This article appeared in a journal published by Elsevier. The attached copy is furnished to the author for internal non-commercial research and education use, including for instruction at the authors institution and sharing with colleagues. Other uses, including reproduction and distribution, or selling or licensing copies, or posting to personal, institutional or third party websites are prohibited. In most cases authors are permitted to post their version of the article (e.g. in Word or Tex form) to their personal website or institutional repository. Authors requiring further information regarding Elsevier’s archiving and manuscript policies are encouraged to visit: http://www.elsevier.com/authorsrights Author's personal copy dossier Organisation et qualité de vie au travail pratique professionnelle Santé au travail, ou la prévention de l’épuisement professionnel ANNE-MARIE PRONOST a,*,b Docteur en psychologie sociale/développement a Directrice adjointe, Clinique Pasteur, 45 avenue de Lombez, 31076 Toulouse cedex 3, France z L’amélioration de la qualité de la prise en charge des patients passe par l’amélioration de la qualité de vie au travail du personnel soignant z Le burn-out est un élément majeur venant grever cette dernière z Ainsi, connaître les facteurs pouvant prévenir cet épuisement professionnel apparaît comme essentiel. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Mots clés – burn-out ; coping ; stress ; qualité de vie ; travail b Maître de conférences associé, IAE École de management Toulouse-1 Capitole, 2 rue du DoyenGabriel-Marty, 31042 Toulouse cedex 9, France Health at work or the prevention of burn-out. Improvement in the quality of patient care relies on the improvement in the quality of life at work for the nursing staff. Burn-out is a major element which puts a strain on this quality of life. Awareness of the factors which can prevent burn-out is essential. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved Keywords – burn-out; coping; quality of life; stress; work P armi les pressions qui s’exercent sur les professionnels de santé, la confrontation aux facteurs de stress (ou stresseurs) perçus dans l’environnement physique, psychologique et social est particulièrement intense et répétée. Face au stress de ces situations de travail, dans lesquelles la relation d’aide prend une place tout aussi importante que la dimension technique des soins, les infirmières peuvent développer un état de souffrance extrême se traduisant par l’épuisement professionnel, ou burn-out. La capacité de résistance au stress, telle que définie par Richard Lazarus en 1984 [1], diffère d’un individu à l’autre. Pour affronter le stress professionnel, la personne doit mettre en place des stratégies de “faire face” (coping), en évaluant à la fois les caractéristiques de la situation stressante et ses propres ressources. Comprendre le processus de stress comme un phénomène dynamique, en regardant du côté des facteurs prédictifs du coping pour mieux le gérer, est une approche destinée à favoriser la qualité de vie au travail. LES FACTEURS DE STRESS chronique de sa vie quotidienne, menaçant sa santé physique comme mentale. Le stress est un processus incluant à la fois la personne, l’environnement et leurs interactions [1]. Il s’exprime dans un système constitué des activités au travail et hors travail. Le stress professionnel est défini comme un phénomène dynamique qui apparaît lorsque la demande est trop forte et que les capacités d’adaptation de l’individu face à cette demande sont inefficaces [2]. Le stress professionnel des soignants a fait l’objet de multiples recherches identifiant les stresseurs liés au travail lui-même (en prenant en compte l’environnement physique, psychologique et social [3]) et les stresseurs intrapersonnels. Parmi ces derniers, l’idéalisme du soignant est particulièrement important. Les stresseurs de l’environnement physique Les stresseurs perçus par le soignant dans son environnement physique sont définis par la charge de travail, le manque de temps, le manque de personnel, l’affectation à des horaires imprévisibles. CHEZ LES SOIGNANTS Adresse e-mail : [email protected] (A-M. Pronost). 20 Lorsqu’une personne est soumise à des pressions excessives, ne correspondant pas à ses besoins ni à ses ressources, elle doit gérer des dissonances diverses sur les plans à la fois affectif, cognitif et relationnel. Si la personne ne peut s’adapter, le stress devient alors un élément pour ainsi dire © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.oxy.2014.05.004 Les stresseurs liés à l’environnement psychologique Ils comprennent quatre facteurs : • la confrontation à la mort et la morbidité : le contact permanent avec la souffrance, la maladie, ainsi que la mort de leurs patients constitue le plus grand facteur de stress pour les professionnels de OXYMAG - no 137 -juillet/août 2014 Author's personal copy dossier Organisation et qualité de vie au travail NOTE 1 © Burger/Phanie to cope with : s’en sortir, faire face à Le soutien offert par les pairs et les supérieurs est un moyen de prévention du burn-out. santé, bouleversant le rapport qu’ils ont avec la médecine ; • la préparation insuffisante de la pratique de la relation d’aide avec le patient met en échec le soignant, en renfonçant son sentiment d’inefficacité et en l’amenant à privilégier la dimension technique du soin plutôt que sa dimension relationnelle ; • le manque de soutien : il a pour conséquence la solitude. Les dispositifs de support formels ou informels sont peu développés : c’est « la loi du silence » [4] qui oblige les soignants à taire leur souffrance au regard de celle du patient ; • l’incertitude des traitements : elle se manifeste à travers la difficulté de compréhension des procédures thérapeutiques, mais aussi à travers la communication souvent peu facilitée par les médecins concernant la problématique du patient, et son information par rapport à sa maladie et à son traitement. Les stresseurs de l’environnement social Les stresseurs perçus par le soignant dans son environnement social sont constitués de deux facteurs : les conflits avec les médecins et les conflits avec les autres soignants, ainsi qu’avec les supérieurs. Ce type de conflits, ainsi que l’ambiguïté des rôles, représente des sources de difficultés très OXYMAG - no 137 -juillet/août 2014 importantes à prendre en compte dans les situations de travail en services de soin. Le manque de reconnaissance des médecins, des pairs et de la hiérarchie est un déterminant important associé à la dimension collective du travail. Il met en évidence l’importance du regard d’autrui à propos de la qualité et de l’utilité du travail réalisé, faisant référence à la notion de gratification identitaire liée au processus de reconnaissance [5]. LE BURN-OUT Lorsque les facteurs de stress revêtent un caractère durable continu et répétitif, l’urgence de la situation devient excessive par rapport aux ressources personnelles. Le soignant devient fatigué et irritable, le stress devient chronique, l’amenant progressivement vers le développement du syndrome d’épuisement professionnel. Le burn-out est l’expression d’un état d’extrême souffrance chez les soignants confrontés à la morbidité et à la mort des patients. Il s’agit d’un véritable processus dans lequel le soignant s’épuise émotionnellement face à la demande d’aide d’autrui (patient, famille, équipe). Pour se protéger, il développe une mise à distance d’autrui, ce qui le conduit à une dévalorisation de soi et une baisse du sens de l’accomplissement personnel, d’autant plus que son idéalisme au départ était important. 21 Author's personal copy dossier Organisation et qualité de vie au travail En réalité, cette dépersonnalisation d’autrui est l’un des modes du “faire face” (ou stratégie de coping), centré sur l’émotion et défini par la distanciation ou l’évitement [6]. Les soignants qui utilisent d’autres stratégies de coping, comme la résolution de problèmes, la réévaluation positive, la recherche de soutien social, qui sont des stratégies efficaces à long terme, ne développent pas de burn-out mais relancent un processus de réalisation de soi dans le cadre de leurs missions. PRÉVENIR LE BURN-OUT : LES FACTEURS PRÉDICTIFS DU “FAIRE FACE” Faire face au stress, ou coping selon sa désignation anglo-saxonne1, est un processus en lien avec les caractéristiques personnelles de chacun et les ressources d’environnement [1]. Aussi la prévention du burn-out s’articule-t-elle autour des facteurs prédictifs du coping, afin que les soignants puissent mieux répondre aux situations difficiles et hautement stressantes. La hardiesse Plus le niveau de hardiesse (hardiness) augmente, plus les soignants vivent les situations difficiles comme un défi et non comme une menace. Ainsi le renforcement de la hardiesse dans le cadre de la formation des soignants devient-il un puissant moyen de prévention du burn-out. En 1979, Suzanne Kobasa et al. [7] introduit le contrôle perçu (appréciation subjective de l’individu sur le degré d’influence qu’il a sur l’environnement) comme la composante essentielle d’un type de personnalité qu’il qualifie de « hardi ». z La hardiesse se présente comme la résultante de trois caractéristiques de la personne, à savoir l’engagement, le contrôle et le défi : • l’engagement renvoie à un sens général de volonté, de détermination, de valorisation des activités courantes et des relations interpersonnelles. Il est défini comme une implication totale à l’interaction entre personne et environnement. L’engagement se fonde sur un sens social [11, 12]. Il s’oppose à la dépendance sociale, à l’abandon et à la perte d’autonomie. C’est l’expression du développement des potentiels ; • le contrôle se caractérise par la maîtrise de soi. Il s’agit d’une habileté à décider, à réaliser le choix de ses actions, à développer des capacités d’interventions personnelles sur les événements. Il s’oppose à l’impuissance et à la manipulation ; 22 • le défi se traduit par un enthousiasme devant les événements porteurs de changements, de développement personnel. Il suppose la curiosité et la souplesse adaptative, l’anticipation de réalisation pleine d’intérêts. Il s’oppose à la méfiance, mais aussi à la sécurité et à la stabilité. z Plusieurs études menées par S.C. Kobasa [7] démontrent une faible prévalence de la maladie parmi les personnes les plus « hardies ». Les sujets en bonne santé sont capables d’engagement, de contrôle et de défi. Une étude prospective réalisée en 1982 auprès de gestionnaires de Chigago confirme les résultats précédents. Elle montre, sur un échantillon de 157 avocats, que l’absentéisme et la fatigue accompagnant la maladie sont corrélés à un faible niveau de hardiesse ; en termes de stratégie de coping, il s’agit de l’évitement. Les personnes « hardies » ont conscience qu’elles ont la possibilité d’avoir une influence sur les problèmes et une maîtrise des situations. Elles sont engagées dans l’action et vivent les événements comme autant d’opportunités de développement personnel. Elles utilisent en priorité des stratégies d’adaptation actives et cherchent le soutien de personnes favorisant la résolution des problèmes. Les personnes « non hardies » vivent un fort sentiment d’impuissance et se laissent déborder par la situation source de stress. Elles supportent moins bien les stress psychosociaux que les plus « hardies » [8]. Ces personnes développent plutôt des stratégies défensives telles le retrait et le refus, s’épuisent émotionnellement et, à terme, s’installent progressivement dans le burn-out. z De nombreuses recherches ont démontré les liens significatifs entre hardiesse et épuisement professionnel, tel que défini par Christina Maslach [6]. Le manque de hardiesse des infirmiers et l’épuisement professionnel sont significativement corrélés [8]. Plusieurs auteurs démontrent que l’engagement est la variable la plus prédictive. Les infirmiers qui ont une capacité d’engagement particulière dans le travail sont les moins menacés d’épuisement professionnel [9]. La mise en place de dispositifs destinés à augmenter le niveau de hardiesse doit être privilégiée, y compris à travers la formation professionnelle des soignants. Le soutien social Dans le cadre des ressources de l’environnement, le soutien social est central. Depuis les années 1970, de nombreuses études ont précisé le rôle que joue le soutien social dans la gestion OXYMAG - no 137 -juillet/août 2014 Author's personal copy dossier Organisation et qualité de vie au travail des effets délétères du stress, ainsi que dans l’état de bien-être physique et mental d’un individu. z Dans le domaine de l’environnement de travail, plusieurs auteurs ont largement contribué au développement des connaissances en matière d’écologie sociale. Après de nom- breuses études sur le sujet, ils ont proposé trois dimensions du climat social propres à toute organisation : la dimension relationnelle, la dimension de croissance personnelle et la dimension de maintien et de changement des structures. Ces trois dimensions sont à l’heure actuelle fréquemment utilisées pour explorer l’environnement de travail des soignants. z Le concept de soutien social se définit par quatre dimensions : • le soutien social émotionnel, • le soutien d’estime, • le soutien informatif, le soutien matériel • le soutien financier [10]. Les études auprès des personnels tendent à montrer que le soutien offert par les pairs et les supérieurs exercent un effet direct sur l’épuisement professionnel. D’autres travaux suggèrent que le soutien du supérieur et des pairs exerce un effet médiateur entre la perception des stresseurs et l’épuisement professionnel. Ainsi l’impact de la perception des stresseurs sur l’épuisement professionnel est réduit par le soutien social perçu. Dans le même ordre d’idée, on observe, auprès d’infirmières françaises œuvrant en psychiatrie, que certaines dimensions du soutien exercent un effet médiateur entre la stratégie de recherche de soutien et la qualité de vie. z Il apparaît judicieux de retenir une approche du soutien social plus générale en lien avec la disponibilité et la satisfaction du soignant, quel que soit le milieu d’exercice de la personne. Dans cette optique, il convient donc de distinguer le réseau social (amis, relations), le soutien reçu (comportements de soutien) et le soutien perçu (disponibilité, satisfaction). Les indicateurs retenus [11] permettent ainsi d’aborder à la fois des données quantitatives et qualitatives, comme le nombre de personnes constituant le réseau de soutien, la possibilité d’expression des sentiments personnels, l’aide matérielle, l’apport d’information et de conseils, la rétroaction positive, l’assistance physique, la participation sociale, les interactions négatives. Les soignants seront à même d’évaluer leurs besoins actuels face à chaque forme de soutien et la satisfaction éprouvée face à celui reçu durant le dernier mois. z Le soutien social agit à la fois sur les effets du stress (effet tampon) mais aussi comme une OXYMAG - no 137 -juillet/août 2014 des ressources du coping, voire comme sa prin- cipale ressource. D’où deux modèles explicatifs des mécanismes de soutien social mis en lumière par Elle et al., cités dans l’étude de Rascle [11], l’effet direct et l’effet tampon : • par l’effet direct, le soutien social agit sur la santé, quelle que soit l’intensité ou la variété des stresseurs. En effet, quand celui-ci est de bonne qualité, l’individu est renforcé dans son estime de soi, le protégeant du risque de pathologies ; • par l’effet tampon, le soutien social agit comme variable modératrice du stress, réduisant le stress perçu en augmentant les ressources personnelles dont le contrôle perçu. La participation à un projet de service, à un groupe de soutien, aux staffs interdisciplinaires paraît chez les soignants un moyen tout à fait pertinent, intervenant comme du “soutien social perçu” leur permettant de mieux faire face aux situations stressantes, influençant par là même leur qualité de vie au travail. Apporter du soutien et de la reconnaissance aux professionnels doit être une priorité des managers. CONCLUSION Il paraît essentiel de se préoccuper en premier lieu de la qualité de vie des soignants, pour améliorer la qualité de la prise en charge des personnes soignées et de leur famille – et, par là, leur qualité de vie. Ainsi la qualité de vie au travail du personnel soignant apparaît-elle comme un préambule à la prestation de soins de qualité auprès des patients. De ce fait, les facteurs de fragilisation et de protection de la santé mentale des soignants doivent être mieux compris et repérés. Cette compréhension permettra de proposer des dispositifs de formation destinés à augmenter le niveau de hardiesse des soignants, et à rendre l’environnement de travail à la fois plus attractif et plus riche en dispositifs de soutien social efficients. n RÉFÉRENCES [1] Lazarus RS,Folkman S. Stress, Appraisal and Coping. New York: Springer; 1984. [2] Verquerre R. Stress, qualité de vie et organisation du travail. Pratiques psychologiques. 1995;2:25-33. [3] Gray-Toft P, Anderson J.G. The nursing stress scale : development of an instrument. Journal of Behavioral Assessment. 1981;3 (3):11-23. [4] Vilatte R, Logeay P, Mabit A, Pichenot JC. Les soignants et la mort. Paris: Institut pour l’amélioration des conditions de travail; 1989. [5] Pronost AM, Le Gouge A, Leboul D,Gardembas-Pain M, Berthou C, Giraudeau B, Colombat Ph. Effets des caractéristiques des services en oncohématologie développant la démarche palliative et des caractéristiques sociodémographiques des soignants sur les indicateurs de santé : soutien social, stress perçu, stratégies de coping et qualité de vie au travail. Revue Oncologie 2008;10(2):1251354. [6] Maslach C, Jackson SE. Maslach Burnout Inventory (MBI): research edition. Palo Alto, CA : Consulting Psychologists; 1986. [7] Kobasa SC, Maddi SR, Khan S. Hardiness and Health : a prospective study. Journal of personality and social Psychology. 1982;42(1): 168-177. [8] Delmas P, Duquette A. Les relations entre la hardiesse, les stratégies de coping et la qualité de vie au travail d’infirmières françaises. Recherche en soins infirmiers.2000;60:17-26. [9] Morisette F. Facteurs reliés à l’épuisement professionnel des infirmières francophones œuvrant aux soins intensifs au Québec. Mémoire de maîtrise. Faculté des sciences infirmiers, Université de Montréal ; 1993. [10] Carron JM. 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