Histoire de l`Afrique ancienne » , N° 8075 , Mai

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Commerce caravanier
et traites transsahariennes
Routes principales
Alger
Fès
TA F I L A L E T
Sidjilmassa
Ouargla
Mogador
Océan Atlantique
Les échanges transsahariens
entre VIIIe et XVIe siècle
Adjil
Teghazza
Djalo
T I D I K E LT
Sel
Oualata
Sénég
al
Arawan
Bakai B A M B O U K
Or
Ségou
païens par les commerçants musulmans et pouvaient donc être capturés
et vendus. De nombreuses caravanes
ont acheminé ces milliers d’esclaves
à qui l’on faisait porter des charges
afin de réduire le coût du portage animalier. à la fin du XVIe siècle, Jean
Palerne Forésien, ex-secrétaire du
duc d’Anjou, frère du roi de France
Henri III, s’arrête au Caire sur le
chemin de Jérusalem et y décrit un
marché aux esclaves. Il observe avec
pitié ses coreligionnaires capturés
aux frontières du “royaume du Prêtre
Jean” (l’Éthiopie). Les hommes sont
utilisés dans les grandes plantations,
du golfe Arabo-Persique notamment,
dans les mines de sel, mais aussi dans
les armées (les Mamluks d’Égypte ont
ainsi constitué une armée essentiellement composée d’esclaves), ou encore
dans les harems, comme eunuques.
Les femmes sont recherchées pour
les harems et la domesticité et font
l’objet d’un examen particulièrement
minutieux. Le prix de ces esclaves
dépendait de l’âge, des capacités
physiques, du sexe, et pouvait parfois
être très important.
Le commerce transsaharien a
commencé à décliner dès le XVIe
siècle, lorsque l’arrivée des Européens a peu à peu détourné l’essentiel
du trafic, notamment d’esclaves, à
destination des Amériques, vers les
côtes et les comptoirs littoraux. Il a
néanmoins subsisté jusqu’au XIXe
siècle et l’abolition de la traite. Les
grandes caravanes de sel restent,
aujourd’hui, les seules à échanger
entre le Sahara et le Sahel.
Kong
ENNEDI
WADAI
KANEM
Lac Tchad
Zinder
Katsina
Kumasi
Salaga
BORNU
Abeche
Kano
Ilorin
DARFUR
Wara
Ivoire
Kola
N il
Souakin
La Mecque
BORKU
Agadès
Niamey Sokoto
Ouagadougou
Médine
El Giof
Sel
Gao
Esclaves
BOURÉ
KUFRA
Hefuan
AÏR
er
Nig
Tombouctou
Djenné
Le Caire
Principaux produits
d’échange
Assiout
FEZZAN
TIBESTI
SAHEL
Koumbi Saleh
Ivoire
Jaghbub
Murzuk
Ghat
SAHARA
Villes d’étape
CYRÉNAÏQUE
In Salah
T U AT
Villes de départ
Benghazi
Ghadamès
Taoudenni
Carte disponible sur transparent
Tripoli
e
oug
rR
E commerce trans- les villes d’Afrique du Nord ou du
saharien ne semble pas Sahel, avaient des représentants dans
avoir été régulier avant le VIII e les villes d’étape (ainsi sur la route
siècle. Il s’est développé d’abord entre Tripoli et Kano : Ghadamès,
à partir de l’Égypte, puis entre le Ghat, Hefuan, Agadès ou Zinder),
Maghreb et la boucle du Niger, où et employaient des serviteurs pour
son essor est important à partir du conduire les dizaines, voire les cenXe siècle. Le Ghana est jusqu’au taines de dromadaires, bien adaptés
XIe siècle la destination principale au désert, qui constituaient les aniau sud du Sahara, jusqu’à ce que le maux de bât des caravanes. Ibn BatTakrur (ou Tekrur, dans la vallée du tuta, au XIVe siècle, évoque des
fleuve Sénégal) le remplace, détrôné caravanes comptant plus de 10 000
à son tour aux XIIIe-XVIe siècles chameaux ! Les gains réalisés étaient
par les pôles économiques du Mali élevés, pouvant atteindre plusieurs
et du Songhaï (Djenné, Tombouctou, fois les sommes investies.
Gao). Les routes se modifient ainsi
Le sel et des objets artisanaux,
pendant toute la période, en fonction auxquels s’ajoutèrent peu à peu les
des pouvoirs qui se succèdent, des chevaux pour le prestige, les étoffes
rivalités et des conflits, mais aussi de – y compris européennes –, les perles
la découverte ou du contrôle des mi- et le sucre, venaient du nord. Les esnes de sel. Certaines routes, comme claves, l’or, les noix de kola, l’ivoire,
celle qui longeait l’Atlantique en les peaux, les bois et certainement du
passant par la Mauritanie, n’existent cuivre, venaient du sud.
quasiment plus à partir du IXe-Xe
Le sel était extrait dans les misiècle, alors que l’éventail des routes nes sahariennes d’Adjil, puis de
arrivant au nord depuis la boucle du Teghazza ou plus tard de Taoudenni.
Niger s’élargit, allant du Maroc à la Il constituait un produit de base dans
Cyrénaïque. Au XIIIe siècle, trois les échanges avec une Afrique au
espaces régionaux deviennent des sud du Sahara qui en était à peu près
partenaires commerciaux essentiels : complètement démunie. Indispensale Maghreb, l’Ouest africain et le ble pour compléter une alimentation
monde méditerranéen occidental, céréalière faible en sels minéraux, et
tant musulman (en Espagne) que pour l’élevage, le sel était si imporchrétien. Les échanges transsahariens tant qu’il servit parfois de monnaie.
ont ainsi contribué à l’intégration Au XIVe siècle, Al Bakri évoque
économique de zones variées, et même des échanges à poids égal
permis de mettre en relation le Sahel entre l’or et le sel ! On comprend
et les zones plus méridionales ou que les empires se soient disputés le
forestières de l’Afrique.
contrôle des salines. Ainsi, l’Askia
L’organisation du trafic saharien du Songhaï réussit au XVIe siècle à
est assez bien connue. La plupart des occuper Teghazza et à l’exploiter à
grands commerçants ne quittaient son profit, mais il en fut chassé par
pas les villes de départ des pistes. l’expédition marocaine de Djouder
Ils investissaient leur capital dans dont les mines étaient l’un des prinplusieurs caravanes pour répartir les cipaux objectifs.
risques de pertes, toujours possibles
Les esclaves provenaient des
dans les traversées du désert. Ces territoires non islamisés, où les
commerçants étaient installés dans habitants étaient considérés comme
Gabès
Routes de l’or
Mer Méditerranée
Artisanat, perles
Tindouf c h e v a u x , s u c r e
Tichit
L
Routes secondaires
Tunis
Me
DP 8075 HISTOIRE DE L’AFRIQUE ANCIENNE
28-29
El Facher
KORDOFAN
El Obeid Sennar
Esclaves
Cuivre
Esclaves
Source : d’après Adu Boahen, 1981. © Dila, Paris, 2010.
Un marché aux esclaves noirs au Caire à la fin du XVIe siècle
Il y a deux ou trois rues près le dit Cancalli [quartier du Caire], où se vendent les
pauvres esclaves chrétiens, où j’en ai vu plus de quatre cents pour un coup, la pluspart desquels sont noirs : qu’ils dérobent sur les frontières du Prêtre Jean. Ils les font
ranger par ordre contre la muraille, tous nus, les mains liées par derrière, afin qu’on
les puisse mieux contempler, et voir s’ils ont quelque défectuosité, et avant que de
les mener au marché, ils les font aller au bain, leur peignent et tressent leurs cheveux
assez mignardement, pour les mieux vendre, leur mettent bracelets et anneaux aux
bras, et aux jambes, des pendants aux oreilles, aux doigts et au bout des tresses de
leurs cheveux ; et de cette façon sont menés au marché, et maquignondés comme
chevaux. Les filles à la différence des garçons, ont seulement un petit linge autour
pour couvrir leurs parties honteuses : là est permis à chacun de les visiter et manier
devant et derrière, de les faire marcher et courir, parler et chanter, regarder aux dents,
sentir si leur haleine n’est point puante : et comme on est prêt de faire marché, si
c’est une fille, ils la retirent seulement un peu à l’écart, qu’ils couvrent d’un grand
drap, où elle est amplement visitée en présence de l’acheteur par des matrones à
ce commises pour connaître si elle est pucelle. Cela étant, elle vaut davantage.
Pérégrinations du seigneur Jean Palerne Forésien, secrétaire de feu monseigneur François de Valois duc
d’Anjou, d’Alençon, etc., frère de feu Henri III, roy de France et de Pologne, Lyon, Pillehotte, 1606, réédition partielle par Serge Sauneron, collection Les voyageurs occidentaux en Égypte, sous le titre Voyage
en Égypte de Jean Palerne Forésien, 1581, Le Caire, Institut français d’archéologie orientale, 1971.
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