Mémoire Thueyts

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Emmanuel T. Berger
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INTRODUCTION.
La Gravenne de Thueyts, encore appelée Volcan
La coulée, qui a égueulé la Gravenne sur son
du Prat, domine la route N. 102 en rive gauche de la
flanc ouest-sud-ouest, a été partiellement bloquée à
vallée de l’Ardèche (Figure 1). Elle se présente
l’aval par les scories du cône qui encombraient le lit
comme un ancien cône, aujourd’hui éventré, de huit
de l’Ardèche. Elle s’est, de ce fait, étalée en amont
cents mètres de diamètre et s’élevant d’une centaine
en raison de la faible pente locale de la vallée.
de mètres au-dessus du substratum métamorphique.
FIGURE 1 - LA GRAVENNE DE THUEYTS ET SA COULÉE BASALTIQUE.
REMARQUES : 1 - Les «alluvions récentes» se matérialisent le plus souvent par une mince terrasse, voir des plaquages discontinus laissant
apparaître le socle. 2 - La «formation lacustre» s’est mise en place immédiatement après que la coulée basaltique ait barré la vallée du
Merdaric. L’existence de ce lac temporaire est responsable de la morphologie actuellement observable.
LA COULÉE BASALTIQUE :
La coulée émise par la Gravenne de Thueyts est
certes pas la longueur de celle issue du maar du
assurément la plus imposante du Pays des Jeunes
Ray-Pic (21 km), ni la superbe vraie colonnade
Volcans d’Ardèche (Photos 1 et 2).. Elle ne possède
qu’offre la coulée de Jaujac ; en revanche sa
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puissance (localement supérieure à 50 mètres), sa
ou pas altérées, se distinguent dans une fine matrice
largeur et le cachet particulier qu’elle donne à la
que seul le microscope permettrait d’observer avec
commune de Thueyts en font une formation tout à
efficacité.
fait exceptionnelle
Comme pour les autres volcans récents de
l’Ardèche, la composition chimique du basalte (voir
annexe) traduit bien son appartenance au groupe des
basaltes «alcalins» caractéristiques de la quasitotalité des basaltes d’âges Tertiaire et Quaternaire
du Massif Central. Sur la base de modèles plus ou
moins
généralement
admis,
ces
compositions
reflètent un faible taux de fusion partielle de
péridotites au sein du manteau terrestre.
Photo 1 - LA GRAVENNE ET LA COULÉE DE THUEYTS.
Cette vue, prise depuis la rive droite de l’Ardèche, montre
bien le site du village pour l’essentiel bâti sur la coulée. Au
premier plan et de gauche à droite on remarque la puissance de la
coulée et au delà de la Gueule d’Enfer, les restes du cône dont
elle est issue. Au second plan on distingue nettement le Gravenne
de Montpezat et le célèbre Rocher d’Hautureyre.
Les sentiers existants, tant en rive gauche qu’en
rive droite de l’Ardèche, permettent de multiplier les
observations les plus diverses. Le basalte diffère
quelque peu selon qu’il est observé dans la masse de
la coulée ou dans les passées scoriacées où il est gris
clair et riche en petites bulles millimétriques
allongées donnant à la roche un faciès plus ou moins
ponceux. Dans ces basaltes scoriacés, les cristaux
visibles à l’œil nu (phénocristaux) sont rares ; il
s’agit le plus souvent d’olivines relativement
altérées (rubéfaction à haute température). Des
enclaves de péridotites de taille centimétrique, le
Photo 2 - VRAIE COLONNADE ET ENTABLEMENT.
fréquemment altérées, sont localement observables.
(CHEMIN DE LA GUEULE D’ENFER).
Le basalte massif de la coulée est gris clair en
La coulée basaltique de Thueyts, d’une puissance tout à fait
patine mais plus sombre que le précédent en cassure.
exceptionnelle (cinquantaine de mètres d’épaisseur), ne se
Les bulles, moins nombreuses, y sont plus allongées.
caractérise cependant pas par la hauteur de la vraie colonnade.
Celle-ci, néanmoins bien individualisée, est bien observable le
De petites enclaves de péridotites, relativement
fraîches, y sont également présentes.
A l’œil nu de rares phénocristaux de pyroxène
(augites noires) et des olivines, automorphes et peu
long du chemin qui, depuis la Gueule d’Enfer, conduit au Pont du
Diable. On prendra la mesure de la puissance de la formation soit
depuis le belvédère de la N 102, soit depuis les sentiers
serpentant en rive droite de l’Ardèche, soit (par exemple) en
empruntant «l’Echelle de la Reine».
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LES PÉRIDOTITES EN ENCLAVES DANS LE BASALTE.
Les basaltes alcalins, groupe auquel appartient le
basalte
émis
par
la
Gravenne
de
Thueyts,
clinopyroxène et un minéral présent en très faible
quantité
(les
pétrographes
disent
«minéral
contiennent souvent des enclaves arrachées aux
accessoire») : le spinelle. Prélever des échantillons
terrains traversés lors de leur ascension vers la
de roches mantelliques en place est naturellement
surface du globe terrestre. Les unes sont prélevées
impossible, le manteau se localisant entre la base de
dans la croûte, à des profondeurs variables (roches
l’écorce terrestre (moins de 10 à plus de trente
métamorphiques dans le secteur concerné), les
kilomètres de profondeur selon que l’on se situe en
autres au sein-même du manteau terrestre. Ces
milieu océanique ou continental) et le noyau situé à
dernières sont pour l’essentiel des péridotites, de
une profondeur de 2.900 km. Nous disposons
couleur verte lorsqu’elles sont fraîches à rouge
néanmoins d’informations relativement précises au
brique
travers
lorsqu’elles
sont
«rubéfiées».
Elles
des
données
et
qu’apporte
pétrologique
des
l’étude
contiennent en proportions variables trois minéraux
minéralogique
enclaves
principaux (les pétrographes disent «minéraux
«échantillonnées» par les basaltes (voir glossaire et
cardinaux» : voir glossaire) : olivine, orthopyroxène,
annexe).
LE CÔNE,
LES POUZZOLANES (PROPRIÉTÉS, USAGES).
Brousse et Berger (1967) ont écrit : «La
La Gravenne de Thueyts est le point du Pays des
morphologie primitive n’est plus identifiable en
Jeunes Volcans où il est le plus facile d’appréhender
raison de l’intense exploitation dont il est depuis
ce qu’est la pouzzolane (voir infra et annexe). Les
longtemps l’objet». Si trente ans plus tard ce point
niveaux les plus récents, bien visibles en bordure de
de vue reste plus que jamais d’actualité, le stade
la route nationale 102, s’enrichissent en blocs
actuel d’exploitation des deux carrières en activité
scoriacés décimétriques et même en passées
n’en permet pas moins d’intéressantes observations.
basaltiques franches annonçant l’ultime phase
d’activité que matérialise la puissante coulée mise
en place dans la vallée de l’Ardèche. Des enclaves
sporadiques de socle, de couleur claire et atteignant
tout au plus quelques centimètres, se détachent sur
le fond rouge ou noir des fronts de taille.
La carrière Est (Photo 3), située en bordure de la
route forestière conduisant à la Gravenne de
Montpezat, est la plus spectaculaire ; elle offre de
beaux panoramas sur la vallée de l’Ardèche et de
Photo 3 - LA CARRIÈRE EST.
En pleine activité, la carrière Est montre de nombreux
affleurements d’une fraîcheur exceptionnelle. On y trouvera
divers types projections et, avec un peu de chance, de la covellite.
très bonnes opportunités d’observations tant des
produits en place (pouzzolanes, bombes, etc.) que
des modalités de leur extraction par l’exploitant.
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Depuis le terre-plein, situé en bordure de route,
De superbes bombes fuselées, pouvant atteindre
on bénéficie d’une très bonne vue vers l’aval à la
un à plusieurs décimètres, se rencontrent également
fois sur la vallée de l’Ardèche et sur le volcan du
(Photo 5). Nous signalerons la présence de Covellite
Souilhol qui la domine en rive gauche (au delà de
(sulfure de cuivre : CuS), le plus souvent bleue-
Neyrac les Bains). De plus, depuis le sommet de la
indigo, en quantité localement significative.
carrière (côté gauche), on dispose d’un remarquable
panorama en direction du centre de Thueyts et de sa
coulée basaltique.
La
carrière
offre
une
grande
diversité
d’observations possibles. Elle montre aussi bien des
pouzzolanes de couleur sombre (plus ou moins
noires) lorsqu’on est situé relativement loin du point
d’émission (ancienne cheminée) que des projections
franchement rouges lorsqu’on s’approche de celleci. Dans sa partie la plus à l’ouest, des projections
rappelant celles décrites au sommet du Souilhol,
s’offrent au regard (Photo 4). Il s’agit alors de
l’expression d’une phase d’activité ayant émis des
Photo 5 - BOMBE FUSELÉE.
La carrière Est, bien connue des amateurs, autorise la
découverte de très belles bombes fuselées, de tailles très diverses,
pouvant, pour certaines d’entre elles, atteindre le mètre.
paquets de lave très chaude, le plus souvent
retombée près du point d’émission.
Moins spectaculaire, car proche de l’épuisement
de ses réserves, la carrière Ouest n’en offre pas
moins des conditions d’observation intéressantes
(Photo 6). Elle est d’un accès aisé et se prête bien à
l’observation en deuxième partie de la journée
(orientation du soleil). Les pouzzolanes y sont
immédiatement
accessibles
et
la
relation
substratum/volcan facile à appréhender.
Photo 4 - SCORIES SOUDÉES (CARRIÈRE EST).
Parvenues au sol à une température encore très élevée,
certaines scories se sont soudées immédiatement après leur mise
en place. Leur couleur rouge est due à un niveau d’oxydation un
peu plus élevé que les scories noires. Le fer, présent en quantité
relativement importante (pouvant être proche de 10%), permet de
comprendre la relation entre couleur et degré d’oxydation. De
telles projections sont assez fréquentes au Pays des Jeunes
Volcans. Les plus spectaculaires sont celles du Souilhol
(commune de Meyras) et, à un moindre degré, celles localement
visibles sur les pentes du maar du Chambon (commune de
Montpezat sous Bauzon).
Photo 6 - LA CARRIÈRE OUEST.
En voie d’épuisement, la carrière Ouest n’en autorise pas
moins quelques belles observations.
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POUZZOLANES ET POUZZOLANICITÉ
L’étude de La Gravenne de Thueyts offre
ciment naturel». Il reste qu’en France le terme
l’occasion de se pencher sur la pouzzolane en tant
pouzzolane est utilisé au sens restreint des
que matériau (Photos 7 et 8). En France le terme
pétrographes/volcanologues qui lui donnent le
pouzzolane concerne soit des scories volcaniques de
contenu suivant : «La pouzzolane est une roche
composition
basaltique
des
naturelle constituée par des scories volcaniques
matériaux
ayant
dites
basaltiques ou de composition proche. Elle possède
«pouzzolaniques» et pouvant avoir des origines très
une structure scoriacée et alvéolaire». Du point de
diverses. Nous proposons de lever brièvement
vue chimique et d’après la norme officielle P18-310
l’ambiguïté que peut susciter ce double, voir triple
(juillet 1957), la pouzzolane est essentiellement
sens du terme pouzzolane.
constituée de :
ou
des
proche,
soit
propriétés
SiO2 43 à 55% ; Al2O3 12 à 24% Fe2O3 8 à
15% ; moins de 0,5% de soufre sous forme de
sulfure, moins de 1% de SO sous forme de sulfate.
La pouzzolane est généralement rouge ou noire,
avec
toutes
les
teintes
intermédiaires,
exceptionnellement grise. Une analyse ancienne de
pouzzolane, prélevée à la Gravenne de Thueyts
(carrière Ouest) a donné la composition suivante
(exprimée en poids d’oxydes pour cent) :
SiO2 44,06 ; Al2O3 17,96 TIO2 0,84 ; Fe2O3 12,94 ;
Photo 7 – POUZZOLANES ROUGES CALIBRÉES
CaO 10,12 ; MgO 10,19 ; MnO 0,17 ; (Na2O + K2O)
(CARRIÈRE EST).
1,22 ; Cr2O3 0,12 ; (Eau + Perte au Feu) 1,76 ;
Le terme pouzzolane trouve son origine à
TOTAL 99,38
Pouzzoles, petit port du Golfe de Naples. De très
beaux vestiges en béton de pouzzolane sont connus
de longue date, notamment : le temple de Seraphis,
la villa de Cicéron, la Chapelle Agia Irini construite
au XIVème siècle sur l’île de Ios, près de Santorini
(Cyclades).
L’évocation de ces prestigieux édifices nous
offre l’occasion de préciser que, même pour le
pétrographe, le terme pouzzolane peut concerner
deux types de matériaux de nature chimique bien
différente. Ainsi, Jung (1957) donne la définition
Photo 8 – POUZZOLANE NOIRE
(CARRIÈRE EST).
suivante : «Les pouzzolanes de Pozzuoli (Italie
Centrale), sont des cendres trachytiques claires et
L’ensemble des éléments de la définition sus-
friables, qui sont susceptibles d’être utilisées comme
jacente, qui s’applique tout particulièrement aux
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scories basaltiques, ne nous sort guère des sentiers
pouzzolane : un revêtement de pouzzolane à la base
battus dont s’écarte déjà celle de FAICK :
d’un mur humide peut donc résoudre indirectement
«Les pouzzolanes sont des matières naturelles ou
des problèmes d’allergies), les revêtements de caves
artificielles qui, ajoutées à du ciment, donnent un
à l’intention des amateurs de bons vins désirant les
produit
faire vieillir en conditions aussi favorables que
de
qualité
supérieure
pour
un
prix
possible lorsque l’habitat naturel n’est pas optimal,
généralement très bas.
Le «Concrete Manual» (U.S.B.R.) nous donne
une définition plus précise :
les filtres divers et fosses septiques (les eaux
présentent généralement une haute qualité après
«...Une matière siliceuse ou silico-alumineuse
avoir percolé en milieu pouzzolanique, les éléments
possédant en elle-même peu ou pas de propriétés de
de décoration (actuellement les exploitants mettent
prise mais qui, finement divisée et en présence de
l’accent sur cet aspect en mettant en avant la touche
chaux, réagit avec l’hydroxyde de chaux à la
de couleur qu’apporte la pouzzolane, son caractère
température ordinaire pour former un composé ayant
«inerte et inaltérable» etc.).
les propriétés d’un ciment».
À cette longue liste, s’ajoutent les utilisations
Considéré du point de vue du géotechnicien, le
possibles en horticulture (l’herbe pousse mal sur la
terme pouzzolane prend donc un sens bien différent
pouzzolane, «son caractère minéral met les toiles
de celui des pétrographes. L’ingénieur réunit sous
plastiques
cette rubrique des matériaux aussi différents que le
(publicité d’Europouzzolane).
trass de l’Eiffel (Allemagne), la terre de Santorin,
les tufs de nature trachytique, voire basaltiques,
à
l’abri
des
rayons
ultraviolets»
Ainsi, les usages que propose la publicité du
Groupe Seroul concernent :
certaines argiles, certains schistes houillers, la gaize,
-la culture horticole en serres. Pour cet usage, le
etc. A cette liste de matériaux naturels s’ajoutent les
prospectus du groupe Seroul relève : «une meilleure
laitiers de hauts fourneaux, les cendres volantes, etc.
aération du compost, un meilleur enracinement, Un
La variété des produits cités peut étonner ; en fait
meilleur
tous sont bien des pouzzolanes au sens du
hygrométrique»
géotechnicien.
drainage,
un
meilleur
échange
-la culture sans sols. Cette culture, également
Les pouzzolanes de composition basaltique ou
appelée hydroponique, est effectuée en goutte à
proche (type Gravenne de Thueyts) présentent
goutte (par aspersion ou par le sol). Selon le
diverses
nombre
prospectus, la pouzzolane permet «de réduire les
desquelles : les bétons légers, les parpaings (la
risques de maladie car exploitée à grande
structure alvéolaire de la pouzzolane confère une
profondeur elle est exempte de germes divers, de
faible densité au béton pour une qualité mécanique
retenir plus longtemps la solution nutritive»
possibilités
d’utilisation
au
donnée), les couches de base pour itinéraires routiers
-la culture en plein champ. La pouzzolane est ici
hors-gel (la porosité globale de la pouzzolane
conseillée pour l’amendement de certains sols. au
empêche la formation de lentilles de glaces et évite
nombre des avantages qu’elle présente, le document
donc la mise en place de barrières de dégel), les
publicitaire insiste sur «le meilleur enracinement, le
boisseaux de cheminées (la pouzzolane est un
meilleur arrachage, la facilité de reprise des plants,
isolant thermique de qualité exceptionnelle, les
la suppression de pots coûteux, la réduction du
revêtements
risque de carences et de maladies».
anti-moisissures
(les
champignons
microscopiques ne se développent pas sur la
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QUEL ÂGE POUR LA GRAVENNE DE THUEYTS ET SA COULÉE ?
Cherchemuse, ni le maar du Lac d’Issarlès, ni les
appareils situés au nord du Ray-Pic, avait conduit à
la mise en évidence de deux phases éruptives
brèves : l’une à plus de 35.000 ans, l’autre à 12.000
ans environ (Berger, 1973 : Figure 3). Un travail
plus récent, englobant les volcans non pris en
compte dans la première étude et ne s’appuyant que
sur les données du paléomagnétisme et de la
thermoluminescence (Rochette, Bertrand, Braun &
Berger, 1993), conduit ses auteurs à proposer trois
phases
d’activité
très
brèves
se
situant
respectivement à 130.000, 80.000 et 47.000 ans
(Figure 2). Un examen approfondi des conditions
d’obtention
des
données
relatives
à
la
thermoluminescence nous a conduit sinon à
reconsidérer cette conclusion du moins à en
souligner certaines faiblesses (Berger, 1997). Le
problème de l’âge absolu restant posé, il convient
de
FIGURE 2 - LES TROIS PHASES ERUPTIVES.
(données de la thermoluminescence et du paléomagnétisme).
prendre
en
compte
deux
datations
Berger, 1998-2000.
Les volcans les plus vieux (130 ka) sont ceux situés au nord
C
récemment communiquées (Berger, 1997). L’une
concerne la coulée de Jaujac (16.280
SOURCES : Berger, 1981, Rochette, Braun & Berger, 1993,
14
410 ans),
l’autre la coulée issue du maar du Chambon et
effectuée sur des charbons prélevés sous le basalte
(Chaudeyrolles, Borée, Saint-Martial) ; les plus jeunes (16 à 12
situé à la verticale et en contrebas de la ruine du
ka) sont localisés au sud (Vestide du Pal, Chambon, Thueyts,
château de Pourcheyrolles (15.100 ans
Jaujac). Un travail récent, effectué à l’université de Clermont-
Avec les réserves qui s’imposent, ces deux
Ferrand, retrouve les valeurs proposées pour l’épisode le plus
récent (De Goër, communication personnelle).
dernières
datations
apportent
un
360 ans).
éclairage
intéressant à l’estimation de l’âge absolu du volcan
La prise en compte simultanée de l’ensemble
des
données
de
terrain,
de
celles
du
de Thueyts. En effet, le paléomagnétisme est le
même pour les quatre volcans de Thueyts, du
paléomagnétisme et des mesures d’âges absolus
Chambon, du Souilhol (11.770
permet de mieux cerner le problème que pose
& al., 1975) et de Jaujac. Ces paléomagnétismes
l’estimation des âges de mise en place des jeunes
impliqueraient une durée d’activité brève pour la
volcans d’Ardèche (Figures 2 & 3).
phase qui a vu se mettre en place ces appareils. On
Selon que l’on prend en compte les données de
la Thermoluminescence ou celles du
obtenus
diffèrent.
effectuée sur
14
Une
première
14
270 ans : Berger
peut estimer (sous l’importante réserve qu’impose
14
C les âges
la fiabilité des données du
estimation
Thueyts a soit un âge compris entre 16.700 et
C, et ne concernant ni le volcan de
11.500 ans, soit 47.000 ans.
C) que le volcan de
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Pont du diable, l’axe de la vallée se situait un peu
au nord avant la mise en place de la coulée.
L’importance de l’incision doit donc, pour le moins,
être interprétée avec la plus grande prudence.
Figure 3 – LES DERNIÈRES ÉRUPTIONS DE L’ARDÈCHE.
(ÂGE 14C).
Les premières datations
14
C (points 1 à 3), combinées aux
Photo 9 - INCISION DE LA VALLÉE L’ARDÈCHE.
(PONT DU DIABLE ET SECTEUR AMONT)
données du paléomagnétisme et à celles du terrain, avaient
permis la mise en évidence de deux phases éruptives brèves,
l’une vers 12.000 ans et l’autre à plus de 35.000 ans. Les
datations
14
C, publiées récemment (Berger, 1997 - 1998),
relancent le débat relatif à l’âge très jeune des dernières
éruptions. Les deux datations concernent respectivement la
coulée issue du Chambon (point 4, à 15.100 +/- 360 ans sous le
château de Pourcheyrolles) et la coulée issue de la Coupe de
Jaujac (point 5, à 16.280 +/- 410 ans). Ces valeurs donnent donc
globalement, pour l’âge
14
C de la dernière phase éruptive, une
fourchette comprise entre 16.000 et 12.000 ans.
L’INCISION DANS LE SOCLE : ENSEIGNEMENTS
A Thueyts, la présence de coulée basaltique
autorise une bonne réflexion sur le rôle des coulées
dans l’évolution de la morphologie et comme
marqueur de la vitesse actuelle d’incision des
vallées. Les observations réalisables au Pont du
diable et en amont (Photos 9 et 10) donnent, à
priori, une excellente idée de la vitesse d’incision
des vallées au quaternaire récent. Les conclusions
que suggère ce site semblent aller dans le même
sens que celles obtenues à une plus large échelle,
lesquelles conduisent actuellement à envisager une
Photo 10 - LA COULÉE A PONT DU DIABLE.
L’importance de l’incision du socle est sans doute au moins
vitesse de soulèvement récent du Massif Central de
autant liée au changement de lit, consécutif à la mise en place de
l’ordre de 0,14 mm/an. Il reste, qu’au niveau du
la coulée basaltique, qu’au récent soulèvement du Massif Central.
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GLOSSAIRE, ANNEXE.
La Covellite est un sulfure de cuivre cristallisant dans
le système Cu-Fe-S, en présence d’une phase vapeur et à
des températures comprises entre 500 et 400°C
La dunite est une péridotite dans laquelle l’Olivine
prédomine très largement (plus de 80%)
Les harzbugites se caractérisent par la prédominance
de l’olivine et de l’orthopyroxène.
L’Olivine, encore appelée Péridot, est le constituant
majeur du manteau supérieur et donc des enclaves de
péridotites «ramonées» par les basaltes alcalins. De
LES PÉRIDOTITES DU BASALTE DE THUEYTS :
couleur vert-olive lorsqu’elle est fraîche, elle tire son nom
MINÉRALOGIE ET PÉTROGRAPHIE.
de cette caractéristique. Le plus souvent elle est plus ou
moins altérée et prend alors une couleur jaune-miel.
Les petites enclaves de péridotite rencontrées tant
Lorsque l’oxydation est plus poussée, l’olivine devient
dans les projections que dans le basalte de la coulée sont
rougeâtre. Cette altération est fréquente dans les scories,
soit des lherzolites soit des harzburgites. Elles présentent
en particulier pour les nodules dépourvus de gaine
un grain millimétrique. L’analyse chimique, à la
basaltique. Observée au microscope, l’olivine fraîche est
microsonde électronique, des minéraux constitutifs (en
le plus souvent limpide et présente des cassures
particulier orthopyroxène et clinopyroxène) permet de se
nombreuses et généralement courbes.
faire une idée de leur profondeur d’origine qui serait de
l’ordre de 30 à 45 kilomètres. Cette estimation tient
L’Orthopyroxène, encore appelé Bronzite par certains
également compte de la structure de la roche.
auteurs, offre, sous la loupe binoculaire, une couleur vert
Du fait de leur petite taille, il est difficile d’obtenir
olive à brune (il tire son appellation de bronzite de cette
une analyse chimique globale des enclaves de péridotites
caractéristique). Il présente à l’œil nu une teinte brune à
issues de La Gravenne de Thueyts.
noire. Dans les nodules de péridotites, l’orthopyroxène
Une seule enclave a donc fait l’objet d’une analyse
n’est pratiquement jamais altéré. Sous le microscope il se
chimique détaillée. Il s’agit d’une lherzolite proche d’une
distingue aisément de l’olivine du fait de la présence de
harzburgite atteignant 6 centimètres dans sa plus grande
clivages.
dimension. Les proportions des constituants chimiques de
cette enclave prélevée à proximité de l’Echelle de La
Le clinopyroxène est un diopside chromifère. Il est de
couleur vert-émeraude aussi bien à l’œil nu que sous la
Reine (réf : THU 77284) sont consignées dans le tableau
sus-jacent.
loupe binoculaire.
CHIMISME DES PÉRIDOTITES DE THUEYTS
Le spinelle présente à l’œil nu une couleur noire et
SiO2 43,86; Al2O3 2,69; TIO2 0,14; Fe2O3 0,92; FeO 7,41;
brillante et une cassure conchoïdale. Observé au
CaO 1,71; MgO 42,38; MnO 0,12 ; Na2O 0,18 ; K2O
microscope, en lumière dite naturelle, le spinelle des
0,01 ; Cr2O3 0,37 ; NiO 0,26 ; H2O+ 0,08 ; H2O- 0,07
enclaves de péridotites est le plus souvent de couleur
TOTAL 100,2.
brune. Dans les enclaves rubéfiées on observe une couleur
plus ou moins brun-rouge. Les spinelles sont des oxydes
+
+
pouvant contenir : Mg; Al, Fe2 , Fe3 , Cr, Ti, Mn, .../...
COMPOSITION CHIMIQUE DU BASALTE.
(Echelle de La Reine, Source : Berger, 1973).
SiO2 46,30 ; Al2O3 15,49 ; TIO2 0,95 ; FeO* 10,74 ; CaO
La lherzolite est une péridotite dans laquelle les
proportions d’Olivine, Orthopyroxène et clinopyroxène
sont comparables..
09,60 ; MgO 09,55 ; MnO 0,07 ; Na2O 4,03 ; K2O 1,81
Cr2O3 ; 0,15 ; H2O+ 0,88 ; H2O- 0,30 ; TOTAL 99,87 %.
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