Fluides

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Fluides
David Boilley1
Normandie Université et GANIL
Master enseignement
Parcours physique-chimie
Année 2013-2014
1
GANIL, BP 55027, F-14076 Caen cedex 05,
http://tinyurl.com/davidboilley
[email protected],
tél : 02 31 45 47 81,
Chapitre 1
Statique des fluides
Comment réagit un solide quand on le comprime ou qu’on le soumet à une contrainte de cisaillement ? Voir le
dessin de la figure 1.1. En mécanique du solide, on fait l’approximation qu’il n’est pas déformable. La réalité est
plus complexe et cela dépend de l’intensité de la contrainte. La glace d’un glacier s’écoule ! Même déformable,
un solide va s’opposer aux contraintes subies. A l’opposé, les fluides sont supposés parfaitement déformables :
on va supposer qu’ils n’exercent aucune opposition aux contraintes de cisaillement. En ce qui concerne, la
compression, cela dépend de la nature du fluide : les liquides seront supposés incompressibles, mais pas les gaz.
cisaillement
compression
Figure 1.1: Contraintes de compression et de cisaillement.
1.1
La pression
La force exercée par un fluide au repos sur toute surface rigide immergée est perpendiculaire à cette surface. De
plus, en un point donné, la norme de cette force ne dépend pas de l’orientation de la surface. On définit alors
la pression comme étant une grandeur scalaire égale à
P =
FN
,
S
(1.1)
où FN est la composante normale de la force subie par la surface S.
Dans le système international, l’unité de pression est le pascal (Pa) qui correspond à 1 N/m2 . Le bar,
1 bar = 105 Pa, est aussi utilisé.
1
1.2
Equation de la statique des fluides
Dans la plupart des problèmes rencontrés, on étudie un fluide homogène au repos dans le champ de pesanteur
terrestre ~g considéré comme uniforme. Le référentiel terrestre est supposé galiléen.
En considérant un élément de fluide de volume d3 v = dx dy dz de masse volumique ρ, on montre aisément
−−→
que la résultante des forces de pression vaut −gradP d3 v. Si cet élément est à l’équilibre tout en étant soumis
à son poids et aux forces de pression, on trouve immédiatement que
−−→
gradP = ρ~g .
(1.2)
C’est généralement la pesanteur qui est à l’origine des forces de pression. Mais, s’il y a d’autres forces
extérieures appliquées (comme la force d’inertie d’entraı̂nement dans le cas d’un récipient tournant), cette
équation n’est plus valable et doit être redérivée.
En orientant vers le haut l’axe vertical z, l’équation (1.2) devient
∂P
= −ρg.
∂z
(1.3)
On distingue alors deux cas :
• celui des liquides généralement considérés comme incompressibles. ρ ne variant pas, l’équation (1.3) peut
être rapidement intégrée.
• celui des gaz qui sont compressibles. L’équation (1.3) possède alors deux inconnues, P et ρ. On a besoin
de faire une hypothèse qui conduit à une autre équation pour résoudre.
1.3
Cas des liquides
Les liquides étant supposés incompressibles, l’intégration de l’équation (1.3) est immédiate et donne
P (z) = PS + ρg(zS − z).
(1.4)
Ici, l’axe z est supposé vertical et orienté vers le haut. A la surface du liquide, qui est à l’altitude zS , le milieu
extérieur applique une pression PS qui peut être la pression exercée par un piston ou la pression atmosphrique
Patm si la surface est libre.
On obtient que la pression est la même en tous points situés à un même niveau dans un liquide. Cela a
été vérifié expérimentalement par Simon Stevin (1548-1620) en 1586 : la pression d’un liquide sur le fond d’un
récipient est indépendante de sa forme, et aussi de la surface du fond ; elle dépend seulement de la hauteur du
liquide dans le récipient. (En 1596, six ans avant Galilée, il a découvert que deux corps de masses différentes
tombent à la même vitesse.)
1.3.1
Application : le baromètre
Le pompage de l’eau au fond d’un puits a longtemps posé un problème dans les mines : il était impossible de
pomper l’eau sur une hauteur de plus de dix mètres, même avec les pompes les plus puissantes de l’époque. De
même, à Florence, dans les années 1640, les fontainiers n’arrivent pas à aspirer l’eau à plus de dix mètres au
dessus du niveau du fleuve Arno, malgré les efforts conjugués des ingénieurs de l’époque. Galilée a été saisi du
problème, mais c’est Evangelista Torricelli (1608-1647) qui fournit l’explication en 1643.
Il a eu l’idée de manipuler du mercure (vif-argent) qui est 13,6 fois plus dense. Il a rempli un long tube en
verre de mercure et l’a retourné dans un récipient rempli de mercure. Voir figure 1.2. Le mercure s’est écoulé
et le niveau supérieur s’est arrêté à la hauteur de 76 cm.
L’espace dans le tube au dessus du mercure était vide, ce qui contredisait le dogme aristotélicien que “la
nature a horreur du vide”. Il a compris que l’atmosphère appuyait sur la surface libre du mercure et le faisait
monter d’une hauteur de 76 cm environ. Le premier baromètre était né. Avec de l’eau, cette hauteur est égale à
0, 76 × 13, 6 = 10, 3 m. Et donc, une pompe aspirante ne peut pas faire monter l’eau sur une hauteur supérieure
à 10,3 m.
2
Figure 1.2: Baromètre de Torricelli.
En 1648, Blaise Pascal a mesuré que la hauteur de mercure au sommet du Puy de Dôme, qui a environ 1400
m d’altitude, chute de 75 mm environ. La pression est donc 10% plus faible.
L’unité millimètre de mercure, appelée torr en hommage à Torricelli, est parfois utilisée pour exprimer la
pression.
1.3.2
Application : les machines hydrauliques
Vers 1651, dans son Traité de l’équilibre des liqueurs et de la masse d’air, Blaise Pascal (1623 - 1662) a énoncé
ce qui est connu comme le Principe de Pascal,
Une pression externe appliquée à un fluide confiné à l’intérieur d’un récipient fermé est transmise
intégralement à travers tout le fluide.
Ce principe est différent de celui de la pression due à la pesanteur qui s’applique en tout point. Ici, si vous
pressez localement avec un piston, la surpression s’applique à tout le liquide.
La vérification expérimentale peut être faite facilement avec la seringue de Pacsal : en augmentant la pression
dans une bouteille percée de nombreux trous, l’eau jaillit à la même vitesse par tous les trous, suggérant que la
pression se transmet à tous les points du liquide.
Pascal a vu dans son principe un nouveau moyen moyen de “multiplier” les forces. Voir la figure 1.3. La
première machine hydraulique, une presse, a été fabriquée en 1796 par Joseph Bramah (1748 -1814), un inventeur
britanique. Voir figure 1.4.
1.4
Cas des gaz
Contrairement aux liquides, les gaz sont facilement compressibles. La loi de Boyle-Mariotte (établie par Boyle
en 1662 et retrouvée par Mariotte en 1679) montre que si la température est inchangée, le volume d’une certaine
quantité de gaz enfermée dans un piston est inversement proportionnel à la pression.
3
Figure 1.3: Principe de la presse hydraulique. Figure prise sur hydraulicmania.com.
P et ρ variant tous les deux, la seule équation de la statique des fluides ne suffit pas. L’équation des gaz
parfaits qui vient compléter le problème introduit une nouvelle variable, la température, pour laquelle on va
faire une hypothèse.
1.4.1
Modèle de l’atmosphère isotherme
L’équation des gaz parfaits P V = nRT conduit à relier P et ρ,
ρ=
MP
RT
(1.5)
où M est la masse molaire. En supposant que la température est constante, on peut alors intégrer l’équation
de la statique des fluides, éq. (1.3), pour obtenir
M gz
M gz
P (z) = P (0) exp −
et
ρ(z) = ρ(0) exp −
.
(1.6)
RT
RT
Ces expressions correspondent à la distribution de Boltzmann, M gz étant l’éenergie potentielle de pesanteur
d’une mole de gaz.
La masse volumique d’un gaz étant très faible, la pression et la masse volumique varient peu avec l’altitude.
Sur des échelles de quelques mètres, on pourra supposer qu’elles sont constantes.
Sur des échelles plus grandes, il est difficile de supposer que la température est constante.
1.4.2
Loi du nivellement barométrique
Expérimentalement, en l’absence de mouvement des masses d’air, la température varie linéairement avec
l’altitude tant que l’on reste dans la troposphère, c’est à dire pour des altitudes variant de 0 à 10 000 m
environ,
T = T0 − λz.
(1.7)
En prenant en compte l’équation des gaz parfaits, on peut intégrer l’équation de la statique des fluides pour
obtenir
α
T
MG
P = P0
avec
α=
.
(1.8)
T0
Rλ
Voir le TD pour le détail du calcul.
4
Figure 1.4: Presse de Bramah. (Figure prise sur Wikipedia)
1.5
Poussée d’Archimède
Comme la pression n’est pas homogène et varie avec la hauteur, la résultante des forces de pression sur un objet,
même symétrique, ne sera pas nulle. La pression étant plus forte dans la partie basse de l’objet que dans la
partie haute, les forces de pression ont tendance à faire monter l’objet. A quoi est égale la résultante des forces
de pression pour des géométries complexes ?
C’est au troisième siècle avant J.C. qu’Archimède a été sollicité par Hiéron de Syracuse pour vérifier sans la
détruire que sa couronne était bien en or massif. La légende dit qu’il aurait trouvé la solution dans son bain et
qu’il se serait exclamé Eurêka, expression qui est resté dans l’histoire.
Le théorème d’Archimède s’exprime ainsi :
Tout corps plongé dans un fluide subit une force opposée au poids du volume déplacé.
Pour la démonstration, considérons un solide immergé dans un fluide au repos. Pour cela, le solide peut être
retenu par une chaı̂ne. L’équilibre du solide ne permet pas de trouver l’expression de la résultante des forces de
pression. En revanche, si on considère la masse d’eau déplacée qui a exactement la même forme que le solide
et qui est à la même position, elle va subir les mêmes forces de pression et son propre poids. La condition
d’équilibre appliquée à la masse d’eau déplacée permet d’en déduire la résultante des forces de pression et le
théorème d’Archimède.
Dans l’air, la poussée d’Archimède est souvent négligeable car la masse volumique des gaz est faible. Sauf,
bien entendu, pour les dirigeables et les mongolfières. Dans l’eau, elle permet d’établir la flottabilité.
5
Chapitre 2
Ecoulements stationnaires de fluides
parfaits
Quand vous faites couler l’eau d’un robinet, vous avez sûrement observé que l’écoulement peut être laminaire
pour de faibles débits et turbulent pour de forts débits. Il y a la même différence entre un fleuve tranquille et un
torrent de montagne. O. Reynolds a fait une étude systématique des écoulements en 1883 à l’aide de colorants
et a proposé une classification en fonction d’un nombre qui porte son nom.
Dans ce cours, nous nous limiterons aux écoulements laminaires. Cela correspond généralement aux écoulements
lents. Dans ce chapitre, nous supposerons de plus qu’il n’y a pas de forces de frottement qui ne seront prises en
compte que dans le chapitre suivant.
2.1
Quelques définitions
Lors d’un écoulement stationnaire, on peut observer les lignes de courant à l’aide de colorant. Elles correspondent à la trajectoire invariable suivie par les particules de fluide. La ligne de courant correspond à la ligne
de champ de vitesse : en chaque point, elle est tangente au vecteur vitesse.
Un ensemble de lignes de courant s’appuyant sur un contour fermé s’appelle un tube de courant.
Dans un tube de courant, on définit le débit volumique et le débit massique. Le débit volumique correspond
au volume de fluide qui traverse une section S du tube de courant par unité de temps :
Dv = vS
(2.1)
et s’exprime en m3 /s dans le SI. Le débit massique correspond à la masse de fluide qui traverse qui traverse
une section S du tube de courant par unité de temps :
Dm = ρvS
(2.2)
et s’exprime en kg/s dans le SI.
Plus généralement, le débit volumique correspond au flux du vecteur vitesse alors que le débit massique
correspond au flux du vecteur courant ~ = ρ~v .
Le flux à travers les parois latérales d’un tube de courant étant nul, car elles sont tangentes au vecteur
vitesse, le débit est le même à travers toute section du tube lors d’un écoulement stationnaire.
Ainsi, le jet qui s’écoule d’un robinet a tendance à se resserrer car la vitesse augmente lors de la chute. La
conservation du débit impose donc un rétrécissement de la section.
2.2
Théorème de Bernoulli et applications
On doit à Daniel Bernoulli (1700-1782) un des premiers traitements modernes de l’hydrodynamique. Son
ouvrage, Hydrodynamica de 1738 contient la première version du théorème qui porte son nom. La notion
d’énergie n’étant apparue que bien plus tard, Bernoulli a utilisé la conservation de la force vive et de la hauteur
6
potentielle. C’est seulement en 1755, avec les travaux d’Euler, que le théorème apparaı̂t sous la forme d’un bilan
local plus proche des formulations contemporaines. A noter que le père de Daniel Bernoulli, Jean Bernoulli a
proposé peu de temps après une autre dérivation basée sur la relation fondamentale de la dynamique.
2.2.1
Théorème
Dans les livres de mécanique des fluides, on trouve généralement la démonstration du théorème de Bernoulli
à partir de l’équation d’Euler qui est intégrée le long d’une ligne de courant. Nous allons utiliser ici la
démonstration basée sur le théorème de l’énergie cinétique.
Considérons un fluide parfait (dont on néglige la viscosité et la conductivité thermique), incompressible en
écoulement stationnaire. Voir la figure 2.1. On va appliquer le théorème de l’énergie cinétique à la masse de
Figure 2.1: Tube de courant.
fluide comprise entre les sections A1 et A2 entre les instants t et t + dt.
La conservation du débit donne δτ = A1 v1 dt = A2 v2 dt. A la date t, l’énergie cinétique s’écrit,
Z Z Z A2
1
ρv 2 dτ.
Ec(t) =
2
A1
(2.3)
Et donc la variation d’énergie cinétique entre t et t + dt vaut,
Ec(t + dt) − Ec(t) =
1 2
1
ρv δτ − ρv12 δτ.
2 2
2
(2.4)
Les forces extérieures appliquées au système sont le poids et les forces de pression. Sur les parois latérales, les
forces de pression étant orthogonales au déplacement, leur travail sera nul. Ne reste donc que le travail des
forces de pression sur les deux sections A1 et A2
dWP = P1 A1 v1 dt − P2 A2 v2 dt.
(2.5)
Pour le poids, qui s’applique à tout le volume, il est plus facile de passer par l’énergie potentielle. Par analogie
avec ce qui a été fait pour l’énergie cinétique,
Ep(t + dt) − Ep(t) = ρgz2 δτ − ρgz1 δτ.
(2.6)
Finalement, le théorème de l’énergie cinétique conduit à
1
1
P1 + ρv12 + ρgz1 = P2 + ρv22 + ρgz2 .
2
2
7
(2.7)
Ainsi, pour un fluide parfait, incompressible et en écoulement stationnaire, la quantité
1
P + ρv 2 + ρgz = constante
2
(2.8)
le long d’une ligne de courant. Bien que ce théorème ait été démontré pour les fluides incompressibles, il est
souvent appliqué aux gaz si les variations de pression ne dépassent pas quelques pourcents.
Si la vitesse est nulle, on retrouve l’équation de la statique des fluides.
Les applications sont nombreuses (voir TD). Nous n’en mentionnerons que deux.
2.2.2
Théorème de Torricelli
C’est bien avant le théorème de Bernoulli que Torricelli a énoncé en 1644 que
“Je suppose que les eaux, qui sortent avec violence, ont au point de leur sortie la mesme impétuosité,
ou le mesme degré de vitesse, qu’auroit acquis un corps pesant, ou une goutte de la même eau, si
elle estoit tombée naturellement, de la plus haute surface de la mesme eau, jusques à l’ouverture par
où elle sort.”1
En langage mathématique √
moderne, la vitesse de l’eau qui s’écoule par un petit orifice au pied d’un récipient
rempli de liquide vaut v = 2gh où h est la hauteur du liquide.
Ce résultat a une grande importance dans l’histoire des sciences2 et a trouvé tout de suite de nombreuses
applications
pour étudier la force de l’eau sur les moulins. Voulant vérifier que la vitesse de sortie était bien
√
v = 2gh, Edme Mariotte (1620 - 1684) ou Edmond Halley (1656 - 1742) ont fait face à une contradiction :
la vitesse de l’eau mesurée à la sortie de l’orifice à partir de la quantité d’eau recueillie par unité de temps ne
permettait à cette même eau que de remonter à la hauteur h/2. C’est à Issac Newton (1643 - 1727) que l’on
doit l’explication à partir de la notion de veine contractée. Le jet a tendance à se contracter à la sortie du vase
et a donc un diamètre plus petit que celui de l’orifice. Ainsi, si l’on calcule la vitesse à partir du débit constaté
et du diamère de l’orifice, on sous-estime la vitesse.
Plusieurs personnes ont essayé de donner une explication théorique à ce résultat, dont Pierre Varignon (Caen
1654 - 1722) et Isaac Newton (1643 - 1727). En 1695, Pierre Varignon note que la loi de Torricelli, “confirmée
par une infinité d’expériences” n’avait pas encore été “démontrée”. Mais, il faudra attendre le théorème de
Bernoulli pour la première démonstration satisfaisante.
Si l’on considère une ligne de courant qui part de la surface supérieure du liquide pour aller vers l’orifice, on
a alors
1
1
Patm + ρV 2 + ρgh = Patm + ρv 2 + 0.
(2.9)
2
2
Si la section de l’orifice s est petite devant la section S du récipient, la conservation du débit donne V S = vs
et donc v V . En négligeant V , on a immédiatement
p
v = 2gh.
(2.10)
C’est la vitesse qu’aurait obtenue une goutte d’eau en chute libre depuis une hauteur h. Torricelli a remarqué
que si le jet était orienté vers le haut, il atteint presque la surface du liquide dans le réservoir.
2.2.3
Réalisation pratique : le vase de Mariotte
Le vase de Mariotte est schématisé sur la figure 2.2.
La pression à l’altitude du point A, situé au niveau de l’orifice de la pipette, est égale à la pression atmosphérique, tant que le niveau de liquide est au dessus de A. Plus haut, elle est donc inférieure. Cela conduit
donc à avoir un niveau apparent constant dans le vase et donc, un débit de sortie constant, tant que le niveau
du liquide est supérieur à A. Ce système a été utilisé avec succès pour l’alimentation des lampes à huile ou
pétrole à la fin du 18ième siècle.
1 Citation extraite de La science du mouvement des eaux, de Torricelli à Lagrange, par Michel Blay, Belin, 2007. Dans cet
ouvrage, l’auteur montre que le Père Minime Marin Mersenne (1588 - 1648) et René Descartes (1596 - 1650) ont établi ce résultat
une année plus tôt.
2 Voir l’ouvrage de Michel Blay, déjà cité.
8
A
h
Figure 2.2: Vase de Mariotte permettant d’avoir un débit constant.
2.2.4
Effet Venturi
Soufflez entre deux feuilles de papier et vous verrez de quoi il s’agit !
Giovanni Battista Venturi (1746-1822) a étudié en 1791 l’effet qui porte son nom à l’aide du tube de Venturi
(figure 2.3) et a proposé la pompe du même nom comme application.
Figure 2.3: Dispositif montrant l’effet Venturi. (Figure prise sur Wikipedia)
Si on applique le théorème de Bernoulli entre les sections A1 et A2 du tube de Venturi de la figure 2.3, la
pression au point 2 est beaucoup plus faible qu’au point 1,
2
1
A1
P1 − P2 = ρv12
−
1
.
(2.11)
2
A22
Les applications sont très nombreuses.
9
2.3
Equation d’Euler
Jean le Rond d’Alembert3 (1717 - 1783) dans ses Réflexions sur la cause générale des vents publiées en 1745, est
le premier à écrire le champ de vitesse comme une fonction des coordonnées d’espace et du temps ~v (x, y, z, t), et
en déduit que pour un écoulement stationnaire d’un fluide incompressible à deux dimensions, on a, en langage
contemporain, div ~v = 0.
C’est à Leonhard Euler (1707 - 1783) que l’on doit la première formulation générale de la mécanique des
fluides parfaits à trois dimensions. Il a publié en 1755 dans les Mémoires de l’Académie de Berlin un texte sur
les Principes généraux du mouvement des fluides où apparaissent l’équation de continuité,
∂ρ
= div(ρ~v ),
∂t
(2.12)
D~v
∂~v
~ v )) = ρ~g − ∇P
~
= ρ(
+ ~v · ∇~
Dt
∂t
(2.13)
et l’équation qui porte son nom,
ρ
explicitées ici avec les notations contemporaines. La deuxième équation peut aussi être écrite de la façon
suivante :
−−→
∂~v 1 −−→ 2 −→
ρ(
+ gradv + rot~v ∧ ~v ) = ρ~g − gradP .
(2.14)
∂t
2
L’équation (2.12) s’obtient facilement en faisant un bilan de matière sur une cellule de volume dxdydz.
Pour un fluide incompressible, elle implique que div ~v = 0, et donc que le flux de vitesse à travers une surface
fermée est nul. Quant à l’équation d’Euler, elle correspond à une généralisation de la relation fondamentale de
la dynamique aux fluides en faisant intervenir la dérivée particulaire. Elle inclut donc la statique des fluides
(~v = ~0). Intégrée le long d’une ligne de courant pour un écoulement stationnaire et incompressible, elle conduit
à l’équation de Bernoulli. Cette formulation marque la naissance de l’hydrodynamique.
Joseph-Louis Lagrange (1736 - 1813) dira plus tard, dans son traité de Mécanique analytique de 1788, que
grâce aux travaux d’Euler,
“toute la Mécanique des fluides fut réduite à un seul point d’Analyse, et si les équations qui la renferment étaient intégrables, on pourrait, dans tous les cas, déterminer complètement les circonstances
du mouvement et de l’action d’un fluide mû par les forces quelconques ; malheureusement, elles sont
si rebelles qu’on n’a pu jusqu’à présent en venir à bout dans des cas très limités”.4
~ v ). Bien que très pertinente pour l’étude de la mécanique des
La difficulté vient surtout du terme non linéaire (~v ·∇~
fluides, l’équation d’Euler, qui ne peut être résolue analytiquement que dans de rares cas, a donc une utilisation
très limitée dans l’éducation. Pour des mouvements de faible amplitude, comme les ondes acoustiques ou la
houle, on peut linéariser l’équation d’Euler et en déduire une équation d’onde. Voir le cours sur les ondes. En
revanche, cette équation peut être résolue numériquement.
Dès 1752, d’Alembert s’aperçoit qu’avec cette description, un corps plongé dans un fluide (comme une pile
de pont, par exemple) ne se voit opposer aucune résistance, ce qui est contraire à l’expérience. C’est ce qu’on
appelle le paradoxe de d’Alembert.
(A noter qu’Euler a aussi introduit et popularisé plusieurs conventions de notation mathématiques dont la
notion de fonction qu’il a été le premier à écrire f (x) en 1734. Il a galement introduit la notation moderne
des fonctions trigonométriques, la lettre e pour la base du logarithme naturel en 1727, la lettre grecque Σ pour
désigner une somme en 1755 et la lettre i pour représenter l’unité imaginaire, en 17775 .)
3 D’Alembert,
mathématicien des lumières, Les génies de la science 39, mai - juillet 2009
par Michel Blay, op. cit.
5 D’après Wikipédia.
4 Repris
10
Chapitre 3
Ecoulements visqueux de fluides
newtoniens
L’observation de certains écoulements montre que les fluides s’écoulent plus rapidement au centre de la canalisation que sur les bords, comme si la paroi exerçait une force de frottement qui serait parallèle et non plus
orthogonale comme la pression. Le cas extrême correspond aux glaciers.
L’expérience de Couette, simple à réaliser, permet de mettre en évidence ces forces tangentielles : elle consiste
à faire tourner un cylindre dans de l’eau contenue dans un récipient cylindrique. Au bout d’un certain temps, on
observe que l’eau se met en mouvement. Cela ne peut être dû qu’à des forces tangentielles. En faisant tourner
le cylindre extérieur et en reliant le cylindre intérieur à un fil de torsion, Maurice Couette (1858 - 1943) a fait
des mesures précises de cette force dite de viscosité. Ce viscosimètre (1888), figure 3.1, porte son nom.
Figure 3.1: Schéma de principe du viscosimètre de Couette. Figure extraite d’un cours de l’université de Nantes
(http://www.sciences.univ-nantes.fr/physique/perso/blanquet/).
3.1
Viscosité
Pour définir la viscosité, il vaut mieux utiliser des coordonnées cartésiennes. Imaginons donc un dispositif
irréaliste, mais plus simple, comme représenté sur la figure 3.2. On fait glisser une plaque à la surface d’un
11
liquide contenu dans un récipient parallélépipédique supposé infiniment long. En régime stationnaire, cela induit
un champ de vitesse qui varie avec l’altitude.
z
F
v
x
Figure 3.2: Champ de vitesse induit par le glissement d’une plaque à la surface d’un liquide visqueux.
C’est la plaque qui, par l’intermédiaire des forces tangentielles, est à l’origine de l’écoulement représenté par
le champ de vitesse. La contrainte due à la plaque se propage de proche en proche sur chaque couche de liquide
jusqu’au fond du récipient qui est fixe. Inversement, le liquide résiste à la contrainte exercée par la plaque et la
force F~ ne peut pas s’annuler. Elle doit maintenir l’écoulement qui s’arrêterait sans elle.
Newton a fait l’hypothèse que
“La résistance qui vient du défaut de lubricité des parties d’un fluide doit être, toutes choses égales,
proportionnelle à la vitesse avec laquelle les parties d’un fluide peuvent être séparées les unes des
autres.”1
Son but était de contredire l’hypothèse de René Descartes (1596 - 1650) et d’autres qui n’acceptaient pas que
la force de gravitation agissait à distance et pensait que des tourbillons d’éther entraı̂naient les planètes. Pour
Newton, les tourbillons ne permettent pas de décrire correctement le mouvement régulier des planètes et les lois
de Kepler avec cette hypothèse.
En langage mathématique contemporain, l’hypothèse de Newton donne que la force par unité de surface
exercée sur la plaque est proportionnelle au gradient de la composante horizontale de la vitesse,
F
dvx
=η
.
S
dz
(3.1)
Cette loi est vérifiée pour la plupart des fluides que nous étudierons. Elle ne s’applique pas aux pâtes où des
liquides épais. Les fluides qui vérifient cette hypothèse sont appelés fluides newtoniens.
L’hypothèse faite ici s’apparente à la loi de Fourier en présence d’un gradient de température ou la loi de
Fick en présence d’un gradient de concentration. Ce qui est étudié ici, c’est la diffusion du champ de vitesse.
η est appelé coefficient de viscosité dynamique. Il s’exprime en poiseuille (Pl) ou Pa.s. Dans l’ancien système
cgs, c’est la poise (P ou Po) qui était utilisée.
On appelle viscosité cinématique la grandeur ν = η/ρ où ρ est la masse volumique. L’unité du SI est le
m2 /s. Dans le système cgs, c’était le stokes (St).
3.2
Nombre de Reynolds
Pour visualiser les écoulements, Osborne Reynold (1842 - 1912) a introduit une petite veine colorée dans un
fluide en mouvement à l’aide du dispositif représenté sur la figure 3.3. Cela lui a permis de classer les écoulements
en fonction d’un nombre sans dimension qui porte son nom,
Re =
ρvD
vD
=
,
η
ν
(3.2)
où v est la vitesse caractéristique de l’écoulement et D une longueur caractéristique comme le diamètre du tube.
1 Isaac Newton, Philosophiae Naturalis Principia Mathematica, traduction de l’édition de 1726 par la Marquise du Chastelet et
repris par Michel Blay, op. cit.
12
colorant
eau
D
Figure 3.3: Dispositif de Reynold.
Pour de faibles valeurs du nombre de Reynold (inférieure à 2000), l’écoulement est laminaire. Au-delà de
3000, l’écoulement est turbulent. Entre les deux, le régime est dit intermédiaire.
Le nombre de Reynolds apparaı̂t pour la première fois en 1883 dans son article intitulé An Experimental
Investigation of the Circumstances Which Determine Whether the Motion of Water in Parallel Channels Shall
Be Direct or Sinuous and of the Law of Resistance in Parallel Channels.
Deux écoulements sur des échelles différentes mais ayant des nombres de Reynolds égaux sont dits semblables.
Leurs écoulement seront similaires : cette propriété permet d’expliquer l’intérêt d’utiliser des maquettes de taille
réduite pour faire des expériences.
3.3
Loi de Poiseuille
En 1835, Jean Léonard Marie de Poiseuille (1797-1869), fit une série d’expériences pour déterminer l’écoulement
d’un fluide visqueux dans un tuyau étroit afin de comprendre la circulation sanguine. Le résultat qu’il a obtenu
peut être facilement établi en considérant un fluide en écoulement stationnaire dans un tuyau cylindrique
horizontal de rayon R.
Le fluide compris entre 0 et r sur une longueur l subit les forces de pression Pe πr2 et Ps πr2 à chaque
extrémité et la force de frottement sur la paroi latérale de surface 2πrl,
F = η(2πrl)
dvz
.
dr
(3.3)
En régime stationnaire la somme des forces étant nulle, on en déduit que
dvz
(Pe − Ps )
=−
r
dr
2ηl
et
vz (r) =
Pe − Ps 2
(R − r2 ),
4ηl
(3.4)
(3.5)
après intégration. On a supposé que vz (R) = 0. Le profil de vitesse est parabolique. On en déduit aisément le
débit volumique à partir du flux de la vitesse,
Dv =
πR4 Pe − Ps
,
8η
l
13
(3.6)
qui constitue la loi de Poiseuille.
Elle est parfois exprimée dans l’autre sens,
Pe − P s
8η
Dv .
=
l
πR4
(3.7)
Pour un fluide parfait η = 0 et donc ∆P = 0. Une fois lancé, le fluide s’écoule tout seul sans qu’une force de
frottement ne vienne le ralentir, voire l’arrêter. Pour un fluide réel, il faut exercer une pression supplémentaire
qui va maintenir l’écoulement stationnaire.
Pe −Ps
est appelé la perte de charge. Exprimentalement, la perte de charge peut être facilement visualisée à
l
l’aide du système représenté sur la figure 3.4. Le débit constant est assuré à l’aide d’un vase de Mariotte.
Figure 3.4: Dispositif montrant la perte de charge. (Figure prise sur le web)
La perte de charge étant proportionnelle à 1/R4 , il vaut mieux transporter du liquide dans un gros tuyau que
dans plusieurs petits tuyaux. C’est le cas en particulier pour le sang. En revanche, une multitude d’artérioles
et de capillaires sont plus favorables pour les échanges.
3.4
Equation de Navier-Stokes
La généralisation de l’équation d’Euler aux fluides visqueux est associée aux nom de Claude Louis Marie Henri
Navier (1785 - 1836), Siméon Denis Poisson (1781 - 1840) et Georges Gabriel Stokes (1819 - 1903). Même la
version simplifiée pour des fluides newtoniens incompressibles, connue sous le nom d’équation de Navier-Stokes,
est quasiment impossible à résoudre analytiquement. Elle est donc résolue numériquement et ne sera pas étudiée
dans ce cours.
14
Chapitre 4
Mécanique des systèmes ouverts
Une fusée avance grâce aux réacteurs qui éjectent des gaz. L’étude de la propulsion va faire intervenir un
système dit ouvert car il échange de la matière avec l’extérieur. C’est aussi le cas pour une lance à incendie,
un système d’arrosage rotatif, etc. . . Mais les lois de la mécanique ont été établies pour des systèmes fermés.
Comment étendre les lois de la mécanique aux systèmes ouverts ? C’est encore à Euler que l’on doit la réponse.
4.1
Systèmes ouverts
Considérons le cas d’une fusée qui éjecte des gaz pour avancer. Comment définir le système étudié ? Les gaz
qui sont sortis ne nous intéressent plus. On choisit comme système, la fusée et les gaz qu’elle contient encore.
Et comme il perd de la matière, on parle de système ouvert.
Quelle molécule de gaz sera incluse et quelle molécule sera exclue ? Où mettre la limite ? On définit le
système à l’aide d’une surface de contrôle fermée. Tout ce qui est à l’intérieur fait partie du système étudié,
tout ce qui est à l’extérieur n’en fait pas partie. Cela peut être la surface délimitée par le réacteur d’un avion
par exemple, ou par le tuyau d’arrosage. Dans ces cas, le fluide contenu dans ce système est continuellement
remplacé.
La surface de contrôle peut être en mouvement ou immobile, elle peut aussi être déformable. Pour simplifier,
nous ne considérerons ici que des systèmes indéformables. Oublions donc le cas du ballon de baudruche qui se
dégonfle !
Cette surface de contrôle est traversée par un flux de matière entrant ou sortant et sa masse n’est donc pas
forcément constante. Commençons donc par faire un bilan de masse.
4.2
Bilan de masse
Considérons un tuyau avec de l’eau qui entre à un bout et qui ressort de l’autre comme représenté sur la figure
4.1. La surface de contrôle est définie par les sections en Se et Ss et la surface latérale.
Considérons maintenant le fluide contenu dans cette surface de contrôle à la date t. A la date t + dt, ce fluide
se sera déplacé vers la droite sur le dessin. Cette masse de fluide qui se déplace forme un système fermé. Suivre
son mouvement relève d’une description lagrangienne. En revanche, la surface de contrôle, quant à elle, reste
immobile et est ouverte. A la date t + dt, du fluide sera entré et sorti par les sections à chacune des extrémités.
Cette vision correspond à une approche dite eulérienne.
La masse du système fermé ne varie pas, alors que pendant un temps dt, la masse du système ouvert a varié.
De combien ? Considérons la section en entrée. Le volume de fluide qui entre pendant un temps dt est ue dt × Se
où ue est la vitesse du fluide en entrée par rapport au système que l’on suppose uniforme sur la section Se . Et
donc la masse de fluide qui entre pendant le temps dt est obtenue en multipliant par la masse volumique ρe :
dme = ρe Se ue dt.
e
Si l’on définit le débit massique en entrée Dm
comme étant la masse de fluide entrante par unité de temps,
e
e
dme = Dm dt, avec Dm = ρe Se ue . Dans le système international d’unités, le débit massique s’exprime en
15
Figure 4.1: Ecoulement dans un tuyau. La surface de contrôle est en noire. La matière qui a pénétré dans le
système pendant le temps dt est à gauche en rouge. La matière qui est sortie du système pendant ce même
temps est à droite en orange.
kilogrammes par seconde. Il ne faut pas le confondre avec le débit volumique qui s’exprime en mètres cubes par
seconde.
On aurait pu trouver ce résultat à partir de la définition du vecteur courant : en définissant je = ρe ue , le
e
débit massique, à l’instar de l’intensité de courant, correspond au flux de je , Dm
= je Se . On a bien la même
expression.
Attention, si la surface de contrôle de déplace, c’est la vitesse relative par rapport à la surface qu’il faut
prendre pour estimer le débit. On la note u.
On peut faire exactement la même chose avec la masse perdue à la sortie. Finalement, si l’on note M la
masse du système ouvert défini par la surface de contrôle, cette masse varie pendant un temps dt de
e
s
dM = δme − δms = ρe ue Se dt − ρs us Ss dt = (Dm
− Dm
)dt,
(4.1)
où l’indice e correspond à l’entrée et l’indice s, à la sortie. Les vitesses ue et us sont des vitesses relatives par
rapport à la frontière. L’expression avec le débit massique, Dm , est plus commode.
4.3
Bilan de quantité de mouvement
Pour étudier le mouvement d’un système ouvert, il nous faut généraliser la relation fondamentale de la dynamique
qui n’est valable que pour des systèmes fermés.
4.3.1
Théorème d’Euler pour les systèmes ouverts
Reprenons l’étude du tuyau qui nous a servi à faire le bilan de masse pour faire, cette fois-ci, un bilan de quantité
de mouvement entre les dates t et t + dt. L’eau qui est contenue dans la surface de contrôle à la date t s’est
déplacée à la date t + dt. Le contenu de la surface de contrôle constitue donc un système ouvert. En revanche,
16
l’eau qui était contenue dans la surface et qui s’est déplacée, constitue, quant à elle, un système fermé auquel
on pourra appliquer la physique apprise jusqu’à maintenant.
A la date t, les systèmes ouverts et fermés sont confondus, leurs quantités de mouvement sont égales,
p~f (t) = p~o (t).
(4.2)
Mais à la date t + dt, ils diffèrent. D’après la figure 4.1, on a
s
e
p~o (t + dt) = p~f (t + dt) − Dm
dt~vs + Dm
dt~ve .
(4.3)
On a supposé ici, que toute la matière entrante a la vitesse ~ve et toute la matière sortante, la vitesse ~vs . Il s’agit
bien des vitesses absolue par rapport au référentiel d’étude ici. En revanche, pour les débits, ce sont toujours
les vitesses relatives qu’il faut utiliser. Si la surface de contrôle est immobile, ce sont les mêmes vitesses. Pas si
elle se déplace.
Comme on calcule les quantités de mouvement par rapport à un référentiel dans lequel la frontière définissant
le système ouvert peut être mobile, il s’agit des vitesses absolues ~ve et ~vs cette fois-ci. En revanche, pour les
débits, ce sont toujours les vitesses relatives qu’il faut utiliser.
En soustrayant l’équation à la date t à celle à la date t + dt, il vient,
d~
pf
d~
po
s
e
=
− Dm
~vs + Dm
~ve .
dt
dt
(4.4)
La relation fondamentale de la dynamique peut être appliquée au système fermé et permet d’écrire que
X
d~
pf
=
F~ext .
dt
(4.5)
On en déduit, pour le système ouvert qui nous intéresse, que
X
d~
po
e
s
=
F~ext + Dm
~ve − Dm
~vs .
dt
(4.6)
Cette relation correspond au théorème d’Euler pour les systèmes ouverts.
po
~
En cas d’écoulement stationnaire, d~
dt = 0. On peut donc en déduire la somme des forces extérieures subies
par le système ouvert.
Voyons quelques applications classiques.
4.3.2
Tuyau rectiligne
Pour un tuyau rectiligne uniforme comme représenté sur la figure 4.1, le débit et la vitesse d’écoulement sont
identiques en entrée et sortie. Les termes additionnels de la relation d’Euler se compensent donc et cela ne
change rien.
En revanche, si le tuyau n’est pas rectiligne, ~ve et ~vs n’ont plus la même direction et ces termes ne se
compensent plus, même si les débits et les normes des vitesses sont identiques. La fixation d’un tuyau non
rectiligne devra donc compenser cette force additionnelle due à l’écoulement.
4.3.3
Tapis roulant
Etudions maintenant un tapis roulant représenté sur la figure 4.2. Des objets tombent sur le tapis et sont
entraı̂nés. On supposera, pour simplifier, que le flux est constant.
Considérons donc, comme système ouvert, la surface de contrôle représentée sur la figure 4.2. Comme, à
chaque instant, il y a autant d’objets qui entrent dans la surface de contrôle que d’objets qui sortent, la masse
du système ouvert étudié est donc constante. On notera donc Dm le débit massique en entrée et en sortie.
Les objets arrivent dans la surface de contrôle avec une vitesse verticale et ressortent avec une vitesse
horizontale. Une force a donc modifié leur quantité de mouvement. QuePvaut-elle ?
po
~
Comme le mouvement est stationnaire, d~
F~ext la somme des forces extérieures
dt = 0 et donc, en notant
appliquées au système, on a, en appliquant la relation d’Euler,
X
~0 =
F~ext + Dm~ve − Dm~vs .
(4.7)
17
Figure 4.2: Tapis roulant. La zone en pointillés représente la surface de contrôle choisie.
En projetant sur l’axe horizontal, on obtient la force d’entraı̂nement du tapis :
Fh = D m v s .
(4.8)
La vitesse de sortie correspond à celle du tapis.
4.3.4
Application à la fusée
Une fusée, de masse M , avance en éjectant des gaz à une vitesse relative ~u. Pendant un temps dt, elle en éjecte
−dM .
e
s
= − dM
En considérant le volume de la fusée comme système, on a, Dm
= 0 et Dm
dt . Les gaz sont éjectés
à la vitesse absolue ~v + ~u, où ~v est la vitesse de la fusée. Enfin, on va supposer que la seule force extérieure
appliquée est le poids, M~g . L’application du théorème d’Euler, équation (4.6), conduit à
dM
d~
po
= M~g +
(~v + ~u).
dt
dt
(4.9)
Comme p~o = M~v et que, dans cet exemple, la masse M varie, il faut faire attention en dérivant la quantité
de mouvement,
d~
po
d~v dM
=M
+
~v .
(4.10)
dt
dt
dt
L’équation d’Euler conduit donc à
dM
d~v
= M~g +
~u.
(4.11)
M
dt
dt
Le terme dM
u apparaı̂t donc comme un “terme de poussée”. Comme dM
u est opposé à ~v , ce nouveau
dt ~
dt < 0 et ~
terme tend bien à accroı̂tre la vitesse de la fusée. Bien évidemment, la fusée ne va décoller que si la force de
poussée est plus forte que le poids.
18
En supposant que la pesanteur ~g est uniforme et que la vitesse relative des gaz éjectés est constante, ce qui
n’est pas le cas dans la réalité, on peut intégrer facilement l’équation précédente pour trouver la vitesse finale
de la fusée,
Mf
~vf = ~vi + ln
~u + ~g t.
(4.12)
Mi
Ce résultat porte le nom d’équation de Tsiolkovski.
Avec les technologies actuelles, on peut montrer que l’on ne peut pas s’affranchir du champ de pesanteur de
cette façon et qu’il est nécessaire d’avoir une fusée à étage. C’est à dire que les “boosters” sont largués quand
ils sont vides afin d’alléger la fusée de masses inutiles. Un autre système prend alors le relais pour communiquer
une vitesse plus élevée à une fusée plus légère.
4.3.5
Cas d’un réacteur d’avion
Pour un avion, c’est différent, car de l’air entre dans les réacteurs avant d’être rejeté avec une vitesse plus
élevée. A cela s’ajoutent les gaz issus de la combustion que l’on va négliger. Ainsi, le débit à l’entrée est le
même qu’à la sortie et la masse de l’avion est constante. On note le débit Dm et la masse de l’avion M . Comme
précédemment, on note ~u la vitesse relative des gaz à la sortie et ~v la vitesse de l’avion.
On peut alors faire l’étude dans le référentiel de l’avion, qui n’est pas galiléen, ou dans le référentiel absolu,
qui l’est. Pour simplifier, on supposera qu’il n’y a pas de vent.
Commençons par le référentiel de l’avion. L’avion est immobile dans son propre référentiel, et les gaz entrent
à la vitesse −~v et ressortent à la vitesse ~u. On a donc
d~
po ~ X ~
=0=
Fext + Dm (−~v ) − Dm ~u − M~a.
dt
(4.13)
Le dernier terme correspond à la force d’inertie d’entraı̂nement. L’avion étant immobile dans son propre
référentiel, p~o = ~0. Ainsi,
X
M~a =
F~ext − Dm (~v + ~u).
(4.14)
On peut refaire la même chose dans le référentiel absolu. La vitesse des gaz à l’entrée est nulle s’il n’y a pas
de vent. En revanche, à la sortie, la vitesse absolue vaut ~v + ~u. On a donc
X
d~
po
=
F~ext − Dm (~v + ~u).
dt
(4.15)
Comme on a négligé la contribution des gaz de combustion, dM
dt = 0 et l’on retrouve l’équation (4.14).
Attention, lors de l’application numérique, ~u et ~v sont de sens contraire. L’avion n’est propulsé que si la
vitesse relative des gaz éjectés est supérieure à la vitesse de l’avion.
L’équation (4.14) est une équation différentielle du premier ordre qui peut être résolue analytiquement. Pour
simplifier, on va supposer que l’avion vole horizontalement et que la force de portée compense le poids. Il reste
une force extérieure horizontale due aux frottements fluides, égale à −f~v . La projection de l’équation (4.14) sur
l’axe horizontal orienté dans le sens du mouvement conduit donc à
M
dv
= −f v − Dm v + Dm u.
dt
(4.16)
La solution stationnaire, qui correspond aux temps longs, est
v=
Dm
u.
f + Dm
(4.17)
Il est peu réaliste d’étudier le régime transitoire avec l’hypothèse que l’avion a une trajectoire horizontale. Si le
coefficient de frottement est faible devant Dm , la vitesse de croisière de l’avion est limitée à u. Les gaz sortent
alors avec une vitesse absolue nulle.
19
4.4
Bilan de moment cinétique
Vous avez sûrement déjà observé des tourniquets d’arrosage ou des feux d’artifice qui tournent sous l’action
d’un jet de matière. Pour étudier le mouvement de rotation sur lui-même, nous allons devoir aussi étendre
le théorème du moment cinétique aux systèmes ouverts. Pour cela, nous allons suivre la même démarche que
précédemment.
4.4.1
Théorème
Comme vous pouvez l’imaginer, nous allons calculer le moment cinétique du jet cette fois-ci et plus sa quantité
de mouvement. La distance à l’axe de rotation entre donc en compte. Pour simplifier, nous allons donc supposer
que le jet de matière est très fin par rapport à la distance à l’axe. Par ailleurs, nous allons considérer un système
plus général avec de la matière entrant et sortant comme représenté sur la figure 4.3.
Figure 4.3: Représentation shématique d’un système tournant avec entrée et sortie de matière.
On va reprendre exactement la même démarche que pour la quantité de mouvement.
Le système ouvert est délimité par la surface de contrôle représentée sur la figure 4.3. A la date t, les
systèmes ouverts et fermés coı̈ncident. Leurs moments cinétiques sont donc identiques. Ce n’est plus le cas à la
date t + dt où l’on a
−→
−−→
s
e
~σo (t + dt) = ~σf (t + dt) − OS ∧ Dm
dt ~vs + OE ∧ Dm
dt ~ve .
(4.18)
Cette expression n’est valable que si la section à travers laquelle coule le fluide est faible par rapport à la distance
à l’axe. On suppose aussi que toute la matière entre à la même vitesse ~ve et sort à la vitesse ~vs . Autrement, il
faut calculer une intégrale.
En retranchant ~σo (t) = ~σf (t) de chaque côté et en divisant par dt, on obtient
−−→
d~σo
d~σf −→
s
e
=
− OS ∧ Dm
~vs + OE ∧ Dm
~ve .
dt
dt
20
(4.19)
Et comme on peut appliquer le théorème du moment cinétique au système fermé, on a, finalement,
X
−−→
−→
d~σo
e
s
~ ~
=
M
ve − OS ∧ Dm
~vs .
Fext /O + OE ∧ Dm ~
dt
(4.20)
Cette expression, qui n’est valable que si le point de référence O est fixe dans un référentiel galiléen, ressemble
beaucoup à l’expression trouvée avec la quantité de mouvement.
Là encore, les vitesses ~ve et ~vs sont des vitesses absolues alors que les débits en entrée et sortie sont calculés
avec les vitesses relatives par rapport à la surface de contrôle.
4.4.2
Arrosage à tourniquet
Figure 4.4: Représentation shématique d’un tourniquet hydraulique.
Appliquons ce résultat à un système d’arrosage à tourniquet représenté figure 4.4 : l’eau arrive par le bas
suivant l’axe de rotation et ressort dans les deux bras.
Le système ouvert étudié est défini par la zone en bleu de la figure. Il subit une force de frottement fluide,
~ = −k~
comme toute machine tournante qui se traduit par un couple de forces M
ω avec ω, la vitesse de rotation
du tourniquet. Le poids et la réaction du support ont un moment nul.
Comme le débit en entrée est égal au débit total en sortie, la masse contenue dans le système ouvert est
constante, ainsi que son moment d’inertie par rapport à l’axe de rotation. Si l’on note Dm le débit total qui
entre dans le tourniquet, il ressort Dm /2 dans chaque bras.
Regardons maintenant les vitesses en entrée et sortie. Si l’on note u la norme de la vitesse relative de l’eau
dans la canalisation, en supposant qu’elle est constante et uniforme, la vitesse en entrée, ve = u. En sortie, la
vitesse relative vaut ~us = −u~uθ et la vitesse absolue ~vs = (Rω − u)~uθ où R est la longueur d’un bras.
L’application du théorème du moment cinétique conduit donc à
d~σo
dt
−→ Dm
−−→ Dm
= −k~
ω − OA ∧
(Rω − u)~uθ − OB ∧
(Rω − u)~uθ
2
2
= −k~
ω − Dm R(Rω − u)~uz .
(4.21)
(4.22)
En projetant sur l’axe vertical orienté vers le haut, on obtient une équation différentielle
I∆ ω̇ = −kω + RDm (u − Rω).
(4.23)
L’éjection d’eau par le tourniquet entraı̂ne un couple de force qui agit sur le système et qui est égal à RDm (u −
Rω).
La résolution de cette équation différentielle du premier ordre est facile et donne
Dm Ru
k + R 2 Dm
ω(t) =
1 − exp −
t ,
(4.24)
k + R2 Dm
I
21
en supposant que ω(0) = 0.
Si Dm = 0, le tourniquet est immobile. C’est bien l’eau éjectée qui fait tourner le tourniquet. Pas besoin de
moteur.
Pour des temps longs, la vitesse de rotation tend vers une valeur constante
ω=
Dm Ru
.
k + R2 Dm
(4.25)
Même en l’absence de frottement, la vitesse de rotation est limitée et vaut ω = u/R. Dans ce cas, la vitesse
absolue de sortie de l’eau vs = 0 ! Ce n’est pas très pratique pour arroser une pelouse. Il faut donc que le
tourniquet résiste à la force de poussée due à l’eau. C’est le rôle de la force de frottement. Si k 6= 0 la vitesse
absolue de l’eau à la sortie du tourniquet vaut
vs =
ku
.
k + R 2 Dm
(4.26)
Si le coefficient de frottement est grand, la vitesse absolue de l’eau vs → u, ce qui se comprend bien car le
tourniquet ne tourne presque plus et ω devient petite. Ici, le seul intérêt de la rotation est de ne pas toujours
arroser au même endroit.
4.4.3
Turbine hydraulique
Le système précédent, en le raffinant un peu, peut servir à faire tourner une turbine et produire de l’électricité.
La force de poussée devient donc une force motrice qui actionne un moteur.
Mais le moteur ne tourne pas à vide. Imaginons que l’on veuille produire de l’électricté par induction. La
force électromotrice est proportionnelle à la dérivée du flux coupé et donc à la vitesse de rotation ω. Cela induit
un couple de forces similaire au couple de frottements fluides du tourniquet. On peut aussi imaginer un couple
~ r le couple résistant.
résistant constant et refaire les calculs, voire les deux. Dans la suite, nous noterons M
Dans tous les cas, pour que la puissance transmise soit élevée, il faut que le débit soit élevé. Ce n’est pas le
cas avec le tourniquet précédent et il faut optimiser le dispositif.
Figure 4.5: Photo d’une roue à aube pour pompe à eau. (Photo extraite du sujet de physique du CAPES 2013).
Nous allons étudier la roue à aube de la figure 4.5 qui peut servir comme turbine ou comme pompe à eau.
Dans le premier cas, c’est le débit d’eau qui fait tourner la roue, comme pour le tourniquet, alors que dans le
deuxième cas, c’est la rotation de la roue qui fait couler l’eau par la force centrifuge. Dans les deux cas, l’eau
entre par le centre et ressort sur les côtés. On va supposer que la roue tourne autour d’un axe vertical à la
vitesse angulaire ω.
Considérons ce qui se passe dans une aube représentée sur la figure 4.6. Le débit en entrée est égal au débit
en sortie. La masse et le moment d’inertie sont donc constants. S’il y a n aubes, le débit dans une aube est égal
à Dm /n. Mais quand on sommera sur toutes les aubes, il faudra multiplier par n. On peut donc ne considérer
qu’une aube avec un débit Dm , car c’est équivalent à la roue complète.
22
On note ~ue et ~us les vitesses relatives par rapport à la roue de l’eau en entrée et en sortie. Pour obtenir les
vitesses absolues, il faut ajouter la vitesse d’entraı̂nement en entrée et en sortie, ~vee = Re ω~uθ et ~vse = Rs ω~uθ
pour obtenir :
~ve = ~ue + ~vee
et
~vs = ~us + ~vse .
(4.27)
Le théorème du moment cinétique s’écrit finalement,
d~σo
dt
~ r + Dm (R
~ e ∧ ~ve − R
~ s ∧ ~vs )
= M
(4.28)
~ r + Dm (Re veθ − Rs vsθ )~uz ,
= M
(4.29)
où veθ et vsθ sont les composantes orthoradiales des vitesses correspondantes.
En régime stationnaire, la dérivée du moment cinétique est nulle et l’on a finalement,
~ r = Dm (Rs vsθ − Re veθ )~uz .
M
(4.30)
~r ·ω
M
~ = Dm (Rs vsθ − Re veθ )ω = Dm (vse vsθ − vee veθ ).
(4.31)
La puissance correspondante s’écrit
Il s’agit de la relation d’Euler des turbo-machines qui est utilisée par les spécialistes du domaine.
~ r est le couple de forces qui s’exerce sur l’eau du système ouvert, et donc la puissance
Dans ce calcul, M
correspondante est reçue par cette eau. Si l’on traite d’une pompe à eau, c’est donc la puissance fournie par
la pompe. En revanche, si l’on étudie une turbine, on s’intéresse à la puissance fournie par l’eau. C’est donc
l’inverse qu’il faut calculer.
Figure 4.6: Schéma de la roue à aube avec les vitesses relatives de l’eau en entrée et en sortie.
23
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