N° 4 TR IMESTR I EL – JANVI ER-FÉVR I ER-MARS 2006 BELGIQUE/BELGIË PP/PB B-714 Bureau de dépôt Bruxelles X Brussel L’héparine de bas poids moléculaire, un agent anticancéreux inattendu? page 4 Manifesations oculaires des cancers page 14 La qualité des soins de vos patients pourrait avoir un impact sur leur survie page 11 OB RDET-IRI WALLONIE — R Une information adéquate pourrait-elle changer la vie du patient cancéreux ? page 20 C A U N A C E ER SE Le nouvel Institut Jules Bordet page 3 ASM S — ER E — Éditeur responsable: Harry Bleiberg, 1 rue Héger-Bordet, 1000 Bruxelles – N° d’agréation: P501016 – Autorisation de fermeture B-714 – Ne paraît pas en juillet-août LE JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES SOMMAIRE ÉDITORIAL RÉDACTEURS EN CHEF Harry BLEIBERG Ahmad AWADA Recherche Clinique Ahmad AWADA Recherche Translationnelle Fatima CARDOSO Recherche Fondamentale Christos SOTIRIOU Gilbert VASSART Hémato-oncologie Willy FERREMANS Philippe MARTIAT Psycho-oncologie Nicole DELVAUX Darius RAZAVI Spécialistes en oncologie Vincent NINANE Jean-Luc VAN LAETHEM Bordet-IRIS Jean-Pierre KAINS Martine PICCART Wallonie Vincent RICHARD Erasme Thierry VELU 2 Comment garantir aux malades l’accès aux meilleurs traitements ? Harry Bleiberg 3 Le nouvel Institut Jules Bordet… Dominique de Valeriola, Philippe Close COMMUNICATION 20 Une information adéquate pourrait-elle changer la vie du patient cancéreux ? Mais faut-il tout dire ? Harry Bleiberg INFORMATION SCIENTIFIQUE 4 L’héparine de bas poids moléculaire, un agent anticancéreux inattendu ? Marc Buyse 6 Évolution de la chirurgie d’exérèse du cancer du rectum Jean-Claude Pector 8 L’oncologie gériatrique : l’oncologie de demain ? Chantal Bernard 14 Manifestations oculaires des cancers Patrick De Potter COMITÉ DE RÉDACTION Ahmad AWADA Harry BLEIBERG Arsène BURNY Vincent NINANE Jean-Claude PECTOR Martine PICCART Yaël ROUACH Jean-Luc VAN LAETHEM 18 Ganglion sentinelle et mélanome François Sales 26 Une nouvelle approche thérapeutique des métastases osseuses Jean-Jaques Body, Filip Geurs CONSEILLERS SCIENTIFIQUES Marc ABRAMOWICZ Guy ANDRY Michel AOUN Jean-Jacques BODY Dominique BRON Dominique DE VALERIOLA Olivier DEWITT André EFIRA Patricia EWALENKO Patrick FLAMEN Thierry GIL Michel GOLDMAN André GRIVEGNEE Alain HENDLISZ Jean KLASTERSKY Denis LARSIMONT Marc LEMORT Dominique LOSSIGNOL Thi Hiyen N’GUYEN Eric SARIBAN Jean-Paul SCULIER Philippe SIMON Alexandre ZLOTTA ÉTUDES CLINIQUES 7 PROCARE : un projet national belge sur le cancer du rectum Jean Van de Stadt 7 Sélection de quelques études cliniques sur les tumeurs solides POLITIQUE ET SANTÉ 5 La dimension européenne de la recherche en oncologie Philippe Busquin 11 La qualité des soins de vos patients pourrait avoir un impact majeur sur leur survie Isabelle Ray-Coquard PRÉSENTATION D’UN SERVICE ASSISTANTE À LA RÉDACTION Yaël ROUACH – Tél. 02/541 37 65 [email protected] 10 L’unité aiguë de soins supportifs de l’Institut Jules Bordet Dominique Lossignol www.jcancerulb.be Le contenu des articles publiés dans ce journal n’engage que la responsabilité de leur(s) auteur(s) RECHERCHE 12 Les MicroARNs (miARNs) Bassam M. Badran, Arsène Burny 28 Cellules dendritiques I3: un nouveau vaccin cellulaire anti-tumoral ? Laurence Gordower, Vincent Richard, Michel Toungouz, Thierry Velu PARTICIPEZ À NOTRE CONCOURS “HÔPITAL INSOLITE” LA RUBRIQUE DU GÉNÉRALISTE 22 Prise en charge d’un nodule thyroïdien Laurence Plat LES BRÈVES 24 Nouveautés dans le traitement du cancer rénal avancé 24 Avancées 2005 en cancérologie digestive 28 Agenda ▼ Dans chaque numéro du Journal du Réseau Cancer de l’Université Libre de Bruxelles sera publiée une photo “hôpital insolite”: vue inattendue, particulière, touchante, artistique de votre hôpital. Le gagnant reçoit un bon FNAC d’une valeur de 150 €. Envoyez votre photo à [email protected] Photo gagnante voir en page 23 ESEAU CANCE 1 — ERASME — DET R BOR -IRIS WALLONIE — R J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 ÉDITORIAL Comment garantir aux malades l’accès aux meilleurs traitements ? L e traitement du cancer a progressé considérablement au cours des 10 dernières années…XXXXXXXX Aujourd’hui nous avons la chance de voir, grâce au développement de la biologie moléculaire, un afflux de nouveaux médicaments actifs dans de nombreux cancers. Dans ce numéro du Journal du réseau cancer de l’Université Libre de Bruxelles, Thierry Gil (page 24) rapporte que de nouveaux agents toujours à l’étude, mais disponibles dans le cadre d’études et de programmes compassionnels, permettent probablement de doubler la survie des patients atteints d’un cancer du rein; Alain Hendlisz (page 24) rapporte les progrès réalisés en 2005 dans le traitement adjuvant du cancer du côlon et de l’estomac et Jean-Claude Pector (page 6) montre que, grâce à une nouvelle technique chirurgicale, la résection totale du mésorectum, le taux de récidive dans le cancer du rectum est passé de 30-40% à moins de 5%. Chaque année de nouveaux standards sont proposés. Comment s’assurer que tous les médecins sont au courant des dernières recommandations et sont en mesure d’en faire bénéficier leurs patients ? Comment s’assurer que les indications sont bien posées, les traitements correctement administrés et les techniques bien appliquées ? Ceci est primordial car de nombreuses données suggèrent que la mise en place de traitements validés permet de guérir plus de patients ou de retarder significativement la progression de la maladie (Isabelle Ray-Coquard page 11). En Belgique, un arrêté royal en date du mois de mars 2003 impose de nouvelles normes pour la pratique de l’oncologie. Ces dernières modifient complètement notre façon d’aborder et de traiter les malades et vont considérablement améliorer la distribution des soins en oncologie. L’arrêté royal précise d’emblée que le caractère pluridisciplinaire de l’oncologie et l’approche impérativement transversale du cancer constituent les sources des normes proposées. La consultation pluridisciplinaire est garantie par l’organisation d’une concertation pluridisciplinaire, relative au patient individuel, entre les prestataires de soins concernés. Un plan de traitement oncologique doit être élaboré pour chaque patient et ce conformément aux directives contenues dans le manuel oncologique pluridisciplinaire. L’intégration des nouveaux standards comme ceux que nous voyons émerger se fera par une remise à jour régulière du manuel d’oncologie pluridisciplinaire garantissant à chaque malade qu’il bénéficiera bien des traitements les plus récents. L’arrêté royal prévoit un suivi de la qualité des soins dispensés dans chaque institution. Le mode de décision traditionnel basé uniquement sur l’expérience personnelle d’un médecin n’est plus de mise. Il doit être basé sur les données actuelles de la science (Evidence Based Medicine, EBM) . L’EBM est une approche méthodique de la pratique médicale fondée sur l’analyse critique de l’information médicale. La décision médicale dans cette approche se fonde sur une meilleure utilisation des données actuelles de la science, fournies en particulier par les essais cliniques. Chaque médecin devra apprendre à interpréter les études, à affiner son sens critique et confronter son opinion à celle de ses confrères. La création du Journal du réseau cancer de l’Université Libre de Bruxelles s’inscrit dans cette mouvance de l’oncologie de demain. Nous espérons qu’il aidera à la propagation des nouveautés médicales, qu’il favorisera l’élaboration de nouvelles stratégies et permettra plus d’interaction entre les médecins. Harry Bleiberg Rédacteur en chef ESEAU CANCE 2 — ERASME — DET R BOR -IRIS J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 WALLONIE — R Le Nouvel Institut Jules Bordet: nouveau site et nouveaux espoirs de développement pour le Centre Intégré de Lutte contre le Cancer de l’Université Libre de Bruxelles et du réseau IRIS ans un précédent numéro du Journal, Jean-Louis Vanherweghem, Président du Conseil d’Administration de l’Université Libre de Bruxelles, vous révélait la création le 20 décembre 2004 du Cancéropôle Jules Bordet de l’Université Libre de Bruxelles. D Le nouvel accord cadre, conclu le 19 octobre 2005 sous l’impulsion du Cabinet du Ministre de la Santé Publique Rudy Demotte et de nombreux acteurs convaincus, entre l’ULB, le CPAS, la Ville de Bruxelles et l’Interhospitalière Régionale des Infrastructures de Soins (IRIS), va donner un énorme coup d’accélérateur aux perspectives de croissance de l’Institut Jules Bordet. Cette convention est déjà considérée comme le troisième accord historique de ces deux derniers siècles entre l’ULB et le CPAS de la Ville de Bruxelles, après celui de 1834 aboutissant à la création de la Faculté de Médecine et celui du 11 mai 1920 scellant leur collaboration “dans l’intérêt de la science et de l’enseignement ainsi que pour le bien-être des malades hospitalisés”. Même si cet accord ne concerne pas que l’institut, il va bien au-delà de toutes les espérances de développement pour l’Institut Jules Bordet en tant que Centre Intégré de Lutte contre le Cancer de renommée internationale. Il va en effet lui permettre de jouer son rôle de référence pour la Belgique mais aussi de devenir de plus en plus compétitif à l’échelon européen et international tout en répondant à l’évolution démographique et aux besoins de la population de la Région de Bruxelles-Capitale en matière de cancérologie. Mais quelles sont donc les perspectives pour l’Institut Jules Bordet dans le cadre de cet accord ? Tout d’abord, l’Institut sera reconstruit à côté de l’Hôpital Erasme et de la Faculté de Médecine sur le site d’Anderlecht, ce qui lui permettra de développer sa triple mission de soins – du dépistage jusqu’aux traitements palliatifs –, de recherche et d’enseignement en étroite synergie avec l’hôpital académique et les laboratoires de l’ULB. Cet environne- ment académique est en effet indispensable à la dynamique de recherche et de formation que l’Institut a toujours soutenue depuis sa création au plus grand bénéfice de ses patients. Le nouvel Institut Jules Bordet centralisera, sur le site d’Anderlecht, l’ensemble des activités oncologiques réalisées actuellement à l’Institut Jules Bordet et à l’hôpital Erasme. À cette fin, il augmentera ses capacités d’accueil des patients en passant de 154 à 200-250 lits et réunira en son sein le personnel de l’Institut Jules Bordet et les différents acteurs de l’Hôpital Erasme compétents dans le domaine de l’oncologie. Il assurera en outre le pilotage et la coordination du plus vaste programme de soins oncologiques belge, résultat de la fusion des actuels programmes de soins oncologiques Erasme-ULB et Bordet-IRIS et réunissant l’ensemble des structures hospitalières des réseaux ULB et IRIS. Ce regroupement des activités deviendra rapidement le berceau idéal pour la recherche clinique, entre autres sur les nouvelles technologies et les nouveaux médicaments anticancéreux. En outre, afin de répondre au mieux aux besoins de la population en terme de dépistage, les anciens bâtiments de l’Institut Jules Bordet seront transformés en une vaste clinique de Prévention et de Dépistage global au centre de Bruxelles. Celle-ci offrira, outre un dépistage des affections cancéreuses particulièrement centré sur les patients à haut risque, le dépistage de l’ensemble des autres pathologies et des actions préventives qui, si elles sont bien menées, permettent une diminution de l’incidence de ces pathologies ainsi que leur mortalité. Le nouvel Institut Jules Bordet continuera à assurer l’organisation et la coordination des activités oncologiques dans cette nouvelle structure. Par ailleurs, afin de couper court à toutes les rumeurs de fusion, le nouvel Institut Jules Bordet, bien qu’intimement lié à l’hôpital académique, restera autonome et continuera à faire partie intégrante des hôpitaux IRIS. Dominique de Valeriola Il restera cogéré par la Ville et le CPAS de Bruxelles ainsi que par l’Université Libre de Bruxelles. Et quelles sont les échéances ? Le plus vite sera certainement le mieux vu la vétusté des bâtiments actuels et l’enthousiasme des nombreux acteurs. Il convient toutefois de bien intégrer toutes les dimensions d’un projet d’une telle envergure et de déjà le projeter dans la cancérologie de demain. Les différentes équipes concernées vont maintenant s’atteler à finaliser le projet médical dont les grandes lignes sont déjà tracées dans l’accord cadre afin que la reconstruction de l’Institut Jules Bordet puisse se concrétiser dans les 5 à 10 ans qui viennent. Ce projet ambitieux, porté par l’ensemble des autorités tant politiques qu’académiques, mettra à disposition de l’ensemble des patients et des acteurs concernés une structure, un environnement et une cohérence leur offrant l’accès aux technologies et aux soins oncologiques à la pointe du progrès ainsi qu’à une recherche en cancérologie tant fondamentale que translationnelle et clinique coordonnée et compétitive à l’échelon international. Il donnera également aux étudiants tant belges qu’étrangers l’accès à un enseignement d’une richesse exceptionnelle en matière d’oncologie et sera la source de nombreuses collaborations nationales et internationales. Plus que jamais avec ce projet, le crédo de l’Institut Jules Bordet “Ensemble faisons gagner la vie” sera d’actualité. Dominique de Valeriola Fonctionnaire-Dirigeant Médecin Médecin Chef de l’Institut Jules Bordet Philippe Close Chef de Cabinet du Bourgmestre de la Ville de Bruxelles et Vice-Président du Conseil d’Administration de l’Institut Jules Bordet ESEAU CANCE 3 — ERASME — DET R BOR -IRIS WALLONIE — R J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 INFORMATION SCIENTIFIQUE L’héparine de bas poids moléculaire, un agent anticancéreux inattendu ? Marc Buyse, International Drug Development Institute (IDDI) [email protected] Un article récent annonçait que les héparines de bas poids moléculaires (HBMP) pourraient conduire à une réduction relative du risque de mortalité de 36% chez des patients cancéreux. Cette évidence est-elle suffisante pour que le traitement par HBMP entre dans la pratique clinique ? Marc Buyse analyse pour nous la littérature. héparine est un agent anticoagulant qui a fait l’objet de nombreuses études cliniques dans la maladie thromboembolique. Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM), en particulier, sont remarquablement efficaces pour le traitement et la prévention des thromboses veineuses profondes et des embolies pulmonaires. Dès 1992, des observations anecdotiques suggéraient une réduction possible de mortalité chez des patients atteints de tumeurs dont le risque thromboembolique justifiait un traitement par HBPM. Ces observations ont été confirmées ensuite par une métaanalyse (1) regroupant les résultats de neuf essais randomisés comparant une HBPM à un groupe contrôle. Cette méta-analyse indiquait une réduction relative du risque de mortalité à 3 mois d’environ 40% en faveur de l’HBPM 1 (2) L’ “La mortalité globale à deux ans était de 21% dans le groupe traité contre 11% dans le groupe contrôle, une différence absolue d’environ 10%” Cependant, aucune des études randomisées n’avait pour but d’étudier la mortalité par cancer et il restait à démontrer, par une étude prospective randomisée, que la réduction du risque était bien réelle et attribuable à l’HBPM. L’étude FAMOUS (Fragmin Advanced Malignancy Outcome Study), publiée en 2004, a randomisé 385 malades porteurs de tumeurs solides métastatiques entre un groupe traité par HBPM pendant un an et un groupe recevant un placebo 2. La survie globale des deux groupes ne différait pas significativement (p=0.19), malgré une tendance à l’amélioration de la survie chez les malades survivant après un an : chez ces derniers, la probabilité de survie des malades traités par héparine était d’environ 9% supérieure à celle des malades recevant le placebo. Ce sous-groupe n’avait pas été défini a priori et, dès lors, cette étude n’apportait pas une démonstration tout à fait convaincante de l’efficacité de l’HBPM. Une autre étude de taille et de design comparable vient de paraître, qui confirme les résultats de l’étude précédente. Cette étude a randomisé 302 malades porteurs de tumeurs solides métastatiques entre un groupe traité par HBPM pendant un an et un groupe recevant un placebo 3. La mortalité globale à deux ans était de 21% dans le groupe traité contre 11% dans le groupe contrôle, une différence absolue d’environ 10% (un bénéfice proche de celui observé dans l’essai précédent). Le bénéfice semblait à nouveau plus prononcé dans le sous-groupe, cette fois défini a priori, des malades de bon pronostic (survivant au moins 6 mois après la randomisation), chez lesquels la réduction relative du risque de décès était de 36%, un chiffre proche de celui suggéré par les analyses rétrospectives des données historiques. ajustement pour les facteurs pronostiques connus à l’inclusion 3. Cette évidence estelle suffisante pour que le traitement par HBPM entre dans la pratique clinique ? (3) Probablement pas car les résultats des différents essais ne sont pas tous concordants et la plupart des analyses ont été menées de manière rétrospective, plutôt que pour tester une hypothèse clairement définie a priori . Un second essai prospectif bien conduit sur un nombre suffisant de patients qui montrerait des réductions du risque comparables à celles observées jusqu’ici serait sans doute suffisant pour emporter l’adhésion des sceptiques 5. Finalement, au plan clinique, les résultats obtenus par HBPM sont d’autant plus intéressants que ce traitement est simple, peu coûteux (par rapport au prix des médicaments anticancéreux) et dénué d’effets indésirables significatifs, ce qui suggère une combinaison possible avec les traitements anti-cancéreux classiques. La confirmation de l’efficacité des HBPM serait, sans aucun doute, une étape majeure dans la compréhension et le traitement des tumeurs solides. ■ Références Que penser de ces résultats ? Au plan biologique, tout d’abord, une efficacité aussi remarquable des HBPM est inattendue. Une réduction relative du risque de mortalité de 30 à 40%, chez des malades porteurs de tumeurs solides avancées, est un résultat comparable à celui obtenu par les chimiothérapies cytotoxiques les plus efficaces. Les mécanismes possibles de l’action des HBPM sur le processus cancéreux ne sont pas entièrement élucidés mais il est probable qu’ils affectent entre autres l’angiogenèse dont le rôle central dans la progression tumorale est clairement établi 4. Au plan statistique, ensuite, les essais cliniques menés jusqu’à ce jour ne sont pas encore totalement convaincants. Un seul essai prospectif a montré un bénéfice significatif (p=0.02) sur la survie dans l’ensemble de la population randomisée, avec ou sans 1. Hettiarachchi RJ, et al.,Thromb Haemost 1999 ; 82 : 947-52. 2. Kakkar AK, et al., J Clin Oncol 2004 ; 23 : 1944-48. 3. Klerk CPW, et al., J Clin Oncol 2005 ; 23 : 2130-35. 4. Lemoine NR, J Clin Oncol 2005 ; 23 : 2119-20. 5. Tannock I, Eur J Cancer 2003 ; 39 (Suppl 1): S93-S101. Notes (1) La méta-analyse permet de regrouper les résultats de plusieurs analyses statistiques afin d’en augmenter la fiabilité (risque de biais moindre) et la puissance (risque de résultat faussement négatif moindre). La méta-analyse porte le plus souvent sur des études randomisées, comparant un groupe traité à un groupe contrôle. (2) La réduction relative du risque exprime le bénéfice d’un traitement relativement au risque de base. Par exemple,si la mortalité à 3 mois est de 25%,une réduction relative du risque de 40% correspond à une réduction absolue de mortalité de 10% (= 40% x 25%). (3) Dans la médecine basée sur l’évidence, on considère comme “niveau 1”(niveau le plus élevé) un essai clinique randomisé de puissance suffisante et de bonne qualité ou une méta-analyse d’essais montrant des résultats concordants et comme “niveau 2” des essais de puissance insuffisante, possiblement biaisés ou montrant des résultats non concordants. ESEAU CANCE 4 — ERASME — DET R BOR -IRIS J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 WALLONIE — R POLITIQUE ET SANTÉ La dimension européenne de la recherche en oncologie Philippe Busquin, Ministre d’État, Député européen Combattre le cancer: un défi pour l’Europe Chaque année, 2 millions de cas de cancer sont diagnostiqués en Europe alors qu’un million d’Européens en succombent. En outre, on estime qu’un Européen sur trois sera atteint d’un cancer avant l’âge de 75 ans. Ces taux de morbidité et mortalité élevés nous laissent à penser que le cancer demeurera l’une des principales causes de décès durant le 21e siècle. Par ailleurs, le combat s’avère d’autant plus ardu que les causes de cancer sont multiples et complexes tandis que leurs modes d’interaction laissent souvent perplexes parce qu’inexplicables. À l’heure actuelle, près de la moitié des patients en oncologie survivent à leur cancer cinq ans après le premier diagnostic. Toutefois, la marche reste encore longue. L’Union Européenne n’est pas dénuée de moyens dans la lutte contre cette pathologie. En effet, à travers son Programme-Cadre de la Recherche, elle s’est dotée de divers instruments et outils financiers dont l’utilisation rationnelle et optimale permettra une meilleure compréhension et un traitement adapté des affections cancéreuses. La recherche sur le cancer en Europe Le combat que mène l’Union Européenne contre le cancer s’inscrit dans le volet “Combattre les grandes maladies” de la thématique “Sciences de la vie, génomique et biotechnologie pour la santé” du 6e ProgrammeCadre de la Recherche pour l’intervalle 20022006. Cet axe prioritaire a pour objectifs premiers l’élaboration de stratégies thérapeutiques tenant compte des besoins du patient et entraînant le moins d’effets secondaires possible, ainsi que l’amélioration des techniques de prévention et de dépistage. Dans cette optique, les étapes de la recherche fondamentale et des essais cliniques doivent faire l’objet d’une coopération et d’une coordination scientifique et technologique rapprochée. L’Union Européenne a mis divers outils à la disposition des chercheurs actifs dans le domaine de l’oncologie, notamment les projets intégrés, les projets STREP (Specific Targeted Research Project) et les réseaux d’excellence. Alors que les projets intégrés visent à dégager de nouvelles connaissances dans un domaine bien déterminé, les réseaux d’excellence ont pour objectif la création et la dissémination de l’excellence par l’intégration des activités des scientifiques actifs dans un secteur spécifique. Les projets STREP voient le jour pour répondre à des questions plus précises encore. Aperçu des moyens financiers de l’Union Européenne Pas moins de 450 millions d’Euros ont été alloués à la recherche sur le cancer par le biais du 6e Programme-Cadre de la Recherche (2002-2006). Entre 2002 et aujourd’hui, trois appels à propositions ont été lancés. Les deux premiers concernent 43 projets impliquant quelque 800 chercheurs originaires à la fois des anciens et des nouveaux États membres, des pays associés et d’une série d’autres pays tiers. À la vérité, la quasi totalité des centres européens de recherche sur le cancer sont impliqués d’une manière ou d’une autre dans l’un ou plusieurs de ces projets financés par l’Union Européenne. Le troisième appel à propositions s’est clôturé en novembre 2005. L’ensemble des propositions de projets est soumis à un processus d’évaluation rigoureux, transparent et équitable par des experts internationaux issus du monde académique, de l’industrie et des organismes publics et privés de recherche opérant en toute indépendance. À ce titre, l’implication des institutions académiques et des entreprises belges dans ces projets est à saluer. Signalons ainsi le projet intégré EUPC (European Cancer Proteases Consortium) ou Cancer Degradome qui regroupe 33 participants (28 institutions universitaires et 5 PMEs), notamment l’Université de Liège, la Gent Universiteit, la KUL et l’entreprise liégeoise OncoMethylome Sciences. Il propose une approche multidisciplinaire innovante pour traiter et diagnostiquer les pathologies cancéreuses sur base du dégradome, i.e. le répertoire des protéases extracellulaires à travers lequel les cellules régulent leur environnement local. MetaBre (Molecular mechanisms involved in organ-specific METAstatic growth processes in BREast cancer) rassemble douze partenaires originaires de huit pays. Ce projet STREP a pour ambition d’identifier les méca- nismes à l’origine des métastases dans les cas de cancer du sein. L’Université de Liège et la Gent Universiteit participent activement à ce projet pour lequel près de 5 millions d’Euros ont été dégagés. L’Institut Jules Bordet se distingue par son implication dans le réseau d’excellence TRANSBIG dont le Docteur Martine Piccart-Gebhart, en charge du service de Médecine, a été l’instigatrice. Comprenant 39 institutions de renommée mondiale réparties dans 21 pays et bénéficiant d’une enveloppe de 7 millions d’Euros, TRANSBIG doit permettre une meilleure individualisation du traitement des patientes atteintes du cancer du sein. Surmonter le “paradoxe européen” pour mieux combattre le cancer La perte de vitesse de l’Union Européenne face à ses rivaux des États-Unis et du Japon (et vraisemblablement bientôt de la Chine) dans le domaine de la recherche s’explique par le célèbre paradoxe européen. Autrement dit, les Européens, souvent à l’avant-garde de la recherche fondamentale, sont dans l’impossibilité de transformer les fruits de leur recherche en amont en applications et produits commercialisables en aval. Or, le traitement des pathologies cancéreuses n’est possible que si les chercheurs poursuivent sur leur lancée en passant à l’étape de la recherche appliquée et industrielle. Aussi, une meilleure synergie des mondes universitaire, institutionnel et industriel s’avère-t-elle cruciale dans le combat contre le cancer. Ainsi, l’assaut lancé contre ce fléau majeur de la santé publique en Europe par le truchement du 6e Programme-Cadre de la Recherche devrait idéalement obéir à la dynamique du modèle Pasteur ou recherche translationnelle, lequel devrait consacrer l’avènement de l’économie de la connaissance et transformer en applications innovantes (pour le bien-être des patients) les connaissances accumulées dans le cadre de la recherche fondamentale. Il s’agit là d’un défi majeur que les divers protagonistes de la recherche, au sens large et du combat contre le cancer, en particulier, devraient pouvoir relever. Il en va du bien-être des Européens et du mieux-être des citoyens malades du cancer. ■ ESEAU CANCE 5 — ERASME — DET R BOR -IRIS WALLONIE — R J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 INFORMATION SCIENTIFIQUE Évolution de la chirurgie d’exérèse du cancer du rectum Jean-Claude Pector, Service de chirurgie, Institut Jules Bordet [email protected] La chirurgie du rectum a fait des progrès considérables au cours des 20 dernières années. On est passé d’un taux de récidive locale de 30% à moins de 5%. Jean Claude Pector est un pionnier de ces nouvelles approches. Il décrit l’historique de ces progrès et une technique de résection totale du mésorectum qui devrait, aujourd’hui, être applicable à chaque patient. epuis la description, par Miles en 1908, de l’amputation abdomino-périnéale, la chirurgie d’exérèse du cancer du rectum a bénéficié de profondes modifications ayant permis une limitation des séquelles, une augmentation croissante des chances d’éviter une stomie définitive et, finalement, un meilleur contrôle de la maladie. D Limitations des séquelles : L’amputation du rectum laisse une cavité qui, à l’origine, était laissée ouverte et mettait deux à trois mois pour cicatriser par seconde intention. Par la suite, un drainage adéquat sous couvert d’une antibiothérapie a permis la fermeture primaire de la plaie périnéale sans risque de voir se développer une collection ou un abcès au sein du site opératoire. Chez la femme, c’est via le vagin que s’effectue le drainage, sans devoir recourir à un système aspiratif. La colostomie, conséquence inévitable de l’amputation abdomino-périnéale du rectum, a perdu en grande partie son caractère invalidant : une technique chirurgicale appropriée réduit considérablement la fréquence des complications inhérentes à la stomie (prolapsus, éventration péristomiale) alors que l’évolution de l’appareillage procure actuellement au stomisé une entière liberté de mouvement et la possibilité de se livrer sans contrainte à des activités sportives. Ces dernières années ont vu l’essor de la chirurgie laparoscopique : plusieurs études ont montré que cette technique était applicable à l’exérèse du cancer du rectum sans altérer les chances de guérison. Les avantages de la laparoscopie portent avant tout sur la qualité des suites opératoires : diminution de la douleur postopératoire, reprise plus précoce des fonctions digestives et, finalement, réduction de la durée du séjour à l’hôpital. Moins de stomies définitives : Pratiquée au départ pour des tumeurs du haut rectum et même du sigmoïde, l’am- putation abdomino-périnéale a vu, à partir des années quarante, ses indications se réduire à l’exérèse de tumeurs de plus en plus proches de la marge anale depuis l’introduction de la “résection antérieure du rectum” qui consiste en un rétablissement de la continuité digestive après exérèse du segment digestif porteur de la tumeur. L’utilisation d’agrafeuses mécaniques puis le développement de la technique d’anastomose colo-anale ont fait qu’actuellement l’exérèse des tumeurs du bas rectum se solde par une colostomie définitive dans moins d’un cas sur trois. Meilleur contrôle de la maladie : L’exérèse conventionnelle d’une tumeur rectale est grevée d’un taux de récidive locale pouvant atteindre 40% dans certaines séries. 1 En 1988,le Groupe d’étude des tumeurs gastro-intestinales de l’E. O. R. T. C. montrait qu’une radiothérapie préopératoire pouvait réduire de moitié la fréquence des récidives locales 2. Par la suite, plusieurs études confirmèrent ces résultats avec même un effet bénéfique sur la survie 3. Dès 1982, toutefois, des critiques furent émises, suggérant que le taux élevé de “récidives locales” résultait en réalité d’une exérèse incomplète de la tumeur. C’est ainsi que Heald 4 attire l’attention sur le concept de “mésorectum”, constitué de la graisse et des tissus cellulo-lymphatiques qui entourent le rectum et enveloppé, en arrière et sur les côtés, par le “fascia recti”, feuillet viscéral du fascia pelvien. Ce mésorectum peut contenir des îlots tumoraux à distance de la tumeur ; il importe donc, lors de la dissection, de respecter le fascia recti dont l’intégrité est le garant d’une exérèse complète du mésorectum (TME) emportant les cellules tumorales à l’origine de la récidive. Dans les mains de Heald,cette technique a permis de réduire à 4% le taux de récidive locale après chirurgie curative.1 Un autre intérêt de la dissection soigneuse du mésorectum réside dans la parfaite visua- lisation et donc la possibilité de préservation des plexus nerveux autonomes à destinée génito-urinaire,avec pour conséquence une réduction du risque d’impuissance et de troubles de la fonction urinaire. Initialement, Heald préconisait l’exérèse totale du mésorectum quelle que soit la hauteur de la tumeur rectale par rapport à la marge anale; afin d’éviter de conserver un moignon rectal dévascularisé, il était donc nécessaire, soit d’enlever la totalité du rectum (avec une anastomose colo-anale), soit de laisser un moignon rectal court (avec une anastomose colo-rectale basse) avec pour conséquence un risque accru de fistule anastomotique et la nécessité de protéger l’anastomose par une colostomie de décharge. Actuellement, il est admis qu’une dissection du mésorectum sur 5 cm sous le pôle inférieur de la tumeur soit suffisante en terme de sécurité carcinologique ce qui limite les indications de la TME aux tumeurs du moyen et du bas rectum. Malgré une chirurgie optimale, il semble que la radiothérapie préopératoire conserve ses indications : une étude hollandaise 5 incluant les cancers du rectum jusqu’à 15 cm de la marge anale présente un taux de récidive locale de 8.2% à deux ans pour le groupe de patients traités par chirurgie seule alors que ce taux se réduit à seulement 2.4% quand l’exérèse chirurgicale est précédée de radiothérapie. Alors que la fréquence du cancer colo-rectal dans les pays industrialisés constitue un véritable enjeu de santé publique, la chirurgie d’exérèse de ces tumeurs a connu en quelques décennies de profonds bouleversements apportant aux patients des progrès sensibles en termes de probabilité de guérison et de qualité de vie. Références 1. MacFarlane JK et al.; Lancet 1993 ; 341 : 457-60. 2. Gérard A et al. ; Ann Surg 1988 ; 208 : 606-14. 3. Swedish Rectal Cancer Trial ; N Engl J Med 1997; 336: 980-87. 4. Heald RJ, et al. ; Br J Surg 1982 ; 69: 613-16. 5. Kapiteijn E, et al. ; N Engl J Med 2001 ; 345 : 638-46. ESEAU CANCE 6 — ERASME — DET R BOR -IRIS J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 WALLONIE — R ÉTUDES CLINIQUES PROCARE: un projet national belge sur le cancer du rectum Jean Van de Stadt, Clinique de chirurgie colo-rectale, Hôpital Erasme Au nom du groupe de travail PROCARE. ans le cancer du rectum, une variabilité diagnostique et thérapeutique avec des implications pronostiques a été documentée ces dernières années : différences dans la mise au point préopératoire, dans les traitements néoadjuvant et adjuvant, dans la qualité de la chirurgie. Le chirurgien lui-même est un facteur pronostique indépendant, avec une corrélation entre le taux de récidive locale et la survie. La réalisation d’une résection totale du mésorectum (TME) optimale, avec contrôle de la marge circonférentielle par le pathologiste, a été démontrée comme étant d’une importance primordiale. Des améliorations significatives du résultat du traitement du cancer du rectum ont été obtenues par plusieurs projets nationaux dans lesquels la formation à la TME était l’élément central (pays scandinaves, Pays-Bas, …). D PROCARE est un projet multidisciplinaire dont le but est de réduire la variabilité et d’améliorer les résultats du traitement du cancer du rectum en Belgique, par une standardisation via des recommandations (guidelines), par l’implémentation de ces recommandations et par un contrôle de qualité via la création d’un registre national prospectif. Les résultats seront comparés rétrospectivement à ceux de 1997-1998. La participation à PROCARE se fait sur base volontaire. Une formation chirurgicale et pathologique décentralisée est prévue. Les buts de PROCARE sont : taux de résection R0 >60%, taux d’amputation abdomino-périnéale <30%, mortalité postopératoire < 4%, récidive locale à 2 ans <10% après résection R0, survie globale à 2 ans >80% après résection R0, amélioration de la survie en cas de maladie métastatique. Les recommandations PROCARE sont disponibles on line : www.belsurg.org/imgupload/BSCRS_/PROCARE%20GUIDE LINES%20printversie82005.pdf Sélection de quelques études cliniques sur les tumeurs solides, en cours à l’institut Jules Bordet TYPE DE TUMEUR MÉDICAMENT(S) À L’ÉTUDE SITUATION CLINIQUE Toute tumeur solide AraC-liposomal Phase I BMS-275183 (Taxane orale) Phase I BIBW 2992 (inhibiteur HER1 et HER2) et Taxotère Phase I S 23906 (Alkylant) Phase I Tête et cou BAY 43-9006 (anti raf-kinase) Échec chirurgie, radiothérapie et dérivés platines Ovaire Tarceva versus pas de traitement Traitement de maintenance après chimiothérapie adjuvante Omnitarg + chimiothérapie à base carboplatine versus chimiothérapie sans Omnitarg 2e ligne : maladie sensible aux dérivés platines Alimta 2e ou 3e ligne : maladie résistante au platine Pour toute information complémentaire, contactez le Dr T. Besse au 02/541 31 48 ESEAU CANCE 7 — ERASME — DET R BOR -IRIS WALLONIE — R J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 INFORMATION SCIENTIFIQUE L’oncologie gériatrique : l’oncologie de demain ? Chantal Bernard, Clinique d’oncologie médicale, Institut Jules Bordet [email protected] Il fut un temps où après 65 ans on hésitait à administrer une chimiothérapie. L’espérance de vie avoisine aujourd’hui 80 ans. Chantal Bernard nous démontre qu’on a l’âge des ses artères et qu’il est possible d’identifier ceux qui parmi nos patients les plus âgés pourront recevoir une chimiothérapie et peut-être bénéficier de nombreuses années de vie confortable. oncologie gériatrique est une discipline nouvelle et en plein essor. Son développement actuel repose sur un constat épidémiologique simple: plus de 50% des cancers surviennent chez des patients âgés de plus de 65 ans, limite pour considérer de façon arbitraire qu’une personne est âgée. Par ailleurs, l’espérance de vie augmente, et l’incidence des principaux cancers suit la même progression (Fig. 1). Outre l’augmentation des sujets âgés dans nos populations (1.5% en 1960, 16% en 2000 et probablement 35% en 2050), on assiste à une amélioration de leur état de santé : nombreux sont ceux pouvant espérer une survie de plusieurs années, voire d’une ou de plusieurs dizaines d’années dans de bonnes conditions ; une espérance de survie significative après traitement d’un cancer devient alors possible et le traitement du cancer doit être envisagé. La prise en charge oncologique des patients âgés cancéreux va rapidement devenir un problème de santé publique. L’ “Outre l’augmentation des sujets âgés dans nos populations (1.5% en 1960, 16% en 2000 et probablement 35% en 2050), on assiste à une amélioration de leur état de santé” jeunes et recevoir une chimiothérapie si leur état le justifie. Il est donc capital de modifier les attitudes de l’entourage, y compris médical, trop souvent défaitiste afin de ne pas refuser aux patients âgés qui ont encore une bonne espérance de vie des thérapeutiques ayant prouvé leur action chez les plus jeunes. Il est par contre indispensable de considérer les caractéristiques physiologiques différentes de cette population qui relève d’une prise en charge adaptée (Fig. 2). La priorité, en matière de cancer du sujet âgé, est de sélectionner les patients susceptibles de bénéficier de traitements évalués, adaptés, bien tolérés et efficaces. Figure 1 : Incidence du cancer du sein en fonction de l’âge. Actuellement, ces patients sont souvent traités de manière arbitraire et sous-optimale en fonction de l’expérience du médecin. La plupart des protocoles de chimiothérapie ou de radiothérapie excluent encore les personnes de plus de 70 ans, considérées comme fragiles. Pourtant, le traitement inadéquat est un des plus importants facteurs de mauvais pronostic chez ces patients. Par ailleurs, une étude franco-américaine a récemment confirmé que les personnes âgées désirent être traitées comme les plus Figure 2 : Modifications physiologiques en fonction de l’âge. ESEAU CANCE 8 — ERASME — DET R BOR -IRIS J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 WALLONIE — R “Il est temps de reconnaître que la diversité des personnes âgées est une réalité et de faire en sorte que celles dont la fonctionnalité et les projets de vie le permettent puissent recevoir les meilleurs traitements dans des conditions optimales” Il s’agit d’une véritable évaluation bénéfice/ risque dans laquelle l’adaptation du traitement intègre son impact sur la qualité de vie autant que sa durée, sans omettre une évaluation psychosociologique et médico-économique. L’évaluation gériatrique multidimensionnelle (EGM) est une procédure développée par les gériatres pour optimiser la prise en charge des personnes âgées, prenant en compte les aspects fonctionnels et sociaux qui leur sont propres (table 1). Elle permet, par l’analyse et la synthèse de toutes les données recueillies, une prise en charge globale et multidisciplinaire des personnes âgées pour identifier les différents problèmes de santé, dépister les fragilités susceptibles de décompenser et proposer un programme d’interventions médico-sociales. Plusieurs équipes ont déjà démontré l’impact positif de ces interventions sur l’espérance de vie des patients âgés. Cette évaluation permet de classer les patients dans l’une des trois catégories suivantes : le vieillissement réussi, le vieillissement usuel correspondant aux personnes âgées fragiles et le vieillissement pathologique correspondant aux patients “trop malades” dits “vulnérables”. Ces derniers sont orientés vers une prise en charge uniquement palliative et les autres vers des traitements spécifiques cancérologiques, soit en routine, soit dans le cadre d’une étude clinique. La méthodologie des études cliniques dans cette population de patients doit être adaptée à certains impératifs : la seule prise en compte du versant efficacité de la thérapeutique du cancer (survie sans récidive ou plus encore survie globale) n’aurait de sens dans cette tranche d’âge sans intégration des paramètres de tolérance, de risques et de coût. Les protocoles seront donc plus volontiers des études d’appréciation du rapport bénéfice/risque. Une étude des paramètres pharmacocinétiques et pharmacodynamiques s’impose notamment chez des sujets présentant des spécificités métaboliques liées à l’âge. La recherche translationnelle pourra s’intégrer très facilement Table 1 : Évaluation gériatrique multidimensionnelle Parameter assessed Elements of the assessement Function • Performance status • Activities of Daily Living (ADL) • Instrumental Activities of Daily Living (IADL) Comorbidity • Number of comorbid conditions • Severity of comorbid conditions Socioeconomic conditions • Living conditions • Presence and adequacy of a caregiver Cognition • Folstein Mini Mental State • Other tests Emotional conditions • Geriatric Depression Scale (GDS) Pharmacy • Number of medications • Appropriateness of medications • Risk of drug interactions Nutrition • Mini Nutritional Assessment (MNA) Geriartric syndromes • Dementia • Delirium • Depression • Falls • Neglect and abuse • Spontaneous bone fractures dans ces protocoles de recherche clinique pour améliorer la connaissance de la biologie des tumeurs et d’individualiser les traitements. À l’heure actuelle à l’Institut Bordet, il est proposé aux patientes de plus de 70 ans opérées pour un cancer du sein à haut risque de rechute de recevoir une chimiothérapie par capécitabine (une formulation orale de 5-Fluorouracile) afin d’évaluer la faisabilité de ce traitement, avec réalisation d’une EGM avant, pendant, à la fin et 6 mois après la chimiothérapie 1. Une étude de phase III (Chemotherapy Adjuvant Study for women at advanced Age) sera bientôt ouverte pour les femmes de plus de 65 ans avec un cancer du sein non hormonosensible opéré, non candidates à une chimiothérapie standard : la doxorubicine liposomée sera comparée soit à un bras observation, soit à un bras de chimiothérapie dite métronomique (1) associant cyclophosphamide et methotrexate 2. De plus, une étude de pharmacocinétique de docétaxel hebdomadaire pour les patientes de plus de 65 ans avec un cancer du sein métastatique est également en préparation. Il est temps de reconnaître que la diversité des personnes âgées est une réalité et de faire en sorte que celles dont la fonctionnalité et les projets de vie le permettent puissent recevoir les meilleurs traitements dans des conditions optimales. La prise en charge multidisciplinaire du sujet âgé dans sa globalité et le développement d’essais thérapeutiques, cliniques et/ou translationnels spécialement dédiés aux patients âgés permettra d’augmenter les connaissances pour améliorer leurs soins, leur qualité de vie et leur autonomie. ■ Sites conseillés : 1. http://clinicaltrials.gov/ 2. http://www.ibcsg.org/index.shtm Notes (1) Recherche d’un effet anti-angiogénique pour l’administration de petites doses, plus fréquentes, de chimiothérapie. ESEAU CANCE 9 — ERASME — DET R BOR -IRIS WALLONIE — R J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 5 PRÉSENTATION D’UN SERVICE L’unité aiguë de soins supportifs (UASS) de l’Institut Jules Bordet Dominique Lossignol, UASS, Institut Jules Bordet [email protected] a nécessité de garantir des soins de confort aux patients atteints d’une affection néoplasique apparaît aujourd’hui évidente. Historiquement, on peut considérer que le contrôle des nausées et des vomissements induits par les traitements anticancéreux est à la base de cette notion. Ainsi, en plus de traiter le cancer, on s’attaquait à un symptôme de façon structurée et prospective. L L’UASS existe maintenant depuis 6 ans. Elle est géographiquement proche des autres services de soins. Elle dispose de huit lits d’hospitalisation et d’un espace modulable qui peut servir à la fois de cuisine, de lieu de rencontre des familles avec leur parent malade et avec les membres du personnel soignant, de lieu de détente, de lieu de liberté de parole. Cette conception géographique facilite les échanges, supprime les barrières et permet de mieux percevoir les besoins de tous. Le personnel est constitué d’un médecin, de 8 infirmières formées en oncologie et/ou en soins palliatifs et attachées à temps partiel, d’une ergothérapeute, d’une kinésithérapeute, d’une logopède, d’une infirmière sociale, d’une diététicienne et d’une psychologue. Toute cette équipe se réunit chaque jour pour discuter de l’ensemble des malades hospitalisés dans l’unité et dans les autres services hospitaliers ; une fois par semaine, les projets thérapeutiques sont réévalués. En plus de l’évolution clinique journalière des malades, les questions les plus souvent soulevées concernent les retours à domicile et leur organisation, le statut clinique des patients (c’est-à-dire la décision de réanimation ou non en cas d’arrêt cardio-respiratoire), la décision de ne pas initier un traitement, la désescalade thérapeutique et les demandes d’euthana- sie. Les problèmes cliniques les plus fréquemment rencontrés sont la douleur, la dyspnée, les troubles psychiatriques, les désordres neurologiques, les troubles nutritionnels et les plaies néoplasiques. De plus, une grande attention est portée sur les facteurs psychosociaux. Parmi l’ensemble des problèmes traités,nous aimerions souligner deux aspects particuliers de notre activité : le traitement de la douleur et l’euthanasie. Le traitement de la douleur a considérablement évolué au cours des dix dernières années. Dans notre unité, nous considérons que toute douleur doit être contrôlée. Il n’y a pas de recette toute faite et chaque cas doit être abordé spécifiquement. Pour les douleurs complexes, une stratégie multidisciplinaire doit souvent être envisagée, comportant à la fois des interventions médicamenteuses, des traitements par radiothérapie (si indiqués) et des techniques de relaxation et de massages. Tout traitement doit être réévalué régulièrement. Depuis trois ans que la pratique de l’euthanasie est légalisée en Belgique, on a assisté à une augmentation des demandes (voir tableau). Malgré la dépénalisation, l’approche d’une demande d’euthanasie reste difficile, tant pour la personne malade que pour le personnel médical. Chaque demande fait l’objet d’entretiens répétés. Même si certains patients revoient leur position après discussion de leur situation et de leur pronostic, d’autres persistent dans leur choix. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour accéder dans les meilleures conditions possibles (choix de date, du lieu, de la présence de proches) à leur demande. Il arrive que des malades soient repris en charge par leur mé- decin traitant et décèdent chez eux. Afin de progresser dans l’approche globale des malades, les programmes de recherche constituent une partie essentielle d’une unité de soins supportifs.Plusieurs protocoles d’études sont en cours dans les domaines de la douleur (dérivés du cannabis, neuropathie post-chimiothérapie, accès douloureux paroxystiques), de la neuro-oncologie (carcinose méningé, métastases cérébrales) et des troubles mentaux organiques. “Le traitement de la douleur a évolué. Nous considérons que toute douleur doit être contrôlée. Il n’y a pas de recette toute faite” Le personnel de l’unité fait preuve d’un dévouement et d’une générosité hors du commun.Leur compétence,leur disponibilité,leur écoute, leur gentillesse constituent le fondement de notre fonctionnement. Ils sont soutenus d’une manière efficace par une équipe de psychologue, sous la supervision du docteur Razavi. La gestion des situations de crise fait l’objet de réunions spécifiques dont l’objectif est d’identifier les origines de la crise et d’en trouver les solutions. L’UASS est un outil remarquable et essentiel au fonctionnement d’un institut du cancer. Nous recevons plus de 300 patients par an. La charge de travail est considérable et, pour assurer les développements à venir, nous aurions besoin d’un médecin supplémentaire et d’un encadrement infirmier plus étoffé. Pour le nouvel Institut Jules Bordet prévu sur le Campus d’Erasme, il sera impératif que cette unité soit bien développée pour répondre aux besoins des malades et des oncologues. ■ Euthanasie dans l’unité de soins palliatifs de l’Institut Jules Bordet (revue Méd. Brux. 2005, 26, 3) 1998 Euthanasie interdite Nombre de demandes (% du nombre d’admissions) 22 (8%) Nombre d’euthanasies (% du nombre de demandes) 5 (23%) 22/09/02 - 31/12/04 Euthanasie autorisée Nombre de demandes (% du nombre d’admissions) 37 (7%) ESEAU CANCE 10 — ERASME — DET R BOR -IRIS J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 Nombre d’euthanasies (% du nombre de demandes) 16 (46%) WALLONIE — R POLITIQUE ET SANTÉ La qualité des soins de vos patients pourrait avoir un impact majeur sur leur survie: il vaut mieux faire le bon choix! Isabelle Ray-Coquard, Oncologie médicale, Centre Léon Bérard, France [email protected] On a cru longtemps qu’il suffisait d’être médecin et d’appliquer le traitement pour que tout soit parfait. Il n’en est rien ! Isabelle Ray-Coquard nous montre que plus les médecins sont expérimentés et leurs traitements validés, meilleure peut être la survie de leurs patients cancéreux. Mais comment la pratique médicale s’est-elle modifiée ? epuis le XXe siècle, les médecins et les pourvoyeurs de soins en général tentent de prouver ou de montrer le lien entre qualité des pratiques médicales et survie des patients. Ce lien a été suggéré à plusieurs reprises par des études rétrospectives en cancérologie et indique qu’une spécialisation améliore la survie des patients. Néanmoins, la démonstration définitive de ce lien n’est pas simple à établir. D Pour comparer prospectivement deux types de pratique il faut d’abord définir un traitement, une attitude de référence validée. Or l’émergence de ces références passe par une période d’élaboration, d’apprentissage et de mise en place qui peut être longue et ce n’est qu’une fois ces étapes réalisées que des recommandations pourront être générées et la comparaison des pratiques rendue possible. “Quelques études récentes ont pu mettre en évidence l’impact favorable de la concertation multidisciplinaire sur le devenir des patients et sur leur survie” Une fois ces recommandations établies d’autres problèmes se posent encore. La diffusion de recommandations auprès des praticiens est lente et se heurte à des facteurs individuels, organisationnels et culturels 1. La façon dont les recommandations sont diffusées est importante. Une étude sur l’usage de la césarienne a montré une efficacité supérieure de la stratégie basée sur l’information apportée par un leader d’opinion par rapport à la transmission de normes évaluées par audit 1. L’influence d’écoles de pensées ou de leaders d’opinions est donc forte. Les études mettent en évidence l’existence de rationalités plus puissantes que la science ainsi que le rôle primordial joué par la transmission orale individuelle Plusieurs publications anglo- saxonnes montrent l’existence d’un grand clivage entre communauté scientifique et cliniciens 2. Ce constat conduit à s’interroger sur la manière dont s’informent les cliniciens, sur ce qui détermine leurs comportements professionnels et comment ils les modifient. Les cliniciens aiment un enseignement oral diffusé par une personne experte (un leader) et sont assez éloignés de l’analyse critique permanente qui sous-tend la culture scientifique. On est ainsi loin d’un modèle de transmission des connaissances selon lequel la rationalité scientifique pourrait être à elle seule déterminante dans un changement de pratique. Par ailleurs le principe de la décision médicale partagée en concertation multidisciplinaire s’est imposé comme modèle pour dégager une attitude de consensus dans la prise en charge et le traitement d’un malade porteur d’un cancer. Quelques études récentes ont pu mettre en évidence l’impact favorable de la concertation multidisciplinaire sur le devenir des patients et sur leur survie sans démontrer clairement qu’elle modifie les pratiques médicales elles même 3. Il paraît encore nécessaire de prouver le lien entre l’évaluation des pratiques médicales et l’amélioration de la qualité des soins. La cancérologie paraît être un terrain d’observation favorable pour tenter d’en faire la preuve. Lors de nos travaux concernant les sarcomes, il est apparu que les recommandations nationales concernant le diagnostic et geste chirurgical initial n’ont pas permis d’obtenir un niveau “acceptable”de prise en charge en adéquation avec les données actuelles de la science alors que la mise en place de concertations multidisciplinaires semblait augmenter le taux de conformité des pratiques aux recommandations nationales et suggérait une amélioration de la survie sans rechute des patients. Cette dernière hypothèse devra encore être évaluée et confirmée dans une étude prospective 4. Le lien entre qualité des soins et survie est donc un lien établi aussi de façon indirecte. Il a été exploré et confirmé par plusieurs études notamment en chirurgie et plus particulièrement pour la chirurgie du cancer de l’ovaire 5. Mais on peut retrouver des études dans la prise en charge des sarcomes, de cancers du sein, de tumeurs ORL allant dans le sens du lien entre pratiques chirurgicales conformes et amélioration de la survie. En règle générale, il en est de même pour les études concernant les traitements locaux comme la radiothérapie externe ou la curiethérapie. Si celles-ci sont réalisées selon les recommandations les données d’efficacité semblent meilleures. Ce lien est moins formel concernant la pratique de la chimiothérapie. Les études de phase II randomisées comparant chimiothérapie et meilleurs soins supportifs confirment pour la plupart le bénéfice, en terme de survie et parfois de qualité de vie, le rôle favorable de la chimiothérapie. Par ailleurs les patientes atteintes d’un cancer du sein et traitées selon des traitements non conformes aux recommandations internationales ont des rechutes plus précoces et une moins bonne survie que celles traitées selon ces recommandations 6. La comparaison de la survie des patients traités dans le cadre d’essais thérapeutiques (ou les normes et les règles de pratiques sont très strictes) et ceux traités hors études cliniques indique aussi un bénéfice en faveur des essais cliniques 7. L’ensemble de la littérature scientifique suggère une relation directe entre bonne pratique et survie. Il est temps de chercher à modifier les pratiques médicales et de sensibiliser les médecins et les patients à cette information pour généraliser des pratiques conformes aux données actuelles de la science et aux recommandations cliniques. ■ Références 1. Lomas J.; Int. J Technol. Assess. Health Care 1993 ; 9:11-25. 2. Wyngaarden JB.; N. Engl. J Med. 1979; 301:1254-59. 3. Tan AL, et al.; J Reprod Med. 2000; 45:655-58. 4. Ray-Coquard I, et al.; Ann Oncol 2004; 15:307-15. 5. Junor EJ, et al.; Br. J Obstet. Gynaecol. 1999;106:1130-36. 6. Hebert-Croteau N, et al.; J Clin Oncol 2004; 22 :3685-93. 7. Collet JP, et al.; Eur. J. Clin. Pharmacol. 1991; 41:267-71. ESEAU CANCE 11 — ERASME — DET R BOR -IRIS WALLONIE — R J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 RECHERCHE Les microARNs (miARNs): une nouvelle approche pour caractériser les cancers et peut-être les traiter Bassam M. Badran, Arsène Burny, Laboratoire d’hématologie expérimentale, Institut Jules Bordet [email protected] La découverte des microARNs est une percée importante dans la compréhension de la carcinogenèse. Ces molécules qui ne codent pas elles-mêmes pour des protéines jouent un rôle majeur dans la répression ou la surexpression de plusieurs gènes clés pour le fonctionnement de la cellule tumorale. Bassam Badran et Arsène Burny nous éclairent sur ce sujet. Définition Les microARNs sont de petites molécules d’acide ribonucléique(ARN), transcrites sur l'ADN et ne portant pas de message pour la synthèse des protéines. Ces petits ARNs, longs de 21-22 nucléotides, sont produits suivant le processus décrit à la figure 1 et agissent en régulant l’expression de gènes, comme illustré à la figure 2. Ces petites molécules sont nombreuses dans les cellules (environ 1000 différentes seraient connues aujourd’hui). Elles permettent de distinguer de nombreux cancers l’un de l’autre (voir ci-après), y compris des cancers d’une même lignée cellulaire comme des leucémies lymphoblastiques aiguës de l’enfant. Les cellules cancéreuses se distinguent d’ailleurs des cellules normales par les miARNs qu’elles fabriquent. On peut donc entrevoir un usage clinique de ces molécules à brève échéance. des miARNs sont découvertes chez le pétunia. En surexprimant un gène dont le produit est impliqué dans la production des pigments de la fleur du pétunia, on s’aperçoit que le résultat obtenu est à l’opposé de celui escompté. Les fleurs de ces pétunias sont blanches. En d’autres termes, le gène en question est transcrit mais la protéine n’est pas synthétisée. Bassam M. Badran On en a conclu que la suppression de la protéine était due à l’ARN. En mai 2001, les ARNs interférents (ARNi) étaient découverts et, en septembre 2002, il apparaissait que les petits ARNs guident la production d’hétérochromatine aux centromères des chromosomes. En novembre 2003, des résultats expérimentaux suggéraient que les miARNs participaient probablement à la production des cellules souches. Aujourd’hui, des banques de miARNs, spécifiques de l’ensemble des gènes humains, sont disponibles. Il est établi aussi que certains miARNs sont des oncogènes et que d’autres sont des suppresseurs de tumeurs. Un peu d’histoire La possibilité d’existence d’ARNs régulateurs est évoquée pour la première fois par Roy Britten et Eric Davidson en 1969. Ceci reste une hypothèse jusqu’en 1990, date à laquelle Le miARN primaire (pri-miARN) est synthétisé sur un modèle ADN. Le produit obtenu est une structure repliée en tige boucle comportant, par exemple, deux régions non complémentaires représentées par des boursouflures. Ces structures sont toilettées et résultent en un pré-miARN de 40 à 100 nucléotides comportant un dinucléotide non hybridé (bout du trait noir dans la structure tige boucle). La région représentée en trait rouge est le futur microARN. Les précurseurs de miARNs sont exportés du noyau vers le cytoplasme où ils subissent diverses transformations qui donnent entre autres une molécule appelée miARN duplex (une fibre rouge et une fibre noire). Les duplex sont finalement séparés et une fibre (celle qui est complémentaire à l’ARN messager à réguler) est sélectionnée, chargée sur le complexe macromoléculaire miARN-RISC (pour RNA-induced Silencing Complex) et le guidera vers l’ARN messager à bloquer. ▲ Genèse des microARNs Figure 1 Nature Reviews Molecular Cell Biology, vol. 6, May 2005 ESEAU CANCE 12 — ERASME — DET R BOR -IRIS J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 WALLONIE — R ▲ Deux possibilités semblent exister pour expliquer l’interaction du miARN avec l’ARN messager : soit le complexe miARN-RISC (pour RNA-induced Silencing Complex) bloque la traduction du message sans le dégrader très vite, soit le complexe miARN-RISC implique une dégradation rapide du miARN par une exonucléase. miARNs et cancer Les miARNs jouent probablement un rôle important dans la genèse d’un cancer et ce qui le caractérise en terme d’agressivité et de sensibilité/résistance à un traitement. Nous décrirons son rôle potentiel dans quelques cancers. “Les cellules cancéreuses se distinguent des cellules normales par les miARNs qu’elles fabriquent. On peut donc entrevoir un usage clinique de ces molécules à brève échéance” Il est bien connu que les cellules cancéreuses comportent un nombre anormal de chromosomes. C’est ce que l’on appelle l’aneuploïdie. L’aneuploïdie reflète un défaut majeur dans le contrôle de la réplication de l’ADN, de l’individualisation et de la séparation des chromosomes. Les miARNs font partie d’un complexe qui joue un rôle important dans l’assemblage de la chromatine dense des centromères, structure nécessaire au bon comportement des chromosomes. On sait que dans les lymphomes folliculaires l’amplification de la région chromosomique 13q32-33 génère un ensemble de miARNs qui collaborent avec l’oncogène myc pour induire le lymphome. Le lymphome de Burkitt pédiatrique et les lymphomes à grandes cellules sont aussi sous influence des miARNs. On observe que des leucémies de la même lignée hématopoïétique montrent des profils d’expression différents de miARNs (donnant lieu à des maladies dont le pronostic Science 2 Sept. 2005 Figure 2 est probablement différent). L’étude détaillée de ces profils sera de grande utilité dans l’établissement d’un diagnostic précis et, à terme, d’un traitement adéquat. On note enfin un rôle important des miARNs dans les cancers du sein, du côlon, de l’estomac, du pancréas, du poumon, de la thyroïde où on observe la surexpression de plusieurs miARNs comme, par exemple, miARN 155. L’oncogène ras (pour rat sarcoma), souvent surexprimé dans les tumeurs solides (en particulier le cancer du poumon), voit son niveau d’expression réduit de ±70% lorsque l’on transfecte des cellules qui expriment normalement RAS par une construction qui produit un miARN particulier, appelé let-7. Le rôle des miARNs est complexe et la formation d’une tumeur s’accompagne parfois de la surexpression de miARNs, parfois de leur sous-expression. Le virus d’Epstein et Barr (EBV) et le virus de l’hépatite C (HCV) infectent tous deux l’homme et peuvent induire des tumeurs malignes. Les expériences montrent que ces virus expriment des miARNs pour réguler l’expression de leurs propres gènes et ainsi être silencieux et non repérés par le système immunitaire. Ils régulent aussi, de la même façon, l’expression de certains gènes de la cellule hôte. Conclusion L’expression des miARNs semble contribuer ou être associée aux pathologies cancéreuses en interférant notamment avec l’assemblage de la chromatine, les voies d’apoptose… La découverte récente de molécules synthétiques antagonisant les miARNs ouvre la porte à de nouvelles stratégies thérapeutiques potentielles dans les pathologies cancéreuses. ■ Lectures recommandées • Jan Krützfeldt et al, Nature, 1 December, 2005, 438, 685-89. • V Narry Kil. Nature reviews molecular and cell biology may 2005, l 6. 376-85. • Phillip D. Zamore et al. Science, 2005, 309, 1519-24. • Chang-Zheng Chen et al. Seminars in Immunology, 2005, 17, 155–65. Les prochaines activités du Fonds Heuson le 14/02/2006 à 12 heures Déjeuner dansant de St Valentin au Moulin de la Hunelle, rue d'Ath 90 à 7950 CHIEVRES le 19/03/2006 de 10 à 22 heures Participation à la Journée contre le Cancer La Coque – Luxembourg-Kirchberg le 30/03/2006 à 20 heures Concert de l’Orchestre de l’ULB “40e anniversaire”, en faveur du Fonds Heuson Salle Dupréel – ULB, 44 Avenue Jeanne à 1050 BRUXELLES Pour toute info : Catherine Lesent : 02/541 30 89 ESEAU CANCE 13 — ERASME — DET R BOR -IRIS WALLONIE — R J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 INFORMATION SCIENTIFIQUE Manifestations oculaires des cancers Patrick De Potter, Unité d’oncologie oculaire, Cliniques Universitaires Saint-Luc depotter @ofta.ucl.ac.be L’atteinte ophtalmique du cancer est heureusement une complication peu fréquente. Patrick De Potter nous explique dans cet article comment diagnostiquer et gérer cette complication sensible et qui perturbe fortement la qualité de vie de nos patients. es manifestations oculaires des cancers peuvent se présenter sous différentes formes cliniques induites, soit par effet direct avec infiltration et/ou compression des tissus orbitaires et/ou oculaires par la tumeur métastatique, l’infiltrat lymphoïde ou leucémique, soit par effet indirect des traitements anticancéreux, de leurs toxicités et des complications de type infections opportunistes, accidents thromboemboliques ou désordres métaboliques et nutritionnels, soit finalement par effet à distance initié par une maladie auto-immune d’origine tumorale (syndrome paranéoplasique).1 L Alors qu’auparavant les lésions métastatiques intraoculaires étaient considérées comme rares, de nombreux rapports ont maintenant démontré que la métastase intraoculaire représente la forme de tumeur maligne de l’œil la plus fréquemment rencontrée chez l’adulte et dès lors plus fréquente que le mélanome primitif de l’uvée.2-4 Il serait logique de penser qu’avec la survie croissante des patients souffrant d’un cancer le nombre de patients à risque de présenter des métastases oculaires s’élèvera. Malgré leur fréquence élevée, ces métastases intraoculaires restent longtemps non diagnostiquées de par l’absence fréquente de symptômes visuels, le stade terminal des patients et de l’impossibilité pour ces Figure 1 : Métastase choroïdienne achrome à partir d’un carcinome bronchique à petites cellules. derniers de subir un examen ophtalmologique détaillé. Dans la sphère oculo-orbito-palpébrale, les carcinomes sont les tumeurs primitives les plus nombreuses à métastaser loin devant les mélanomes et les sarcomes. En intraoculaire, l’uvée (iris-corps ciliaire-choroïde) est le site de prédilection des infiltrats métastatiques et plus particulièrement la choroïde postérieure alors que les métastases rétiniennes et du nerf optique (papille) sont très rares.3-7 “De nombreux rapports ont maintenant démontré que la métastase intraoculaire représente la forme de tumeur maligne de l’œil la plus fréquemment rencontrée chez l’adulte” La découverte d’une métastase intraoculaire et orbitaire nous poussera à rechercher, chez la femme, d’abord un carcinome mammaire et un carcinome broncho-pulmonaire. Chez l’homme, le carcinome broncho-pulmonaire sera principalement à l’origine des métastases intraoculaires alors que le carcinome prostatique donne surtout des métastases orbitaires. Les tumeurs du tube digestif viennent en deuxième place dans l’ordre de fréquence des tumeurs primitives à métastaser dans l’œil.1, 3-6 La fréquence des tumeurs métastatiques orbitaires est plus faible que celle des métastases intraoculaires.8 Chez, l’enfant, en dehors du neuroblastome, de la tumeur de Wilms, du sarcome d’Ewing ou du rhabdomyosarcome, les métastases orbitaires sont exceptionnelles. Au moment du diagnostic de métastase oculaire, un tiers des patients n’ont aucun antécédent néoplasique à l’anamnèse.4 Un bilan systémique extensif révèlera chez 50% d’entre-eux une tumeur primitive, habituellement mammaire ou pulmonaire. Cependant, aucun foyer primitif ne sera identifié chez les 50% restants.4 Ce même bilan d’évaluation mettra en évidence d’autres lésions métastatiques chez 70% des patients.4 L’aspect caractéristique au fond d’œil est celui d’une tumeur achrome placoïde ou en dôme, associée à un décollement de rétine et dont l’épicentre est habituellement postérieur à l’équateur. (Figure 1) 1, 3-7 Une coloration orangée suggère une origine carcinoïde ou rénale de la tumeur alors qu’une pigmentation intrinsèque est souvent retrouvée dans les métastases choroïdiennes du mélanome cutané.1, 3-7 Des foyers tumoraux multiples et bilatéraux suggèrent la nature néoplasique de ceux-ci et sont fréquemment retrouvés dans les métastases de carcinome mammaire et broncho-pulmonaire. (Figure 2) L’échographie oculaire, Figure 2 : Métastases choroïdiennes multiples à partir d’un carcinome mammaire. ESEAU CANCE 14 — ERASME — DET R BOR -IRIS J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 5 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 Figure 3 : Cyto-ponction à l’aiguille fine d’une tumeur intraoculaire. WALLONIE — R Figure 5 : Cicatrice tumorale de la même tumeur obtenue après chimiothérapie. l’angiographie à la fluorescéine et l’IRM ont leur place dans l’approche diagnostique mais le diagnostic différentiel entre une métastase et un mélanome achrome de la choroïde reste parfois difficile et seule un approche biopsique par cyto-ponction à l’aiguille fine confirmera notre diagnostic clinique. (Figure 3) 3, 9 Le pronostic oculaire et visuel à court terme est habituellement bon après une approche thérapeutique individualisée à chaque cas (chimiothérapie, hormonothérapie, radiothérapie externe, radiothérapie par plaque).10, 11 (Figures 4-5-6) Le pronostic vital, par contre, est généralement mauvais avec une survie moyenne de 10 mois après le diagnostic initial de métastase uvéale et de 24 mois après celui de métastase orbitaire.1, 3 “Des foyers tumoraux multiples et bilatéraux suggèrent la nature néoplasique de ceux-ci et sont fréquemment retrouvés dans les métastases de carcinome mammaire et broncho-pulmonaire” Le lymphome malin non hodgkinien de lignée B représente la forme la plus fréquente d’infiltration lymphoïde intraoculaire et/ou orbitaire. Cliniquement, les lymphomes intraoculaires peuvent être répertoriés en quatre groupes : 1) le lymphome intraoculaire primitif associé au lymphome non Hodgkinien du système nerveux central, 2) le lymphome intraoculaire associé au lymphome non Hodgkinien systémique, 3) le lymphome intraoculaire associé au syndrome d’immunodéficience acquise, 4) le lymphome intraoculaire associé aux formes rares de lymphome systémique (mycosis fungoïdes – Figure 6 : Radiothérapie par plaque d’Iode 125 pour métastase intraoculaire. lymphome à cellules T, lymphome angiotrophique à grandes cellules, lymphome Hodgkinien). 12, 13 Le lymphome intraoculaire primitif associé au lymphome non Hodgkinien du système nerveux central (LNHSNC) anciennement dénommé reticulum cell sarcoma, lymphome à grandes cellules, représente un processus malin primitif multicentrique affectant le tissu cérébral, la moelle épinière, les leptoméninges et la rétine.12-14 L’âge moyen au diagnostic chez le patient immuno-compétent est de 60 ans. Une atteinte bilatérale est retrouvée dans 90% des cas.12-14 Les symptômes oculaires représentent la première manifestation du LNHSNC chez approximativement 80% des patients avec un intervalle de temps moyen entre les signes oculaires et cérébraux de 29 mois.13 La présentation clinique est variée avec infiltration tumorale vitréenne, rétinienne et/ou sous-rétinienne. (Figure 7) La vitrite, habituellement cortico-sensible dans un premier temps, devient rapidement chronique et cortico-résistante. Le diagnostic de lymphome intraoculaire primitif du LNHSNC est habituellement posé en identifiant des lymphocytes B malins dans le vitré par ponction-biopsie à l’aiguille du vitré ou par vitrectomie associé à des analyses de réactions en chaîne à la polymérase (PCR) ou au dosage d’interleukine 10.1, 12-14 Le traitement du lymphome oculaire associé au LNHSNC reste la radiothérapie et la chimiothérapie.1, 12-15 Malheureusement, la radiothérapie n’induit que rarement une rémission à long terme. L’administration intravitréenne de methotrexate représente une nouvelle approche efficace de la localisation intraoculaire du LNHSNC.15 Le lymphome oculaire associé au lymphome non Hodgkinien systémique représente une forme métastatique du lymphome systémique avec principalement une atteinte conjonctivale, uvéale et orbitaire.1, 12, 16-18 La symptomatologie des lymphomes des annexes de l’œil inclut une infiltration rosesaumon de la conjonctive, un œdème palpébral, un ptosis, des troubles oculomoteurs, une exophtalmie ou une masse palpable. (Figure 8) 1, 12, 16-18 En intraoculaire, la ou les lésions uvéales sont achromes simulant un mélanome choroïdien non pigmenté ou une métastase. La présence d’autres Figure 7 : Infiltrats lymphoïdes rétiniens et sous-rétiniens dans le cadre d’un lymphome intraoculaire primitif associé à un lymphome non Hodgkinien du système nerveux central. Figure 8 : Infiltrat lymphoïde conjonctival saumoné. ESEAU CANCE 15 — ERASME — DET R BOR -IRIS J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 WALLONIE — R Figure 4 : Métastase choroïdienne juxtapapillaire avec infiltration secondaire du nerf optique. POLITIQUE ET SCIENTIFIQUE INFORMATION SANTÉ lésions systémiques au moment du diagnostic de lymphome oculaire, la présence d’atypie cytologique avec un taux élevé de prolifération cellulaire MIB-1 et une positivité tumorale pour le p53 sont statistiquement associés à un risque plus élevé d’évolution systémique fatale 17 Un bilan d’extension, obligatoire avant toute décision thérapeutique (radiothérapie ou chimiothérapie), sera confié à l’hémato-oncologue. Dans certaines situations, une baisse de vision peut apparaître chez un patient souffrant d’un cancer sans qu’aucune cause directe n’ait pu être mise en évidence. Différentes études ont associé ces symptômes visuels (dans 50% des cas précédant le diagnostic de la tumeur primitive) à une maladie auto-immune induite par la tumeur primitive et dirigée contre des protéines rétiniennes des cellules photoréceptrices ou cellules bipolaires rétiniennes. Ces syndromes paranéoplasiques oculaires (syndrome CAR [Carcinoma-Associated Retinopathy], syndrome MAR [Melanoma-associated retinoptahy]) sont identifiés par leurs caractéristiques cliniques, électrophysiologiques et anatomopathologiques.1, 19-23 La tumeur primitive la plus habituellement associée à ce syndrome CAR est le carcinome pulmonaire à petites cellules.1, 19-23 D’autres cancers comme le rhabdomyo- sarcome, le carcinome prostatique, mammaire et des cancers de la sphère gynécologique ont été recensés comme étant à l’origine du syndrome CAR. 1, 19, 20, 24 9. De Potter P, et al. Arch Ophthalmol 1994; 112 : 340-48. 10. Shields CL, et al. Arch Ophthalmol 1997; 115 : 203-09. 11. Rudoler S, et al. J Clin Oncol 1997; 15 : 1244-51. 12. De Potter P, et al. In : Zografos L (editor), Tumeurs Intraoculaires. Paris, Masson, 2002; pp. 655-76. 13. Akpek EK, et al. Ophthalmology 1999; 106 : 1805-10. 14. Harbour JW, et al. In Guyer et al, editors. Retina,Vitreous, Macula. Philadelphia, WB Saunders CO, 1999 ; 1204-16. 15. de Smet MD, et al. Br J Ophthalmol 1999; 83 : 448-51. 16. Coupland SE, et al. Ophthalmology 1998; 105 : 1430-41. 17. Medeiros LJ, et al. Blood 1989 ; 74: 2121-229. 18. Voegtle R, et al. J Fr Ophthalmol 1999; 22 : 884-87. 19. Jacobson DM et al. Current Opinion Ophthalmol 1996; 7 : 30-8. 20. Sobottka B, et al. Klin Monat Augenheil 2000; 216 : 17-24. 21. Singh AD, et al. Am J Ophthalmol 1995 ; 119 : 369-70. 22. Boeck K, et al. Br J Dermat 1997 ; 137: 457-60. 23. Murphy MA, et al. J Neuro Ophthalmol 1997; 17 : 77-83. 24. Eltabbakh GH, et al. Gynecol Oncol 1995 ; 58 : 120-23. 25. Keltner JL , et al. Arch Ophthalmol 1992 ; 110 : 48-53. 26. Guy J,et al. Arch Ophthalmol 1999; 117 : 471-77. Le traitement des rétinopathies paranéoplasiques implique une modulation du système immunitaire afin de réduire la réponse auto-immune. Des traitements à base de corticostéroïdes (méthylprednisolone IV), d’immunoglobulines et de plasmaphérèse semblent avoir démontré leur efficacité en réduisant les taux d’anticorps circulants et en maintenant une vision utile jusqu’à la mort du patient.1, 25, 26 Le pronostic vital dépendra, lui, de la tumeur primitive. ■ Références 1. De Potter P, et al. J Fr Ophthalmol 2002 ; 25 : 194-202. 2. Nelson CC, Hertzberg et al. Am J Ophthalmol 1983 ; 95 :788-93. 3. Shields JA, et al. In Intraocular Tumors : a Text and Atlas. Edited by Shields JA and Shields CL. Philadelphia, Saunders 1992; 207-38. 4. Shields CL, et al. Ophthalmology 1997; 104 : 1265-76. 5. Shields JA,et al. Am J Ophthalmol 1995; 119 : 422-30. 6. Harbour JW, et al. Ophthalmology 1994; 101 : 1084-90. 7. Leys AM, et al. Arch Ophthalmol 1990; 108: 1448-52. 8. Shields JA In Diagnosis and Management of Orbital Tumors. Edited by Shields JA. Philadelphia, Saunders; 1989; 291-315. Merck Oncology / Targeting Cancer for Better Lives SM ESEAU CANCE 16 — ERASME — DET R BOR -IRIS J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 WALLONIE — R INFORMATION SCIENTIFIQUE Ganglion sentinelle et mélanome. Une approche innovante pour une maladie agressive ! François Sales , Clinique des tumeurs cutanées, Institut Jules Bordet [email protected] La technique du ganglion sentinelle est pleine de promesses. François Sales a acquis une expérience remarquable au travers de l’analyse de plusieurs centaines de patients porteurs d’un mélanome. On peut espérer que, grâce à cette technique qui reconnaît les patients de mauvais pronostic, on pourra réaliser des études adjuvantes qui identifieront enfin une traitement actif dans le mélanome. Technique du ganglion sentinelle Figure 1 : Lymphoscintigraphie pour un mélanome du dos montrant un drainage axillaire bilatéral. Introduction Le seul traitement reconnu du mélanome primitif est la chirurgie. Si aucun ganglion n’est envahi, on envisage une exérèse large. Si les ganglions sont envahis,l’exérèse se complète d’un évidement ganglionnaire radical. Le ganglion sentinelle est le premier ganglion recevant un drainage lymphatique direct d’une zone où se trouve un cancer. On pense en général que la dissémination tumorale est séquentielle et que le ganglion sentinelle sera le premier envahi. La découverte de ganglions micro-envahis, avant qu’ils ne soient palpables, et la réalisation à ce stade d’un évidement ganglionnaire permettrait d’augmenter la survie de ces malades. La technique doit être réalisée dans un centre expérimenté. Tout patient présentant un risque significatif de métastase ganglionnaire (mélanome de plus d’un millimètre d’épaisseur selon Breslow) peut, théoriquement, bénéficier de la technique. La veille ou le jour de l’intervention, une lymphoscintigraphie est réalisée. Des nanocolloïdes technétiés sont injectés en intradermique aux quatre points cardinaux autour de la cicatrice d‘exérèse-biopsie du mélanome primitif. Des clichés précoces immédiats puis des clichés tardifs une à deux heures plus tard sont effectués (figure 1).Un ou plusieurs ganglions sentinelles peuvent ainsi être repérés. Pour la facilité du texte, nous parlerons “du” ganglion sentinelle. “Le ganglion sentinelle est le premier ganglion recevant un drainage lymphatique direct d’une zone où se trouve un cancer” En salle d’opération, on injecte de 0,5 à 2 ml de bleu colloïdal de la même façon que pour la lymphoscintigraphie. Le ganglion est repéré à la peau à l’aide d’une sonde de détection gamma et les ganglions bleus et radioactifs sont ôtés par une incision de 2 à 3 cm (figure 2). Ceux-ci sont envoyés en anatomo-pathologie où des coupes multiples sont analysées par coloration classi- que (hématoxyline-éosine) et par immunomarquages (protéine S100, HMB45, melan A). L’exérèse large du site du mélanome primitif est effectuée dans le même temps opératoire. Si le ganglion est normal, le traitement chirurgical est terminé. Si le ganglion est envahi, un évidement ganglionnaire est réalisé dans un deuxième temps. Outre la présence d’une cicatrice de 2 à 3 cm, la morbidité se limite généralement à une gêne passagère. Les lymphœdèmes et les infections sont rares (moins de 1% ). Un choc anaphylactique a été décrit chez moins de 1% des patients suite à l’injection du colorant. La durée de l’hospitalisation n’est pas allongée par le prélèvement du ganglion sentinelle et les patients quittent l’hôpital le lendemain de l’intervention. Nos résultats Depuis 1997, nous avons prélevé, à l’Institut Bordet, plus de 500 ganglions sentinelles pour des mélanomes. Notre expérience de cette approche nous a permis de mieux comprendre les modalités d’envahissement tumoral et de mieux prédire le pronostic du patient 1. Les études prospectives randomisées comparant l’évidement ganglionnaire prophylactique à une exérèse large simple n'ont pas permis de montrer de différence. C’est dans ce contexte qu’est apparu, voici une dizaine d’années, le concept du ganglion sentinelle. Nous avons découvert des drainages cutanés dans des localisations jusque-là ignorées (ex.: triangle intermusculaire du dos, régions paramammaire, paraaortique) (figure 3) ou à des fréquences inattendues (ex. région poplitée, épitrochléenne). Le taux de ganglion “ectopique” s’élève, dans notre expérience, à 19%. Cela signifie que, sans lymphoscintigraphie, un patient sur cinq ne bénéficierait pas d’un staging ganglionnaire adéquat. Lorsque I'on sait que 12% des ganglions sentinelles envahis étaient ectopiques, on peut se poser des questions sur la validité des essais cliniques de traitements adjuvants ne tenant pas compte de ces données. ESEAU CANCE 18 — ERASME — DET R BOR -IRIS J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 WALLONIE — R Figure 2 : Canal lymphatique bleu menant à un ganglion lui aussi coloré en bleu. Figure 3 : Lymphoscintigraphie montrant un ganglion sentinelle ectopique paramammaire et un ganglion sentinelle axillaire. Notre taux d’envahissement est de 25%. Dix-neuf pour cent sont positifs aux colorations de routine, le reste étant découvert après recoupes et immunomarquages (Figure 4). Lorsqu’un évidement complet est réalisé suite à un ganglion sentinelle positif, environ un patient sur trois présente au moins un autre ganglion envahi. Le type d’envahissement ganglionnaire est primordial pour prédire le statut des autres ganglions. Lorsque la métastase reste sous-capsulaire, le risque d’envahissement d’un autre ganglion est quasi nul. Il est maximal lorsque le hile est envahi. Des études sont en cours pour vérifier si ces patients avec envahissement exclusivement sous-capsulaire pourraient éviter l’évidement complet. également dans les canaux lymphatiques. Existe-t-il d’emblée des “nævi” intralymphatiques? Des cellules bénignes sont-elles capables de migrer vers d’autres organes ? Ces cellules d’aspect bénin n’ont-elles pas un caractère malin? Ces questions n’ont pas encore de réponse et certains n’hésitent plus à parler de “métastases bénignes”. “Lorsque la métastase reste sous-capsulaire, le risque d’envahissement d’un autre ganglion est quasi nul. Il est maximal lorsque le hile est envahi” L’approche par prélèvement du ganglion sentinelle a-t-elle un impact sur la survie ? Plus de 2000 patients avec un mélanome de plus de 1 mm d’épaisseur ont été randomisés entre un traitement par exérèse large simple et évidement ganglionnaire si, dans le suivi, ils développaient des métastases palpables ou par une exérèse large combinée à une analyse du ganglion sentinelle et évidement complet en cas de ganglion sentinelle positif. On note une meilleure survie sans récidive dans le groupe des patients Figure 4 : Envahissement microscopique visible aux immunomarquages (Protéine S100). traités sur base de l’analyse du ganglion sentinelle mais cette étude ne permet pas de mettre en évidence une différence de survie globale entre les deux groupes. Que faire aujourd’hui ? Le statut du ganglion sentinelle est le facteur pronostic le plus important de cette maladie! La survie à cinq ans du groupe avec ganglion négatif est d’environ 90%, celle avec ganglion envahi est de 50% 2. Dans la mesure où aucun traitement adjuvant n’est disponible, on considère que cette technique ne doit pas être réalisée, de manière systématique, en dehors d’une étude clinique. ■ Références 1. Sales F. 6th World Congress on Melanoma; sept. 6-10 ; 2005 : Abst 082. 2. Morton D. 6th World Congress on Melanoma; Faux négatifs et faux positifs Lorsqu’un ganglion sentinelle est normal, le risque qu’un autre soit touché est particulièrement faible. Le faux négatif est défini par la récidive dans une aire ganglionnaire où le ganglion sentinelle était normal. Ce taux, qui varie de 2 à 15%, dépend de l’expérience de l’équipe et de la localisation anatomique (la région “tête et cou”est grevée d’un nombre beaucoup plus important d’échecs). Il n’y a pas de faux positifs à proprement parler mais l’analyse microscopique beaucoup plus fine du ganglion sentinelle révèle l’existence de cellules naeviques bénignes dans 12% des ganglions (Figure 5)! Des analyses plus poussées encore en montrent Figure 5 : Cellules naeviques bénignes intracapsulaire (“métastase bénigne”). ESEAU CANCE 19 — ERASME — DET R BOR -IRIS WALLONIE — R J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 COMMUNICATION Une information adéquate pourrait-elle changer la vie du patient cancéreux ? Mais faut-il tout dire ? Harry Bleiberg, Service de médecine, Institut Jules Bordet [email protected] Conférence donnée au “2OO5 World Congress on Gastrointestinal Cancer” (Juin 2005) OUI! Je me souviens. Elle devait avoir un peu plus de 70 ans et s’était présentée par erreur à ma consultation. Elle avait un cancer du sein métastatique et venait pour une évaluation de sa chimiothérapie. Je lui expliquai que je ne traitais que les cancers digestifs. Elle était toute gênée. Je n’avais aucun patient en attente. Je la fis asseoir, lui souris et lui demandai comment elle allait. Elle me regarda quelques secondes, se retourna comme pour vérifier si nous étions bien seuls, et me dit : – Vous savez docteur, je sais que j’ai un cancer dont je vais mourir. Mais ne croyez pas que tout soit négatif. Je fus surpris par son entrée en matière. Elle continua, les yeux pétillants de malice. – En fait, je dois dire que je vis la période la plus extraordinaire de ma vie ; je me réjouis de chaque jour qui passe, il me semble que j’ai enfin découvert ce qui comptait pour moi, mes enfants, mes amis, la lumière du petit matin, je me régale de chaque seconde qui passe… Qui n’a pas été surpris de découvrir parmi ses patients présentant une maladie mortelle à relativement court terme une sagesse, un plaisir de vie inattendu, comme si la maladie leur avait donné accès au vrai sens de leur vie ? Nous nous attendons à ce que les patients qui ont un cancer métastatique se dégradent sous l’effet de leur maladie et voient leur qualité de vie décliner. Certains, dans la même situation, découvrent, comme ma patiente, un sens nouveau à la vie et voient se développer en eux une sensation de bienêtre qui ne fait qu’augmenter bien que la maladie continue à évoluer. Je voudrais tenter de démontrer que, par une communication adéquate avec les patients cancéreux, nous leur permettons d’intégrer le sens de la mort dans leur propre vie, nous leur offrons l’opportunité d’accéder à une partie méconnue d’eux-mêmes et la possibilité d’approcher un bonheur particulier, fondé sur le sentiment d’être en paix avec soi-même, que j’appellerai, faute d’un terme plus approprié, bien-être. Cette démonstration se fera par une série de 12 propositions. Proposition 1 : Le cancer, la maladie, le mot porte en lui une puissante image de la mort, qu’elle soit réelle ou imaginaire. Proposition 2 : Lorsque nous parlons de communication, nous nous référons à un processus qui nous permet de gérer la souffrance émotionnelle du patient cancéreux. Proposition 3 : Universellement, l’homme craint la mort. Elle représente la perte de son individualité. L’idée même de cette perte apparaît inacceptable et provoque une anxiété profonde qui a été définie comme le ‘traumatisme de la mort’. Universellement, pour calmer ce traumatisme, l’homme va élaborer les mythes d’immortalité (les rituels funéraires, la vie au-delà de la mort, la réincarnation, les religions) 1. de laisser partir un être aimé. Le corps était placé sur un lit de fleurs et entouré par des pierres. Le simple fait de créer un rituel a donné forme aux émotions de monsieur Néanderthal et il dut se sentir mieux. Ce n’est qu’en donnant une forme comportementale et préverbale à sa peur de la mort qu’il est arrivé à la surmonter. Pour l’homme moderne, c’est aussi à travers une confrontation douloureuse avec la mort qu’il est capable de créer des images et des mots qui donneront à celle-ci une forme perceptible et représentable 2. Proposition 6 : Les patients qui sont informés qu’ils ont le cancer expérimentent d’une manière aiguë des émotions douloureuses, même si le pronostic est bon. Ils ne comprennent pas les mots qu’ils entendent, ils sont incapables de trouver les mots pour partager leur souffrance. Des malades dans cette situation de non communication se décrivent eux-mêmes comme prisonniers dans une cage en verre 2 (figure 1). Proposition 4 : Au XXe siècle, la société urbanisée, industrialisée, médicalisée et technologiquement avancée a rejeté la notion même de la mort. On n’en parle plus, on la cache, on fait comme si elle n’existait pas. La science est devenue la source principale propageant un mythe d’immortalité:un jour, demain, la science éliminera la mort 1. L’homme moderne a été coupé de ses racines archaïques. Il a une conscience aiguë d’exister en tant que personne unique et sa vie se déroule comme si elle était éternelle. Proposition 5 : Pour vivre sa propre mort, l’homme doit d’abord en prendre conscience et être plongé dans le vertige et l’angoisse du néant. Il y a 400.000 ans monsieur Néanderthal a inventé la sépulture. Il lui était douloureux © F. Navez Il faut tout dire, mais dans le respect de la personne et avec toute l’attention que nécessite son état émotionnel. Figure 1 Proposition 7 : Montrer de l’empathie lors de la communication avec le patient provoque une réorganisation des émotions. En lui offrant le moyen de verbaliser ses émotions, en l’écoutant et en partageant sa réalité, le médecin permet au patient de réévaluer sa vie et donner un sens, qui est unique et personnel, à ce qu’il est en train de vivre (figure 2). ESEAU CANCE 20 — ERASME — DET R BOR -IRIS J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 WALLONIE — R ÉTAPE 2 : Évaluez ce que le patient comprend. Avant de ‘dire’, demandez: Quelle est votre compréhension des raisons qui nous ont poussé à réaliser une résonance magnétique? © F. Navez ÉTAPE 3 : Incitez-le à demander des explications : Souhaitez-vous que je vous explique tout et que je passe plus de temps avec vous pour discuter du plan de traitement ? ÉTAPE 4 : Prévenez- les qu’il y a de mauvaises nouvelles : Je suis désolé de vous dire que… Donnez l’information par petites portions et vérifiez régulièrement leur niveau de compréhension. moments le patient ne veuille rien entendre. À chaque étape, il ne faut poursuivre l’information que si on a vérifié la compréhension que le patient a de la situation et son état émotionnel 3. J’aimerais émettre l’hypothèse que les propositions 1 à 12 sont justes. Lorsque le médecin exprime de l’empathie, il offre au malade la possibilité de réévaluer le sens de sa vie et d’accéder à un sentiment qui est de l’ordre du bien-être. Si on est convaincu de la nécessité de ce contact particulier et d’une information adéquate et complète du patient, alors apprendre à communiquer devient possible*. ■ Figure 2 Proposition 8 : Le médecin n’est responsable ni de la survenue du cancer, ni de la progression de la maladie, ni de la souffrance inévitable que l’idée de la mort induit. Proposition 9 : Le médecin est responsable d’établir, pour chaque patient, la meilleure stratégie thérapeutique possible, d’administrer correctement les traitements et de fournir une information exacte de la situation de la manière la plus appropriée. Proposition 10 : Les médecins se trompent quand ils croient que leurs patients souffriront moins s’ils ne leur donnent pas l’information appropriée. C’est exactement l’opposé qui est vrai. Les patients ont besoin de cette information. Proposition 11 : La communication n’est pas une tâche facile ! Les médecins sont aussi effrayés que leurs patients de parler de la mort ! Les médecins et les malades apportent chacun dans la relation leur propre histoire, leurs peurs et leurs expériences par rapport à la mort. Leur relation est faite de peurs réciproques. Proposition 12 : Une aide à la communication existe ! Des informations structurées et des recommandations ont été développées afin d’aider les médecins à gérer la détresse émotionnelle dont ils souffrent. Par des jeux de rôle, des formations à la communication et des réunions de travail, les médecins peuvent explorer les sentiments que les difficultés liées à ce type de communication soulèvent 3. Si une communication adéquate est indispensable, comment doit-elle se faire, comment savoir si notre attitude est juste? Il faut aborder le malade par étapes successives et rester en permanence à l’écoute 4. ÉTAPE 1 : Organisez l’entretien, faites en sorte d’être disponible, connectez-vous à vos patients par le regard, le toucher. ÉTAPE 5 : Donnez des réponses empathiques à leurs émotions : Docteur : Je suis désolé de vous dire que la radiographie indique que la chimiothérapie n’agit pas (pause). Malheureusement il semble que la tumeur ait quelque peu progressé. Patient : J’avais peur de cela (pleurs). Docteur : (Approche sa chaise, offre un mouchoir et s’arrête un instant) Je sais que ce n’est pas cela que vous souhaitiez entendre. J’aurais aimé vous donner de meilleures nouvelles. Avant de donner une information, il faut toujours vérifier ce qui est connu et compris, et ce qui est souhaité. Accepter qu’à certains * Pour toute information relative à la formation à la communication : Darius Razavi et Nicole Delvaux. [email protected] [email protected] Références 1. Edgard Morin. L’homme et la mort. Éditions du Seuil 1970. 2. Boris Cyrulnik et al. La pensée est-elle le produit de la sélection naturelle ? Presse Universitaire de France 1996. 3. Razavi D et Delvaux N. Interventions psychooncologiques : la prise ne charge du patient cancéreux. Masson, Paris 1998, 2002. 4. Baile FW The oncologist 2000; 5 : 302. PHOTO DE COUVERTURE… Disposition peignée caractéristique des cellules nerveuses dans cette tumeur bénigne des gaines nerveuses périphériques (Schwannome). Source : Nicolas de Saint Aubain, Anatomie-pathologie, Institut Jules Bordet. ESEAU CANCE 21 — ERASME — DET R BOR -IRIS WALLONIE — R J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 LA RUBRIQUE DU GÉNÉRALISTE Prise en charge d’un nodule thyroïdien Laurence Plat, Endocrinologie, Service de médecine, Institut Jules Bordet [email protected] Les cliniciens sont confrontés régulièrement au problème des nodules thyroïdiens, assez fréquent dans nos populations. Comment poser un diagnostic ? Qui opérer ? Laurence Plat, endocrinologue, nous présente dans cet article une approche pratique. n nodule thyroïdien est une tuméfaction localisée de la thyroïde. Les nodules thyroïdiens sont excessivement fréquents : on estime que 4 à 7% de la population ont un nodule palpable, en général de plus de 1 cm. On en découvre encore plus, fortuitement, au cours d’examens radiologiques ou en cours d’autopsie. En effet les études anatomo-pathologiques permettent de mettre en évidence un ou plusieurs nodules chez 50% des sujets âgés de plus de 60 ans. Les nodules sont plus souvent rencontrés chez les femmes et leur taux augmente avec l’âge et le déficit en apport iodé. U Malgré cette fréquence élevée de nodules thyroïdiens, l’incidence des cancers thyroïdiens est faible : 4/100.000. Il s’agit d’un cancer papillaire dans plus de 80% des cas. Chez les hommes, les nodules thyroïdiens sont plus rares mais sont plus fréquemment malins. Quels nodules investiguer ? Tout nodule d’une taille supérieure à 1 cm. Si des nodules plus petits peuvent fréquemment abriter des cancers papillaires (10 à 20% des autopsies), ces micro carcinomes n’entraîneront que de façon exceptionnelle des conséquences cliniques et ne devront être investigués de façon plus sérieuse qu’en cas d’augmentation de taille ou s’il y a un antécédent d’irradiation cervicale ou une histoire familiale. Comment investiguer ces nodules ? 1. Examens biologiques : le dosage de la TSH permet de repérer les nodules toxiques bénins. Si elle est indosable, on mesure la thyroxine et la triiodothyronine libres de façon à évaluer l’importance de l’hyperthyroïdie. Le dosage de calcitonine ne sera réalisé qu’en cas d’histoire familiale de cancer médullaire ou de néoplasie endocrinienne multiple de type 2 (ce syndrome associe un cancer médullaire de la thyroïde, un phéochromocytome et une hyperparathyroïdie). Le dosage de la thyroglobuline n’est pas discriminatif et ne permet pas de faire la distinction entre un cancer différencié et un goitre multinodulaire bénin, il n’a un intérêt que dans le suivi post-chirurgical d’un cancer thyroïdien. 2.Échographie (fig.1) :elle permet de détecter des nodules non palpés, d’en estimer la taille et le nombre. Elle permet de différencier de simples kystes de nodules solides ou de formes mixtes. Les lésions kystiques sont plus rarement associées à un cancer mais ne l’excluent pas. Les nodules hypoéchogènes sont plus fréquemment malins que les hyperéchogènes surtout en l’absence de halo périphérique, d’irrégularité de contours, de microcalcifications ou d’une hypervascularisation mise en évidence au doppler. L’échographie permet également d’explorer les aires ganglion- naires cervicales et de guider la ponction à l’aiguille fine. 3. Scintigraphie (Fig. 2 et 3) : l’objectif de l’exploration de la thyroïde par les isotopes (le plus souvent du Technetium-pertechnétate99, pour des cas particuliers de l’Iode-131 ou de l’Iode-123) est de classifier les nodules en hypofonctionnels (froids) et hyperfonctionnels (chauds) en fonction de leurs capacités à concentrer l’isotope, théoriquement le tissu malin n’incorpore pas l’isotope. Un nodule froid a donc une plus grande probabilité d’être malin; néanmoins la plupart sont bénins et la découverte d’un nodule chaud n’exclut pas un cancer. La tomographie à émission de positron peut être utile pour différencier les nodules bénins des nodules malins mais son utilisation est limitée par son coût et son accessibilité. “les études anatomo-pathologiques permettent de mettre en évidence un ou plusieurs nodules chez 50% des sujets âgés de plus de 60 ans” 4. Autres examens radiologiques : la radiographie du cou peut être utile pour mettre en évidence des déviations trachéales ou des réductions luminales. Le CT Scan ou la Résonance magnétique nucléaire sont peu utiles pour caractériser les nodules. 5. Aspiration à l’aiguille fine (AAF) : cet examen est le seul qui permet de déterminer la nature du nodule. Dans des mains expertes, elle a une sensibilité et une spécificité proches de 95%. Les complications de cet examen sont rares et consistent le plus souvent en un inconfort local. Les échantillons sont de meilleure qualité lorsqu’ils sont obtenus sous guidage échographique. Elle a permis de réduire les indications chirurgicales de 35-75% et le nombre de néoplasies découvertes au sein des nodules opérés a ainsi augmenté de 50-70%. Le bénéfice de répéter annuellement l’AAF pour des nodules de taille stable n’est pas démontré. Figure 1 : Image échographique d'un nodule solide discrètement hétérogène. ESEAU CANCE 22 — ERASME — DET R BOR -IRIS J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 WALLONIE — R Comment traiter ces nodules ? 1. Chirurgicalement : ce choix doit être réservé à des nodules suspects de néoplasie et dans ce cas, une thyroïdectomie totale sera réalisée. Elle peut également être décidée pour des nodules de grande taille (> 3 cm), surtout chez des patients jeunes ou en présence de compression ou d’inconfort. Elle est parfois justifiée pour des raisons esthétiques. Dans ces cas, on ne pratiquera qu’une hémithyroïdectomie, sauf en cas de nodules bilatéraux. Chez les hommes, on est souvent plus agressif. Lorsque cette chirurgie est réalisée par des équipes spécialisées, l’incidence des complications est faible (hypoparathyroïdie, atteinte du nerf récurrent…). 2. Médicalement : la lévothyroxine peut être indiquée même en cas d’euthyroïdie, surtout en cas de goitre associé, la dose sera adaptée de façon à obtenir une valeur de TSH proche de la limite inférieure de la normale. Ceci est justifié car en absence de traitement, 89% des nodules thyroïdiens bénins grandissent. 3. Isotopiquement : l’iode radioactif est une option thérapeutique pour le nodule hyperfonctionnel. La correction de l’hyperthyroïdie est obtenue dans 75% des cas. L’effet secondaire majeur est l’hypothyroïdie. En conclusion Le nodule thyroïdien est une pathologie fréquente, le plus souvent bénigne et l’objectif du bilan sera de repérer les nodules malins qui justifieront un traitement chirurgical. ■ Lectures recommandées • Alexander EK and al Ann Intern Med 2003,138 : 315-18. • Castro MR and al Ann Intern Med 2005, 7 : 926-31. • Gharib H Endocrinol Metab Clin North Am 1997, 26 : 777-800. • Hegedüs L N Eng J Med 2004, 351 : 1764-71. • Mandel SJ JAMA 2004, 292 : 2632-42. • Mazzaferri EL N Eng J Med 1993, 328 : 553-59. • Schlumberger M and Pacini F in Thyroid tumor ed Nucléon 2003 11-31. • Wiersinga WM Eur J Endocrinol 1995, 132 : 661-62. CONCOURS PHOTO “HÔPITAL INSOLITE” “Pas perdus” © Jean-Marie Nogaret ESEAU CANCE 23 — ERASME — DET R BOR -IRIS WALLONIE — R J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 BRÈVES Nouveautés 2005 dans le traitement du cancer rénal avancé Thierry Gil, Clinique d’Oncologie médicale, Institut Jules Bordet – [email protected] lors que nous étions très démunis au plan thérapeutique dans cette maladie agresA sive, connue pour être résistante à la chimiothérapie, plusieurs études positives ont été présentées en 2005 dans le cancer du rein métastatique. Le traitement qui est considéré comme standard en première ligne reste l’immunothérapie dont on sait qu’elle est plus efficace après néphrectomie 1. Les taux de réponse à l’interféron α et à l’interleukine 2 sont de l’ordre de 15 à 20%,leur combinaison n’ayant pas jusqu’ici démontré d’avantage en survie globale 2. La durée de la réponse à l’immunothérapie est de l’ordre de 6 à 10 mois, exception faite d’une minorité de patients contrôlés au long cours. De même, le bénéfice en survie de ces traitements, souvent mal tolérés, reste limité à quelques mois 3, 4. Nous savons en outre que le patient, en situation d’échappement à une première ligne thérapeutique par cytokine, ne bénéficiera pas d’une deuxième ligne d’immunothérapie 5. Le besoin était donc pressant d’identifier de nouveaux agents, plus actifs et/ou mieux tolérés, d’abord évalués dans ces situations d’échec de l’immunothérapie. Ces nouveaux médicaments s’inscrivent au rang des thérapies ciblées en tant qu’inhibiteurs d’angiogenèse. Ils empêchent la formation de la néovascularisation tumorale, inhibent la croissance et la dissémination de la tumeur. Évalués en phase II et III, voici les résultats présentés à l’ASCO 2005. • AG-013736 = 40% de réduction tumorale 6 • SU 11248 (Stutent®) = 40% de réduction tumorale 7. • BAY 43-9006 (Nexavar®) versus placebo = doublement de la durée de stabilisation 8. • Bevacizumab/Erlotinib = 60% de stabilisation, 25% de réduction tumorale 9. Ces nouveaux agents prometteurs, en particulier en terme de stabilisation de la maladie (la durée en est doublée), demandent encore à être évalués dans de nouvelles études posant la question du bénéfice en survie et des toxicités au long cours. Leur place en première ligne, le cas échéant en association avec l’immunothérapie, est également à établir. Actuellement, le SU11248 (Sutent) et le BAY 43-9006 (Nexavar) sont étudiés en phase 4 à l’institut Jules Bordet et accessibles pour les patients réfractaires aux Cytokines. Références 1. Mickish et al., EJU 2000 ; 37. 2. Négrier, NEJM 1998 ; 338 (18) : 1272-1278. 3. MRC, Lancet 1999 ; 353 : 14-17. 4. Pyrhönen, JCO 1999 ; 2859-2867. 5. Escudier, JCO 1999 ; 17 : 2039-2043. 6. Rini B et al., ASCO mai 2005. 7. Motzer RJ et al, ASCO mai 2005. 8. Escudier et al., ASCO mai 2005. 9. Spigel D et al., ASCO mai 2005. Avancées 2005 en cancérologie digestive : comment interpréter ces informations ? Alain Hendlisz, Unité de Gastro-entérologie, Institut Jules Bordet – [email protected] 2005 a marqué des avancées majeures pour les cancers de la sphère digestive. L’année contenant l’oxaliplatine par rapport au bras monothérapie. Traitement adjuvant des cancers 2) Cancer gastrique : un nouveau standard Une étude américaine avait montré il y a deux ans que la combinaison d’une chimiothérapie (5FU bolus et leucovorin) avec de la radiothérapie augmentait significativement la survie (35 vs. 28 mois, p = 0.01). En Angleterre, l’étude MAGIC démontre un bénéfice significatif en utilisant seulement une chimiothérapie à base d’épirubicine, cisplatine, 5FU (ECF) avant et après une chirurgie à visée curative. À deux ans, 36% des patients sont en vie par rapport à 23% dans le bras sans chimiothérapie 3. Cette attitude de chimiothérapie périopératoire devient une alternative thérapeutique valable. 1) Cancer colique stades II et III : L’oxaliplatine devient partie intégrante au traitement adjuvant : Les résultats de l’étude Mosaic 1 ont été actualisés avec un follow-up médian de 4 ans. La combinaison FOLFOX 4 démontre une réduction du risque de rechute de 24% par rapport au LV5FU2. Six pour cent moins de malades rechutent à 3 ans. Les effets secondaires sont acceptables. Cette étude démontre une activité dans les stades II (patients sans atteinte ganglionnaire) et les stades III (patients avec atteinte d’au moins un ganglion). Néanmoins, la FDA et EMEA n’ont accordé l’enregistrement que pour les stades III. Ceci peut constituer un problème pour certains patients avec un stade II à risque qui pourraient bénéficier du traitement. Nous espérons pouvoir disposer en Belgique d’un élargissement des conditions de remboursement de l’oxaliplatine pour pouvoir adapter nos guidelines à ces nouvelles données. Ces résultats sont confirmés aux USA : le National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project (NSABP) utilisant un schéma de 5FU bolus 2, rapporte également une diminution du risque de récidive de 21% en faveur du bras 3) Cancer pancréatique : Ce cancer est resté longtemps sans option thérapeutique après la chirurgie. Une étude incluant 368 patients démontre que la gemcitabine allonge le temps avant récidive de 6.7 mois et diminue les récidives après chirurgie à visée curative 4. Ces résultats sont prometteurs mais il est judicieux d’attendre la publication des données définitives de survie avant de modifier notre attitude. Brièvement, pour les cancers avancés : – Dans le cancer colorectal avancé, le bevacizumab confirme son intérêt en première ligne (gain de survie médiane de 4,7 mois en combinaison avec l’irinotécan par comparaison avec l’irinotécan seul). Il a été évalué en deuxième ligne en combinaison avec un régime FOLFOX classique. À ce stade la survie médiane passe de 10.7 mois à 12.5 mois (p=0.0003) 5. – Dans le cancer pancréatique métastatique, l’Erlotinib (Tarceva®), inhibiteur de la tyrosine kinase du récepteur EGFR, associé à la Gemcitabine améliore légèrement la survie [p=0.025 avec un hazard ratio de 0.81 [95% CI 0.67 - 0.97] par rapport à la gemcitabine seule. Si cette différence est statistiquement significative, on peut se demander quelle est la signification clinique d’une augmentation aussi modeste. Des études complémentaire devraient nous aider à mieux définir le bénéfice réel de Tarceva® dans cette indication 6 Quoiqu’il en soit, il est trop tôt pour que ce médicament fasse partie de notre pharmacopée, mais cette étude ouvre la voie au développement des molécules ciblant les récepteurs de la famille HER et leurs signaux d’activation intracellulaire dans le cancer du pancréas. Références 1. A. de Gramont et al. Proc. Asco 2005 ; 23 : 3501. 2. N. Wolmark et al. Proc. Asco 2005 ; 23 : 3500. 3. D. Cunningham et al. Proc. Asco 2005 ; 23 : 4001. 4. P. Neuhaus, H et al. Proc. Asco 2005 ; 23 : 4013. 5. B. J. Giantonio et al. Proc. Asco 2005 ; 22. 6. Moore et al. Proc. Asco 2005 ; 23 : 1. ESEAU CANCE 24 — ERASME — DET R BOR -IRIS J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 WALLONIE — R L’association docetaxel-trastuzumab dans le cancer du sein Le défi est actuellement de trouver la meilleure combinaison pour chaque patiente atteinte d’un cancer du sein HER2 positif. L’association du trastuzumab au docetaxel, démontrée synergique in vitro, a été testée tant au stade métastatique qu’en situation adjuvante. Figure 1 Figure 2 Figure 1 Comparaison de l’évaluation de la survie des patientes traitées par docetaxel seul ou par la combinaison docetaxel – trastuzumab. Figure 2 Comparaison de la survie sans rechute des patientes traitées par AC→T, par AC→T H ou par TCH. es avancées de la biologie moléculaire nous confirment chaque jour que le cancer du sein est une maladie à visages multiples et nous précisent les caractéristiques de chacun d’entre-eux. La maladie HER2 positive, qui représente environ 20% des cancers du sein, est une des formes pour lesquelles les progrès thérapeutiques de ces 5 dernières années ont été les plus marquants. Le trastuzumab est un anticorps monoclonal ciblant HER2. Chez les patientes dont la maladie est métastatique, l’adjonction de trastuzumab à la chimiothérapie s’est avérée supérieure à la chimiothérapie seule 1. En 2005, quatre grandes études 2, 3, 4 ont montré l’importance primordiale pour ces patientes dont la tumeur est HER2 positive de recevoir le trastuzumab à un stade plus précoce de la maladie, en situation adjuvante, puisqu’il permet d’éviter la survenue de la maladie métastatique dans environ la moitié des cas. L’étape ultérieure était, en toute logique, de tester cette association en situation adjuvante, pour prévenir la rechute métastatique. Ce que réalisa l’étude du Breast Cancer International Research Group (BCIRG) 006, une étude randomisée de 3222 patientes atteintes de cancer du sein HER2 positif 4. Les 3 bras de traitement comportaient : (a) 4 cures d’adriamycine-cyclophosphamide (AC) suivies de 4 cures de docetaxel (T) ou bras contrôle AC→T; (b) le même traitement associé au trastuzumab durant 1 an ou AC→TH ; (c) 6 cures de docetaxel-carboplatine associées au trastuzumab durant 1 an ou TCH. La première analyse des résultats, à 23 mois de suivi médian, a été présentée au congrès de San Antonio en décembre 2005 4. Les patientes recevant du trastuzumab ont un risque de rechute (locale, à distance ou nouveau cancer du sein) significativement réduit par rapport à celles qui n’en reçoivent pas : il est de 49% par rapport au bras contrôle pour le bras AC→TH et de 61% par rapport au bras contrôle pour le bras TCH (Figure 2). Parmi les deux bras de traitement incluant le trastuzumab,celui qui contient des anthracyclines paraît supérieur à celui qui n’en contient pas. Cette différence n’est pas statistiquement significative vu On peut donc dire que la combinaison docetaxeltrastuzumab est très intéressante pour les patientes dont la tumeur est HER2 positive. Son efficacité a été montrée à la fois en situations métastatique et adjuvante. Son profil bénéfice/risque est prometteur. L’affinement de l’analyse biologique permettra dans un avenir proche, espérons-le, d’individualiser le traitement dans le cancer du sein en fonction des spécificités tumorales. Véronique D’Hondt, Clinique d’oncologie médicale, Institut Jules Bordet BDOC060102 Références 1. Slamon D et al. N Engl J Med 2001; 344 : 783. 2. Romond E et al. N Engl J Med 2005 ; 353 : 1673. 3. Piccart-Gebhart M et al. N Engl J Med 2005 ; 353 : 1659. 4.Slamon D et al. Breast Cancer Res Treat 94 Suppl 1 Abst 1. 5. Marty M et al. J Clin Oncol 2005 ; 23 : 1. ESEAU CANCE 25 — ERASME — DET R BOR -IRIS J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 WALLONIE — R L Une étude de phase II randomisée, en première ligne métastatique, a comparé l’administration de docetaxel seul à l’association docetaxel – trastuzumab chez 188 patientes dont la tumeur est HER2 positive 5. Comme l’on pouvait s’y attendre, la combinaison de l’anticorps monoclonal et de la chimiothérapie est plus efficace que la chimiothérapie seule, à la fois en termes de taux de réponse au traitement (61% contre 34%), de durée jusqu’à la progression (11,7 contre 6,1 mois) et de survie globale (31,2 contre 22,7 mois) (Figure 1). L’efficacité du traitement combinant le docetaxel et le trastuzumab illustrée par ces paramètres est très intéressante alors que sa toxicité n’est pas très différente de celle du docetaxel administré seul, en dehors d’un taux un peu plus élevé de toxicité cardiaque attribuable au trastuzumab chez des patientes prétraitées par des anthracyclines. le suivi très court. Elle pourrait le devenir à plus long terme. Cette tendance rappelle l’importance d’une chimiothérapie à base d’anthracyclines pour les tumeurs HER2 positives qui y sont très sensibles. Mais cette association anthracyclines et trastuzumab est malheureusement cardiotoxique et on observe déjà actuellement environ 2,4% de toxicité cardiaque sévère chez les patientes ayant reçu des anthracyclines et du trastuzumab, alors que la cardiotoxicité respective des deux autres traitements est de 0,6 et 0,4%. Si par ailleurs on analyse de façon plus précise ces tumeurs HER2 positives, en y recherchant si le gène de la topoisomérase II, très proche du gène de HER2 sur le chromosome 17, est également amplifié, il s’avère que seules les patientes dont le gène de la topoisomérase II est amplifié retirent un bénéfice plus important des anthracyclines alors que pour les autres, la présence ou non d’anthracyclines dans le traitement ne modifie pas son efficacité. Ceci s’explique aisément puisque la cible des anthracyclines est précisément la topoisomérase II. Il est donc logique que les tumeurs surexprimant cette cible soient plus sensibles à cet agent de chimiothérapie. Ces résultats d’une analyse rétrospective de sous-groupe doivent bien entendu être interprétés avec précaution mais leur signification biologique est suffisamment fondée et étayée par des études antérieures pour constituer un important pas en avant dans le choix des agents de chimiothérapie. Ces outils prédictifs permettront de sélectionner les patientes chez lesquelles le bénéfice espéré justifie la prise du risque lié à la combinaison anthracyclines – trastuzumab. INFORMATION SCIENTIFIQUE Une nouvelle approche thérapeutique des métastases osseuses : le blocage du système RANK-RANKL Jean-Jacques Body Jean-Jacques Body, Filip Geurs, Clinique de médecine interne et Clinique d’oncologie médicale, Institut Jules Bordet Les complications osseuses du cancer sont fréquentes. Dans cet article, au-delà des bisphosphonates qui ont réduit significativement la morbidité liée à ce problème, Jean-Jacques Body, expert dans ce domaine, nous résume des nouveautés thérapeutiques basées sur des progrès récents en biologie moléculaire. e squelette est le site métastatique le plus fréquent chez les patients souffrant d’un cancer du sein ou d’un cancer prostatique avancé. Les métastases osseuses vont induire une ostéolyse souvent considérable. Les cellules cancéreuses détruisent la matrice osseuse en stimulant les ostéoclastes: elles sont capables d’induire la différenciation ostéoclastique de cellules souches hématopoïétiques et d’activer des ostéoclastes matures déjà présents dans l’os. Des facteurs tumoraux comme le PTHrP et des cytokines comme l’IL-1, -6 et -11 sont les principaux facteurs responsables de l’activation des ostéoclastes 1. Les ostéoclastes étant au cœur du processus de résorption osseuse, ils constituent la cible logique pour le traitement et la prévention de l’ostéolyse tumorale. Il en est de même dans le myélome multiple où les interactions entre cellules myélomateuses et ostéoclastes jouent un L Figure 1 : régulation du remodelage osseux par le système RANKL/RANK/OPG. Voir texte. ESEAU CANCE 26 — ERASME — DET R BOR -IRIS rôle clé dans le processus d’ostéolyse et de croissance tumorale. L’ostéolyse tumorale est responsable d’une morbidité considérable (douleurs, fractures, hypercalcémie, …) qui altère fortement la qualité de vie des patients, d’autant plus que leur survie est nettement plus longue que celle de patients ayant des métastases viscérales extraosseuses. “Des produits tumoraux vont stimuler l’expression et la sécrétion de “receptor activator of NfkB Ligand” (RANKL) qui va augmenter la différenciation de cellules souches en ostéoclastes” Les bisphosphonates sont de puissants inhibiteurs des ostéoclastes qui sont essentiel- lement utilisés en cancérologie pour prévenir les complications de l’ostéolyse tumorale. Leur administration prolongée permet de réduire d’environ 40% la fréquence des “événements osseux”. Les progrès les plus récents réalisés grâce aux bisphosphonates dans la maladie métastatique ont été la démonstration de l’efficacité du zolédronate, quelle que soit l’origine de la tumeur et l’introduction de la forme orale de l’ibandronate pour le cancer du sein, aussi efficace que la forme intraveineuse. D’autres applications des bisphosphonates sont activement étudiées, comme leur utilisation en situation adjuvante et leur effet de prévention de la perte osseuse consécutive à certains traitements antitumoraux. Toutefois, en situation métastatique, il semble bien qu’on soit arrivé à un plafond d’efficacité 2. L’ostéoblaste, responsable de la formation de la trame osseuse, joue le rôle de “chef d’orchestre” dans le contrôle du remodelage osseux physiologique. Il en est de même lors de la perte osseuse postménopausique ainsi que dans le processus d’ostéolyse tumorale. Notre laboratoire fut d’ailleurs le premier à le démontrer dans le cancer mammaire 3. Le système moléculaire en cause a été récemment identifié. Ainsi que l’indique la figure 1, des hormones, cytokines ou des produits tumoraux vont stimuler l’expression et la sécrétion de “receptor activator of NfkB Ligand” (RANKL) qui va augmenter la différenciation de cellules souches en ostéoclastes ainsi que l’activité d’ostéoclastes matures via sa liaison au récepteur RANK. L’ostéoprotégérine (OPG), secrétée par les ostéoblastes, contrôle localement cette interaction en se liant au RANKL. Il s’agit en quelque sorte d’un récepteur soluble liant l’excès de RANKL et évitant une ostéolyse exagérée. Ce système OPG/ RANK/RANKL peut être considéré comme le “final common pathway”de l’action des principaux facteurs régulant ou dérégulant le remodelage osseux 4. Des modèles animaux d’excès (“overexpression”) ou de déficit (“knockout”) en OPG induisent, respectivement, un phénotype d’ostéopétrose ou d’ostéoporose très sévère (voir figure 1) 5. J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 WALLONIE — R L’administration d’OPG permet de prévenir et de traiter l’hypercalcémie tumorale dans des modèles animaux. De plus, elle permet de prévenir l’activation ostéoclastique et la destruction osseuse dans des modèles d’ostéolyse tumorale. Le premier essai de blocage du système RANK/RANKL chez des patients souffrant d’ostéolyse tumorale fut réalisé avec de l’OPG chimiquement liée à une partie d’immunoglobuline (OPG-Fc). L’activité anti-ostéolytique de différentes doses de ce composé fut comparée à celle du pamidronate chez 25 patientes présentant des métastases osseuses d’origine mammaire. L’inhibition de la résorption osseuse fut au moins aussi rapide et marquée suite à l’administration d’OPG-Fc qu’après administration de pamidronate 6. L’activité antiostéolytique d’une injection fut également démontrée chez des femmes postménopausées. Toutefois, le développement de ce composé ne fut pas poursuivi par la firme AMGEN par crainte de l’apparition d’anticorps anti-OPG et d’une éventuelle interférence avec la réaction immunitaire antitumorale, mais surtout suite à l’obtention d’un anticorps spécifique anti-RANKL, l’AMG 162. Outre sa parfaite spécificité dirigée contre la substance essentiellement responsable de l’ostéolyse tumorale, des étu- des animales démontrèrent que cet anticorps présentait des avantages pharmacocinétiques et pharmacodynamiques par rapport à l’OPG. “L’administration d’OPG permet de prévenir l’activation ostéoclastique et la destruction osseuse” Cet anticorps, tout récemment rebaptisé denosumab, a été développé pour le traitement des maladies osseuses médiées par les ostéoclastes. Comme une IgG2 humaine, le denosumab a une demi-vie circulante très longue (1-1,5 mois) et l’administration d’une seule dose par voie sous-cutanée entraîne une inhibition rapide et prolongée de la résorption osseuse chez des femmes postménopausées. Les effets de l’administration d’une seule dose ont été comparés à ceux du pamidronate dans une étude en double aveugle chez plus de 50 patients présentant un cancer du sein métastatique au niveau osseux ou un myélome multiple. La mesure de marqueurs modernes de la résorption osseuse, comme le télopeptide NTX urinaire, montra une inhibition rapide (dès le lendemain de l’injection) et prolongée (plus de 3 mois) de la résorption 3OYEZDESNÙTRESLEMAI POURLAÒMEÏDITIONDESi4ABLESPOURLA6IEw osseuse 7. La durée de l’effet anti-ostéolytique pourrait ainsi être nettement plus longue que celle des bisphosphonates.D’autre part, aucun effet toxique évident ne s’est manifesté à ce jour. Des études testant différentes doses et schémas thérapeutiques du denosumab sont en voie d’être terminées et des études comparatives avec les bisphosphonates pourront alors être entreprises afin de déterminer si la morbidité des métastases osseuses peut encore être réduite. En résumé, le développement d’un anticorps bloquant spécifiquement la substance RANKL paraît devoir constituer un progrès thérapeutique majeur dans l’avenir, non seulement pour le traitement et peut-être la prévention des métastases osseuses, mais aussi pour le traitement des diverses formes d’ostéoporose. ■ Références 1. Mundy GR, Nat Rev Cancer, 2002 ; 2 : 584-93. 2. Body JJ , Supp Care Cancer, in press. 3. Lacroix M, et al. ; Breast Cancer Res Treat, 1996 ; 38 : 209-16. 4. Simonet WS et al., Cell, 1997 ; 89 : 309-19. 5. Dunstan CR, The Endocrinologist, 2000 ; 10 : 18-26. 6. Body JJ et al., Cancer, 2003; 97 (suppl 3): 887-92. ,ES h!MIS DE L)NSTITUT "ORDETv LANÎAIENT EN UNE INITIATIVE ORIGINALE h,ES 4ABLES POUR LA 6IEv ! CETTE OCCASION DES RESTAURATEURS DE RENOM CRÏAIENT UNE VASTE CHAÔNE DE SOLIDARITÏ EN OFFRANT CHACUN DÔNERS LE PRODUIT DE LA VENTE DE CES TABLES Ë DE GÏNÏREUX DONATEURS ÏTANT INTÏGRALEMENT REVERSÏ AUX h!MIS DE L)NSTITUT "ORDETv &ORTS DU SUCCÒS DE LOPÏRATION LES h!MIS DE L)NSTITUT "ORDETv ONT DÏCIDÏ DE RÏITÏRER LÏVÏNEMENT EN SASSOCIANT CETTE ANNÏE Ë ,A ,IBRE -ATCH LAQUELLE JOINDRA Ë SON ÏDITION DU AVRIL PROCHAIN UN h'UIDE 'OURMANDv EXCLUSIF h 4ABLESv ,E MAI APRÒS ATTRIBUTION DES TABLES PAR TIRAGE AU SORT LORS DUN GRAND COCKTAIL RICHE EN SURPRISES LES GÏNÏREUX DONATEURS ET LEURS CONVIVES REJOINDRONT LES ÏTABLISSEMENTS QUI LES ACCUEILLERONT 0OURPARTICIPERËCETÏVÏNEMENTEXCEPTIONNELOUPOUR ENSAVOIRPLUSAPPELEZ-ADAME!RIANE#AMBIERAU ,EPRIXDELATABLEDECOUVERTSEST DElSCALEMENTDÏDUCTIBLES 6OUS POUVEZ AUSSI SOUTENIR LOPÏRATION PAR UN DON SUR LE COMPTE DES v!MIS DE L)NSTITUT "ORDETv AVEC LA MENTION v$ON 4ABLES POUR LA 6IEv ,ES!MISDEL)NSTITUT"ORDETASBL ESEAU CANCE 27 — ERASME — DET R BOR -IRIS WALLONIE — R J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 RECHERCHE Cellules dendritiques I3: un nouveau vaccin cellulaire anti-tumoral? L. Gordower, V. Richard, M. Toungouz, T. Velu, Oncologie médicale, Hôpital Erasme [email protected] de vaccination anti-tumorale a validé par de nombreux essais cliniLques,eétéconcept principalement dans le mélanome. À l’Hôpital Erasme, nous avons surtout développé des vaccins utilisant des cellules dendritiques (DC) pulsées par des antigènes tumoraux. Les DC, cellules présentatrices d’antigènes professionnelles jouent un rôle clé dans l’initiation des réponses immunes. Jusqu’il y a peu, les essais cliniques conduits dans notre unité ont utilisé des DC de type myéloïde générées à partir de monocytes du sang périphérique du patient après culture in vitro avec de l’interleukine-4 et du GMCSF (DCG4). Avant vaccination Les résultats ont montré une bonne tolérance clinique, des réponses immunes biologiques et cliniques chez un certain nombre de patients, nous encourageant à tenter d’améliorer cette approche vaccinale (Figure 1). L’une des voies possibles est l’utilisation d’un nouveau type de DC, mis au point à l’Hôpital Erasme. Ces DC sont obtenues après mise en culture de monocytes en présence d’interleukine-3 et d’interféron-β (IFN-b). Ces cellules (DCI3) se distinguent des DCG4 par un phénotype plus mature (expression plus élevée des molécules de surface CD-80, CD-83 et CD-86). De plus, in vitro, elles induisent une sécrétion plus élevée d’IFN-gamma par les lymphocytes T. Enfin, elles produisent une quantité importante d’IL-6 qui pourrait jouer un rôle dans la diminution des effets suppresseurs médiés par les lymphocytes T régulateurs. Un de nos protocoles de vaccination a testé l’injection de ces DCI3 chez 8 patients atteints de mélanome stade III ou IV exprimant l’antigène NA17. Les patients ont été vaccinés par des DCI3 maturés par poly I : C et Figure 1 : Exemple de réponse clinique à la vaccination dans un mélanome métastatique: l’injection de cellules dendritiques pulsées par un antigène exprimé par le mélanome du patient permet d’induire une réponse immune cytotoxique dirigée spécifiquement contre cet antigène et une disparition des métastases pulmonaires. Après vaccination Figure 1 : Exemple de réponse clinique à la vaccination dans un mélanome métastatique. 1a 1b SC SC ID ID Figure 2 : Migration de cellules dendritiques I3 marquées à l’Indium-111 vers les ganglions lymphatiques. AGENDA Séminaires pluridisciplinaires de cancérologie, Hôpital Erasme Salle de séminaire, 8e étage, bloc central Entre 17.00 et 18.00 Coordinatrice : Claire Nouwynck Tél.: 02/555 31 85 – [email protected] Figure 2 :Migration de cellules dendritiques I3 (marquées à l’Indium-111) du site d’injection cutané vers les ganglions lymphatiques: cette migration est cruciale, puisque c’est au niveau des ganglions que les cellules dendritiques chargées de l’antigène tumoral vont stimuler des lymphocytes spécifiques, induire leur prolifération et l’acquisition de leurs propriétés cytotoxiques. 14/02/2006 : Mucite post chimiothérapie, le KGF : nouveaux espoirs. Valérie Robin 14/03/2006 : Apport pronostique de l’évaluation du Ki-67 en oncologie. Aspect fondamental et applications pratiques. Isabelle Salmon, Nathalie Nagy 18/04/2006 : Les Anti-Cox 2 : nouveau traitement en oncologie ? Frédéric Buxan pulsées par le peptide NA17-A2. En plus de la tolérance clinique, la réponse immune spécifique anti-NA17-A2 a été étudiée. Les vaccinations ont été bien tolérées, sans aucune réaction secondaire de grade sévère. Trois patients sur 8 ont montré une réponse immune T anti-NA17-A2 significative. Par ailleurs, la migration de ces cellules dendritiques vers les ganglions lymphatiques a été évaluée in vivo par une méthode isotopique après injections sous-cutanées et intradermiques de cellules marquées à l’indium-111 à proximité des régions inguinales. Une migration a été démontrée chez 6 des 8 patients après injection intradermique uniquement (Figure 2). Les données immunologiques et fonctionnelles obtenues confirment le côté prometteur des stratégies vaccinales basées sur les DCI3. Par ailleurs, un traitement ciblant simultanément plusieurs antigènes tumoraux permettrait peut-être d’augmenter l’efficacité de ces vaccinations. Ces travaux sont le fruit d’une collaboration entre différents services, notamment : Oncologie Médicale, Hôpital Erasme (L. Gordower,V. Richard,T.Velu); Dermatologie, Hôpital Erasme (V. Del Marmol, M. Laporte, M. Trakatelli, P. Vereecken) ; Institut Jules Bordet (F. Sales) ; CHRU-Lille (L. Mortier) ; Unité de Thérapie Cellulaire et Moléculaire (M. Toungouz, M. Goldman, M. Lambermont). Références 1. Myrto T. et al. Cancer Immunology Immunotherapy, on line Aug 20 ; 1-6, 2005. 2. Toungouz M., et al. Journal of Leukocyte Biology 69 : 937-43, 2001. 3. Detournay O et al. Human Immunology 66 : 460-8, 2005. 4. Mazouz N et al. Cancer Immunology Immunotherapy 54 : 1010-17, 2005. Séminaire “Meet the Oncology Expert”, Institut Jules Bordet Auditoire H. Tagnon, entre 8.00 et 9.00 Inscriptions : [email protected] 03/02/2006 : National cancer mortality trends : the hazards of smoking and the benefits of stopping Prof. R. Peto, Oxford University, UK 03/03/2006 : Current options in the treatment of metastatic colorectal cancer Prof. C-H Köhne, Oldenburg, Germany ESEAU CANCE 28 — ERASME — DET R BOR -IRIS J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6 WALLONIE — R