Médecine contemporaine et disposition au soin Alain Charles Masquelet Fiche 5 Si l’on considère que le soin est à la fois « attention mutuelle aux hommes et précision méticuleuse à préserver l’objet de cette relation, ce texte a pour ambition de répondre à la question suivante : la médecine contemporaine a-t-elle une réelle disposition aux soins Il milite pour l’intégration du récit de vie pour lever les obstacles actuels que rencontre la médecine contemporaine pour offrir des soins centrés sur les besoins des personnes. Contradiction et ambivalence du soin : - La première ambivalence remonte à l’antiquité qui distingue épimeleia qui signifie prendre soin et therapeia qui est plus du côté du savoir et du savoir-faire. Actuellement épiméleai est plutôt de la fonction des paramédicaux et therapeia l’application du savoir du médecin. - La seconde contradiction touche plus directement la médecine comme tension entre un corpus de connaissance biologique (généralisation) et la pris en compte d’un cas singulier. La technicisation croissante de la médecine s’accompagne d’une augmentation des comportements irrationnels des personnes malades ou qui se pensent malades et qui se traduisent par le recours aux médecines alternatives et autres activités de soins « non scientifiques » c’est aussi le cas des médecins qui embarqués dans cette logique leur proposent des médecines dites alternatives (MEP). - La troisième contradiction est le fait que l’oubli du sujet a été la condition sine qua non de du progrès de la médecine scientifique C’est cet oubli qui rend compte actuellement de l’importance des considérations éthiques et du renforcement des règles déontologiques. Dans ce contexte l’éthique serait à la fois une sorte de réparation de l’oubli du sujet et d’autre part un surinvestissement d’un sujet déclaré libre, rationnel et autonome (système politique libéral individualiste). Il faudrait cependant interroger la réalité de la notion d’autonomie d’un patient malade, vulnérable et fragile. L’exercice médical dans la médecine contemporaine - La toute-puissance de la médecine contemporaine masque mal certaines impuissances. Qui a t- il de commun entre un chirurgien qui opère une tumeur à l’aide d’un robot chirurgical sous contrôle informatique et un généraliste qui soigne des aigreurs d’estomac d’un cadre dépressif ? ces deux-là font il le même métier ? La caractéristique principale de la médecine contemporaine est la fragmentation des pratiques et des contenus qui tire son origine du modèle expérimental ( science positiviste) Ce savoir à prétention scientifique est une entreprise de simplification qui gomme les aspects contextuels et en réduit la complexité ( cf complexité). La fragmentation des pratiques est la mise en œuvre de savoirs fragmentaires dans le cadre de multidisciplinarité au lieu d’une véritable transdisciplinarité qui nécessite reconnaissance et interdisciplinarité. La question se pose donc de comment structurer ces différentes prise en charge en un modèle d’accompagnement cohérent de nature médicale ou autre. Obstacles et malentendus La fragmentation de la médecine est un obstacle majeur au soin mais ce n’est pas le seul. D’autres obstacles viennent du médecin comme du malade : - - - la difficulté de concevoir la maladie comme un fait total à la fois mental et psychique. le malade cherche à donner un sens à sa maladie alors que c’est l’absence de sens qui caractérise le modèle biomédical qui fait naitre un sentiment d’injustice et une demande de réparation. le deuxième obstacle a à voir avec la notion de guérison qui pour le patient est souvent le retour à un état antérieur alors que pour le médecin il s’agit le plus souvent de l’effacement de la lésion ou du trouble objectivable, c’est-à-dire une normalisation ( cf le normal et le pathologique) La troisième difficulté est la différence des temporalités le médecin est la temporalité de l’urgence et le malade dans celui de l’échéance. Une nouvelle relation est-elle possible ? Quatre conditions pourraient permettre une relation pacifiée - le travail sur les maladies chroniques qui s’inscrivent dans la durée nécessite de remettre en question le fonctionnement médical et les différentes temporalités la mise en œuvre des soins palliatifs les traitements individualisés - effondrement de la clinique traditionnelle par les progrès de l’imagerie et de la biologie devrait permettre de remplacer l’anamnèse traditionnelle par le récit de vie, C’est-à-dire de favoriser le développement de la médecine narrative dont on connait les vertus thérapeutiques.