du Tanakh (la Bible hébraïque), la fête de Hanouka nous est restée.... grâce à l'insertion dans la Bible catholique de ces livres, venus de la Septante (première Bible en grec), et grâce au récit qu'en fait Flavius Josèphe (1) qui rédigea, à l'intention des Romains, une apologie de son peuple : « Les Antiquités juives ». D'où cette bizarrerie : la fête juive n'a pas de référence biblique propre, tandis que le catholicisme a le texte, mais n'a pas de fête correspondante ! AJCF Provence Pour tenter de situer ce qui deviendra pour la judaïsme la fête des Lumières - ainsi nommée dans le Talmud en souvenir du « miracle de la fiole d'huile » (2) - un retour en arrière est nécessaire pour cerner le contexte mouvementé qui a précédé, puis encadré et enfin perpétué cette fête. Copyright © AJCF Provence Page 1/3 Hanouka, au coeur des chocs de civilisations Bien que les Livres des Maccabée aient été exclus de la canonisation du Tanakh (la Bible hébraïque), la fête de Hanouka nous est restée.... grâce à l'insertion dans la Bible catholique de ces livres, venus de la Septante (première Bible en grec), et grâce au récit qu'en fait Flavius Josèphe (1) qui rédigea, à l'intention des Romains, une apologie de son peuple : « Les Antiquités juives ». D'où cette bizarrerie : la fête juive n'a pas de référence biblique propre, tandis que le catholicisme a le texte, mais n'a pas de fête correspondante ! Pour tenter de situer ce qui deviendra pour la judaïsme la fête des Lumières - ainsi nommée dans le Talmud en souvenir du « miracle de la fiole d'huile » (2) - un retour en arrière est nécessaire pour cerner le contexte mouvementé qui a précédé, puis encadré et enfin perpétué cette fête. Grâce à l'édit de Cyrus (538 av.ec) qui autorise le retour des Juifs exilés de leur terre depuis 70 ans, Ezra et Néhémie les guident vers la Terre de leurs pères. Le deuxième Temple est reconstruit (vers 450 av. ec.), la Torah est la loi de l'État dont le chef est le grand-prêtre, assisté d'une Assemblée. Le pays - nommé Yehud (Judée) d'après les papyrus d'Éléphantine et les monnaies - demeure sous tutelle perse jusqu'à la conquête d'Alexandre le Grand (332). A la mort d'Alexandre, la région est partagée entre deux de ses généraux qui fonderont, l'un la dynastie des Lagides (ou Ptolémées) en Egypte, l'autre la dynastie des Séleucides en Syrie. Alors qu'auparavant seul l'Orient était en relation avec le peuple d'Israël, l'Occident va désormais donner une impulsion nouvelle et durable à son histoire. À la fin du 3e siècle av.ec, la civilisation grecque s'implante donc - d'abord sous influence lagide, puis séleucide. Précisons ici que l'hellénisme n'est pas à proprement parler une religion, mais un mode de vie qui, chez les Judéens aussi, a eu ses adeptes et ses défenseurs : on construit des stades où les jeux se pratiquent nus, on discute de la « sophia » (sagesse) en la comparant avec la prophétie, les patronymes hébreux sont hellénisés, certains jeunes gens vont jusqu'à se faire refaire un prépuce... Sous l'influence des Lagides, il n'y a encore aucune opposition entre judaïsme et hellénisme et les Judéens voient leur culture valorisée : le roi Ptolémee II ne réunit-il pas (autour de 270 av.ec) à Alexandrie 72 Sages chargés de traduire la Tora des Juifs en grec, pour la bibliothèque qu'il ambitionne de construire. Ce sera la Septante. Mais ce territoire-charnière qu'est la Judée est l'enjeu de guerres successives entre l'Egypte et la Syrie durant quelque deux siècles, avant de tomber sous influence séleucide. Le roi Antiochus IV, qui se fait appeler Épiphane (« dieu manifesté ») mène une politique d'hellénisation forcée qui impose aussi l'idolâtrie. La pratique du judaïsme devient passible de mort. Si le peuple reste généralement fidèle à la Tora, les grand-prêtres hellénisants, à Jérusalem, collaborent à la politique d'Antiochus, voire tolèrent le paganisme : le Temple de Jérusalem va être profané, pillé, dédié à Zeus Olympien. 167 av. ec : le « choc de civilisations » - ou, en l'occurrence, une première révolte populaire significative - éclate dans la petite ville de Modin dont les habitants tuent un émissaire du roi, chargé de mettre en place le culte des dieux. Mattathias, prêtre qui avait fui Jérusalem, prend la tête du soulèvement avec ses cinq fils : Jean, Jonathan, Juda, Éléazar, Simon. A la suite du plus combattif d'entre eux - Juda Maqabi - Mattathias et ses fils seront tous surnommés Maqabim (« marteaux » ?). Au début, les insurgés ont refusé de combattre le Shabbat, avec les conséquences que l'on imagine, Mattathias autorise alors la guerre défensive le jour saint (décret qui sera fort débattu dans la Talmud par la suite). Après trois ans de guérilla, la résistance judéenne l'emporte : Jérusalem est libérée, le Temple purifié est rendu au culte du Dieu d'Israël. Copyright © AJCF Provence Page 2/3 Hanouka, au coeur des chocs de civilisations S'ils ne sont pas mentionnés dans la Bible hébraïque, les détails de la ré-inauguration du Temple et de la dédicace de l'autel sont relatés dans le 1° Livre des Maccabée ; on y voit Juda décréter qu'à la même époque - le 25 du mois de Kislev - chaque année devra être fêté ce moment de grande joie. Il faut noter qu'il n'y a dans ce récit aucune mention du miracle de la fiole d'huile. C'est pourtant ce miracle qui donne son contenu à la liturgie traditionnelle de la fête telle qu'instituée par les Sages du Talmud. Le rite, paradoxalement pour une fête des lumières, ne se pratique qu'à la maison... mais les mèches allumées de la hanoukia (3) doivent être posées devant une fenêtre pour être vues de quiconque est à l'extérieur, telles des lumières intériorisées, mais vouées à rayonner au-dehors. L'insurrection contre les Séleucides va durer quelque vingt ans, jusqu'à la libération définitive de toute la Judée par Simon - le dernier fils de Mattathias. Investi « Prince du peuple de Dieu » par la Grande Assemblée, Simone entreprend la conquête d'un territoire qui correspond au royaume de Salomon, entretient des relations diplomatiques avec Rome et Sparte, frappe ses propres monnaies, Il est détenteur à la fois du grand pontificat et de la puissance politique - double pouvoir dont hérite son fils, qui fonde la dynastie dite « hasmonéenne ». Ses successeurs se compromettront avec les derniers Séleucides pour « acheter » la fonction de grand-prêtre... Ce qui « tombe bien » pour le roi de Syrie, désormais assujetti au tribut qu'exige la nouvelle puissance au Moyen-Orient : Rome. Les derniers Hasmonéens vont d'ailleurs faire appel à Rome pour trancher un conflit dynastique. En mettant fin à cette « alliance » de circonstance, l'armée romaine conduite par Pompée s'empare de Jérusalem en 63 av.ec, faisant de la Judée-Samarie un protectorat de l'empire avec les conséquences à long terme que l'on sait : la destruction du Temple en 70 de l'ec., une ultime révolte en 135 de l'ec . qui met fin à toute vie juive sur la Terre d'Israël - rebaptisée « Palestina » (pays des Philistins) par l'empereur Hadrien - et la perte de la souveraineté juive pendant 20 siècles. Durant plusieurs décennies avant ce cataclysme, une agitation anti-romaine endémique avait eu pour conséquences une répression dont la cruauté se révélait dans la crucifixion des chefs rebelles - dont beaucoup se rattachaient au parti extrémiste des zélotes. Au moins un disciple de Jésus de Nazareth - Simon - en faisait partie. (Luc, 6-15). Jésus, lui-même (qui n'était pas zélote) avait été considéré - ou espéré - par les disciples qui le suivaient comme le roi libérateur d'Israël (il était de la dynastie de David). D'où l'inscription latine apposée sur sa croix : « Jésus de Nazareth, Roi des Juifs ». Roi des Juifs pour certains, mais néanmoins sujet romain... La fête de Hanouka existait au temps de Jésus (Jean (10,22). Notons ici qu'on retrouve dans les Evangiles les noms de Jonathan, Jean, Matthieu, Simon, Juda, noms encore donnés trois générations après la révolte des Maccabée, en l'honneur de leurs exploits peut-¬être... Mais ensuite ? Si Hanouka est finalement restée dans le judaïsme comme la fête des lumières, la Bible hébraïque n'a pas canonisé le récit de ces exploits. Sans doute les rabbins ont-ils tenu à privilégier le symbolisme de la lumière et de la petite flamme qui dure 8 jours, et non l'aspect militaire, voire glorieux, qui a précédé la ré-inauguration du Temple. Sur un plan différent : la naissance de Jésus dans la nuit de l'occupation païenne et romaine, naissance fêtée au moment du solstice d'hiver, n'a-t-elle pas aussi à voir avec la lumière, ce symbole universel et toujours actuel.... Hanouka et Noöl brillent ensemble, cette année. Je souhaite à mes amis, Juifs et Chrétiens, dans l'obscurité saisonnière et l'obscurantisme humain de notre temps, la lumière que chante le Psaume : « ...Car c'est dans Ta lumière que nous verrons la Lumière. » (Ps. 36,10). Anne-Marie Dreyfus , AJCF Draguignan, décembre 2016 1) 1° siècle de l'ère courante. 2) Une fiole d'huile consacrée, juste suffisante pour l'allumage du candélabre durant un jour, a été retrouvée dans le Temple après que les Maccabée l'aient rendu au culte. Or cette petite quantité d'huile a miraculeusement duré huit jours, le temps de préparer à nouveau une huile pure (Traité Shabbat). 2) La hanoukia est un chandelier à 9 branches : 8 pour rappeler les 8 jours du miracle, et 1 décalée dont la lumière (godet d'huile, bougie, voire ampoule électrique) sert pour allumer les autres. Copyright © AJCF Provence Page 3/3