Lisette Kohagne Tongue Fiche PATTEC n°1 Glossines et trypanosomoses 2 2 2 DESCRIPTION La glossine communément appelée mouche tsé-tsé est un insecte diptère (une paire d’ailes) de couleur brune ou sombre, ayant une silhouette allongée assez fine. Sa taille (sans le proboscis) varie entre 6 et 16 mm selon les espèces ; sa trompe ou proboscis est horizontale et se situe en avant dans le prolongement de son corps. 1 Glossine au repos © Robert La couleur de la glossine varie selon les espèces ; elle est terne, variant du gris foncé au brun clair. La glossine ne présente jamais de couleur métallique. Elle est facilement reconnaissable au repos par ses ailes repliées l’une sur l’autre sur le dos (au lieu de s’écarter vers l’extérieur en faisant un angle avec le corps) comme les lames d’une paire de ciseaux. Le corps se compose de trois parties principales : la tête, le thorax et l’abdomen. La tête est très caractéristique. Outre les yeux composés, les pièces buccales ou proboscis (palpes maxillaires, labium, labre et hypopharynx) et les antennes, elle porte entre les deux yeux une articulation dite suture ptilinale. Le thorax porte une paire d’ailes, trois paires de pattes et une paire de balanciers ou haltères. L’aile de la glossine est très caractéristique : en son milieu, les nervures dessinent un espace en forme de hache dite « cellule en hache » utilisée pour l’identification des glossines et surtout pour la distinguer des 2 3 tabanidés et des stomoxes. Les nervures des ailes forment un réseau dont l’aspect est caractéristique de la tsé-tsé : Aile de glossine, très caractéristique (cellule en hache) • la nervure 1 est très longue ; • les nervures 2 et 3 sont très rapprochées l’une de l’autre sur la totalité de leur longueur ; • la nervure 4 présente une partie basale très incurvée avant sa rencontre avec la nervure transverse antérieure. © Anonyme Les veines et leurs intersections sont clairement homologues et font de l’aile de glossine, une structure propice à l’étude de la morphométrie géométrique dont les applications sont multiples : taxonomie, étude du flux de gènes et identification des populations isolées pour la lutte antivectorielle (Solano et al., 2010a ; Kaba et al., 2012). L’abdomen de glossine se termine par les organes génitaux externes dont l’ensemble constitue le génitalia. Extrémité abdominale (face ventrale) de glossine mâle. © Anonyme Le génitalia mâle forme une structure arrondie appelée hypopyge à l’extrémité de l’abdomen (au repos, les organes de copulation sont repliés deux fois pour se loger contre la face inférieure du septième segment abdominal) tandis que le génitalia Extrémité abdominale (face ventrale) de glossine femelle. © Anonyme de la femelle est réduit à des plaques situées à l’extrémité du septième segment visible. La structure du génitalia est utilisée dans la classification des espèces et des sous-espèces. 4 2 BIO-ECOLOGIE 2 Les glossines des deux sexes sont hématophages. La femelle n’est fécondée qu’une fois dans la vie et présente un mode de reproduction particulier, de type larvipare, son appareil génital étant adapté à ce mode de reproduction original. Après environ dix jours de gestation, elle dépose la larve de stade 3 (L3) dans un endroit ombragé. Mobile, elle s’enfouit dans le sol et s’immobilise ; son tégument s’opacifie, durcit et prend une coloration brun foncé : c’est la pupe. La durée de la pupaison varie selon la température et l’humidité du sol mais aussi en fonction de l’espèce considérée et du sexe. La jeune mouche adulte émerge du puparium selon un mode de déhiscence circulaire, sa cuticule se chitinise et elle peut alors s’envoler à la recherche d’un hôte qui lui fournira son premier repas de sang. Entre l’émergence et ce premier repas, la mouche est dite ténérale. C’est pendant cette période qu’elle est le plus réceptive à l’infection par Trypanosoma sp si elle s’alimente sur un hôte infecté. L’accouplement se produit également dans les heures qui suivent son émergence. La première ovulation a lieu entre le 18ème et le 20ème jour. Les larvipositions suivantes s’effectuent à un rythme régulier, tous les 10 jours environ. Le taux de reproduction de la glossine est relativement bas par rapport à celui des autres diptères. La durée de la vie des glossines dépend de l’espèce, du biotope et de la saison. Elle est optimale en saison des pluies. Les gîtes de reproduction sont généralement les endroits où la femelle trouve un lieu de repos diurne. Ils se caractérisent le plus souvent par un couvert végétal fournissant une 2 5 ombre et une humidité relative suffisante pour l’éclosion des pupes. Quatre facteurs sont déterminants pour la survie des glossines dans un milieu : la chaleur (température comprise entre 25° et 30°), l’humidité, l’ombrage et la nourriture. Toutefois, chaque espèce a des exigences qui lui sont propres. In Launois et al., 2004 La glossine passe la majeure partie de son temps au repos, consacrée à la digestion ou à la gestation dans des endroits humides et sombres du gîte. Son vol normal se fait en va-et-vient, entrecoupé de pauses, dans une zone restreinte pendant un temps court, entre 5 et 30 minutes par jour. C’est un vol linéaire sur une distance qui dépasse rarement 300 mètres. Sa dispersion est maximale en saison des pluies et minimale en saison sèche où les individus se concentrent autour des zones restées humides. Elle peut également se disperser de façon passive en suivant les mouvements des troupeaux et/ou d’un véhicule. Cette capacité de dispersion est à l’origine de la ré-invasion des zones traitées et de la dissémination des trypanosomes. 6 2 CLASSIFICATION 3 Les glossines font partie de l’ordre des Diptères Cyclorrhaphes Schizophores, c’est-à-dire des insectes dont l’imago rompt son puparium par une déchirure circulaire à l’aide d’un sac frontal gonflable appelé le ptilinum ; elles sont regroupées au sein d’un seul genre : Glossina Wiedemann, 1830. Ce genre appartient à la famille des Glossinidae et compte 31 espèces et sous-espèces réparties en trois sous-genres d’après des caractères écologique, géographique et surtout morphologique, notamment la structure du génitalia (OMS, 1986 ; Laveissière et al., 2000 ; Launois et al., 2004). Sous genre (groupe) Espèce et sous-espèce Glossina (N) palpalis palpalis Robineau-Desvoidy, 1830 Glossina (N) palpalis gambiensis Vanderplank, 1949 Glossina (N) tachinoides Westwood, 1850 Nemorhina Desvoidy, Palpalis) Robineau1830 (groupe Glossina (N) pallicera pallicera Bigot, 1891 Glossina (N) pallicera newsteadi Austen, 1929 Glossina (N) fuscipes fuscipes Newstead, 1910 Glossina (N) fuscipes martinii Zumpt, 1935 Glossina (N) fuscipes quanzensis Pires, 1948 Glossina (N) caliginea Austen, 1911 Glossina (G) morsitans morsitans Westwood, 1850 Glossina s. str. Zumpt, 1935 Glossina (G) morsitans centralis Machado, 1970 (groupe Morsitans) Glossina (G) morsitans submorsitans Newstead, 1910 Glossina (G) longipalpis Wiedemann, 1830 2 7 Glossina (G) pallidipes Austen, 1903 Glossina (G) austeni Newstead, 1912 Glossina (G) swynnertoni Austen, 1923 Glossina (A) fusca fusca Walker, 1849 Glossina (A) fusca congolensis Newstead et Evans, 1921 Glossina (A) nigrofusca nigrofusca Newstead, 1910 Glossina (A) nigrofusca hopkinsi Van Emden, 1944 Glossina (A) fuscipleuris Austen, 1911 Glossina (A) severini Newstead, 1913 Glossina (A) vanhoofi Henrard, 1952 Austenina Townsend, 1921 (groupe Fusca) Glossina (A) nashi Potts, 1955 Glossina (A) tabaniformis Westwood, 1850 Glossina (A) longipennis Corti, 1895 Glossina (A) brevipalpis Newstead, 1910 Glossina (A) medicorum Austen, 1911 Glossina (A) schwetzi Newstead et Evans, 1921 Glossina (A) haningtoni Newstead et Evans, 1922 Glossina (A) frezili Gouteux, 1987 8 2 IMPORTANCE MEDICALE ET VETERINAIRE VETERINA Glossine lors d’un repas de sang © Robert 4 L’importance médicale et vétérinaire de la tsé-tsé est s liée à son aptitude à propager des maladies parmi less hommes et les animaux domestiques. Lorsqu’elle l pique la peau pour aspirer du sang, la glossine infectée transmet aux hommes et aux animaux jusqu’alors indemnes, un parasite : le trypanosome. e Celui-ci provoque la trypanosomiase (voir fiche 4 & 5), une maladie à l’issue généralement fatale en l’absence de traitement. Toutes les espèces de glossines ne sont pas vectrices de trypanosomoses. Leur rôle vecteur réside dans leur capacité à s’infecter après un repas de sang sur un « hôte réservoir », à développer l’infection puis à transmettre le trypanosome. On distingue ainsi, d’une part la compétence vectorielle qui est l’ensemble des composantes permettant l’installation, la multiplication et la maturation des trypanosomes rendant une glossine apte à disséminer la maladie et d’autre part, la capacité vectorielle qui est le nombre de nouvelles transmissions par situation et par jour, assurant la pérennité de la maladie dans un site donné (Reisen, 1989). En Afrique Centrale et de l’Ouest, la trypanosomiase humaine africaine provoquée par la sous-espèce Trypanosoma brucei gambiense est essentiellement transmise par les espèces du sous-genre Nemorhina (groupe Palpalis) ; tandis qu’en Afrique de l’Est, T. b. rhodesiense est principalement transmis par les espèces du sous-genre Glossina (groupe 2 9 Morsitans), bien qu’il soit transmis par Glossina fuscipes au Kenya et en Ouganda. Inversement, ce sont surtout les espèces savanicoles (groupe Morsitans) qui sont incriminées dans la transmission de la trypanosomiase animale au bétail, bien que G. tabaniformis du sous-genre Austenina (groupe Fusca) ait été mise en cause dans la transmission de la trypanosomiase animale au bétail dans des ranchs au Gabon et en République Démocratique du Congo (ex Zaïre) (Leak et al., 1991). De nombreux facteurs tant intrinsèques à la tsé-tsé et dont en partie liés aux mécanismes complexes d’action des symbiontes intestinaux, les « Rickettsia-Like-Organisms (RLO) » (Welburn & Maudlin, 1989 ; Maudlin & Welburn, 1994), qu’extrinsèques liés entre autres à l’écologie (distribution spécifique), aux préférences trophiques des glossines et même à l’éthologie des hôtes, expliqueraient ces différences de réceptivité. La transmission des trypanosomoses à l’homme et aux animaux est essentiellement liée au contact étroit entre l’hôte et le vecteur. La prévalence et l’incidence de la maladie au sein d’une population dépendent du taux d’infection des glossines et de la fréquence des contacts hôtes/vecteurs. La sensibilité des mouches tsé-tsé à l’infection est variable avec leur état d’infection et de nutrition (Akoda et al., 2009). En zone de savane, la glossine riveraine ne peut rencontrer son hôte qu’en des points et des moments bien précis. Elle a une capacité de dispersion assez considérable qui peut la conduire à se déplacer sur plusieurs kilomètres en quelques jours, mais les points de rencontre entre la glossine et son hôte seront toujours les mêmes. En milieu forestier, le risque d’infection de l’homme demeure d’autant plus grand que l’homme travaille plus longtemps Point d’eau, zone de contact hôte – vecteur © Kohagne dans le gîte à glossine ; il existe cependant des cas de transmission péridomestique. 10 2