Le nouvel Institut Jules Bordet page 3 Une information adéquate

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N° 4
TR IMESTR I EL – JANVI ER-FÉVR I ER-MARS 2006
BELGIQUE/BELGIË
PP/PB
B-714
Bureau de dépôt Bruxelles X Brussel
L’héparine de bas poids
moléculaire, un agent anticancéreux inattendu?
page 4
Manifesations oculaires
des cancers
page 14
La qualité des soins de
vos patients pourrait avoir
un impact sur leur survie
page 11
OB RDET-IRI
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Une information adéquate
pourrait-elle changer
la vie du patient cancéreux ?
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Le nouvel Institut Jules Bordet
page 3
ASM
S — ER E —
Éditeur responsable: Harry Bleiberg, 1 rue Héger-Bordet, 1000 Bruxelles – N° d’agréation: P501016 – Autorisation de fermeture B-714 – Ne paraît pas en juillet-août
LE JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE
L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
SOMMAIRE
ÉDITORIAL
RÉDACTEURS EN CHEF
Harry BLEIBERG
Ahmad AWADA
Recherche Clinique
Ahmad AWADA
Recherche Translationnelle
Fatima CARDOSO
Recherche Fondamentale
Christos SOTIRIOU
Gilbert VASSART
Hémato-oncologie
Willy FERREMANS
Philippe MARTIAT
Psycho-oncologie
Nicole DELVAUX
Darius RAZAVI
Spécialistes en oncologie
Vincent NINANE
Jean-Luc VAN LAETHEM
Bordet-IRIS
Jean-Pierre KAINS
Martine PICCART
Wallonie
Vincent RICHARD
Erasme
Thierry VELU
2 Comment garantir aux malades l’accès aux meilleurs traitements ?
Harry Bleiberg
3 Le nouvel Institut Jules Bordet…
Dominique de Valeriola, Philippe Close
COMMUNICATION
20 Une information adéquate pourrait-elle changer la vie
du patient cancéreux ? Mais faut-il tout dire ?
Harry Bleiberg
INFORMATION SCIENTIFIQUE
4 L’héparine de bas poids moléculaire,
un agent anticancéreux inattendu ?
Marc Buyse
6 Évolution de la chirurgie d’exérèse du cancer du rectum
Jean-Claude Pector
8 L’oncologie gériatrique : l’oncologie de demain ?
Chantal Bernard
14 Manifestations oculaires des cancers
Patrick De Potter
COMITÉ DE RÉDACTION
Ahmad AWADA
Harry BLEIBERG
Arsène BURNY
Vincent NINANE
Jean-Claude PECTOR
Martine PICCART
Yaël ROUACH
Jean-Luc VAN LAETHEM
18 Ganglion sentinelle et mélanome
François Sales
26 Une nouvelle approche thérapeutique des métastases osseuses
Jean-Jaques Body, Filip Geurs
CONSEILLERS SCIENTIFIQUES
Marc ABRAMOWICZ
Guy ANDRY
Michel AOUN
Jean-Jacques BODY
Dominique BRON
Dominique DE VALERIOLA
Olivier DEWITT
André EFIRA
Patricia EWALENKO
Patrick FLAMEN
Thierry GIL
Michel GOLDMAN
André GRIVEGNEE
Alain HENDLISZ
Jean KLASTERSKY
Denis LARSIMONT
Marc LEMORT
Dominique LOSSIGNOL
Thi Hiyen N’GUYEN
Eric SARIBAN
Jean-Paul SCULIER
Philippe SIMON
Alexandre ZLOTTA
ÉTUDES CLINIQUES
7 PROCARE : un projet national belge sur le cancer du rectum
Jean Van de Stadt
7 Sélection de quelques études cliniques sur les tumeurs solides
POLITIQUE ET SANTÉ
5 La dimension européenne de la recherche en oncologie
Philippe Busquin
11 La qualité des soins de vos patients pourrait avoir
un impact majeur sur leur survie
Isabelle Ray-Coquard
PRÉSENTATION D’UN SERVICE
ASSISTANTE À LA RÉDACTION
Yaël ROUACH – Tél. 02/541 37 65
[email protected]
10 L’unité aiguë de soins supportifs de l’Institut Jules Bordet
Dominique Lossignol
www.jcancerulb.be
Le contenu des articles publiés dans ce journal
n’engage que la responsabilité de leur(s) auteur(s)
RECHERCHE
12 Les MicroARNs (miARNs)
Bassam M. Badran, Arsène Burny
28 Cellules dendritiques I3: un nouveau vaccin cellulaire
anti-tumoral ?
Laurence Gordower, Vincent Richard, Michel Toungouz, Thierry Velu
PARTICIPEZ
À NOTRE CONCOURS
“HÔPITAL INSOLITE”
LA RUBRIQUE DU GÉNÉRALISTE
22 Prise en charge d’un nodule thyroïdien
Laurence Plat
LES BRÈVES
24 Nouveautés dans le traitement du cancer rénal avancé
24 Avancées 2005 en cancérologie digestive
28 Agenda
▼
Dans chaque numéro du Journal
du Réseau Cancer de l’Université
Libre de Bruxelles sera publiée
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ÉDITORIAL
Comment garantir aux malades
l’accès aux meilleurs traitements ?
L
e traitement du cancer a progressé considérablement au cours des 10 dernières années…XXXXXXXX
Aujourd’hui nous avons la chance de voir, grâce au développement de la biologie moléculaire, un
afflux de nouveaux médicaments actifs dans de nombreux cancers. Dans ce numéro du Journal du
réseau cancer de l’Université Libre de Bruxelles, Thierry Gil (page 24) rapporte que de nouveaux agents
toujours à l’étude, mais disponibles dans le cadre d’études et de programmes compassionnels, permettent probablement de doubler la survie des patients atteints d’un cancer du rein; Alain Hendlisz (page
24) rapporte les progrès réalisés en 2005 dans le traitement adjuvant du cancer du côlon et de l’estomac et Jean-Claude Pector (page 6) montre que, grâce à une nouvelle technique chirurgicale, la résection totale du mésorectum, le taux de récidive dans le cancer du rectum est passé de 30-40% à moins
de 5%. Chaque année de nouveaux standards sont proposés.
Comment s’assurer que tous les médecins sont au courant des dernières recommandations et sont en
mesure d’en faire bénéficier leurs patients ? Comment s’assurer que les indications sont bien posées, les
traitements correctement administrés et les techniques bien appliquées ? Ceci est primordial car de nombreuses données suggèrent que la mise en place de traitements validés permet de guérir plus de patients
ou de retarder significativement la progression de la maladie (Isabelle Ray-Coquard page 11).
En Belgique, un arrêté royal en date du mois de mars 2003 impose de nouvelles normes pour la pratique
de l’oncologie. Ces dernières modifient complètement notre façon d’aborder et de traiter les malades et
vont considérablement améliorer la distribution des soins en oncologie.
L’arrêté royal précise d’emblée que le caractère pluridisciplinaire de l’oncologie et l’approche impérativement transversale du cancer constituent les sources des normes proposées. La consultation pluridisciplinaire est garantie par l’organisation d’une concertation pluridisciplinaire, relative au patient individuel, entre
les prestataires de soins concernés. Un plan de traitement oncologique doit être élaboré pour chaque
patient et ce conformément aux directives contenues dans le manuel oncologique pluridisciplinaire.
L’intégration des nouveaux standards comme ceux que nous voyons émerger se fera par une remise à
jour régulière du manuel d’oncologie pluridisciplinaire garantissant à chaque malade qu’il bénéficiera
bien des traitements les plus récents. L’arrêté royal prévoit un suivi de la qualité des soins dispensés dans
chaque institution.
Le mode de décision traditionnel basé uniquement sur l’expérience personnelle d’un médecin n’est plus
de mise. Il doit être basé sur les données actuelles de la science (Evidence Based Medicine, EBM) .
L’EBM est une approche méthodique de la pratique médicale fondée sur l’analyse critique de l’information médicale. La décision médicale dans cette approche se fonde sur une meilleure utilisation des données actuelles de la science, fournies en particulier par les essais cliniques. Chaque médecin devra apprendre à interpréter les études, à affiner son sens critique et confronter son
opinion à celle de ses confrères.
La création du Journal du réseau cancer de l’Université Libre de Bruxelles s’inscrit dans cette
mouvance de l’oncologie de demain. Nous espérons qu’il aidera à la propagation des nouveautés médicales, qu’il favorisera l’élaboration de nouvelles stratégies et permettra plus
d’interaction entre les médecins.
Harry Bleiberg
Rédacteur en chef
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Le Nouvel Institut Jules Bordet:
nouveau site et nouveaux espoirs de développement
pour le Centre Intégré de Lutte contre le Cancer
de l’Université Libre de Bruxelles et du réseau IRIS
ans un précédent numéro du Journal,
Jean-Louis Vanherweghem, Président
du Conseil d’Administration de l’Université
Libre de Bruxelles, vous révélait la création
le 20 décembre 2004 du Cancéropôle Jules
Bordet de l’Université Libre de Bruxelles.
D
Le nouvel accord cadre, conclu le 19 octobre
2005 sous l’impulsion du Cabinet du Ministre de la Santé Publique Rudy Demotte et de
nombreux acteurs convaincus, entre l’ULB,
le CPAS, la Ville de Bruxelles et l’Interhospitalière Régionale des Infrastructures de Soins
(IRIS), va donner un énorme coup d’accélérateur aux perspectives de croissance de l’Institut Jules Bordet. Cette convention est déjà
considérée comme le troisième accord historique de ces deux derniers siècles entre
l’ULB et le CPAS de la Ville de Bruxelles, après
celui de 1834 aboutissant à la création de la
Faculté de Médecine et celui du 11 mai 1920
scellant leur collaboration “dans l’intérêt de
la science et de l’enseignement ainsi que
pour le bien-être des malades hospitalisés”.
Même si cet accord ne concerne pas que l’institut, il va bien au-delà de toutes les espérances de développement pour l’Institut Jules
Bordet en tant que Centre Intégré de Lutte
contre le Cancer de renommée internationale. Il va en effet lui permettre de jouer son
rôle de référence pour la Belgique mais aussi
de devenir de plus en plus compétitif à l’échelon européen et international tout en répondant à l’évolution démographique et aux
besoins de la population de la Région de Bruxelles-Capitale en matière de cancérologie.
Mais quelles sont donc les perspectives
pour l’Institut Jules Bordet
dans le cadre de cet accord ?
Tout d’abord, l’Institut sera reconstruit à
côté de l’Hôpital Erasme et de la Faculté de
Médecine sur le site d’Anderlecht, ce qui lui
permettra de développer sa triple mission de
soins – du dépistage jusqu’aux traitements
palliatifs –, de recherche et d’enseignement
en étroite synergie avec l’hôpital académique
et les laboratoires de l’ULB. Cet environne-
ment académique est en effet indispensable
à la dynamique de recherche et de formation
que l’Institut a toujours soutenue depuis sa
création au plus grand bénéfice de ses patients.
Le nouvel Institut Jules Bordet centralisera,
sur le site d’Anderlecht, l’ensemble des activités oncologiques réalisées actuellement à
l’Institut Jules Bordet et à l’hôpital Erasme.
À cette fin, il augmentera ses capacités
d’accueil des patients en passant de 154 à
200-250 lits et réunira en son sein le personnel de l’Institut Jules Bordet et les différents acteurs de l’Hôpital Erasme compétents dans le domaine de l’oncologie.
Il assurera en outre le pilotage et la coordination du plus vaste programme de soins
oncologiques belge, résultat de la fusion
des actuels programmes de soins oncologiques Erasme-ULB et Bordet-IRIS et réunissant l’ensemble des structures hospitalières des réseaux ULB et IRIS.
Ce regroupement des activités deviendra
rapidement le berceau idéal pour la recherche clinique, entre autres sur les nouvelles
technologies et les nouveaux médicaments
anticancéreux.
En outre, afin de répondre au mieux aux besoins de la population en terme de dépistage,
les anciens bâtiments de l’Institut Jules
Bordet seront transformés en une vaste clinique de Prévention et de Dépistage global
au centre de Bruxelles. Celle-ci offrira, outre
un dépistage des affections cancéreuses particulièrement centré sur les patients à haut
risque, le dépistage de l’ensemble des autres
pathologies et des actions préventives qui, si
elles sont bien menées, permettent une diminution de l’incidence de ces pathologies ainsi
que leur mortalité. Le nouvel Institut Jules
Bordet continuera à assurer l’organisation et
la coordination des activités oncologiques
dans cette nouvelle structure.
Par ailleurs, afin de couper court à toutes
les rumeurs de fusion, le nouvel Institut Jules
Bordet, bien qu’intimement lié à l’hôpital académique, restera autonome et continuera à
faire partie intégrante des hôpitaux IRIS.
Dominique de Valeriola
Il restera cogéré par la Ville et le CPAS de
Bruxelles ainsi que par l’Université Libre de
Bruxelles.
Et quelles sont les échéances ?
Le plus vite sera certainement le mieux vu la
vétusté des bâtiments actuels et l’enthousiasme des nombreux acteurs. Il convient toutefois de bien intégrer toutes les dimensions
d’un projet d’une telle envergure et de déjà
le projeter dans la cancérologie de demain.
Les différentes équipes concernées vont maintenant s’atteler à finaliser le projet médical
dont les grandes lignes sont déjà tracées
dans l’accord cadre afin que la reconstruction
de l’Institut Jules Bordet puisse se concrétiser dans les 5 à 10 ans qui viennent.
Ce projet ambitieux, porté par l’ensemble des
autorités tant politiques qu’académiques,
mettra à disposition de l’ensemble des patients et des acteurs concernés une structure,
un environnement et une cohérence leur
offrant l’accès aux technologies et aux soins
oncologiques à la pointe du progrès ainsi qu’à
une recherche en cancérologie tant fondamentale que translationnelle et clinique coordonnée et compétitive à l’échelon international. Il donnera également aux étudiants
tant belges qu’étrangers l’accès à un enseignement d’une richesse exceptionnelle en
matière d’oncologie et sera la source de
nombreuses collaborations nationales et
internationales.
Plus que jamais avec ce projet, le crédo de
l’Institut Jules Bordet “Ensemble faisons
gagner la vie” sera d’actualité.
Dominique de Valeriola
Fonctionnaire-Dirigeant Médecin
Médecin Chef de l’Institut Jules Bordet
Philippe Close
Chef de Cabinet du Bourgmestre
de la Ville de Bruxelles et Vice-Président
du Conseil d’Administration
de l’Institut Jules Bordet
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INFORMATION SCIENTIFIQUE
L’héparine de bas poids moléculaire,
un agent anticancéreux inattendu ?
Marc Buyse, International Drug Development Institute (IDDI)
[email protected]
Un article récent annonçait que les héparines de bas poids moléculaires (HBMP) pourraient conduire à une réduction relative du risque de mortalité de 36% chez des patients
cancéreux. Cette évidence est-elle suffisante pour que le traitement par HBMP entre
dans la pratique clinique ? Marc Buyse analyse pour nous la littérature.
héparine est un agent anticoagulant
qui a fait l’objet de nombreuses études
cliniques dans la maladie thromboembolique. Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM), en particulier, sont remarquablement efficaces pour le traitement et la
prévention des thromboses veineuses profondes et des embolies pulmonaires. Dès
1992, des observations anecdotiques suggéraient une réduction possible de mortalité chez des patients atteints de tumeurs
dont le risque thromboembolique justifiait
un traitement par HBPM. Ces observations
ont été confirmées ensuite par une métaanalyse (1) regroupant les résultats de neuf
essais randomisés comparant une HBPM
à un groupe contrôle. Cette méta-analyse
indiquait une réduction relative du risque
de mortalité à 3 mois d’environ 40% en
faveur de l’HBPM 1 (2)
L’
“La mortalité globale à deux
ans était de 21% dans le groupe
traité contre 11% dans le
groupe contrôle, une différence
absolue d’environ 10%”
Cependant, aucune des études randomisées
n’avait pour but d’étudier la mortalité par
cancer et il restait à démontrer, par une étude
prospective randomisée, que la réduction
du risque était bien réelle et attribuable à
l’HBPM. L’étude FAMOUS (Fragmin Advanced
Malignancy Outcome Study), publiée en
2004, a randomisé 385 malades porteurs de
tumeurs solides métastatiques entre un
groupe traité par HBPM pendant un an et
un groupe recevant un placebo 2. La survie
globale des deux groupes ne différait pas
significativement (p=0.19), malgré une tendance à l’amélioration de la survie chez les
malades survivant après un an : chez ces
derniers, la probabilité de survie des malades traités par héparine était d’environ
9% supérieure à celle des malades recevant le placebo.
Ce sous-groupe n’avait pas été défini a priori
et, dès lors, cette étude n’apportait pas une
démonstration tout à fait convaincante de
l’efficacité de l’HBPM.
Une autre étude de taille et de design comparable vient de paraître, qui confirme les
résultats de l’étude précédente. Cette étude
a randomisé 302 malades porteurs de
tumeurs solides métastatiques entre un
groupe traité par HBPM pendant un an et
un groupe recevant un placebo 3. La mortalité globale à deux ans était de 21% dans le
groupe traité contre 11% dans le groupe
contrôle, une différence absolue d’environ
10% (un bénéfice proche de celui observé
dans l’essai précédent). Le bénéfice semblait à nouveau plus prononcé dans le
sous-groupe, cette fois défini a priori, des
malades de bon pronostic (survivant au
moins 6 mois après la randomisation), chez
lesquels la réduction relative du risque de
décès était de 36%, un chiffre proche de
celui suggéré par les analyses rétrospectives des données historiques.
ajustement pour les facteurs pronostiques
connus à l’inclusion 3. Cette évidence estelle suffisante pour que le traitement par
HBPM entre dans la pratique clinique ? (3)
Probablement pas car les résultats des différents essais ne sont pas tous concordants
et la plupart des analyses ont été menées
de manière rétrospective, plutôt que pour
tester une hypothèse clairement définie a
priori . Un second essai prospectif bien
conduit sur un nombre suffisant de patients
qui montrerait des réductions du risque
comparables à celles observées jusqu’ici
serait sans doute suffisant pour emporter
l’adhésion des sceptiques 5.
Finalement, au plan clinique, les résultats
obtenus par HBPM sont d’autant plus intéressants que ce traitement est simple, peu
coûteux (par rapport au prix des médicaments anticancéreux) et dénué d’effets
indésirables significatifs, ce qui suggère une
combinaison possible avec les traitements
anti-cancéreux classiques. La confirmation de
l’efficacité des HBPM serait, sans aucun doute,
une étape majeure dans la compréhension
et le traitement des tumeurs solides. ■
Références
Que penser de ces résultats ?
Au plan biologique, tout d’abord, une efficacité aussi remarquable des HBPM est
inattendue. Une réduction relative du risque de mortalité de 30 à 40%, chez des malades porteurs de tumeurs solides avancées,
est un résultat comparable à celui obtenu
par les chimiothérapies cytotoxiques les plus
efficaces. Les mécanismes possibles de l’action des HBPM sur le processus cancéreux
ne sont pas entièrement élucidés mais il est
probable qu’ils affectent entre autres l’angiogenèse dont le rôle central dans la progression tumorale est clairement établi 4.
Au plan statistique, ensuite, les essais cliniques menés jusqu’à ce jour ne sont pas
encore totalement convaincants. Un seul
essai prospectif a montré un bénéfice significatif (p=0.02) sur la survie dans l’ensemble
de la population randomisée, avec ou sans
1. Hettiarachchi RJ, et al.,Thromb Haemost 1999 ;
82 : 947-52.
2. Kakkar AK, et al., J Clin Oncol 2004 ; 23 : 1944-48.
3. Klerk CPW, et al., J Clin Oncol 2005 ; 23 : 2130-35.
4. Lemoine NR, J Clin Oncol 2005 ; 23 : 2119-20.
5. Tannock I, Eur J Cancer 2003 ; 39 (Suppl 1): S93-S101.
Notes
(1) La méta-analyse permet de regrouper les résultats
de plusieurs analyses statistiques afin d’en augmenter la fiabilité (risque de biais moindre) et la puissance (risque de résultat faussement négatif moindre). La méta-analyse porte le plus souvent sur des
études randomisées, comparant un groupe traité à
un groupe contrôle.
(2) La réduction relative du risque exprime le bénéfice
d’un traitement relativement au risque de base. Par
exemple,si la mortalité à 3 mois est de 25%,une réduction relative du risque de 40% correspond à une réduction absolue de mortalité de 10% (= 40% x 25%).
(3) Dans la médecine basée sur l’évidence, on considère
comme “niveau 1”(niveau le plus élevé) un essai clinique randomisé de puissance suffisante et de bonne
qualité ou une méta-analyse d’essais montrant des
résultats concordants et comme “niveau 2” des essais
de puissance insuffisante, possiblement biaisés
ou montrant des résultats non concordants.
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POLITIQUE ET SANTÉ
La dimension européenne
de la recherche en oncologie
Philippe Busquin, Ministre d’État, Député européen
Combattre le cancer: un défi pour l’Europe
Chaque année, 2 millions de cas de cancer sont
diagnostiqués en Europe alors qu’un million
d’Européens en succombent. En outre, on estime qu’un Européen sur trois sera atteint d’un
cancer avant l’âge de 75 ans. Ces taux de morbidité et mortalité élevés nous laissent à penser
que le cancer demeurera l’une des principales
causes de décès durant le 21e siècle. Par ailleurs,
le combat s’avère d’autant plus ardu que les
causes de cancer sont multiples et complexes
tandis que leurs modes d’interaction laissent
souvent perplexes parce qu’inexplicables.
À l’heure actuelle, près de la moitié des patients en oncologie survivent à leur cancer
cinq ans après le premier diagnostic. Toutefois, la marche reste encore longue. L’Union
Européenne n’est pas dénuée de moyens dans
la lutte contre cette pathologie. En effet, à
travers son Programme-Cadre de la Recherche, elle s’est dotée de divers instruments et
outils financiers dont l’utilisation rationnelle
et optimale permettra une meilleure compréhension et un traitement adapté des affections cancéreuses.
La recherche sur le cancer en Europe
Le combat que mène l’Union Européenne
contre le cancer s’inscrit dans le volet “Combattre les grandes maladies” de la thématique “Sciences de la vie, génomique et biotechnologie pour la santé” du 6e ProgrammeCadre de la Recherche pour l’intervalle 20022006. Cet axe prioritaire a pour objectifs premiers l’élaboration de stratégies thérapeutiques tenant compte des besoins du patient
et entraînant le moins d’effets secondaires
possible, ainsi que l’amélioration des techniques de prévention et de dépistage. Dans
cette optique, les étapes de la recherche fondamentale et des essais cliniques doivent faire
l’objet d’une coopération et d’une coordination
scientifique et technologique rapprochée.
L’Union Européenne a mis divers outils à la
disposition des chercheurs actifs dans le domaine de l’oncologie, notamment les projets
intégrés, les projets STREP (Specific Targeted
Research Project) et les réseaux d’excellence.
Alors que les projets intégrés visent à dégager
de nouvelles connaissances dans un domaine
bien déterminé, les réseaux d’excellence ont
pour objectif la création et la dissémination
de l’excellence par l’intégration des activités
des scientifiques actifs dans un secteur spécifique. Les projets STREP voient le jour pour
répondre à des questions plus précises encore.
Aperçu des moyens financiers
de l’Union Européenne
Pas moins de 450 millions d’Euros ont été
alloués à la recherche sur le cancer par le
biais du 6e Programme-Cadre de la Recherche (2002-2006). Entre 2002 et aujourd’hui,
trois appels à propositions ont été lancés.
Les deux premiers concernent 43 projets
impliquant quelque 800 chercheurs originaires à la fois des anciens et des nouveaux
États membres, des pays associés et d’une
série d’autres pays tiers. À la vérité, la quasi
totalité des centres européens de recherche
sur le cancer sont impliqués d’une manière
ou d’une autre dans l’un ou plusieurs de ces
projets financés par l’Union Européenne. Le
troisième appel à propositions s’est clôturé
en novembre 2005. L’ensemble des propositions de projets est soumis à un processus
d’évaluation rigoureux, transparent et équitable par des experts internationaux issus
du monde académique, de l’industrie et des
organismes publics et privés de recherche
opérant en toute indépendance.
À ce titre, l’implication des institutions académiques et des entreprises belges dans ces
projets est à saluer. Signalons ainsi le projet
intégré EUPC (European Cancer Proteases Consortium) ou Cancer Degradome qui regroupe
33 participants (28 institutions universitaires
et 5 PMEs), notamment l’Université de Liège,
la Gent Universiteit, la KUL et l’entreprise liégeoise OncoMethylome Sciences. Il propose
une approche multidisciplinaire innovante
pour traiter et diagnostiquer les pathologies
cancéreuses sur base du dégradome, i.e. le
répertoire des protéases extracellulaires à
travers lequel les cellules régulent leur environnement local.
MetaBre (Molecular mechanisms involved
in organ-specific METAstatic growth processes in BREast cancer) rassemble douze partenaires originaires de huit pays. Ce projet
STREP a pour ambition d’identifier les méca-
nismes à l’origine des métastases dans les
cas de cancer du sein. L’Université de Liège
et la Gent Universiteit participent activement
à ce projet pour lequel près de 5 millions d’Euros ont été dégagés.
L’Institut Jules Bordet se distingue par son implication dans le réseau d’excellence TRANSBIG
dont le Docteur Martine Piccart-Gebhart, en
charge du service de Médecine, a été l’instigatrice. Comprenant 39 institutions de renommée mondiale réparties dans 21 pays et bénéficiant d’une enveloppe de 7 millions
d’Euros, TRANSBIG doit permettre une meilleure individualisation du traitement des
patientes atteintes du cancer du sein.
Surmonter le “paradoxe européen”
pour mieux combattre le cancer
La perte de vitesse de l’Union Européenne
face à ses rivaux des États-Unis et du Japon
(et vraisemblablement bientôt de la Chine)
dans le domaine de la recherche s’explique
par le célèbre paradoxe européen. Autrement
dit, les Européens, souvent à l’avant-garde de
la recherche fondamentale, sont dans l’impossibilité de transformer les fruits de leur
recherche en amont en applications et produits commercialisables en aval. Or, le traitement des pathologies cancéreuses n’est
possible que si les chercheurs poursuivent
sur leur lancée en passant à l’étape de la recherche appliquée et industrielle. Aussi, une
meilleure synergie des mondes universitaire,
institutionnel et industriel s’avère-t-elle cruciale dans le combat contre le cancer.
Ainsi, l’assaut lancé contre ce fléau majeur de
la santé publique en Europe par le truchement du 6e Programme-Cadre de la Recherche
devrait idéalement obéir à la dynamique du
modèle Pasteur ou recherche translationnelle, lequel devrait consacrer l’avènement de
l’économie de la connaissance et transformer
en applications innovantes (pour le bien-être
des patients) les connaissances accumulées
dans le cadre de la recherche fondamentale.
Il s’agit là d’un défi majeur que les divers
protagonistes de la recherche, au sens large
et du combat contre le cancer, en particulier,
devraient pouvoir relever. Il en va du bien-être
des Européens et du mieux-être des citoyens
malades du cancer.
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INFORMATION SCIENTIFIQUE
Évolution de la chirurgie d’exérèse
du cancer du rectum
Jean-Claude Pector, Service de chirurgie, Institut Jules Bordet
[email protected]
La chirurgie du rectum a fait des progrès considérables au cours des 20 dernières années.
On est passé d’un taux de récidive locale de 30% à moins de 5%. Jean Claude Pector est
un pionnier de ces nouvelles approches. Il décrit l’historique de ces progrès et une
technique de résection totale du mésorectum qui devrait, aujourd’hui, être applicable
à chaque patient.
epuis la description, par Miles en 1908,
de l’amputation abdomino-périnéale,
la chirurgie d’exérèse du cancer du rectum
a bénéficié de profondes modifications ayant
permis une limitation des séquelles, une augmentation croissante des chances d’éviter
une stomie définitive et, finalement, un meilleur contrôle de la maladie.
D
Limitations des séquelles :
L’amputation du rectum laisse une cavité qui,
à l’origine, était laissée ouverte et mettait
deux à trois mois pour cicatriser par seconde
intention. Par la suite, un drainage adéquat
sous couvert d’une antibiothérapie a permis la fermeture primaire de la plaie périnéale sans risque de voir se développer une
collection ou un abcès au sein du site opératoire. Chez la femme, c’est via le vagin
que s’effectue le drainage, sans devoir recourir à un système aspiratif.
La colostomie, conséquence inévitable de
l’amputation abdomino-périnéale du rectum, a perdu en grande partie son caractère
invalidant : une technique chirurgicale
appropriée réduit considérablement la
fréquence des complications inhérentes à
la stomie (prolapsus, éventration péristomiale) alors que l’évolution de l’appareillage procure actuellement au stomisé une
entière liberté de mouvement et la possibilité de se livrer sans contrainte à des activités sportives.
Ces dernières années ont vu l’essor de la chirurgie laparoscopique : plusieurs études ont
montré que cette technique était applicable
à l’exérèse du cancer du rectum sans altérer
les chances de guérison. Les avantages de la
laparoscopie portent avant tout sur la qualité des suites opératoires : diminution de la
douleur postopératoire, reprise plus précoce
des fonctions digestives et, finalement,
réduction de la durée du séjour à l’hôpital.
Moins de stomies définitives :
Pratiquée au départ pour des tumeurs du
haut rectum et même du sigmoïde, l’am-
putation abdomino-périnéale a vu, à partir des années quarante, ses indications se
réduire à l’exérèse de tumeurs de plus en
plus proches de la marge anale depuis l’introduction de la “résection antérieure du
rectum” qui consiste en un rétablissement
de la continuité digestive après exérèse du
segment digestif porteur de la tumeur.
L’utilisation d’agrafeuses mécaniques puis
le développement de la technique d’anastomose colo-anale ont fait qu’actuellement
l’exérèse des tumeurs du bas rectum se solde
par une colostomie définitive dans moins
d’un cas sur trois.
Meilleur contrôle de la maladie :
L’exérèse conventionnelle d’une tumeur
rectale est grevée d’un taux de récidive locale
pouvant atteindre 40% dans certaines séries. 1 En 1988,le Groupe d’étude des tumeurs
gastro-intestinales de l’E. O. R. T. C. montrait
qu’une radiothérapie préopératoire pouvait
réduire de moitié la fréquence des récidives
locales 2. Par la suite, plusieurs études confirmèrent ces résultats avec même un effet
bénéfique sur la survie 3.
Dès 1982, toutefois, des critiques furent émises, suggérant que le taux élevé de “récidives
locales” résultait en réalité d’une exérèse
incomplète de la tumeur. C’est ainsi que
Heald 4 attire l’attention sur le concept de
“mésorectum”, constitué de la graisse et des
tissus cellulo-lymphatiques qui entourent
le rectum et enveloppé, en arrière et sur les
côtés, par le “fascia recti”, feuillet viscéral du
fascia pelvien. Ce mésorectum peut contenir
des îlots tumoraux à distance de la tumeur ;
il importe donc, lors de la dissection, de respecter le fascia recti dont l’intégrité est le
garant d’une exérèse complète du mésorectum (TME) emportant les cellules tumorales à l’origine de la récidive. Dans les mains
de Heald,cette technique a permis de réduire
à 4% le taux de récidive locale après chirurgie curative.1
Un autre intérêt de la dissection soigneuse
du mésorectum réside dans la parfaite visua-
lisation et donc la possibilité de préservation des plexus nerveux autonomes à destinée génito-urinaire,avec pour conséquence
une réduction du risque d’impuissance et
de troubles de la fonction urinaire.
Initialement, Heald préconisait l’exérèse
totale du mésorectum quelle que soit la
hauteur de la tumeur rectale par rapport
à la marge anale; afin d’éviter de conserver
un moignon rectal dévascularisé, il était
donc nécessaire, soit d’enlever la totalité du
rectum (avec une anastomose colo-anale),
soit de laisser un moignon rectal court (avec
une anastomose colo-rectale basse) avec
pour conséquence un risque accru de fistule anastomotique et la nécessité de protéger l’anastomose par une colostomie de
décharge. Actuellement, il est admis qu’une
dissection du mésorectum sur 5 cm sous
le pôle inférieur de la tumeur soit suffisante en terme de sécurité carcinologique
ce qui limite les indications de la TME aux
tumeurs du moyen et du bas rectum.
Malgré une chirurgie optimale, il semble
que la radiothérapie préopératoire conserve
ses indications : une étude hollandaise 5
incluant les cancers du rectum jusqu’à 15 cm
de la marge anale présente un taux de récidive locale de 8.2% à deux ans pour le
groupe de patients traités par chirurgie
seule alors que ce taux se réduit à seulement
2.4% quand l’exérèse chirurgicale est précédée de radiothérapie.
Alors que la fréquence du cancer colo-rectal
dans les pays industrialisés constitue un
véritable enjeu de santé publique, la chirurgie d’exérèse de ces tumeurs a connu en
quelques décennies de profonds bouleversements apportant aux patients des progrès sensibles en termes de probabilité de
guérison et de qualité de vie.
Références
1. MacFarlane JK et al.; Lancet 1993 ; 341 : 457-60.
2. Gérard A et al. ; Ann Surg 1988 ; 208 : 606-14.
3. Swedish Rectal Cancer Trial ; N Engl J Med 1997;
336: 980-87.
4. Heald RJ, et al. ; Br J Surg 1982 ; 69: 613-16.
5. Kapiteijn E, et al. ; N Engl J Med 2001 ; 345 : 638-46.
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WALLONIE — R
ÉTUDES CLINIQUES
PROCARE: un projet national belge sur le cancer du rectum
Jean Van de Stadt, Clinique de chirurgie colo-rectale, Hôpital Erasme
Au nom du groupe de travail PROCARE.
ans le cancer du rectum, une variabilité diagnostique
et thérapeutique avec des implications pronostiques a
été documentée ces dernières années : différences dans la
mise au point préopératoire, dans les traitements néoadjuvant et adjuvant, dans la qualité de la chirurgie. Le chirurgien lui-même est un facteur pronostique indépendant,
avec une corrélation entre le taux de récidive locale et la survie. La réalisation d’une résection totale du mésorectum
(TME) optimale, avec contrôle de la marge circonférentielle
par le pathologiste, a été démontrée comme étant d’une
importance primordiale. Des améliorations significatives
du résultat du traitement du cancer du rectum ont été
obtenues par plusieurs projets nationaux dans lesquels la
formation à la TME était l’élément central (pays scandinaves,
Pays-Bas, …).
D
PROCARE est un projet multidisciplinaire dont le but est de
réduire la variabilité et d’améliorer les résultats du traitement
du cancer du rectum en Belgique, par une standardisation
via des recommandations (guidelines), par l’implémentation
de ces recommandations et par un contrôle de qualité via
la création d’un registre national prospectif. Les résultats
seront comparés rétrospectivement à ceux de 1997-1998.
La participation à PROCARE se fait sur base volontaire.
Une formation chirurgicale et pathologique décentralisée
est prévue.
Les buts de PROCARE sont : taux de résection R0 >60%, taux
d’amputation abdomino-périnéale <30%, mortalité postopératoire < 4%, récidive locale à 2 ans <10% après résection
R0, survie globale à 2 ans >80% après résection R0, amélioration de la survie en cas de maladie métastatique.
Les recommandations PROCARE sont disponibles on line :
www.belsurg.org/imgupload/BSCRS_/PROCARE%20GUIDE
LINES%20printversie82005.pdf
Sélection de quelques études cliniques sur les tumeurs solides,
en cours à l’institut Jules Bordet
TYPE DE TUMEUR
MÉDICAMENT(S) À L’ÉTUDE
SITUATION CLINIQUE
Toute tumeur solide
AraC-liposomal
Phase I
BMS-275183 (Taxane orale)
Phase I
BIBW 2992 (inhibiteur HER1 et HER2)
et Taxotère
Phase I
S 23906 (Alkylant)
Phase I
Tête et cou
BAY 43-9006 (anti raf-kinase)
Échec chirurgie, radiothérapie
et dérivés platines
Ovaire
Tarceva versus pas de traitement
Traitement de maintenance après
chimiothérapie adjuvante
Omnitarg + chimiothérapie
à base carboplatine versus
chimiothérapie sans Omnitarg
2e ligne : maladie sensible
aux dérivés platines
Alimta
2e ou 3e ligne : maladie résistante au platine
Pour toute information complémentaire, contactez le Dr T. Besse au 02/541 31 48
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INFORMATION SCIENTIFIQUE
L’oncologie gériatrique : l’oncologie de demain ?
Chantal Bernard, Clinique d’oncologie médicale, Institut Jules Bordet
[email protected]
Il fut un temps où après 65 ans on hésitait à administrer une chimiothérapie. L’espérance de vie avoisine aujourd’hui 80 ans. Chantal Bernard nous démontre qu’on a l’âge
des ses artères et qu’il est possible d’identifier ceux qui parmi nos patients les plus âgés
pourront recevoir une chimiothérapie et peut-être bénéficier de nombreuses années
de vie confortable.
oncologie gériatrique est une discipline
nouvelle et en plein essor. Son développement actuel repose sur un constat épidémiologique simple: plus de 50% des cancers surviennent chez des patients âgés de
plus de 65 ans, limite pour considérer de
façon arbitraire qu’une personne est âgée.
Par ailleurs, l’espérance de vie augmente, et
l’incidence des principaux cancers suit la
même progression (Fig. 1). Outre l’augmentation des sujets âgés dans nos populations
(1.5% en 1960, 16% en 2000 et probablement
35% en 2050), on assiste à une amélioration de leur état de santé : nombreux sont
ceux pouvant espérer une survie de plusieurs années, voire d’une ou de plusieurs
dizaines d’années dans de bonnes conditions ; une espérance de survie significative après traitement d’un cancer devient
alors possible et le traitement du cancer
doit être envisagé. La prise en charge oncologique des patients âgés cancéreux va rapidement devenir un problème de santé
publique.
L’
“Outre l’augmentation des
sujets âgés dans nos populations (1.5% en 1960, 16%
en 2000 et probablement
35% en 2050), on assiste à
une amélioration de leur état
de santé”
jeunes et recevoir une chimiothérapie si
leur état le justifie. Il est donc capital de
modifier les attitudes de l’entourage, y compris médical, trop souvent défaitiste afin
de ne pas refuser aux patients âgés qui ont
encore une bonne espérance de vie des thérapeutiques ayant prouvé leur action chez
les plus jeunes.
Il est par contre indispensable de considérer les caractéristiques physiologiques
différentes de cette population qui relève
d’une prise en charge adaptée (Fig. 2). La
priorité, en matière de cancer du sujet âgé,
est de sélectionner les patients susceptibles de bénéficier de traitements évalués,
adaptés, bien tolérés et efficaces.
Figure 1 : Incidence du cancer du sein en fonction de l’âge.
Actuellement, ces patients sont souvent traités de manière arbitraire et sous-optimale
en fonction de l’expérience du médecin.
La plupart des protocoles de chimiothérapie
ou de radiothérapie excluent encore les
personnes de plus de 70 ans, considérées
comme fragiles. Pourtant, le traitement
inadéquat est un des plus importants facteurs de mauvais pronostic chez ces patients.
Par ailleurs, une étude franco-américaine
a récemment confirmé que les personnes
âgées désirent être traitées comme les plus
Figure 2 : Modifications physiologiques en fonction de l’âge.
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“Il est temps de reconnaître
que la diversité des personnes
âgées est une réalité et de faire
en sorte que celles dont la fonctionnalité et les projets de vie
le permettent puissent recevoir
les meilleurs traitements dans
des conditions optimales”
Il s’agit d’une véritable évaluation bénéfice/
risque dans laquelle l’adaptation du traitement intègre son impact sur la qualité de vie
autant que sa durée, sans omettre une évaluation psychosociologique et médico-économique. L’évaluation gériatrique multidimensionnelle (EGM) est une procédure
développée par les gériatres pour optimiser
la prise en charge des personnes âgées,
prenant en compte les aspects fonctionnels
et sociaux qui leur sont propres (table 1).
Elle permet, par l’analyse et la synthèse de
toutes les données recueillies, une prise en
charge globale et multidisciplinaire des personnes âgées pour identifier les différents
problèmes de santé, dépister les fragilités
susceptibles de décompenser et proposer un
programme d’interventions médico-sociales.
Plusieurs équipes ont déjà démontré l’impact positif de ces interventions sur l’espérance de vie des patients âgés. Cette évaluation permet de classer les patients dans
l’une des trois catégories suivantes : le vieillissement réussi, le vieillissement usuel
correspondant aux personnes âgées fragiles et le vieillissement pathologique correspondant aux patients “trop malades” dits
“vulnérables”. Ces derniers sont orientés vers
une prise en charge uniquement palliative
et les autres vers des traitements spécifiques cancérologiques, soit en routine, soit
dans le cadre d’une étude clinique.
La méthodologie des études cliniques dans
cette population de patients doit être adaptée à certains impératifs : la seule prise en
compte du versant efficacité de la thérapeutique du cancer (survie sans récidive ou
plus encore survie globale) n’aurait de sens
dans cette tranche d’âge sans intégration
des paramètres de tolérance, de risques et
de coût. Les protocoles seront donc plus
volontiers des études d’appréciation du rapport bénéfice/risque. Une étude des paramètres pharmacocinétiques et pharmacodynamiques s’impose notamment chez
des sujets présentant des spécificités métaboliques liées à l’âge. La recherche translationnelle pourra s’intégrer très facilement
Table 1 : Évaluation gériatrique multidimensionnelle
Parameter assessed
Elements of the assessement
Function
• Performance status
• Activities of Daily Living (ADL)
• Instrumental Activities of Daily Living (IADL)
Comorbidity
• Number of comorbid conditions
• Severity of comorbid conditions
Socioeconomic conditions
• Living conditions
• Presence and adequacy of a caregiver
Cognition
• Folstein Mini Mental State
• Other tests
Emotional conditions
• Geriatric Depression Scale (GDS)
Pharmacy
• Number of medications
• Appropriateness of medications
• Risk of drug interactions
Nutrition
• Mini Nutritional Assessment (MNA)
Geriartric syndromes
• Dementia
• Delirium
• Depression
• Falls
• Neglect and abuse
• Spontaneous bone fractures
dans ces protocoles de recherche clinique
pour améliorer la connaissance de la biologie des tumeurs et d’individualiser les traitements. À l’heure actuelle à l’Institut Bordet,
il est proposé aux patientes de plus de 70
ans opérées pour un cancer du sein à haut
risque de rechute de recevoir une chimiothérapie par capécitabine (une formulation
orale de 5-Fluorouracile) afin d’évaluer la
faisabilité de ce traitement, avec réalisation
d’une EGM avant, pendant, à la fin et 6 mois
après la chimiothérapie 1. Une étude de
phase III (Chemotherapy Adjuvant Study
for women at advanced Age) sera bientôt
ouverte pour les femmes de plus de 65 ans
avec un cancer du sein non hormonosensible opéré, non candidates à une chimiothérapie standard : la doxorubicine liposomée
sera comparée soit à un bras observation,
soit à un bras de chimiothérapie dite métronomique (1) associant cyclophosphamide
et methotrexate 2. De plus, une étude de
pharmacocinétique de docétaxel hebdomadaire pour les patientes de plus de 65 ans
avec un cancer du sein métastatique est
également en préparation.
Il est temps de reconnaître que la diversité
des personnes âgées est une réalité et de
faire en sorte que celles dont la fonctionnalité et les projets de vie le permettent
puissent recevoir les meilleurs traitements
dans des conditions optimales. La prise en
charge multidisciplinaire du sujet âgé dans
sa globalité et le développement d’essais
thérapeutiques, cliniques et/ou translationnels spécialement dédiés aux patients âgés
permettra d’augmenter les connaissances
pour améliorer leurs soins, leur qualité de
vie et leur autonomie.
■
Sites conseillés :
1. http://clinicaltrials.gov/
2. http://www.ibcsg.org/index.shtm
Notes
(1) Recherche d’un effet anti-angiogénique
pour l’administration de petites doses,
plus fréquentes, de chimiothérapie.
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PRÉSENTATION D’UN SERVICE
L’unité aiguë de soins supportifs (UASS)
de l’Institut Jules Bordet
Dominique Lossignol, UASS, Institut Jules Bordet
[email protected]
a nécessité de garantir des soins de confort
aux patients atteints d’une affection néoplasique apparaît aujourd’hui évidente. Historiquement, on peut considérer que le contrôle des nausées et des vomissements induits
par les traitements anticancéreux est à la
base de cette notion. Ainsi, en plus de traiter
le cancer, on s’attaquait à un symptôme de
façon structurée et prospective.
L
L’UASS existe maintenant depuis 6 ans. Elle
est géographiquement proche des autres
services de soins. Elle dispose de huit lits
d’hospitalisation et d’un espace modulable
qui peut servir à la fois de cuisine, de lieu
de rencontre des familles avec leur parent
malade et avec les membres du personnel
soignant, de lieu de détente, de lieu de
liberté de parole. Cette conception géographique facilite les échanges, supprime
les barrières et permet de mieux percevoir les besoins de tous.
Le personnel est constitué d’un médecin, de
8 infirmières formées en oncologie et/ou en
soins palliatifs et attachées à temps partiel,
d’une ergothérapeute, d’une kinésithérapeute, d’une logopède, d’une infirmière
sociale, d’une diététicienne et d’une psychologue. Toute cette équipe se réunit chaque
jour pour discuter de l’ensemble des
malades hospitalisés dans l’unité et dans
les autres services hospitaliers ; une fois
par semaine, les projets thérapeutiques
sont réévalués. En plus de l’évolution clinique journalière des malades, les questions
les plus souvent soulevées concernent les
retours à domicile et leur organisation, le
statut clinique des patients (c’est-à-dire la
décision de réanimation ou non en cas d’arrêt cardio-respiratoire), la décision de ne
pas initier un traitement, la désescalade
thérapeutique et les demandes d’euthana-
sie.
Les problèmes cliniques les plus fréquemment rencontrés sont la douleur, la dyspnée,
les troubles psychiatriques, les désordres
neurologiques, les troubles nutritionnels et
les plaies néoplasiques. De plus, une grande
attention est portée sur les facteurs psychosociaux.
Parmi l’ensemble des problèmes traités,nous
aimerions souligner deux aspects particuliers de notre activité : le traitement de la
douleur et l’euthanasie.
Le traitement de la douleur a considérablement évolué au cours des dix dernières
années. Dans notre unité, nous considérons
que toute douleur doit être contrôlée. Il n’y
a pas de recette toute faite et chaque cas
doit être abordé spécifiquement. Pour les
douleurs complexes, une stratégie multidisciplinaire doit souvent être envisagée,
comportant à la fois des interventions médicamenteuses, des traitements par radiothérapie (si indiqués) et des techniques de
relaxation et de massages. Tout traitement
doit être réévalué régulièrement.
Depuis trois ans que la pratique de l’euthanasie est légalisée en Belgique, on a assisté
à une augmentation des demandes (voir
tableau). Malgré la dépénalisation, l’approche d’une demande d’euthanasie reste difficile, tant pour la personne malade que pour
le personnel médical. Chaque demande fait
l’objet d’entretiens répétés. Même si certains
patients revoient leur position après discussion de leur situation et de leur pronostic,
d’autres persistent dans leur choix. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour accéder
dans les meilleures conditions possibles
(choix de date, du lieu, de la présence de
proches) à leur demande. Il arrive que des
malades soient repris en charge par leur mé-
decin traitant et décèdent chez eux.
Afin de progresser dans l’approche globale
des malades, les programmes de recherche
constituent une partie essentielle d’une unité
de soins supportifs.Plusieurs protocoles d’études sont en cours dans les domaines de la
douleur (dérivés du cannabis, neuropathie
post-chimiothérapie, accès douloureux paroxystiques), de la neuro-oncologie (carcinose méningé, métastases cérébrales) et
des troubles mentaux organiques.
“Le traitement de la douleur
a évolué. Nous considérons que
toute douleur doit être contrôlée.
Il n’y a pas de recette toute faite”
Le personnel de l’unité fait preuve d’un dévouement et d’une générosité hors du commun.Leur compétence,leur disponibilité,leur
écoute, leur gentillesse constituent le fondement de notre fonctionnement. Ils sont
soutenus d’une manière efficace par une
équipe de psychologue, sous la supervision
du docteur Razavi. La gestion des situations
de crise fait l’objet de réunions spécifiques
dont l’objectif est d’identifier les origines
de la crise et d’en trouver les solutions.
L’UASS est un outil remarquable et essentiel
au fonctionnement d’un institut du cancer.
Nous recevons plus de 300 patients par an.
La charge de travail est considérable et, pour
assurer les développements à venir, nous
aurions besoin d’un médecin supplémentaire
et d’un encadrement infirmier plus étoffé.
Pour le nouvel Institut Jules Bordet prévu
sur le Campus d’Erasme, il sera impératif
que cette unité soit bien développée pour
répondre aux besoins des malades et des
oncologues.
■
Euthanasie dans l’unité de soins palliatifs de l’Institut Jules Bordet
(revue Méd. Brux. 2005, 26, 3)
1998
Euthanasie interdite
Nombre de demandes
(% du nombre d’admissions)
22
(8%)
Nombre d’euthanasies
(% du nombre de demandes)
5
(23%)
22/09/02 - 31/12/04
Euthanasie autorisée
Nombre de demandes
(% du nombre d’admissions)
37
(7%)
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Nombre d’euthanasies
(% du nombre de demandes)
16
(46%)
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POLITIQUE ET SANTÉ
La qualité des soins de vos patients
pourrait avoir un impact majeur sur leur
survie: il vaut mieux faire le bon choix!
Isabelle Ray-Coquard, Oncologie médicale, Centre Léon Bérard, France
[email protected]
On a cru longtemps qu’il suffisait d’être médecin et d’appliquer le traitement pour que
tout soit parfait. Il n’en est rien ! Isabelle Ray-Coquard nous montre que plus les médecins sont expérimentés et leurs traitements validés, meilleure peut être la survie de
leurs patients cancéreux. Mais comment la pratique médicale s’est-elle modifiée ?
epuis le XXe siècle, les médecins et les
pourvoyeurs de soins en général tentent de prouver ou de montrer le lien entre
qualité des pratiques médicales et survie des
patients. Ce lien a été suggéré à plusieurs
reprises par des études rétrospectives en
cancérologie et indique qu’une spécialisation améliore la survie des patients. Néanmoins, la démonstration définitive de ce lien
n’est pas simple à établir.
D
Pour comparer prospectivement deux types
de pratique il faut d’abord définir un traitement, une attitude de référence validée. Or
l’émergence de ces références passe par une
période d’élaboration, d’apprentissage et de
mise en place qui peut être longue et ce n’est
qu’une fois ces étapes réalisées que des recommandations pourront être générées et
la comparaison des pratiques rendue possible.
“Quelques études récentes ont
pu mettre en évidence l’impact
favorable de la concertation
multidisciplinaire sur le devenir
des patients et sur leur survie”
Une fois ces recommandations établies d’autres problèmes se posent encore. La diffusion
de recommandations auprès des praticiens
est lente et se heurte à des facteurs individuels, organisationnels et culturels 1. La façon
dont les recommandations sont diffusées
est importante. Une étude sur l’usage de la
césarienne a montré une efficacité supérieure
de la stratégie basée sur l’information apportée par un leader d’opinion par rapport à la
transmission de normes évaluées par audit 1.
L’influence d’écoles de pensées ou de leaders
d’opinions est donc forte. Les études mettent
en évidence l’existence de rationalités plus
puissantes que la science ainsi que le rôle
primordial joué par la transmission orale
individuelle Plusieurs publications anglo-
saxonnes montrent l’existence d’un grand
clivage entre communauté scientifique et
cliniciens 2. Ce constat conduit à s’interroger sur la manière dont s’informent les cliniciens, sur ce qui détermine leurs comportements professionnels et comment ils les modifient. Les cliniciens aiment un enseignement
oral diffusé par une personne experte (un
leader) et sont assez éloignés de l’analyse
critique permanente qui sous-tend la culture
scientifique. On est ainsi loin d’un modèle de
transmission des connaissances selon lequel
la rationalité scientifique pourrait être à elle
seule déterminante dans un changement
de pratique.
Par ailleurs le principe de la décision médicale
partagée en concertation multidisciplinaire
s’est imposé comme modèle pour dégager
une attitude de consensus dans la prise en
charge et le traitement d’un malade porteur
d’un cancer. Quelques études récentes ont
pu mettre en évidence l’impact favorable de
la concertation multidisciplinaire sur le devenir des patients et sur leur survie sans démontrer clairement qu’elle modifie les pratiques médicales elles même 3.
Il paraît encore nécessaire de prouver le lien
entre l’évaluation des pratiques médicales
et l’amélioration de la qualité des soins. La
cancérologie paraît être un terrain d’observation favorable pour tenter d’en faire la
preuve. Lors de nos travaux concernant les
sarcomes, il est apparu que les recommandations nationales concernant le diagnostic et geste chirurgical initial n’ont pas permis d’obtenir un niveau “acceptable”de prise
en charge en adéquation avec les données
actuelles de la science alors que la mise en
place de concertations multidisciplinaires
semblait augmenter le taux de conformité
des pratiques aux recommandations nationales et suggérait une amélioration de la survie sans rechute des patients. Cette dernière
hypothèse devra encore être évaluée et confirmée dans une étude prospective 4.
Le lien entre qualité des soins et survie est
donc un lien établi aussi de façon indirecte.
Il a été exploré et confirmé par plusieurs
études notamment en chirurgie et plus particulièrement pour la chirurgie du cancer de
l’ovaire 5. Mais on peut retrouver des études
dans la prise en charge des sarcomes, de
cancers du sein, de tumeurs ORL allant dans
le sens du lien entre pratiques chirurgicales
conformes et amélioration de la survie. En
règle générale, il en est de même pour les
études concernant les traitements locaux
comme la radiothérapie externe ou la curiethérapie. Si celles-ci sont réalisées selon les
recommandations les données d’efficacité
semblent meilleures.
Ce lien est moins formel concernant la pratique de la chimiothérapie. Les études de
phase II randomisées comparant chimiothérapie et meilleurs soins supportifs confirment pour la plupart le bénéfice, en terme
de survie et parfois de qualité de vie, le rôle
favorable de la chimiothérapie. Par ailleurs
les patientes atteintes d’un cancer du sein et
traitées selon des traitements non conformes
aux recommandations internationales ont
des rechutes plus précoces et une moins
bonne survie que celles traitées selon ces
recommandations 6. La comparaison de la
survie des patients traités dans le cadre d’essais thérapeutiques (ou les normes et les
règles de pratiques sont très strictes) et ceux
traités hors études cliniques indique aussi
un bénéfice en faveur des essais cliniques 7.
L’ensemble de la littérature scientifique suggère une relation directe entre bonne pratique et survie. Il est temps de chercher à
modifier les pratiques médicales et de sensibiliser les médecins et les patients à cette
information pour généraliser des pratiques
conformes aux données actuelles de la science
et aux recommandations cliniques.
■
Références
1. Lomas J.; Int. J Technol. Assess. Health Care 1993 ; 9:11-25.
2. Wyngaarden JB.; N. Engl. J Med. 1979; 301:1254-59.
3. Tan AL, et al.; J Reprod Med. 2000; 45:655-58.
4. Ray-Coquard I, et al.; Ann Oncol 2004; 15:307-15.
5. Junor EJ, et al.; Br. J Obstet. Gynaecol. 1999;106:1130-36.
6. Hebert-Croteau N, et al.; J Clin Oncol 2004;
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7. Collet JP, et al.; Eur. J. Clin. Pharmacol. 1991; 41:267-71.
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RECHERCHE
Les microARNs (miARNs):
une nouvelle approche pour caractériser
les cancers et peut-être les traiter
Bassam M. Badran, Arsène Burny, Laboratoire d’hématologie expérimentale,
Institut Jules Bordet
[email protected]
La découverte des microARNs est une percée importante dans la compréhension de la
carcinogenèse. Ces molécules qui ne codent pas elles-mêmes pour des protéines jouent
un rôle majeur dans la répression ou la surexpression de plusieurs gènes clés pour le
fonctionnement de la cellule tumorale. Bassam Badran et Arsène Burny nous éclairent
sur ce sujet.
Définition
Les microARNs sont de petites molécules
d’acide ribonucléique(ARN), transcrites sur
l'ADN et ne portant pas de message pour
la synthèse des protéines. Ces petits ARNs,
longs de 21-22 nucléotides, sont produits
suivant le processus décrit à la figure 1 et
agissent en régulant l’expression de gènes,
comme illustré à la figure 2. Ces petites
molécules sont nombreuses dans les cellules (environ 1000 différentes seraient
connues aujourd’hui). Elles permettent de
distinguer de nombreux cancers l’un de
l’autre (voir ci-après), y compris des cancers
d’une même lignée cellulaire comme des
leucémies lymphoblastiques aiguës de l’enfant. Les cellules cancéreuses se distinguent
d’ailleurs des cellules normales par les
miARNs qu’elles fabriquent. On peut donc
entrevoir un usage clinique de ces molécules à brève échéance.
des miARNs sont découvertes chez le pétunia. En surexprimant un gène dont le produit est impliqué dans la production des
pigments de la fleur du pétunia, on s’aperçoit que le résultat obtenu est à l’opposé de
celui escompté. Les fleurs de ces pétunias
sont blanches. En d’autres termes, le gène en
question est transcrit mais la protéine n’est
pas synthétisée.
Bassam M. Badran
On en a conclu que la suppression de la protéine était due à l’ARN. En mai 2001, les ARNs
interférents (ARNi) étaient découverts et,
en septembre 2002, il apparaissait que les
petits ARNs guident la production d’hétérochromatine aux centromères des chromosomes. En novembre 2003, des résultats expérimentaux suggéraient que les miARNs
participaient probablement à la production
des cellules souches. Aujourd’hui, des banques de miARNs, spécifiques de l’ensemble
des gènes humains, sont disponibles.
Il est établi aussi que certains miARNs sont
des oncogènes et que d’autres sont des suppresseurs de tumeurs.
Un peu d’histoire
La possibilité d’existence d’ARNs régulateurs
est évoquée pour la première fois par Roy
Britten et Eric Davidson en 1969. Ceci reste
une hypothèse jusqu’en 1990, date à laquelle
Le miARN primaire (pri-miARN) est synthétisé sur
un modèle ADN. Le produit obtenu est une structure
repliée en tige boucle comportant, par exemple, deux
régions non complémentaires représentées par des
boursouflures. Ces structures sont toilettées et résultent en un pré-miARN de 40 à 100 nucléotides comportant un dinucléotide non hybridé (bout du trait
noir dans la structure tige boucle). La région représentée
en trait rouge est le futur microARN.
Les précurseurs de miARNs sont exportés du noyau
vers le cytoplasme où ils subissent diverses transformations qui donnent entre autres une molécule
appelée miARN duplex (une fibre rouge et une fibre
noire). Les duplex sont finalement séparés et une
fibre (celle qui est complémentaire à l’ARN messager
à réguler) est sélectionnée, chargée sur le complexe
macromoléculaire miARN-RISC (pour RNA-induced
Silencing Complex) et le guidera vers l’ARN messager
à bloquer.
▲
Genèse des microARNs
Figure 1
Nature Reviews Molecular Cell Biology, vol. 6, May 2005
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▲
Deux possibilités semblent exister pour expliquer
l’interaction du miARN avec l’ARN messager :
soit le complexe miARN-RISC (pour RNA-induced
Silencing Complex) bloque la traduction du message
sans le dégrader très vite, soit le complexe
miARN-RISC implique une dégradation rapide
du miARN par une exonucléase.
miARNs et cancer
Les miARNs jouent probablement un rôle
important dans la genèse d’un cancer et
ce qui le caractérise en terme d’agressivité
et de sensibilité/résistance à un traitement.
Nous décrirons son rôle potentiel dans quelques cancers.
“Les cellules cancéreuses se
distinguent des cellules normales par les miARNs qu’elles
fabriquent. On peut donc entrevoir un usage clinique de ces
molécules à brève échéance”
Il est bien connu que les cellules cancéreuses comportent un nombre anormal de chromosomes. C’est ce que l’on appelle l’aneuploïdie. L’aneuploïdie reflète un défaut majeur dans le contrôle de la réplication de
l’ADN, de l’individualisation et de la séparation des chromosomes. Les miARNs font
partie d’un complexe qui joue un rôle important dans l’assemblage de la chromatine
dense des centromères, structure nécessaire
au bon comportement des chromosomes.
On sait que dans les lymphomes folliculaires
l’amplification de la région chromosomique
13q32-33 génère un ensemble de miARNs qui
collaborent avec l’oncogène myc pour induire
le lymphome. Le lymphome de Burkitt pédiatrique et les lymphomes à grandes cellules sont aussi sous influence des miARNs.
On observe que des leucémies de la même
lignée hématopoïétique montrent des profils d’expression différents de miARNs (donnant lieu à des maladies dont le pronostic
Science 2 Sept. 2005
Figure 2
est probablement différent). L’étude détaillée de ces profils sera de grande utilité dans
l’établissement d’un diagnostic précis et, à
terme, d’un traitement adéquat.
On note enfin un rôle important des miARNs
dans les cancers du sein, du côlon, de l’estomac, du pancréas, du poumon, de la thyroïde
où on observe la surexpression de plusieurs
miARNs comme, par exemple, miARN 155.
L’oncogène ras (pour rat sarcoma), souvent
surexprimé dans les tumeurs solides (en
particulier le cancer du poumon), voit son
niveau d’expression réduit de ±70% lorsque
l’on transfecte des cellules qui expriment
normalement RAS par une construction qui
produit un miARN particulier, appelé let-7.
Le rôle des miARNs est complexe et la formation d’une tumeur s’accompagne parfois de la surexpression de miARNs, parfois
de leur sous-expression.
Le virus d’Epstein et Barr (EBV) et le virus
de l’hépatite C (HCV) infectent tous deux
l’homme et peuvent induire des tumeurs
malignes. Les expériences montrent que ces
virus expriment des miARNs pour réguler
l’expression de leurs propres gènes et ainsi
être silencieux et non repérés par le système
immunitaire. Ils régulent aussi, de la même
façon, l’expression de certains gènes de la
cellule hôte.
Conclusion
L’expression des miARNs semble contribuer
ou être associée aux pathologies cancéreuses en interférant notamment avec l’assemblage de la chromatine, les voies d’apoptose… La découverte récente de molécules
synthétiques antagonisant les miARNs ouvre
la porte à de nouvelles stratégies thérapeutiques potentielles dans les pathologies
cancéreuses.
■
Lectures recommandées
• Jan Krützfeldt et al, Nature, 1 December, 2005,
438, 685-89.
• V Narry Kil. Nature reviews molecular
and cell biology may 2005, l 6. 376-85.
• Phillip D. Zamore et al. Science, 2005, 309,
1519-24.
• Chang-Zheng Chen et al. Seminars
in Immunology, 2005, 17, 155–65.
Les prochaines activités du Fonds Heuson
le 14/02/2006 à 12 heures
Déjeuner dansant de St Valentin
au Moulin de la Hunelle,
rue d'Ath 90 à 7950 CHIEVRES
le 19/03/2006 de 10 à 22 heures
Participation à la Journée
contre le Cancer
La Coque – Luxembourg-Kirchberg
le 30/03/2006 à 20 heures
Concert de l’Orchestre de l’ULB
“40e anniversaire”,
en faveur du Fonds Heuson
Salle Dupréel – ULB,
44 Avenue Jeanne à 1050 BRUXELLES
Pour toute info :
Catherine Lesent : 02/541 30 89
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INFORMATION SCIENTIFIQUE
Manifestations oculaires des cancers
Patrick De Potter, Unité d’oncologie oculaire, Cliniques Universitaires Saint-Luc
depotter @ofta.ucl.ac.be
L’atteinte ophtalmique du cancer est heureusement une complication peu fréquente.
Patrick De Potter nous explique dans cet article comment diagnostiquer et gérer cette
complication sensible et qui perturbe fortement la qualité de vie de nos patients.
es manifestations oculaires des cancers
peuvent se présenter sous différentes formes cliniques induites, soit par effet direct
avec infiltration et/ou compression des tissus orbitaires et/ou oculaires par la tumeur
métastatique, l’infiltrat lymphoïde ou leucémique, soit par effet indirect des traitements
anticancéreux, de leurs toxicités et des complications de type infections opportunistes,
accidents thromboemboliques ou désordres
métaboliques et nutritionnels, soit finalement par effet à distance initié par une maladie auto-immune d’origine tumorale (syndrome paranéoplasique).1
L
Alors qu’auparavant les lésions métastatiques intraoculaires étaient considérées
comme rares, de nombreux rapports ont
maintenant démontré que la métastase intraoculaire représente la forme de tumeur maligne de l’œil la plus fréquemment rencontrée chez l’adulte et dès lors plus fréquente
que le mélanome primitif de l’uvée.2-4 Il
serait logique de penser qu’avec la survie
croissante des patients souffrant d’un cancer le nombre de patients à risque de présenter des métastases oculaires s’élèvera.
Malgré leur fréquence élevée, ces métastases intraoculaires restent longtemps non
diagnostiquées de par l’absence fréquente
de symptômes visuels, le stade terminal
des patients et de l’impossibilité pour ces
Figure 1 : Métastase choroïdienne achrome
à partir d’un carcinome bronchique à petites cellules.
derniers de subir un examen ophtalmologique détaillé.
Dans la sphère oculo-orbito-palpébrale, les
carcinomes sont les tumeurs primitives les
plus nombreuses à métastaser loin devant
les mélanomes et les sarcomes. En intraoculaire, l’uvée (iris-corps ciliaire-choroïde)
est le site de prédilection des infiltrats
métastatiques et plus particulièrement la
choroïde postérieure alors que les métastases rétiniennes et du nerf optique (papille)
sont très rares.3-7
“De nombreux rapports
ont maintenant démontré que
la métastase intraoculaire
représente la forme de
tumeur maligne de l’œil
la plus fréquemment rencontrée
chez l’adulte”
La découverte d’une métastase intraoculaire et orbitaire nous poussera à rechercher,
chez la femme, d’abord un carcinome mammaire et un carcinome broncho-pulmonaire.
Chez l’homme, le carcinome broncho-pulmonaire sera principalement à l’origine
des métastases intraoculaires alors que le
carcinome prostatique donne surtout des
métastases orbitaires. Les tumeurs du tube
digestif viennent en deuxième place dans
l’ordre de fréquence des tumeurs primitives
à métastaser dans l’œil.1, 3-6 La fréquence
des tumeurs métastatiques orbitaires est
plus faible que celle des métastases intraoculaires.8 Chez, l’enfant, en dehors du neuroblastome, de la tumeur de Wilms, du sarcome d’Ewing ou du rhabdomyosarcome,
les métastases orbitaires sont exceptionnelles. Au moment du diagnostic de métastase oculaire, un tiers des patients n’ont
aucun antécédent néoplasique à l’anamnèse.4 Un bilan systémique extensif révèlera chez 50% d’entre-eux une tumeur primitive, habituellement mammaire ou pulmonaire. Cependant, aucun foyer primitif ne
sera identifié chez les 50% restants.4 Ce
même bilan d’évaluation mettra en évidence
d’autres lésions métastatiques chez 70%
des patients.4
L’aspect caractéristique au fond d’œil est
celui d’une tumeur achrome placoïde ou en
dôme, associée à un décollement de rétine
et dont l’épicentre est habituellement postérieur à l’équateur. (Figure 1) 1, 3-7 Une coloration orangée suggère une origine carcinoïde ou rénale de la tumeur alors qu’une
pigmentation intrinsèque est souvent retrouvée dans les métastases choroïdiennes
du mélanome cutané.1, 3-7 Des foyers tumoraux multiples et bilatéraux suggèrent la
nature néoplasique de ceux-ci et sont fréquemment retrouvés dans les métastases
de carcinome mammaire et broncho-pulmonaire. (Figure 2) L’échographie oculaire,
Figure 2 : Métastases choroïdiennes multiples
à partir d’un carcinome mammaire.
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Figure 3 : Cyto-ponction à l’aiguille fine
d’une tumeur intraoculaire.
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Figure 5 : Cicatrice tumorale de la même tumeur
obtenue après chimiothérapie.
l’angiographie à la fluorescéine et l’IRM ont
leur place dans l’approche diagnostique mais
le diagnostic différentiel entre une métastase et un mélanome achrome de la choroïde reste parfois difficile et seule un approche biopsique par cyto-ponction à l’aiguille
fine confirmera notre diagnostic clinique.
(Figure 3) 3, 9
Le pronostic oculaire et visuel à court terme
est habituellement bon après une approche
thérapeutique individualisée à chaque cas
(chimiothérapie, hormonothérapie, radiothérapie externe, radiothérapie par plaque).10, 11
(Figures 4-5-6) Le pronostic vital, par contre,
est généralement mauvais avec une survie
moyenne de 10 mois après le diagnostic
initial de métastase uvéale et de 24 mois
après celui de métastase orbitaire.1, 3
“Des foyers tumoraux multiples
et bilatéraux suggèrent
la nature néoplasique de
ceux-ci et sont fréquemment
retrouvés dans les métastases
de carcinome mammaire et
broncho-pulmonaire”
Le lymphome malin non hodgkinien de lignée B représente la forme la plus fréquente
d’infiltration lymphoïde intraoculaire et/ou
orbitaire. Cliniquement, les lymphomes intraoculaires peuvent être répertoriés en quatre groupes : 1) le lymphome intraoculaire
primitif associé au lymphome non Hodgkinien du système nerveux central, 2) le lymphome intraoculaire associé au lymphome
non Hodgkinien systémique, 3) le lymphome
intraoculaire associé au syndrome d’immunodéficience acquise, 4) le lymphome intraoculaire associé aux formes rares de lymphome systémique (mycosis fungoïdes –
Figure 6 : Radiothérapie par plaque d’Iode 125
pour métastase intraoculaire.
lymphome à cellules T, lymphome angiotrophique à grandes cellules, lymphome
Hodgkinien). 12, 13
Le lymphome intraoculaire primitif associé
au lymphome non Hodgkinien du système
nerveux central (LNHSNC) anciennement
dénommé reticulum cell sarcoma, lymphome à grandes cellules, représente un processus malin primitif multicentrique affectant le tissu cérébral, la moelle épinière, les
leptoméninges et la rétine.12-14 L’âge moyen
au diagnostic chez le patient immuno-compétent est de 60 ans. Une atteinte bilatérale est retrouvée dans 90% des cas.12-14
Les symptômes oculaires représentent la
première manifestation du LNHSNC chez
approximativement 80% des patients avec
un intervalle de temps moyen entre les
signes oculaires et cérébraux de 29 mois.13
La présentation clinique est variée avec
infiltration tumorale vitréenne, rétinienne
et/ou sous-rétinienne. (Figure 7) La vitrite,
habituellement cortico-sensible dans un
premier temps, devient rapidement chronique et cortico-résistante. Le diagnostic
de lymphome intraoculaire primitif du
LNHSNC est habituellement posé en identifiant des lymphocytes B malins dans le
vitré par ponction-biopsie à l’aiguille du
vitré ou par vitrectomie associé à des analyses de réactions en chaîne à la polymérase
(PCR) ou au dosage d’interleukine 10.1, 12-14
Le traitement du lymphome oculaire associé au LNHSNC reste la radiothérapie et la
chimiothérapie.1, 12-15 Malheureusement, la
radiothérapie n’induit que rarement une rémission à long terme. L’administration intravitréenne de methotrexate représente une
nouvelle approche efficace de la localisation
intraoculaire du LNHSNC.15
Le lymphome oculaire associé au lymphome
non Hodgkinien systémique représente
une forme métastatique du lymphome systémique avec principalement une atteinte
conjonctivale, uvéale et orbitaire.1, 12, 16-18
La symptomatologie des lymphomes des
annexes de l’œil inclut une infiltration rosesaumon de la conjonctive, un œdème palpébral, un ptosis, des troubles oculomoteurs, une exophtalmie ou une masse palpable. (Figure 8) 1, 12, 16-18 En intraoculaire, la
ou les lésions uvéales sont achromes simulant un mélanome choroïdien non pigmenté
ou une métastase. La présence d’autres
Figure 7 : Infiltrats lymphoïdes rétiniens
et sous-rétiniens dans le cadre d’un lymphome
intraoculaire primitif associé à un lymphome
non Hodgkinien du système nerveux central.
Figure 8 : Infiltrat lymphoïde conjonctival saumoné.
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WALLONIE — R
Figure 4 : Métastase choroïdienne
juxtapapillaire avec infiltration secondaire
du nerf optique.
POLITIQUE ET SCIENTIFIQUE
INFORMATION
SANTÉ
lésions systémiques au moment du diagnostic de lymphome oculaire, la présence
d’atypie cytologique avec un taux élevé de
prolifération cellulaire MIB-1 et une positivité tumorale pour le p53 sont statistiquement associés à un risque plus élevé d’évolution systémique fatale 17 Un bilan d’extension, obligatoire avant toute décision thérapeutique (radiothérapie ou chimiothérapie), sera confié à l’hémato-oncologue.
Dans certaines situations, une baisse de
vision peut apparaître chez un patient souffrant d’un cancer sans qu’aucune cause
directe n’ait pu être mise en évidence. Différentes études ont associé ces symptômes
visuels (dans 50% des cas précédant le
diagnostic de la tumeur primitive) à une
maladie auto-immune induite par la tumeur
primitive et dirigée contre des protéines
rétiniennes des cellules photoréceptrices
ou cellules bipolaires rétiniennes. Ces syndromes paranéoplasiques oculaires (syndrome CAR [Carcinoma-Associated Retinopathy], syndrome MAR [Melanoma-associated retinoptahy]) sont identifiés par leurs
caractéristiques cliniques, électrophysiologiques et anatomopathologiques.1, 19-23
La tumeur primitive la plus habituellement
associée à ce syndrome CAR est le carcinome pulmonaire à petites cellules.1, 19-23
D’autres cancers comme le rhabdomyo-
sarcome, le carcinome prostatique, mammaire et des cancers de la sphère gynécologique ont été recensés comme étant à
l’origine du syndrome CAR. 1, 19, 20, 24
9. De Potter P, et al. Arch Ophthalmol 1994;
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26. Guy J,et al. Arch Ophthalmol 1999; 117 :
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Le traitement des rétinopathies paranéoplasiques implique une modulation du système immunitaire afin de réduire la réponse
auto-immune. Des traitements à base de
corticostéroïdes (méthylprednisolone IV),
d’immunoglobulines et de plasmaphérèse
semblent avoir démontré leur efficacité en
réduisant les taux d’anticorps circulants et
en maintenant une vision utile jusqu’à la
mort du patient.1, 25, 26 Le pronostic vital
dépendra, lui, de la tumeur primitive. ■
Références
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Merck Oncology / Targeting Cancer for Better Lives SM
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INFORMATION SCIENTIFIQUE
Ganglion sentinelle et mélanome.
Une approche innovante
pour une maladie agressive !
François Sales , Clinique des tumeurs cutanées, Institut Jules Bordet
[email protected]
La technique du ganglion sentinelle est pleine de promesses. François Sales a acquis
une expérience remarquable au travers de l’analyse de plusieurs centaines de patients
porteurs d’un mélanome. On peut espérer que, grâce à cette technique qui reconnaît les
patients de mauvais pronostic, on pourra réaliser des études adjuvantes qui identifieront
enfin une traitement actif dans le mélanome.
Technique du ganglion
sentinelle
Figure 1 : Lymphoscintigraphie
pour un mélanome du dos montrant
un drainage axillaire bilatéral.
Introduction
Le seul traitement reconnu du mélanome
primitif est la chirurgie. Si aucun ganglion
n’est envahi, on envisage une exérèse large.
Si les ganglions sont envahis,l’exérèse se complète d’un évidement ganglionnaire radical.
Le ganglion sentinelle est le premier ganglion recevant un drainage lymphatique
direct d’une zone où se trouve un cancer. On
pense en général que la dissémination tumorale est séquentielle et que le ganglion
sentinelle sera le premier envahi.
La découverte de ganglions micro-envahis,
avant qu’ils ne soient palpables, et la réalisation à ce stade d’un évidement ganglionnaire permettrait d’augmenter la survie de
ces malades.
La technique doit être réalisée
dans un centre expérimenté.
Tout patient présentant un
risque significatif de métastase ganglionnaire (mélanome de plus d’un millimètre
d’épaisseur selon Breslow)
peut, théoriquement, bénéficier de la technique.
La veille ou le jour de l’intervention, une lymphoscintigraphie est réalisée.
Des nanocolloïdes technétiés
sont injectés en intradermique aux quatre points cardinaux autour de la cicatrice
d‘exérèse-biopsie du mélanome primitif. Des
clichés précoces immédiats puis des clichés
tardifs une à deux heures plus tard sont
effectués (figure 1).Un ou plusieurs ganglions
sentinelles peuvent ainsi être repérés. Pour
la facilité du texte, nous parlerons “du” ganglion sentinelle.
“Le ganglion sentinelle est
le premier ganglion recevant
un drainage lymphatique
direct d’une zone où se trouve
un cancer”
En salle d’opération, on injecte de 0,5 à 2 ml
de bleu colloïdal de la même façon que pour
la lymphoscintigraphie. Le ganglion est
repéré à la peau à l’aide d’une sonde de
détection gamma et les ganglions bleus et
radioactifs sont ôtés par une incision de 2
à 3 cm (figure 2). Ceux-ci sont envoyés en
anatomo-pathologie où des coupes multiples sont analysées par coloration classi-
que (hématoxyline-éosine) et par immunomarquages (protéine S100, HMB45, melan
A). L’exérèse large du site du mélanome primitif est effectuée dans le même temps
opératoire. Si le ganglion est normal, le
traitement chirurgical est terminé. Si le
ganglion est envahi, un évidement ganglionnaire est réalisé dans un deuxième
temps.
Outre la présence d’une cicatrice de 2 à 3 cm,
la morbidité se limite généralement à une
gêne passagère. Les lymphœdèmes et les
infections sont rares (moins de 1% ). Un choc
anaphylactique a été décrit chez moins de
1% des patients suite à l’injection du colorant. La durée de l’hospitalisation n’est pas
allongée par le prélèvement du ganglion
sentinelle et les patients quittent l’hôpital le
lendemain de l’intervention.
Nos résultats
Depuis 1997, nous avons prélevé, à l’Institut
Bordet, plus de 500 ganglions sentinelles
pour des mélanomes. Notre expérience de
cette approche nous a permis de mieux comprendre les modalités d’envahissement tumoral et de mieux prédire le pronostic du
patient 1.
Les études prospectives randomisées comparant l’évidement ganglionnaire prophylactique à une exérèse large simple n'ont pas
permis de montrer de différence. C’est dans
ce contexte qu’est apparu, voici une dizaine
d’années, le concept du ganglion sentinelle.
Nous avons découvert des drainages cutanés
dans des localisations jusque-là ignorées
(ex.: triangle intermusculaire du dos, régions
paramammaire, paraaortique) (figure 3) ou
à des fréquences inattendues (ex. région
poplitée, épitrochléenne). Le taux de ganglion “ectopique” s’élève, dans notre expérience, à 19%.
Cela signifie que, sans lymphoscintigraphie,
un patient sur cinq ne bénéficierait pas d’un
staging ganglionnaire adéquat. Lorsque I'on
sait que 12% des ganglions sentinelles envahis étaient ectopiques, on peut se poser des
questions sur la validité des essais cliniques
de traitements adjuvants ne tenant pas
compte de ces données.
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Figure 2 : Canal lymphatique bleu menant
à un ganglion lui aussi coloré en bleu.
Figure 3 : Lymphoscintigraphie montrant
un ganglion sentinelle ectopique paramammaire
et un ganglion sentinelle axillaire.
Notre taux d’envahissement est de 25%.
Dix-neuf pour cent sont positifs aux colorations de routine, le reste étant découvert
après recoupes et immunomarquages
(Figure 4).
Lorsqu’un évidement complet est réalisé suite
à un ganglion sentinelle positif, environ un
patient sur trois présente au moins un autre
ganglion envahi. Le type d’envahissement
ganglionnaire est primordial pour prédire le
statut des autres ganglions. Lorsque la métastase reste sous-capsulaire, le risque d’envahissement d’un autre ganglion est quasi
nul. Il est maximal lorsque le hile est envahi.
Des études sont en cours pour vérifier si ces
patients avec envahissement exclusivement
sous-capsulaire pourraient éviter l’évidement complet.
également dans les canaux lymphatiques.
Existe-t-il d’emblée des “nævi” intralymphatiques? Des cellules bénignes sont-elles
capables de migrer vers d’autres organes ?
Ces cellules d’aspect bénin n’ont-elles pas
un caractère malin? Ces questions n’ont pas
encore de réponse et certains n’hésitent plus
à parler de “métastases bénignes”.
“Lorsque la métastase reste
sous-capsulaire, le risque
d’envahissement d’un autre
ganglion est quasi nul.
Il est maximal lorsque le hile
est envahi”
L’approche par prélèvement
du ganglion sentinelle a-t-elle
un impact sur la survie ?
Plus de 2000 patients avec un mélanome
de plus de 1 mm d’épaisseur ont été randomisés entre un traitement par exérèse large
simple et évidement ganglionnaire si, dans
le suivi, ils développaient des métastases
palpables ou par une exérèse large combinée
à une analyse du ganglion sentinelle et évidement complet en cas de ganglion sentinelle positif. On note une meilleure survie
sans récidive dans le groupe des patients
Figure 4 : Envahissement microscopique visible
aux immunomarquages (Protéine S100).
traités sur base de l’analyse du ganglion
sentinelle mais cette étude ne permet pas
de mettre en évidence une différence de
survie globale entre les deux groupes.
Que faire aujourd’hui ?
Le statut du ganglion sentinelle est le facteur
pronostic le plus important de cette maladie! La survie à cinq ans du groupe avec ganglion négatif est d’environ 90%, celle avec
ganglion envahi est de 50% 2. Dans la mesure
où aucun traitement adjuvant n’est disponible, on considère que cette technique ne
doit pas être réalisée, de manière systématique, en dehors d’une étude clinique.
■
Références
1. Sales F. 6th World Congress on Melanoma;
sept. 6-10 ; 2005 : Abst 082.
2. Morton D. 6th World Congress on Melanoma;
Faux négatifs et faux positifs
Lorsqu’un ganglion sentinelle est normal, le
risque qu’un autre soit touché est particulièrement faible. Le faux négatif est défini par
la récidive dans une aire ganglionnaire où
le ganglion sentinelle était normal. Ce taux,
qui varie de 2 à 15%, dépend de l’expérience
de l’équipe et de la localisation anatomique
(la région “tête et cou”est grevée d’un nombre beaucoup plus important d’échecs).
Il n’y a pas de faux positifs à proprement
parler mais l’analyse microscopique beaucoup plus fine du ganglion sentinelle révèle
l’existence de cellules naeviques bénignes
dans 12% des ganglions (Figure 5)! Des analyses plus poussées encore en montrent
Figure 5 : Cellules naeviques bénignes intracapsulaire (“métastase bénigne”).
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COMMUNICATION
Une information adéquate pourrait-elle
changer la vie du patient cancéreux ?
Mais faut-il tout dire ?
Harry Bleiberg, Service de médecine, Institut Jules Bordet
[email protected]
Conférence donnée au “2OO5 World Congress on Gastrointestinal Cancer” (Juin 2005)
OUI!
Je me souviens. Elle devait avoir un peu plus
de 70 ans et s’était présentée par erreur à
ma consultation. Elle avait un cancer du sein
métastatique et venait pour une évaluation
de sa chimiothérapie. Je lui expliquai que
je ne traitais que les cancers digestifs. Elle
était toute gênée. Je n’avais aucun patient
en attente. Je la fis asseoir, lui souris et lui
demandai comment elle allait. Elle me
regarda quelques secondes, se retourna
comme pour vérifier si nous étions bien
seuls, et me dit :
– Vous savez docteur, je sais que j’ai un cancer dont je vais mourir. Mais ne croyez pas
que tout soit négatif.
Je fus surpris par son entrée en matière.
Elle continua, les yeux pétillants de malice.
– En fait, je dois dire que je vis la période la
plus extraordinaire de ma vie ; je me réjouis de chaque jour qui passe, il me semble que j’ai enfin découvert ce qui comptait pour moi, mes enfants, mes amis, la
lumière du petit matin, je me régale de
chaque seconde qui passe…
Qui n’a pas été surpris de découvrir parmi
ses patients présentant une maladie mortelle à relativement court terme une
sagesse, un plaisir de vie inattendu, comme
si la maladie leur avait donné accès au vrai
sens de leur vie ?
Nous nous attendons à ce que les patients
qui ont un cancer métastatique se dégradent sous l’effet de leur maladie et voient
leur qualité de vie décliner. Certains, dans
la même situation, découvrent, comme ma
patiente, un sens nouveau à la vie et voient
se développer en eux une sensation de bienêtre qui ne fait qu’augmenter bien que la
maladie continue à évoluer.
Je voudrais tenter de démontrer que, par une
communication adéquate avec les patients
cancéreux, nous leur permettons d’intégrer
le sens de la mort dans leur propre vie, nous
leur offrons l’opportunité d’accéder à une
partie méconnue d’eux-mêmes et la possibilité d’approcher un bonheur particulier,
fondé sur le sentiment d’être en paix avec
soi-même, que j’appellerai, faute d’un terme
plus approprié, bien-être. Cette démonstration se fera par une série de 12 propositions.
Proposition 1 : Le cancer, la maladie, le mot
porte en lui une puissante image de la mort,
qu’elle soit réelle ou imaginaire.
Proposition 2 : Lorsque nous parlons de communication, nous nous référons à un processus qui nous permet de gérer la souffrance émotionnelle du patient cancéreux.
Proposition 3 : Universellement, l’homme
craint la mort. Elle représente la perte de son
individualité. L’idée même de cette perte
apparaît inacceptable et provoque une
anxiété profonde qui a été définie comme
le ‘traumatisme de la mort’. Universellement,
pour calmer ce traumatisme, l’homme va
élaborer les mythes d’immortalité (les rituels
funéraires, la vie au-delà de la mort, la réincarnation, les religions) 1.
de laisser partir un être aimé. Le corps était
placé sur un lit de fleurs et entouré par des
pierres. Le simple fait de créer un rituel a
donné forme aux émotions de monsieur
Néanderthal et il dut se sentir mieux. Ce
n’est qu’en donnant une forme comportementale et préverbale à sa peur de la mort
qu’il est arrivé à la surmonter.
Pour l’homme moderne, c’est aussi à travers
une confrontation douloureuse avec la mort
qu’il est capable de créer des images et des
mots qui donneront à celle-ci une forme
perceptible et représentable 2.
Proposition 6 : Les patients qui sont informés
qu’ils ont le cancer expérimentent d’une
manière aiguë des émotions douloureuses,
même si le pronostic est bon. Ils ne comprennent pas les mots qu’ils entendent, ils
sont incapables de trouver les mots pour
partager leur souffrance. Des malades dans
cette situation de non communication se
décrivent eux-mêmes comme prisonniers
dans une cage en verre 2 (figure 1).
Proposition 4 : Au XXe siècle, la société urbanisée, industrialisée, médicalisée et technologiquement avancée a rejeté la notion
même de la mort. On n’en parle plus, on la
cache, on fait comme si elle n’existait pas.
La science est devenue la source principale
propageant un mythe d’immortalité:un jour,
demain, la science éliminera la mort 1.
L’homme moderne a été coupé de ses racines archaïques. Il a une conscience aiguë
d’exister en tant que personne unique et sa
vie se déroule comme si elle était éternelle.
Proposition 5 : Pour vivre sa propre mort,
l’homme doit d’abord en prendre
conscience et être plongé dans le vertige et
l’angoisse du néant.
Il y a 400.000 ans monsieur Néanderthal a
inventé la sépulture. Il lui était douloureux
© F. Navez
Il faut tout dire, mais
dans le respect de la
personne et avec toute
l’attention que nécessite son état émotionnel.
Figure 1
Proposition 7 : Montrer de l’empathie lors
de la communication avec le patient provoque une réorganisation des émotions.
En lui offrant le moyen de verbaliser ses
émotions, en l’écoutant et en partageant
sa réalité, le médecin permet au patient de
réévaluer sa vie et donner un sens, qui est
unique et personnel, à ce qu’il est en train
de vivre (figure 2).
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ÉTAPE 2 : Évaluez ce que le patient comprend. Avant de ‘dire’, demandez: Quelle est
votre compréhension des raisons qui nous ont
poussé à réaliser une résonance magnétique?
© F. Navez
ÉTAPE 3 : Incitez-le à demander des explications : Souhaitez-vous que je vous explique
tout et que je passe plus de temps avec vous
pour discuter du plan de traitement ?
ÉTAPE 4 : Prévenez- les qu’il y a de mauvaises
nouvelles : Je suis désolé de vous dire que…
Donnez l’information par petites portions
et vérifiez régulièrement leur niveau de
compréhension.
moments le patient ne veuille rien entendre.
À chaque étape, il ne faut poursuivre l’information que si on a vérifié la compréhension
que le patient a de la situation et son état
émotionnel 3.
J’aimerais émettre l’hypothèse que les propositions 1 à 12 sont justes. Lorsque le médecin exprime de l’empathie, il offre au malade
la possibilité de réévaluer le sens de sa vie et
d’accéder à un sentiment qui est de l’ordre du
bien-être. Si on est convaincu de la nécessité
de ce contact particulier et d’une information
adéquate et complète du patient, alors apprendre à communiquer devient possible*. ■
Figure 2
Proposition 8 : Le médecin n’est responsable ni de la survenue du cancer, ni de la progression de la maladie, ni de la souffrance
inévitable que l’idée de la mort induit.
Proposition 9 : Le médecin est responsable
d’établir, pour chaque patient, la meilleure
stratégie thérapeutique possible, d’administrer correctement les traitements et de
fournir une information exacte de la situation de la manière la plus appropriée.
Proposition 10 : Les médecins se trompent
quand ils croient que leurs patients souffriront moins s’ils ne leur donnent pas l’information appropriée. C’est exactement l’opposé qui est vrai. Les patients ont besoin de
cette information.
Proposition 11 : La communication n’est pas
une tâche facile ! Les médecins sont aussi
effrayés que leurs patients de parler de la
mort ! Les médecins et les malades apportent chacun dans la relation leur propre histoire, leurs peurs et leurs expériences par
rapport à la mort. Leur relation est faite
de peurs réciproques.
Proposition 12 : Une aide à la communication existe ! Des informations structurées
et des recommandations ont été développées afin d’aider les médecins à gérer la
détresse émotionnelle dont ils souffrent.
Par des jeux de rôle, des formations à la
communication et des réunions de travail,
les médecins peuvent explorer les sentiments que les difficultés liées à ce type de
communication soulèvent 3.
Si une communication adéquate est indispensable, comment doit-elle se faire, comment savoir si notre attitude est juste? Il faut
aborder le malade par étapes successives
et rester en permanence à l’écoute 4.
ÉTAPE 1 : Organisez l’entretien, faites en
sorte d’être disponible, connectez-vous
à vos patients par le regard, le toucher.
ÉTAPE 5 : Donnez des réponses empathiques à leurs émotions :
Docteur : Je suis désolé de vous dire que la
radiographie indique que la chimiothérapie
n’agit pas (pause). Malheureusement il semble que la tumeur ait quelque peu progressé.
Patient : J’avais peur de cela (pleurs).
Docteur : (Approche sa chaise, offre
un mouchoir et s’arrête un instant)
Je sais que ce n’est pas cela que vous
souhaitiez entendre. J’aurais aimé vous
donner de meilleures nouvelles.
Avant de donner une information, il faut
toujours vérifier ce qui est connu et compris,
et ce qui est souhaité. Accepter qu’à certains
* Pour toute information relative
à la formation à la communication :
Darius Razavi et Nicole Delvaux.
[email protected]
[email protected]
Références
1. Edgard Morin. L’homme et la mort.
Éditions du Seuil 1970.
2. Boris Cyrulnik et al. La pensée est-elle le produit
de la sélection naturelle ?
Presse Universitaire de France 1996.
3. Razavi D et Delvaux N. Interventions psychooncologiques : la prise ne charge du patient
cancéreux. Masson, Paris 1998, 2002.
4. Baile FW The oncologist 2000; 5 : 302.
PHOTO DE COUVERTURE…
Disposition peignée caractéristique des cellules nerveuses
dans cette tumeur bénigne des gaines nerveuses
périphériques (Schwannome).
Source : Nicolas de Saint Aubain, Anatomie-pathologie,
Institut Jules Bordet.
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LA RUBRIQUE DU GÉNÉRALISTE
Prise en charge d’un nodule thyroïdien
Laurence Plat, Endocrinologie,
Service de médecine, Institut Jules Bordet
[email protected]
Les cliniciens sont confrontés régulièrement au problème des nodules thyroïdiens, assez
fréquent dans nos populations. Comment poser un diagnostic ? Qui opérer ? Laurence
Plat, endocrinologue, nous présente dans cet article une approche pratique.
n nodule thyroïdien est une tuméfaction localisée de la thyroïde. Les nodules
thyroïdiens sont excessivement fréquents :
on estime que 4 à 7% de la population ont
un nodule palpable, en général de plus de
1 cm. On en découvre encore plus, fortuitement, au cours d’examens radiologiques ou
en cours d’autopsie. En effet les études anatomo-pathologiques permettent de mettre
en évidence un ou plusieurs nodules chez
50% des sujets âgés de plus de 60 ans. Les
nodules sont plus souvent rencontrés chez
les femmes et leur taux augmente avec l’âge
et le déficit en apport iodé.
U
Malgré cette fréquence élevée de nodules thyroïdiens, l’incidence des cancers thyroïdiens
est faible : 4/100.000. Il s’agit d’un cancer
papillaire dans plus de 80% des cas. Chez les
hommes, les nodules thyroïdiens sont plus
rares mais sont plus fréquemment malins.
Quels nodules investiguer ?
Tout nodule d’une taille supérieure à 1 cm.
Si des nodules plus petits peuvent fréquemment abriter des cancers papillaires (10 à 20%
des autopsies), ces micro carcinomes n’entraîneront que de façon exceptionnelle des
conséquences cliniques et ne devront être
investigués de façon plus sérieuse qu’en
cas d’augmentation de taille ou s’il y a un
antécédent d’irradiation cervicale ou une
histoire familiale.
Comment investiguer ces nodules ?
1. Examens biologiques : le dosage de la TSH
permet de repérer les nodules toxiques
bénins. Si elle est indosable, on mesure la
thyroxine et la triiodothyronine libres de
façon à évaluer l’importance de l’hyperthyroïdie. Le dosage de calcitonine ne sera
réalisé qu’en cas d’histoire familiale de cancer médullaire ou de néoplasie endocrinienne multiple de type 2 (ce syndrome associe
un cancer médullaire de la thyroïde, un
phéochromocytome et une hyperparathyroïdie). Le dosage de la thyroglobuline n’est
pas discriminatif et ne permet pas de faire
la distinction entre un cancer différencié et
un goitre multinodulaire bénin, il n’a un intérêt que dans le suivi post-chirurgical d’un
cancer thyroïdien.
2.Échographie (fig.1) :elle permet de détecter
des nodules non palpés, d’en estimer la taille
et le nombre. Elle permet de différencier de
simples kystes de nodules solides ou de formes
mixtes. Les lésions kystiques sont plus rarement
associées à un cancer
mais ne l’excluent pas.
Les nodules hypoéchogènes sont plus fréquemment malins que les hyperéchogènes surtout en
l’absence de halo périphérique, d’irrégularité
de contours, de microcalcifications ou d’une
hypervascularisation
mise en évidence au doppler. L’échographie permet également d’explorer les aires ganglion-
naires cervicales et de guider la ponction à
l’aiguille fine.
3. Scintigraphie (Fig. 2 et 3) : l’objectif de l’exploration de la thyroïde par les isotopes (le
plus souvent du Technetium-pertechnétate99, pour des cas particuliers de l’Iode-131
ou de l’Iode-123) est de classifier les nodules
en hypofonctionnels (froids) et hyperfonctionnels (chauds) en fonction de leurs capacités à concentrer l’isotope, théoriquement
le tissu malin n’incorpore pas l’isotope. Un
nodule froid a donc une plus grande probabilité d’être malin; néanmoins la plupart
sont bénins et la découverte d’un nodule
chaud n’exclut pas un cancer. La tomographie à émission de positron peut être utile
pour différencier les nodules bénins des
nodules malins mais son utilisation est limitée par son coût et son accessibilité.
“les études anatomo-pathologiques permettent de mettre
en évidence un ou plusieurs
nodules chez 50% des sujets
âgés de plus de 60 ans”
4. Autres examens radiologiques : la radiographie du cou peut être utile pour mettre
en évidence des déviations trachéales ou
des réductions luminales. Le CT Scan ou la
Résonance magnétique nucléaire sont peu
utiles pour caractériser les nodules.
5. Aspiration à l’aiguille fine (AAF) : cet examen est le seul qui permet de déterminer
la nature du nodule. Dans des mains expertes, elle a une sensibilité et une spécificité
proches de 95%. Les complications de cet
examen sont rares et consistent le plus souvent en un inconfort local.
Les échantillons sont de meilleure qualité
lorsqu’ils sont obtenus sous guidage échographique. Elle a permis de réduire les indications chirurgicales de 35-75% et le nombre
de néoplasies découvertes au sein des nodules opérés a ainsi augmenté de 50-70%.
Le bénéfice de répéter annuellement l’AAF
pour des nodules de taille stable n’est pas
démontré.
Figure 1 : Image échographique d'un nodule solide discrètement hétérogène.
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Comment traiter ces nodules ?
1. Chirurgicalement : ce choix doit être
réservé à des nodules suspects de néoplasie et dans ce cas, une thyroïdectomie totale
sera réalisée. Elle peut également être décidée pour des nodules de grande taille (>
3 cm), surtout chez des patients jeunes ou
en présence de compression ou d’inconfort.
Elle est parfois justifiée pour des raisons
esthétiques. Dans ces cas, on ne pratiquera
qu’une hémithyroïdectomie, sauf en cas de
nodules bilatéraux. Chez les hommes, on
est souvent plus agressif.
Lorsque cette chirurgie est réalisée par des
équipes spécialisées, l’incidence des complications est faible (hypoparathyroïdie,
atteinte du nerf récurrent…).
2. Médicalement : la lévothyroxine peut être
indiquée même en cas d’euthyroïdie, surtout
en cas de goitre associé, la dose sera adaptée
de façon à obtenir une valeur de TSH proche
de la limite inférieure de la normale. Ceci est
justifié car en absence de traitement, 89%
des nodules thyroïdiens bénins grandissent.
3. Isotopiquement : l’iode radioactif est une
option thérapeutique pour le nodule hyperfonctionnel. La correction de l’hyperthyroïdie
est obtenue dans 75% des cas. L’effet secondaire majeur est l’hypothyroïdie.
En conclusion
Le nodule thyroïdien est une pathologie fréquente, le plus souvent bénigne et l’objectif
du bilan sera de repérer les nodules malins
qui justifieront un traitement chirurgical. ■
Lectures recommandées
• Alexander EK and al Ann Intern Med 2003,138 : 315-18.
• Castro MR and al Ann Intern Med 2005, 7 : 926-31.
• Gharib H Endocrinol Metab Clin North Am 1997,
26 : 777-800.
• Hegedüs L N Eng J Med 2004, 351 : 1764-71.
• Mandel SJ JAMA 2004, 292 : 2632-42.
• Mazzaferri EL N Eng J Med 1993, 328 : 553-59.
• Schlumberger M and Pacini F in Thyroid tumor
ed Nucléon 2003 11-31.
• Wiersinga WM Eur J Endocrinol 1995, 132 : 661-62.
CONCOURS PHOTO “HÔPITAL INSOLITE”
“Pas perdus” © Jean-Marie Nogaret
ESEAU CANCE
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BRÈVES
Nouveautés 2005 dans le traitement du cancer rénal avancé
Thierry Gil, Clinique d’Oncologie médicale, Institut Jules Bordet – [email protected]
lors que nous étions très démunis au plan
thérapeutique dans cette maladie agresA
sive, connue pour être résistante à la chimiothérapie, plusieurs études positives ont été
présentées en 2005 dans le cancer du rein
métastatique.
Le traitement qui est considéré comme standard en première ligne reste l’immunothérapie
dont on sait qu’elle est plus efficace après néphrectomie 1. Les taux de réponse à l’interféron
α et à l’interleukine 2 sont de l’ordre de 15 à
20%,leur combinaison n’ayant pas jusqu’ici démontré d’avantage en survie globale 2. La durée
de la réponse à l’immunothérapie est de l’ordre
de 6 à 10 mois, exception faite d’une minorité
de patients contrôlés au long cours. De même,
le bénéfice en survie de ces traitements,
souvent mal tolérés, reste limité à quelques
mois 3, 4. Nous savons en outre que le patient,
en situation d’échappement à une première
ligne thérapeutique par cytokine, ne bénéficiera pas d’une deuxième ligne d’immunothérapie 5.
Le besoin était donc pressant d’identifier de
nouveaux agents, plus actifs et/ou mieux tolérés, d’abord évalués dans ces situations d’échec
de l’immunothérapie.
Ces nouveaux médicaments s’inscrivent au
rang des thérapies ciblées en tant qu’inhibiteurs d’angiogenèse. Ils empêchent la formation de la néovascularisation tumorale,
inhibent la croissance et la dissémination
de la tumeur.
Évalués en phase II et III, voici les résultats
présentés à l’ASCO 2005.
• AG-013736 = 40% de réduction tumorale 6
• SU 11248 (Stutent®) = 40% de réduction
tumorale 7.
• BAY 43-9006 (Nexavar®) versus placebo =
doublement de la durée de stabilisation 8.
• Bevacizumab/Erlotinib = 60% de stabilisation, 25% de réduction tumorale 9.
Ces nouveaux agents prometteurs, en particulier en terme de stabilisation de la maladie
(la durée en est doublée), demandent encore
à être évalués dans de nouvelles études posant
la question du bénéfice en survie et des toxicités au long cours. Leur place en première
ligne, le cas échéant en association avec l’immunothérapie, est également à établir.
Actuellement, le SU11248 (Sutent) et le BAY
43-9006 (Nexavar) sont étudiés en phase 4
à l’institut Jules Bordet et accessibles pour
les patients réfractaires aux Cytokines.
Références
1. Mickish et al., EJU 2000 ; 37.
2. Négrier, NEJM 1998 ; 338 (18) : 1272-1278.
3. MRC, Lancet 1999 ; 353 : 14-17.
4. Pyrhönen, JCO 1999 ; 2859-2867.
5. Escudier, JCO 1999 ; 17 : 2039-2043.
6. Rini B et al., ASCO mai 2005.
7. Motzer RJ et al, ASCO mai 2005.
8. Escudier et al., ASCO mai 2005.
9. Spigel D et al., ASCO mai 2005.
Avancées 2005 en cancérologie digestive :
comment interpréter ces informations ?
Alain Hendlisz, Unité de Gastro-entérologie, Institut Jules Bordet – [email protected]
2005 a marqué des avancées majeures pour les cancers de la sphère digestive.
L’année
contenant l’oxaliplatine par rapport au bras
monothérapie.
Traitement adjuvant des cancers
2) Cancer gastrique : un nouveau standard
Une étude américaine avait montré il y a
deux ans que la combinaison d’une chimiothérapie (5FU bolus et leucovorin) avec de
la radiothérapie augmentait significativement la survie (35 vs. 28 mois, p = 0.01). En
Angleterre, l’étude MAGIC démontre un bénéfice significatif en utilisant seulement une
chimiothérapie à base d’épirubicine, cisplatine, 5FU (ECF) avant et après une chirurgie
à visée curative. À deux ans, 36% des patients
sont en vie par rapport à 23% dans le bras
sans chimiothérapie 3. Cette attitude de chimiothérapie périopératoire devient une alternative thérapeutique valable.
1) Cancer colique stades II et III :
L’oxaliplatine devient partie intégrante
au traitement adjuvant :
Les résultats de l’étude Mosaic 1 ont été actualisés avec un follow-up médian de 4 ans.
La combinaison FOLFOX 4 démontre une réduction du risque de rechute de 24% par rapport au LV5FU2. Six pour cent moins de malades rechutent à 3 ans. Les effets secondaires
sont acceptables. Cette étude démontre une
activité dans les stades II (patients sans atteinte
ganglionnaire) et les stades III (patients avec
atteinte d’au moins un ganglion). Néanmoins,
la FDA et EMEA n’ont accordé l’enregistrement
que pour les stades III. Ceci peut constituer
un problème pour certains patients avec un
stade II à risque qui pourraient bénéficier du
traitement. Nous espérons pouvoir disposer
en Belgique d’un élargissement des conditions
de remboursement de l’oxaliplatine pour pouvoir adapter nos guidelines à ces nouvelles
données.
Ces résultats sont confirmés aux USA : le
National Surgical Adjuvant Breast and Bowel
Project (NSABP) utilisant un schéma de 5FU
bolus 2, rapporte également une diminution
du risque de récidive de 21% en faveur du bras
3) Cancer pancréatique :
Ce cancer est resté longtemps sans option
thérapeutique après la chirurgie. Une étude
incluant 368 patients démontre que la gemcitabine allonge le temps avant récidive de
6.7 mois et diminue les récidives après chirurgie à visée curative 4. Ces résultats sont
prometteurs mais il est judicieux d’attendre
la publication des données définitives de
survie avant de modifier notre attitude.
Brièvement, pour les cancers avancés :
– Dans le cancer colorectal avancé, le bevacizumab confirme son intérêt en première
ligne (gain de survie médiane de 4,7 mois
en combinaison avec l’irinotécan par comparaison avec l’irinotécan seul). Il a été évalué en deuxième ligne en combinaison avec
un régime FOLFOX classique. À ce stade la
survie médiane passe de 10.7 mois à 12.5
mois (p=0.0003) 5.
– Dans le cancer pancréatique métastatique, l’Erlotinib (Tarceva®), inhibiteur de la
tyrosine kinase du récepteur EGFR, associé à la Gemcitabine améliore légèrement
la survie [p=0.025 avec un hazard ratio de
0.81 [95% CI 0.67 - 0.97] par rapport à la
gemcitabine seule. Si cette différence est
statistiquement significative, on peut se
demander quelle est la signification clinique d’une augmentation aussi modeste.
Des études complémentaire devraient nous
aider à mieux définir le bénéfice réel de
Tarceva® dans cette indication 6 Quoiqu’il en
soit, il est trop tôt pour que ce médicament
fasse partie de notre pharmacopée, mais
cette étude ouvre la voie au développement
des molécules ciblant les récepteurs de la
famille HER et leurs signaux d’activation
intracellulaire dans le cancer du pancréas.
Références
1. A. de Gramont et al. Proc. Asco 2005 ; 23 : 3501.
2. N. Wolmark et al. Proc. Asco 2005 ; 23 : 3500.
3. D. Cunningham et al. Proc. Asco 2005 ; 23 : 4001.
4. P. Neuhaus, H et al. Proc. Asco 2005 ; 23 : 4013.
5. B. J. Giantonio et al. Proc. Asco 2005 ; 22.
6. Moore et al. Proc. Asco 2005 ; 23 : 1.
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L’association docetaxel-trastuzumab dans le cancer du sein
Le défi est actuellement de
trouver la meilleure combinaison pour chaque patiente atteinte d’un cancer du sein HER2
positif. L’association du trastuzumab au docetaxel, démontrée synergique in vitro, a été
testée tant au stade métastatique qu’en situation adjuvante.
Figure 1
Figure 2
Figure 1
Comparaison de l’évaluation de la survie
des patientes traitées par docetaxel seul ou par
la combinaison docetaxel – trastuzumab.
Figure 2
Comparaison de la survie sans rechute
des patientes traitées par AC→T, par AC→T H
ou par TCH.
es avancées de la biologie moléculaire nous
confirment chaque jour que le cancer du sein est
une maladie à visages multiples et nous précisent les caractéristiques de chacun d’entre-eux.
La maladie HER2 positive, qui représente environ
20% des cancers du sein, est une des formes pour
lesquelles les progrès thérapeutiques de ces 5 dernières années ont été les plus marquants.
Le trastuzumab est un anticorps monoclonal ciblant
HER2. Chez les patientes dont la maladie est métastatique, l’adjonction de trastuzumab à la chimiothérapie s’est avérée supérieure à la chimiothérapie
seule 1. En 2005, quatre grandes études 2, 3, 4 ont
montré l’importance primordiale pour ces patientes dont la tumeur est HER2 positive de recevoir le
trastuzumab à un stade plus précoce de la maladie,
en situation adjuvante, puisqu’il permet d’éviter la
survenue de la maladie métastatique dans environ
la moitié des cas.
L’étape ultérieure était, en toute logique, de tester
cette association en situation adjuvante, pour prévenir la rechute métastatique. Ce que réalisa l’étude
du Breast Cancer International Research Group
(BCIRG) 006, une étude randomisée de 3222 patientes atteintes de cancer du sein HER2 positif 4. Les 3
bras de traitement comportaient :
(a) 4 cures d’adriamycine-cyclophosphamide (AC)
suivies de 4 cures de docetaxel (T) ou bras
contrôle AC→T; (b) le même traitement associé au
trastuzumab durant 1 an ou AC→TH ; (c) 6 cures de
docetaxel-carboplatine associées au trastuzumab
durant 1 an ou TCH.
La première analyse des résultats, à 23 mois de
suivi médian, a été présentée au congrès de San
Antonio en décembre 2005 4. Les patientes recevant du trastuzumab ont un risque de rechute
(locale, à distance ou nouveau cancer du sein)
significativement réduit par rapport à celles qui
n’en reçoivent pas : il est de 49% par rapport au
bras contrôle pour le bras AC→TH et de 61% par
rapport au bras contrôle pour le bras TCH (Figure
2).
Parmi les deux bras de traitement incluant le trastuzumab,celui qui contient des anthracyclines paraît
supérieur à celui qui n’en contient pas. Cette différence n’est pas statistiquement significative vu
On peut donc dire que la combinaison docetaxeltrastuzumab est très intéressante pour les patientes dont la tumeur est HER2 positive. Son efficacité a été montrée à la fois en situations métastatique et adjuvante. Son profil bénéfice/risque est
prometteur. L’affinement de l’analyse biologique
permettra dans un avenir proche, espérons-le, d’individualiser le traitement dans le cancer du sein en
fonction des spécificités tumorales.
Véronique D’Hondt, Clinique d’oncologie
médicale, Institut Jules Bordet
BDOC060102
Références
1. Slamon D et al. N Engl J Med 2001; 344 : 783.
2. Romond E et al. N Engl J Med 2005 ; 353 : 1673.
3. Piccart-Gebhart M et al. N Engl J Med 2005 ;
353 : 1659.
4.Slamon D et al. Breast Cancer Res Treat 94
Suppl 1 Abst 1.
5. Marty M et al. J Clin Oncol 2005 ; 23 : 1.
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L
Une étude de phase II randomisée, en première ligne métastatique, a comparé l’administration de docetaxel seul à
l’association docetaxel – trastuzumab chez 188 patientes
dont la tumeur est HER2 positive 5. Comme l’on pouvait s’y
attendre, la combinaison de
l’anticorps monoclonal et de la
chimiothérapie est plus efficace
que la chimiothérapie seule, à
la fois en termes de taux de
réponse au traitement (61%
contre 34%), de durée jusqu’à
la progression (11,7 contre 6,1
mois) et de survie globale (31,2
contre 22,7 mois) (Figure 1). L’efficacité du traitement combinant le docetaxel et le trastuzumab illustrée par ces paramètres est très intéressante
alors que sa toxicité n’est pas
très différente de celle du
docetaxel administré seul, en
dehors d’un taux un peu plus
élevé de toxicité cardiaque
attribuable au trastuzumab
chez des patientes prétraitées
par des anthracyclines.
le suivi très court. Elle pourrait le devenir à plus
long terme. Cette tendance rappelle l’importance
d’une chimiothérapie à base d’anthracyclines pour
les tumeurs HER2 positives qui y sont très sensibles. Mais cette association anthracyclines et trastuzumab est malheureusement cardiotoxique et
on observe déjà actuellement environ 2,4% de toxicité cardiaque sévère chez les patientes ayant reçu
des anthracyclines et du trastuzumab, alors que la
cardiotoxicité respective des deux autres traitements est de 0,6 et 0,4%.
Si par ailleurs on analyse de façon plus précise ces
tumeurs HER2 positives, en y recherchant si le gène
de la topoisomérase II, très proche du gène de HER2
sur le chromosome 17, est également amplifié, il
s’avère que seules les patientes dont le gène de la
topoisomérase II est amplifié retirent un bénéfice
plus important des anthracyclines alors que pour
les autres, la présence ou non d’anthracyclines dans
le traitement ne modifie pas son efficacité. Ceci s’explique aisément puisque la cible des anthracyclines
est précisément la topoisomérase II. Il est donc logique que les tumeurs surexprimant cette cible soient
plus sensibles à cet agent de chimiothérapie. Ces
résultats d’une analyse rétrospective de sous-groupe
doivent bien entendu être interprétés avec précaution mais leur signification biologique est suffisamment fondée et étayée par des études antérieures pour constituer un important pas en avant
dans le choix des agents de chimiothérapie. Ces
outils prédictifs permettront de sélectionner les
patientes chez lesquelles le bénéfice espéré justifie la prise du risque lié à la combinaison anthracyclines – trastuzumab.
INFORMATION SCIENTIFIQUE
Une nouvelle approche thérapeutique
des métastases osseuses :
le blocage du système RANK-RANKL
Jean-Jacques Body
Jean-Jacques Body, Filip Geurs, Clinique de médecine interne
et Clinique d’oncologie médicale, Institut Jules Bordet
Les complications osseuses du cancer sont fréquentes. Dans cet article, au-delà des
bisphosphonates qui ont réduit significativement la morbidité liée à ce problème,
Jean-Jacques Body, expert dans ce domaine, nous résume des nouveautés thérapeutiques
basées sur des progrès récents en biologie moléculaire.
e squelette est le site métastatique le
plus fréquent chez les patients souffrant d’un cancer du sein ou d’un cancer
prostatique avancé. Les métastases osseuses vont induire une ostéolyse souvent considérable. Les cellules cancéreuses détruisent
la matrice osseuse en stimulant les ostéoclastes: elles sont capables d’induire la différenciation ostéoclastique de cellules souches
hématopoïétiques et d’activer des ostéoclastes matures déjà présents dans l’os. Des
facteurs tumoraux comme le PTHrP et des
cytokines comme l’IL-1, -6 et -11 sont les principaux facteurs responsables de l’activation
des ostéoclastes 1. Les ostéoclastes étant au
cœur du processus de résorption osseuse,
ils constituent la cible logique pour le traitement et la prévention de l’ostéolyse tumorale. Il en est de même dans le myélome
multiple où les interactions entre cellules
myélomateuses et ostéoclastes jouent un
L
Figure 1 : régulation du remodelage osseux
par le système RANKL/RANK/OPG. Voir texte.
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rôle clé dans le processus d’ostéolyse et de
croissance tumorale. L’ostéolyse tumorale
est responsable d’une morbidité considérable (douleurs, fractures, hypercalcémie, …)
qui altère fortement la qualité de vie des
patients, d’autant plus que leur survie est
nettement plus longue que celle de patients
ayant des métastases viscérales extraosseuses.
“Des produits tumoraux vont
stimuler l’expression et la
sécrétion de “receptor activator
of NfkB Ligand” (RANKL) qui va
augmenter la différenciation de
cellules souches en ostéoclastes”
Les bisphosphonates sont de puissants inhibiteurs des ostéoclastes qui sont essentiel-
lement utilisés en cancérologie pour prévenir
les complications de l’ostéolyse tumorale.
Leur administration prolongée permet de
réduire d’environ 40% la fréquence des “événements osseux”. Les progrès les plus récents
réalisés grâce aux bisphosphonates dans
la maladie métastatique ont été la démonstration de l’efficacité du zolédronate, quelle
que soit l’origine de la tumeur et l’introduction de la forme orale de l’ibandronate pour
le cancer du sein, aussi efficace que la forme
intraveineuse. D’autres applications des bisphosphonates sont activement étudiées,
comme leur utilisation en situation adjuvante et leur effet de prévention de la perte
osseuse consécutive à certains traitements
antitumoraux. Toutefois, en situation métastatique, il semble bien qu’on soit arrivé
à un plafond d’efficacité 2.
L’ostéoblaste, responsable de la formation
de la trame osseuse, joue le rôle de “chef
d’orchestre” dans le contrôle du remodelage
osseux physiologique. Il en est de même lors
de la perte osseuse postménopausique ainsi
que dans le processus d’ostéolyse tumorale. Notre laboratoire fut d’ailleurs le premier à le démontrer dans le cancer mammaire 3. Le système moléculaire en
cause a été récemment identifié. Ainsi
que l’indique la figure 1, des hormones,
cytokines ou des produits tumoraux
vont stimuler l’expression et la sécrétion
de “receptor activator of NfkB Ligand”
(RANKL) qui va augmenter la différenciation de cellules souches en ostéoclastes ainsi que l’activité d’ostéoclastes matures via sa liaison au récepteur
RANK. L’ostéoprotégérine (OPG), secrétée par les ostéoblastes, contrôle localement cette interaction en se liant au
RANKL. Il s’agit en quelque sorte d’un
récepteur soluble liant l’excès de
RANKL et évitant une ostéolyse exagérée.
Ce
système
OPG/
RANK/RANKL peut être considéré
comme le “final common pathway”de
l’action des principaux facteurs régulant
ou dérégulant le remodelage osseux 4.
Des modèles animaux d’excès (“overexpression”) ou de déficit (“knockout”)
en OPG induisent, respectivement, un
phénotype d’ostéopétrose ou d’ostéoporose très sévère (voir figure 1) 5.
J O U R N A L D U R É S E A U C A N C E R D E L’ U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L LE S N ° 4 – J A N V I E R - F É V R I E R - M A R S 2 0 0 6
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L’administration d’OPG permet de prévenir
et de traiter l’hypercalcémie tumorale dans
des modèles animaux. De plus, elle permet
de prévenir l’activation ostéoclastique et la
destruction osseuse dans des modèles d’ostéolyse tumorale. Le premier essai de blocage du système RANK/RANKL chez des
patients souffrant d’ostéolyse tumorale fut
réalisé avec de l’OPG chimiquement liée à
une partie d’immunoglobuline (OPG-Fc).
L’activité anti-ostéolytique de différentes
doses de ce composé fut comparée à celle
du pamidronate chez 25 patientes présentant des métastases osseuses d’origine mammaire. L’inhibition de la résorption osseuse
fut au moins aussi rapide et marquée suite à
l’administration d’OPG-Fc qu’après administration de pamidronate 6. L’activité antiostéolytique d’une injection fut également
démontrée chez des femmes postménopausées. Toutefois, le développement de ce
composé ne fut pas poursuivi par la firme
AMGEN par crainte de l’apparition d’anticorps anti-OPG et d’une éventuelle interférence avec la réaction immunitaire antitumorale, mais surtout suite à l’obtention
d’un anticorps spécifique anti-RANKL, l’AMG
162. Outre sa parfaite spécificité dirigée
contre la substance essentiellement responsable de l’ostéolyse tumorale, des étu-
des animales démontrèrent que cet anticorps présentait des avantages pharmacocinétiques et pharmacodynamiques par
rapport à l’OPG.
“L’administration d’OPG
permet de prévenir l’activation
ostéoclastique et la destruction
osseuse”
Cet anticorps, tout récemment rebaptisé
denosumab, a été développé pour le traitement des maladies osseuses médiées par
les ostéoclastes. Comme une IgG2 humaine,
le denosumab a une demi-vie circulante
très longue (1-1,5 mois) et l’administration
d’une seule dose par voie sous-cutanée
entraîne une inhibition rapide et prolongée de la résorption osseuse chez des femmes postménopausées. Les effets de l’administration d’une seule dose ont été comparés à ceux du pamidronate dans une
étude en double aveugle chez plus de 50
patients présentant un cancer du sein métastatique au niveau osseux ou un myélome
multiple. La mesure de marqueurs modernes
de la résorption osseuse, comme le télopeptide NTX urinaire, montra une inhibition
rapide (dès le lendemain de l’injection) et
prolongée (plus de 3 mois) de la résorption
3OYEZDESNÙTRESLEMAI
POURLAÒMEÏDITIONDESi4ABLESPOURLA6IEw
osseuse 7. La durée de l’effet anti-ostéolytique pourrait ainsi être nettement plus
longue que celle des bisphosphonates.D’autre
part, aucun effet toxique évident ne s’est
manifesté à ce jour. Des études testant différentes doses et schémas thérapeutiques du
denosumab sont en voie d’être terminées et
des études comparatives avec les bisphosphonates pourront alors être entreprises afin
de déterminer si la morbidité des métastases osseuses peut encore être réduite.
En résumé, le développement d’un anticorps
bloquant spécifiquement la substance
RANKL paraît devoir constituer un progrès
thérapeutique majeur dans l’avenir, non
seulement pour le traitement et peut-être
la prévention des métastases osseuses, mais
aussi pour le traitement des diverses formes d’ostéoporose.
■
Références
1. Mundy GR, Nat Rev Cancer, 2002 ; 2 : 584-93.
2. Body JJ , Supp Care Cancer, in press.
3. Lacroix M, et al. ; Breast Cancer Res Treat, 1996 ;
38 : 209-16.
4. Simonet WS et al., Cell, 1997 ; 89 : 309-19.
5. Dunstan CR, The Endocrinologist, 2000 ;
10 : 18-26.
6. Body JJ et al., Cancer, 2003; 97 (suppl 3): 887-92.
,ES h!MIS DE L)NSTITUT "ORDETv LANÎAIENT EN UNE
INITIATIVE ORIGINALE h,ES 4ABLES POUR LA 6IEv ! CETTE
OCCASION DES RESTAURATEURS DE RENOM CRÏAIENT UNE VASTE
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ANNÏE Ë ,A ,IBRE -ATCH LAQUELLE JOINDRA Ë SON ÏDITION DU AVRIL PROCHAIN UN h'UIDE 'OURMANDv EXCLUSIF h 4ABLESv
,E MAI APRÒS ATTRIBUTION DES TABLES PAR TIRAGE AU
SORT LORS DUN GRAND COCKTAIL RICHE EN SURPRISES LES
GÏNÏREUX DONATEURS ET LEURS CONVIVES REJOINDRONT LES
ÏTABLISSEMENTS QUI LES ACCUEILLERONT
0OURPARTICIPERËCETÏVÏNEMENTEXCEPTIONNELOUPOUR
ENSAVOIRPLUSAPPELEZ-ADAME!RIANE#AMBIERAU
,EPRIXDELATABLEDECOUVERTSEST
DElSCALEMENTDÏDUCTIBLES
6OUS POUVEZ AUSSI SOUTENIR LOPÏRATION PAR UN DON SUR
LE COMPTE DES v!MIS DE L)NSTITUT
"ORDETv AVEC LA MENTION v$ON 4ABLES POUR LA 6IEv
,ES!MISDEL)NSTITUT"ORDETASBL
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RECHERCHE
Cellules dendritiques I3:
un nouveau vaccin cellulaire anti-tumoral?
L. Gordower, V. Richard, M. Toungouz, T. Velu, Oncologie médicale, Hôpital Erasme
[email protected]
de vaccination anti-tumorale a
validé par de nombreux essais cliniLques,eétéconcept
principalement dans le mélanome. À
l’Hôpital Erasme, nous avons surtout développé des vaccins utilisant des cellules dendritiques (DC) pulsées par des antigènes tumoraux. Les DC, cellules présentatrices d’antigènes professionnelles jouent un rôle clé dans
l’initiation des réponses immunes. Jusqu’il
y a peu, les essais cliniques conduits dans
notre unité ont utilisé des DC de type myéloïde générées à partir de monocytes du
sang périphérique du patient après culture
in vitro avec de l’interleukine-4 et du GMCSF (DCG4).
Avant vaccination
Les résultats ont montré une bonne tolérance
clinique, des réponses immunes biologiques
et cliniques chez un certain nombre de patients, nous encourageant à tenter d’améliorer cette approche vaccinale (Figure 1). L’une
des voies possibles est l’utilisation d’un nouveau type de DC, mis au point à l’Hôpital
Erasme. Ces DC sont obtenues après mise en
culture de monocytes en présence d’interleukine-3 et d’interféron-β (IFN-b). Ces cellules (DCI3) se distinguent des DCG4 par un
phénotype plus mature (expression plus élevée des molécules de surface CD-80, CD-83
et CD-86). De plus, in vitro, elles induisent une
sécrétion plus élevée d’IFN-gamma
par les lymphocytes T. Enfin, elles
produisent une quantité importante
d’IL-6 qui pourrait jouer un rôle dans
la diminution des effets suppresseurs médiés par les lymphocytes T
régulateurs.
Un de nos protocoles de vaccination
a testé l’injection de ces DCI3 chez
8 patients atteints de mélanome
stade III ou IV exprimant l’antigène
NA17. Les patients ont été vaccinés
par des DCI3 maturés par poly I : C et
Figure 1 : Exemple de réponse clinique à la
vaccination dans un mélanome métastatique:
l’injection de cellules dendritiques pulsées
par un antigène exprimé par le mélanome
du patient permet d’induire une réponse
immune cytotoxique dirigée spécifiquement contre cet antigène et une disparition
des métastases pulmonaires.
Après vaccination
Figure 1 : Exemple de réponse clinique à la
vaccination dans un mélanome métastatique.
1a
1b
SC
SC
ID
ID
Figure 2 : Migration de cellules dendritiques I3 marquées
à l’Indium-111 vers les ganglions lymphatiques.
AGENDA
Séminaires pluridisciplinaires
de cancérologie,
Hôpital Erasme
Salle de séminaire, 8e étage, bloc central
Entre 17.00 et 18.00
Coordinatrice : Claire Nouwynck
Tél.: 02/555 31 85 – [email protected]
Figure 2 :Migration de cellules dendritiques I3
(marquées à l’Indium-111) du site d’injection cutané vers les ganglions lymphatiques:
cette migration est cruciale, puisque c’est
au niveau des ganglions que les cellules
dendritiques chargées de l’antigène tumoral vont stimuler des lymphocytes spécifiques, induire leur prolifération et l’acquisition de leurs propriétés cytotoxiques.
14/02/2006 : Mucite post chimiothérapie,
le KGF : nouveaux espoirs.
Valérie Robin
14/03/2006 : Apport pronostique de
l’évaluation du Ki-67 en oncologie. Aspect
fondamental et applications pratiques.
Isabelle Salmon, Nathalie Nagy
18/04/2006 : Les Anti-Cox 2 :
nouveau traitement en oncologie ?
Frédéric Buxan
pulsées par le peptide NA17-A2. En plus de
la tolérance clinique, la réponse immune spécifique anti-NA17-A2 a été étudiée. Les vaccinations ont été bien tolérées, sans aucune
réaction secondaire de grade sévère. Trois patients sur 8 ont montré une réponse immune
T anti-NA17-A2 significative. Par ailleurs, la
migration de ces cellules dendritiques vers
les ganglions lymphatiques a été évaluée in
vivo par une méthode isotopique après injections sous-cutanées et intradermiques de cellules marquées à l’indium-111 à proximité
des régions inguinales. Une migration a été
démontrée chez 6 des 8 patients après injection intradermique uniquement (Figure 2).
Les données immunologiques et fonctionnelles obtenues confirment le côté prometteur des stratégies vaccinales basées sur
les DCI3. Par ailleurs, un traitement ciblant
simultanément plusieurs antigènes tumoraux permettrait peut-être d’augmenter
l’efficacité de ces vaccinations.
Ces travaux sont le fruit d’une collaboration
entre différents services, notamment :
Oncologie Médicale, Hôpital Erasme
(L. Gordower,V. Richard,T.Velu); Dermatologie,
Hôpital Erasme (V. Del Marmol, M. Laporte,
M. Trakatelli, P. Vereecken) ; Institut Jules
Bordet (F. Sales) ; CHRU-Lille (L. Mortier) ;
Unité de Thérapie Cellulaire et Moléculaire
(M. Toungouz, M. Goldman, M. Lambermont).
Références
1. Myrto T. et al. Cancer Immunology
Immunotherapy, on line Aug 20 ; 1-6, 2005.
2. Toungouz M., et al. Journal of Leukocyte Biology
69 : 937-43, 2001.
3. Detournay O et al. Human Immunology 66 :
460-8, 2005.
4. Mazouz N et al. Cancer Immunology
Immunotherapy 54 : 1010-17, 2005.
Séminaire “Meet the Oncology
Expert”, Institut Jules Bordet
Auditoire H. Tagnon, entre 8.00 et 9.00
Inscriptions : [email protected]
03/02/2006 : National cancer mortality
trends : the hazards of smoking and the
benefits of stopping
Prof. R. Peto, Oxford University, UK
03/03/2006 : Current options in the
treatment of metastatic colorectal cancer
Prof. C-H Köhne, Oldenburg, Germany
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