Effets de la stimulation du noyau subthalamique sur la production de

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Effets de la stimulation du noyau subthalamique sur
la production de la parole
dans la maladie de Parkinson :
Etude des coordinations pneumo-phoniques.
Sarr, M., Viallet, F., Teston, B., Jankowski, L. et Purson, A.
2ème Journées de Phonétique Clinique
Grenoble 13 et 14 décembre 2007
La maladie de Parkinson
La maladie de Parkinson idiopathique (MPI) est une affection neurodégénérative
caractérisée essentiellement par la triade symptomatique suivante :
tremblement de repos, rigidité et bradykinésie.
Il n’existe pas actuellement de traitement curatif de la MPI. La prise en charge se
limite au traitement symptomatique, lequel ne permet pas d’influencer l’évolution
naturelle de la maladie qui progresse en plusieurs étapes, mais inexorablement,
vers le déclin moteur : à ce stade, les symptômes sont marqués par l’importance
des troubles de l’équilibre et de la posture, par le caractère particulièrement
invalidant des troubles de la marche, des troubles de la déglutition et des
troubles de la parole. Ces derniers, sont connus globalement sous le vocable de
dysarthrie hypokinétique. Ils suscitent un intérêt certain dans la mesure où ils
représentent un facteur majeur de handicap qui hypothèque à long terme la
possibilité de communication orale des patients parkinsoniens. ….………………
La MPI détruit des cellules de la SNc avec déficit en dopamine. Les efférences
inhibitrices des ganglions de la base ont alors un niveau d’activité cellulaire élevé.
Ce niveau d’activité est responsable d’une inhibition forte des circuits effecteurs
thalamo-corticaux, ce qui explique notamment les troubles moteurs hypokinétiques.
Les traitements de la maladie de Parkinson
L’objectif du traitement est d’alléger les symptômes cliniques et de ralentir
l’évolution de la maladie afin de préserver le plus longtemps possible la qualité de
vie du patient.
Moyens:
Médicamenteux, chirurgicaux et ré éducationnels.
∗ Les médicaments parkinsoniens
-Essentiellement L-Dopa associée à des agonistes dopaminergiques.
∗ Les traitements chirurgicaux
Deux techniques visant certaines cibles sont utilisées.
- La chirurgie lésionnelle par électrocoagulation : elle peut avoir comme cible le
VIM, le GPi et le NST.
- La stimulation à haute fréquence du NST qui entraîne, à l’instar de la
dopamine, une réduction d’activité des sorties GPi-SNr, ce qui atténue l’akinésie.
∗ La rééducation fonctionnelle
Qu’elle soit motrice, vocale ou en rapport avec la déglutition, son objectif sera
d’apprendre au patient des techniques lui permettant une meilleure efficacité dans
la réalisation de l’acte de parole.
La L-DOPA reste le traitement de référence de la MPI et elle permet
d’améliorer globalement toutes les composantes de la triade. Cependant, avec
le temps, son efficacité diminue. Les doses doivent être augmentées avec leur
accompagnement d’effets secondaires pénibles.
La stimulation du noyau subthalamique (NST) donne un grand espoir
thérapeutique, en entraînant une forte atténuation des troubles moteurs. Mais,
contrairement à la L-DOPA, elle n’améliore pas franchement les signes axiaux
dont la dysarthrie et peut même, dans de nombreux cas, les aggraver.
L’objectif de ce travail est donc de contribuer à l’évaluation des effets,
sur les troubles de la parole, de la technique relativement récente qu’est la
neuro stimulation du noyau sous thalamique (NST) et d’étudier son impact réel
sur la dysarthrie parkinsonienne. Pour cela, nous avons utilisé une méthode
axée sur l’étude des coordinations pneumo-phoniques. Notre hypothèse de
départ est que la pression sous glottique est mal maintenue au cours de la
production du discours chez le patient parkinsonien. Sa diminution entre deux
prises de souffle doit être un indice robuste pour évaluer le niveau de
dysarthrie.
Les coordinations pneumo-phoniques
Alors que la respiration normale ou végétative est un phénomène
"automatique", la respiration dans l'acte de parole est contrôlée et organisée de
façon très précise.
L'expiration doit permettre de fournir et de maintenir une pression sous-glottique
stable pendant toute la durée du discours et de la réalisation de ses différents
éléments phonologiques.
Le contrôle de l'expiration s'effectue par le jeu des muscles de la respiration
essentiellement les intercostaux internes qui provoquent la mise en pression de l’air
dans les poumons, les intercostaux externes qui freinent ou stoppent l'action des
premiers, et le diaphragme dont le rôle ne se limite pas qu’à la phase inspiratoire.
Pour aboutir à des mouvements précis et coordonnés de tout ces muscles,
et compte tenu des multiples contraintes qui s'exercent sur ce système dynamique,
une procédure de contrôle dite structure coordinatrice, harmonise les différentes
composantes de l'activité musculaire, et régule l'ensemble des influences kinétiques.
Dans le cas de la phonation, la structure coordinatrice respiratoire initiée en début de
phrase (ligne de base correspondant aux groupes de souffle) réagit localement aux
variations des résistances a l'écoulement de l'air le long du conduit vocal au niveau
des différentes constrictions ( glotte, palais, voile, lèvres) , et aux distinctions de
voisement, ainsi que voyelle-consonne.
La neurostimulation à haute fréquence
La neurostimulation à haute fréquence présente le grand avantage d’être
réversible et ajustable dans ses paramètres.
Elle consiste en l’implantation intracérébrale d’électrodes particulières
constituées d’un conduit quadripolaire en platine iridié. Son diamètre est de 1,27
mm, chacun des quatre contacts mesure 1.5 mm de long. Ils sont espacés de 0.5 à
1.5 mm selon le modèle. L’électrode est reliée, à l’aide d’un tunnel sous cutané, à un
générateur d’impulsions implanté dans la région pectorale. Le stimulateur est
programmé via un appareil portable qui communique avec le générateur par
télémétrie.
Le mécanisme de la neurostimulation demeure inconnu. On pense
néanmoins qu’il impliquerait une combinaison complexe de phénomènes d’inhibition
et d’activation des corps cellulaires et des axones ; il dépendrait également à la fois
de l’orientation de l’électrode, de la cytoarchitecture de la structure ciblée, de la
fréquence et de la durée de stimulation, et enfin de la largeur des impulsions. Elle
vise les mêmes structures que la chirurgie lésionnelle. Cependant le NST est devenu
rapidement la cible de choix du fait de son efficacité sur la plupart des symptômes
permettant même la diminution des doses de la L-Dopa.
La stimulation à haute fréquence du noyau sous thalamique entraîne, à
l’instar de la dopamine, une réduction d’activité des sorties GPi-SNr, ce qui atténue
l’akinésie.
Les méthodes d’aide à l’implantation des électrodes de stimulation sous thalamique
Coupe sagittale IRM sur la trajectoire d’une électrode de stimulation du NST
Aspects du stimulateur et des électrodes
Disposition des stimulateurs
Détails des électrodes de stimulation sous thalamique
Le protocole
Nous avons enregistré au moyen du système d’évaluation vocale EVA 2 un canal
acoustique et deux canaux aérodynamiques : le débit d’air buccal (DAB) et la pression
intra-orale (PIO). Ainsi il est possible de mesurer la PIO pendant la tenue d’une
occlusive sourde. En effet pendant la tenue de l’occlusive sourde, la glotte est ouverte
et les pressions intra-orale et sous glottique s’équilibrent ; ce qui permet d’évaluer la
pression sous glottique. Ces mesures sont effectuées au cours de la production de la
phrase « Papa ne m’a pas parlé de beau-papa » répétées et séparées par une prise de
souffle.
L’étude porte sur 20 patients de sexe masculin appareillés par un dispositif de
neurostimulation à haute fréquence du Noyau Sous Thalamique et suivis régulièrement
au service de neurologie du centre hospitalier du pays d’Aix pour l’évaluation postopératoire et le réglage optimisé des paramètres de stimulation. Onze sujets sains de
sexe masculin ont été enregistrés parallèlement pour servir de sujets contrôles. Chaque
patient a été enregistré dans deux conditions différentes : la neurostimulation arrêtée
(condition dite OFF) et la neurostimulation en marche (condition dite ON). Nous nous
sommes intéressés aux 2e P (P2), 4e P (P4) et 6e P (P6) de la phrase afin d’avoir une
idée sur l’évolution de la pression sous glottique (PSG) sur le décours temporel. La
mesure du débit d’air oral est utilisée pour vérifier si les patients réalisent une bonne
occlusion labiale pendant la tenue des « P ».
Enfin pour l’exploitation statistique des résultats, nous avons utilisé une analyse de
variance à mesures répétées avec deux facteurs. Le premier facteur est représenté par
l’état de stimulation (OFF/ON) alors que le second est constitué par la position de
mesure des P (P2,P4 et P6) au cours de la production de la phrase .
Schéma de principe de la mesure
de la pression sous glottique
Détail du dispositif de mesure de
la pression intra orale
1
2
3
4
5
6
Position des occlusions des « P » de la phrase papa ne m’a pas parlé de beau papa
Exemples d’artéfacts à éviter
Absence de prise de souffle
Occlusion momentanée de la sonde de mesure de la PIO
Exemple de mauvaises occlusions labiales
3
Détails de la détection automatique de la fenètre de mesure
Réalisation sujet contrôle
Sujet stimulé OFF
Sujet stimulé ON
Sujet traité L-Dopa OFF
Mise en évidence des effets de fatigue
UPDRS
Moyenne
Ecart Type
Nombre
Age
60,6
6,5
20
Age maladie
48,6
6,8
20
Durée
12
4,5
20
OFF
44,9
12,12
20
ON
20,65
6,42
20
Moyenne d’age des sujets contrôle: 58,6
UPDRS ON et OFF des sujets stimulés
UPDRS Item Parole
OFF
ON
1,88
1,35
0,52
0,52
20
20
PIO
8,0
7,5
7,0
6,5
6,0
5,5
5,0
4,5
4,0
3,5
P2
P4
P6
CTRL
STIM
OFF
STIM
ON
Courbes de la moyenne des PIO en fonction des points de mesure P2, P4 et P6 ;
tendance générale chez les sujets contrôles, les stimulés et les non stimulés
Il se dégage de cette étude que la stimulation du NST entraîne une amélioration
de la triade parkinsonienne attestée par une forte diminution de l’UPDRS. Sur la
parole les effets sont bien moins marqués et surtout sont négatifs pour 7 patients.
On constate sur la PIO une amélioration statistiquement significative au niveau
des deux premiers points de mesure (P2 et P4) avec un effet de resserrement au
niveau du troisième point (P6) où la différence entre les deux conditions n’est plus
significative. Ce phénomène se distingue du traitement par la L-Dopa ou
l’amélioration est générale en ce qui concerne les dimentions motrices et tout les
points de pression.
Qui plus est, la performance des stimulés reste très en deçà de celle des
contrôles.
La stimulation du NST améliore donc la coordination pneumo-phonique
en début de phrase seulement. Cette amélioration s’épuise en cours de
production pour chuter au même niveau que les non stimulés en fin de réalisation.
Enfin cette amélioration, au delà de son caractère fugace, reste médiocre comme
en atteste la meilleure performance des contrôles par rapport aux stimulés.
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