l`enjeu de la liquidité de marche - Rencontres des Professionnels

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AMAFI / 15-48
26 octobre 2015
L’ENJEU
DE LA LIQUIDITÉ DE MARCHE
PRENDRE LA PLEINE MESURE DES EVOLUTIONS EN COURS
POUR AGIR EN CONSEQUENCE
Document de réflexion
de l’Association française des marchés financiers
Une liquidité de plus en plus évanescente. Comme en témoigne la succession de rapports, études et
avis publiés ces derniers mois (v. notamment la bibliographie synthétique présentée en Annexe), la
question de la liquidité des marchés est aujourd’hui une préoccupation centrale de nombre d’acteurs et
d’observateurs des marchés financiers, et au premier chef des régulateurs et superviseurs de ces
marchés ainsi que des banques centrales.
Cette sensibilité nouvelle trouve sa source dans plusieurs « secousses » qui, au cours des derniers mois,
ont affecté les marchés, et dont l’un des symptômes a été une brutale réduction de leur liquidité, voire sa
disparition temporaire. En témoignent particulièrement le « mini flash crash » sur les bons du Trésor
américain du 15 octobre 2014, la forte perturbation du marché des changes causée par la flambée du
franc suisse à la suite de l’abandon, non anticipé par le marché, de son ancrage à l’euro par la Banque
nationale suisse le 15 janvier 2015, ou, plus récemment, les chocs de marché du 24 août 2015, induits
par les inquiétudes quant à l’état et aux perspectives de l’économie chinoise. Mais d’autres exemples, qui
peuvent paraître moins significatifs, attestent eux-aussi de l’ampleur acquise par cette problématique.
Ne pas reproduire la crise des subprimes. Heureusement momentanées, ces « secousses » ont
néanmoins constitué, par leur intensité, un signal d’alerte compte tenu de l’enjeu que représente la
liquidité pour le bon fonctionnement des marchés.
Par ailleurs, personne n’oublie que, même si la nature très particulière des produits en cause a joué un
rôle déterminant, la crise des subprimes a été déclenchée à la mi-2007 par la constatation que la liquidité
de ces produits, considérée comme acquise jusqu’alors, était en réalité presque inexistante, d’où un
risque majeur sur la représentativité des prix auxquels s’échangeaient ces produits. Cette révélation a
entraîné de fortes incertitudes sur la valeur du bilan des acteurs qui les avaient acquis, et notamment des
banques, déclenchant alors la crise systémique que l’on sait.
Renforcer la résilience du système par celle des établissements. Depuis lors, l’objectif a été de
renforcer vigoureusement la résilience du système financier en général et des banques en particulier, via
notamment le durcissement des exigences prudentielles auxquelles les établissements doivent faire face.
Mais la résilience accrue des établissements n’a qu’une portée limitée si le bon fonctionnement du
marché, dont la liquidité est l’un des marqueurs importants, n’est pas simultanément assuré. Sans
liquidité assez stable et durable des marchés, c’est le processus de détermination des prix qui se trouve
affaibli, et avec lui la valorisation de nombreux actifs qui peut être mise en doute, mais aussi plus
généralement, la capacité des agents économiques à lever des financements ou à couvrir leur risque au
meilleur coût : le risque est alors d’enclencher la même spirale que celle qui, à l’automne 2008, a
entraîné les économies occidentales dans la crise dont nous subissons encore les conséquences … La
fragilité que mettent en évidence les ruptures de liquidité constatées récemment doit donc
nécessairement retenir l’attention.
AMAFI ■ 13, rue Auber ■ 75009 Paris
Tél. : 01 53 83 00 70 ■ Fax : 01 53 83 00 83 ■ http://www.amafi.fr ■ E-mail : [email protected] ■ Twitter : @AMAFI_FR
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Prendre en compte le rôle accru du marché à l’instar de l’UMC. Cette attention est naturellement
accentuée par le rôle croissant du marché dans le financement de l’économie, la gestion des risques et
l’allocation de l’épargne. En Europe particulièrement, le modèle de financement des entreprises est
appelé à poursuivre son évolution pour dépendre moins du crédit bancaire et davantage du marché.
Cette évolution paraît d’autant plus irréversible qu’elle est sous-tendue, d’une part, par la volonté des
entreprises de diversifier leurs sources de financement et, d’autre part, par l’impact des nouvelles
réglementations prises depuis 2008 qui contraignent la capacité du système bancaire européen à
dispenser des crédits.
Dans cet environnement en évolution profonde, la capacité à assurer une liquidité du marché assez
stable est critique pour le succès du projet d’Union des Marchés de Capitaux porté par la Commission
européenne et, au-delà, pour le bon financement de l’économie européenne sans lequel le retour de la
croissance et son maintien restent peu probables.
Le risque aggravé de crises en spirale. Mais les ruptures de liquidité que connaît aujourd’hui le marché
révèlent aussi une situation dont les conséquences ne doivent pas être mésestimées : il semble en effet
probable que, si rien n’est entrepris pour endiguer, sinon contrecarrer les forces à l’œuvre, des crises de
liquidité qui jusqu’ici, avaient des effets seulement passagers, puissent désormais plus facilement et plus
rapidement se transformer en crises majeures, faute d’apporteurs de liquidité pouvant répondre
suffisamment à la demande d’investisseurs dont les comportements sont toujours plus alignés.
La liquidité de marché apparaît ainsi comme la source potentielle d’un risque systémique accru par
rapport à la situation antérieure à la crise financière, situation d’autant plus paradoxale qu’elle résulterait
pour partie des nombreuses et importantes mesures de régulation prises en réponse à cette crise.
Apporter la contribution des professionnels de marché. Pour les acteurs de marché que l’AMAFI
représente, la question de la liquidité de marché et de sa gestion en situation de crise est centrale :
évidemment parce que c’est le cœur même de leur activité qui est en jeu, mais aussi, et beaucoup plus
fondamentalement, parce que l’importance prise par les marchés oblige à rechercher tous les moyens
d’optimaliser leur fonctionnement. Aussi, et dans le prolongement direct de la note qu’elle a consacrée en
début d’année aux problématiques de tenue de marché (v. Tenue de marché – Un enjeu pour des
marchés efficaces au service du financement de l’économie, AMAFI / 15-03, 6 janvier 2015), et dont ce
document reprend d’ailleurs certains éléments, l’Association souhaite aujourd’hui apporter sa contribution
aux débats en cours sur la question de la liquidité de marché.
Elle considère que cette contribution peut être d’autant plus utile, qu’au-delà des données objectives
qu’elle réunit, l’AMAFI exprime le sentiment de professionnels de marché qui, par leur proximité avec ce
dernier, sont naturellement en mesure de percevoir avec acuité les modifications profondes en cours et
les tendances qui s’en dégagent.
Un constat de plus en plus partagé mais des solutions qui restent incertaines. Le travail mené en la
matière par l’AMAFI depuis plusieurs mois lui a permis de constater une certaine unité de ton quant au
constat. Ainsi, ce document s’appuie largement sur diverses réflexions menées en la matière pour, tout
en rappelant l’enjeu de la liquidité de marché et en observant la multiplication récente des situations de
stress de liquidité (A), fournir un éclairage assez synthétique sur l’effet de ciseau qui résulte de la hausse
continuelle de la demande de liquidité, conjuguée à une diminution notable de l’offre de liquidité (B.).
Dans un troisième temps, l’objectif est d’identifier un certain nombre d’éléments qui, du point de vue de
l’Association, lui paraissent devoir être examinés de manière approfondie (C.). Par nature, ces pistes de
solution sont très diverses et interagissent avec une multitude de parties prenantes avec lesquelles la
réflexion doit être poursuivie. En tout état de cause, la conviction de l’AMAFI est qu’il n’existe pas un
levier unique de solution, mais une multiplicité de leviers sur lesquels il faut agir de façon coordonnée.
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SOMMAIRE
A.
Le constat : essentielle à leur bon fonctionnement, la liquidité des
marchés connaît de plus en plus de ruptures .................................................... 7
A.1.
La liquidité secondaire, élément fondamental du bon fonctionnement des
marchés ........................................................................................................................................ 7
A.1.1. De la liquidité dépend le coût du capital .............................................................................. 7
Encadré 1 : Apprécier la liquidité de marché .......................................................................... 7
A.1.2. Liquidité et intérêt général ................................................................................................... 8
Encadré 2 : Ne pas confondre liquidité de marché et liquidité monétaire ............................... 8
Illustration 1 : Pourquoi une liquidité résiliente est importante................................................ 9
A.1.3. Quels sont les facteurs d’une liquidité abondante et résiliente ? ........................................ 9
Illustration 2 : Contribution de différents facteurs à la performance en liquidité
d’obligations d’entreprises durant l’épisode du « taper tantrum » .................. 10
A.2.
Un risque de liquidité qui s’accroît .......................................................................................... 10
A.2.2. Des indicateurs qui semblent rassurants … ...................................................................... 10
Illustration 3 : Des signaux rassurants aux US … ................................................................ 10
Illustration 4 : … Comme dans la zone euro ........................................................................ 11
A.2.2. … Mais sans masquer une réalité plus inquiétante ........................................................... 11
La vitesse de rotation des actifs a assez significativement baissé............................... 11
Illustration 5 : Baisse de la vitesse de rotation des stocks obligataires ................................ 11
Le coût relatif à traiter un ordre a augmenté pour les investisseurs............................. 12
Illustration 6 : Exprimés en jours de rendement, les spreads bid-offer obligataires
ont augmenté................................................................................................. 12
Illustration 7 : Baisse du montant moyen d’une transaction sur obligations
d’entreprises US de catégorie investissement ............................................... 12
La taille moyenne des transactions a diminué.............................................................. 12
La profondeur des intérêts disposés à traiter a diminué, et l’impact des
transactions a augmenté .............................................................................................. 12
Illustration 8 : Impact de prix en augmentation et profondeur de marché en déclin
sur les valeurs US… ...................................................................................... 13
Illustration 9 : … comme sur les valeurs européennes ......................................................... 13
A.2.3. Un mécanisme de formation des prix fragilisé ................................................................... 13
Le « flash crash » sur le marché de la dette US le 15 octobre 2014, …. ..................... 14
Illustration 10 : Analyse par Citi du flash crash du 15 octobre 2014 ..................................... 14
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Le choc chinois du 24 août 2015 .................................................................................. 14
Illustration 11 : Le « choc chinois » du 24 août 2015, une volatilité implicite qui
explose .......................................................................................................... 14
Le cas Glencore entre le 25 septembre et le 6 octobre 2015 ...................................... 14
Illustration 12 : Rendement de l’obligation Glencore 3,625% 2016 entre le 25
septembre et le 6 octobre 2015 ..................................................................... 14
B.
Les causes : l’effet de ciseau créé par l’augmentation de la demande
latente de liquidité face à la réduction de l’offre .............................................. 16
B.1.
Une demande latente de liquidité en forte croissance, dans un contexte de
politiques monétaires ultra-accommodantes ......................................................................... 16
B.1.1. Les politiques monétaires actuelles disposent les investisseurs de manière
assez unanimement favorable ........................................................................................... 16
Illustration 13 : Evolution du bilan de la FED et de l’indice S&P ........................................... 16
Une raréfaction des actifs sûrs ..................................................................................... 17
Une recherche de rendements qui conduit au report vers des actifs plus
risqués .......................................................................................................................... 17
Encadré 3 : Le QE de la FED et de la BCE .......................................................................... 17
Des investissements de plus en plus unidirectionnels ................................................. 18
La création de bulles spéculatives ................................................................................ 18
B.1.2. Dans le même temps, le besoin d’immédiateté des investisseurs n’a jamais été
aussi grand, ni porté sur des actifs aussi divers ................................................................ 18
Illustration 14 : Évolution de la part des « redeemable funds » dans la détention
des actifs financiers ....................................................................................... 18
Une hausse du besoin d’immédiateté due à la montée en puissance des
organismes de placement collectifs … ......................................................................... 19
Illustration 15 : La concentration des actifs obligataires a cru depuis 2008 .......................... 19
… Amplifiée par la montée en puissance de la gestion indicielle................................. 19
Illustration 16 : Le marché des ETFs a enregistré une forte croissance depuis la
crise financière .............................................................................................. 20
Un stock d’instruments financiers atteignant des sommets en valorisation … ............ 20
Illustration 17 : Un stock d’actifs obligataire US et européens en forte croissance .............. 20
… Mais aussi en diversité d’instruments en circulation ................................................ 21
B.2.
La réduction de l’offre de liquidité, conséquence du retrait des apporteurs
traditionnels de liquidité............................................................................................................ 21
B.2.1. En matière d’apport de liquidité aux marchés, les banques ne jouent plus
aujourd’hui qu’une fraction du rôle qui était le leur avant la crise de 2008 ....................... 21
Illustration 18 : Évolution du bilan des banques d’investissement consacré à leurs
activités de marché ........................................................................................ 22
Illustration 19 : Taille et composition des portefeuilles de négociation ................................. 22
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B.2.2. Un désengagement des apporteurs de liquidité imputable au durcissement du
cadre réglementaire ........................................................................................................... 22
a. La réglementation prudentielle, cause première du désengagement ............................... 23
Bâle 3, des exigences de solvabilité et de liquidité fortement accrues ........................ 23
Encadré 4 : Bâle 3 où le renforcement des ratios prudentiels .............................................. 23
Illustration 20 : Effet de Bâle 3 sur le capital des banques ................................................... 24
Les réformes de structure bancaire .............................................................................. 25
Les réformes liées au redressement et à la résolution des banques ........................... 26
b. Un désengagement accentué par les réglementations de marché et la fiscalité .............. 27
Encadré 5 : Réformer la structure de marché ...................................................................... 27
B.3.
Le déséquilibre entre demande et offre de liquidité induit une fragilité
inquiétante, surtout dans un contexte de normalisation attendue des politiques
monétaires .................................................................................................................................. 28
Illustration 21 : Évolution contradictoire de la taille des marchés financiers et des
inventaires ..................................................................................................... 28
Illustration 22 : Implications systémiques d’un choc de liquidité ........................................... 29
C.
Quelles pistes de solution ?............................................................................... 30
C.1.
L’émergence d’apporteurs de liquidité alternatifs aux acteurs historiques ? ..................... 30
C.1.1. Que signifie exercer une fonction d’apporteur de liquidité ? ............................................. 31
La capacité à prendre activement et régulièrement des positions
« contrariantes » ........................................................................................................... 31
Connaître les marchés et savoir analyser les risques .................................................. 32
L’enjeu de l’effet de levier ............................................................................................. 32
C.1.2. Les acteurs de la gestion, une alternative au retrait des banques ? ................................. 32
Illustration 23 : Evolutions croisées de la détention d’actifs aux États-Unis par les
gestions et les BFI ......................................................................................... 32
Mais seuls des hedge funds sembleraient en capacité d’assumer une
véritable fonction d’apporteur de liquidité ..................................................................... 33
Illustration 24 : Les gérants recherchent des alternatives à la liquidité jusque là
proposée par les market makers ................................................................... 33
Une capacité à hauteur de l’enjeu ? ............................................................................. 33
Encadré 6 : Les contraintes bilancielles de la gestion ......................................................... 33
Illustration 25 : Actifs sous gestion par les hedge funds....................................................... 34
C.2.
Un faisceau de mesures nécessaires, agissant sur les différents facteurs de la
liquidité........................................................................................................................................ 34
C.2.1. Le fonctionnement des marchés ........................................................................................ 34
Transparence et liquidité doivent être soigneusement arbitrées .................................. 34
L’électronisation des échanges, des effets limités ....................................................... 35
Le trading haute fréquence : mieux mesurer ses effets réels en termes de
liquidité .......................................................................................................................... 36
Encadré 7 : Caractéristiques du trading haute fréquence ................................................... 36
Illustration 26 : CAC 40 et résistance de la liquidité aux chocs de marché .......................... 37
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C.2.2. La gestion collective, une composante nécessairement importante ................................. 37
Favoriser l’émergence d’investisseurs de long terme .................................................. 37
Poursuivre la mise en adéquation de la liquidité de l’actif et du passif des
OPC .............................................................................................................................. 38
Pouvoir gérer plus sereinement les périodes de tension ............................................. 38
Encadré 8 : Plusieurs mécanismes de maîtrise de la liquidité des fonds ............................. 38
C.2.3. Offrir aux émetteurs des solutions pour renforcer la liquidité de leurs titres ..................... 39
Normaliser les souches obligataires : une solution à ne pas surestimer ..................... 39
Illustration 2 : Contribution de différents facteurs à la performance en liquidité
d’obligations d’entreprises durant l’épisode du « taper tantrum » .................. 39
Développer les services aux émetteurs qui favorisent la liquidité ................................ 40
Le placement privé type Euro PP, un atout important .................................................. 40
L’analyse financière, un vecteur important de l’intérêt des investisseurs .................... 41
C.2.4. Reconsidérer les arbitrages prudentiels à la lumière de l’enjeu que représente
la liquidité de marché ......................................................................................................... 41
La liquidité de marché, élément de la stabilité financière ............................................. 41
Réévaluer la contrainte sur les fonctions d’apporteurs de liquidité des
banques ? ..................................................................................................................... 42
Prévoir un traitement prudentiel allégé pour les actifs émis par les PME-ETI ............. 43
C.2.5. Réviser drastiquement les normes comptables ................................................................. 43
Réduire la procyclicité ................................................................................................... 43
Encadré 9 : L’effet particulièrement négatif de l’IFRS 9 ....................................................... 43
Une importance renforcée pour les investisseurs de long terme ................................. 44
Tenir compte de l’illiquidité de certains instruments ..................................................... 44
C.2.6. La fiscalité, un levier réel ................................................................................................... 45
C.2.7. Renforcer les leviers de refroidissement à disposition des autorités de marché .............. 45
BIBLIOGRAPHIE SYNTHETIQUE ................................................................................ 47
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A.
LE
CONSTAT : ESSENTIELLE A LEUR BON FONCTIONNEMENT, LA
LIQUIDITE DES MARCHES CONNAIT DE PLUS EN PLUS DE RUPTURES
Mesurer l’enjeu de la liquidité de marché. La liquidité secondaire est un élément fondamental du bon
fonctionnement des marché, à la fois pour ceux qui y interviennent directement, mais aussi beaucoup
plus largement pour tous ceux qui sont impactés par les valorisations qu’il détermine (A.1.). Est alors
nécessairement inquiétante la constatation qu’au-delà de certains facteurs rassurants mais superficiels,
l’analyse met en évidence un affaiblissement significatif de la liquidité de marché (A.2.).
A.1.
La liquidité secondaire, élément fondamental du bon fonctionnement
des marchés
Intérêts particuliers et intérêt général. Pour tout instrument financier, la liquidité secondaire joue un
double rôle. Si, dans le cas des titres de capital ou de créance, elle sert indubitablement l’intérêt de
l’émetteur en conditionnant le coût auquel il pourra lever
des financements sur le marché primaire (A.1.1.), c’est
Encadré 1 : Apprécier la liquidité de marché
plus largement d’elle aussi que dépend l’efficacité du
La recherche universitaire a dégagé quatre
processus de formation des prix, à partir desquels la
dimensions qui permettent d’apprécier la
valorisation des actifs et des opérations de couverture va
liquidité de marché :
être effectuée, de façon d’ailleurs automatique pour tous
ceux comptabilisés en mark to market (A.1.2.).

C’est cette conjugaison d’intérêts individuels et collectifs
qui explique l’attention portée aux différents facteurs
permettant de favoriser la liquidité de marché chaque
1
fois que cela est possible (A.1.3.).
A.1.1.
De la liquidité dépend le coût du
capital



la profondeur du marché (possibilité
d’effectuer des transactions de grande
taille sans entraîner de modification
substantielle du prix),
l’étroitesse de la fourchette (écart de cours
entre le premier vendeur et le premier
acheteur),
l’immédiateté (rapidité d’exécution),
la résilience (retour des prix après un
épisode de turbulence).
La liquidité de marché, un élément essentiel pour les investisseurs. L’efficacité d’un marché
secondaire, qu’il soit organisé ou de gré à gré, est directement corrélée à sa liquidité, c’est-à-dire à la
fluidité avec laquelle un instrument financier peut s’échanger entre contreparties acheteuses et
vendeuses. Plus un actif est liquide, plus il est facile de s’en défaire ou, au contraire, de l’acquérir, y
compris pour de grandes quantités, sans subir un impact de marché contreproductif : au fur et à mesure
qu’il absorbe les quantités disponibles à l’achat ou la vente, l’investisseur sera en effet contraint de
diminuer ou d’augmenter selon le cas, son prix d’intervention pour intéresser des acheteurs ou des
vendeurs qui, jusqu’alors, n’étaient pas présents sur le marché.
Tout investisseur est naturellement sensible à la liquidité de marché. Il l’est bien sûr parce que c’est une
condition pour mesurer a priori, aussi finement que possible, le coût auquel il pourra acquérir la quantité
de titres souhaitée, sans subir un impact de marché beaucoup plus difficilement mesurable quant à lui.
Mais l’investisseur y est aussi sensible, et de façon en réalité plus importante, car c’est de la liquidité que
dépend sa capacité à revendre rapidement les titres ou à retourner sa position lorsqu’il l’aura décidé, là
aussi avec un impact de marché aussi faible que possible.
1
On peut chercher à améliorer la liquidité de marché mais il sera toujours difficile, sinon impossible de rendre liquide
un instrument financier qui structurellement ne l’est pas.
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Liquidité de marché et coût du capital sur le marché primaire. C’est ce dernier aspect qui d’ailleurs
conduit à lier étroitement, dans le cas des titres, marché primaire et marché secondaire. Aucun
souscripteur du marché primaire n’a en effet la certitude de conserver les titres souscrits jusqu’à
l’échéance (laquelle peut d’ailleurs être « infinie », s’agissant des titres représentatifs de fonds propres).
Dès lors l’appétence des investisseurs à souscrire, comme le prix de cette souscription, dépendent
directement de la facilité avec laquelle ils pourront être mis en présence d’acquéreurs potentiels lorsqu’ils
souhaiteront désinvestir. C’est la raison pour laquelle ces investisseurs incorporent une prime de liquidité
dans le prix auquel ils se déclarent intéressés à souscrire à l’opération : moins le titre est liquide, plus la
prime de liquidité est élevée et plus le prix de souscription est bas par rapport à ce qui résulte de
l’analyse « normale » des fondamentaux.
Encadré 2 : Ne pas confondre
liquidité de marché et liquidité monétaire
Même s’il existe des interactions entre l’une et l’autre
(comme il sera vu plus loin), il ne faut pas confondre liquidité
de marché et liquidité monétaire.
La liquidité monétaire, régulée par la banque centrale, se
rapporte à la quantité d’actifs totalement liquides circulant
dans l’économie. De celle-ci, on peut rapprocher deux autres
concepts de liquidité : d’une part, la liquidité de financement,
qui désigne la facilité avec laquelle les agents économiques
peuvent obtenir un financement externe ; d’autre part, la
liquidité bancaire, qui reflète la capacité d’une banque à
honorer ses engagements immédiats.
Le marché primaire est celui sur lequel les
entreprises, les Etats et autres institutions
(collectivités
territoriales,
institutions
supranationales et nationales, …) lèvent les
financements qui leur sont nécessaires. La
liquidité du marché secondaire conditionne
donc la faculté de ces agents à se financer
à des coûts optimisés, c'est-à-dire sans que
le prix de souscription n’intègre une prime
de risque élevée, voire parfois démesurée.
Coût du capital et coût du risque. Mais la
liquidité de marché n’est pas seulement
importante pour lever des financements au
Sur ces points, on renvoie particulièrement au Numéro
travers de l’émission de titres de capital ou
spécial Liquidité de la Revue de stabilité financière de février
de titres de créance, elle l’est également en
2008, et notamment à : Liquidité de marché et stabilité
matière de couverture des risques pour
financière, A. Crockett.
lesquels les marchés de produits dérivés
jouent aujourd’hui un rôle très significatif. De la liquidité de ces marchés dérivés va en effet directement
dépendre la capacité des agents économiques (industriels, commerçants, producteurs, et investisseurs)
à pouvoir les utiliser, sans surcoût inutile, pour couvrir leurs risques.
Pour toutes les personnes morales utilisatrices des marchés dérivés, il y a alors un lien évident à tracer
entre coût du capital et coût du risque : le second rétroagit nécessairement sur le premier.
A.1.2.
Liquidité et intérêt général
Liquidité de marché et efficacité du processus de formation des prix. La liquidité du marché
secondaire n’est pas seulement importante pour l’investisseur et l’émetteur considérés individuellement,
elle l’est aussi par rapport à la fonction de découverte du prix qu’assure le marché : plus nombreux en
effet sont les échanges, plus le prix qui en ressort est fixé de façon optimale par rapport aux
fondamentaux du marché. Une forte liquidité signifie en effet :

sur les marchés dirigés par les ordres, la confrontation de quantités importantes proposées à
l’achat et à la vente ;

sur les marchés dirigés par les prix, la mise en compétition de nombreux teneurs de marchés
proposant des prix à l’achat et à la vente.
Or c’est au travers du prix fixé par le marché que les porteurs de projets (principalement les entreprises)
vont voir valorisés leurs actifs et leur stratégie, fixé le coût de leur capital (c’est-à-dire le prix auquel ils
peuvent lever de nouveaux capitaux), déterminé le prix auquel ils pourront réaliser des opérations de
croissance externe en acquérant d’autres entreprises, voire être eux-mêmes la cible d’une opération de
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croissance externe par un tiers. Mais c’est également au travers de ce prix que les porteurs d’épargne
vont voir leurs investissements valorisés et que les agents économiques vont pouvoir utiliser les marchés
dérivés pour couvrir au meilleur coût leurs risques.
Une importance soulignée par le FMI. Comme le relève le FMI dans son dernier rapport sur la stabilité
financière mondiale, lorsque la liquidité diminue, les prix deviennent moins « informatifs », sont moins
alignés avec leurs fondamentaux et ont tendance à sur-réagir tandis qu’une liquidité moins résiliente
réduit la capacité d’absorption des chocs de l’économie, augmente les effets de contagion et la volatilité,
susceptibles d’entraîner des ventes d’actifs dans l’urgence et pouvant conduire à une transition
désordonnée d’un équilibre économique à un autre.
Illustration 1 : Pourquoi une liquidité résiliente est importante
Source FMI, GFSR - Global Financial Stability Report, Octobre 2015.
Liquidité et manipulations de marché. La liquidité est aussi une garantie contre la manipulation de
marché. Plus un marché est liquide, avec de nombreux intervenants qui interagissent à l’achat et à la
vente, plus les prix qui en sont issus sont représentatifs, à tout instant et dans la durée, d’intérêts réels.
En conséquence, toute tentative de le manipuler est difficile, peu discrète (donc davantage susceptible
d’être détectée et sanctionnée par la puissance publique) et moins ses effets sont durables. A l’inverse,
des marchés peu liquides ou à la liquidité fragile permettent, avec des capacités d’intervention
relativement limitées, de créer et d’amplifier des mouvements qu’aucune tendance de fond ne justifie :
dans ces situations en effet, l’information biaisée qu’adresse à dessein le « manipulateur » n’est pas
corrigée par un flux d’informations plus intense qui refléterait les réels intérêts des acteurs pour
l’instrument considéré.
A.1.3.
Quels sont les facteurs d’une liquidité abondante et résiliente ?
Le rôle particulier des teneurs de marché. La liquidité de marché dépend de différents facteurs. La
taille de l’émission bien sûr, mais aussi la présence d’intermédiaires jouant un rôle actif de
2
« distributeurs » auprès de leurs clients investisseurs , l’existence d’une stratégie de communication
financière suivie dans la durée par l’émetteur, ou encore la mise en place sur les marchés dirigés par les
3
ordres d’un contrat de liquidité (sur ces aspects, v. aussi C.2.3.).
2
Notamment par la publication d’analyses financières, une étude ayant mis en évidence le lien existant entre
couverture en analyse financière et coût du capital (The Real Effects of Financial Shocks: Evidence from Exogenous
Changes in Analyst Coverage, F. Derrien et A. Kecskés, Journal of Finance, vol. 68, issue 8, août 2013, p. 1407).
3
Sur cet aspect, v. Contrat-type AMAFI de liquidité (AMAFI / 09-21a et b).
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Mais au-delà, la liquidité d’un marché dépend
d’assez nombreux facteurs exogènes pour chaque
intervenant individuel : le nombre des acteurs, leur
diversification (objectifs, horizons d’investissement,
benchmarks, etc.), la facilité de financement de
leurs portefeuilles (rôle du repo et accès à la
liquidité banque centrale), le niveau de confiance
dans leur faculté de pouvoir couvrir rapidement
leurs risques ou retourner une position, y compris
en cas de tension momentanée, la robustesse des
infrastructures de marché, la stabilité et l’efficacité
du cadre juridique, etc. Dans ce contexte, la tenue
de marché joue également un rôle particulier dont
l’importance ne peut, ni ne doit être mésestimée
(v. AMAFI / 15-03 précitée). Comme le montre
l’exemple du « taper tantrum » de mai 2013 où
l’annonce par la Réserve fédérale de la réduction
progressive de son programme de rachat d’actifs a
entraîné des troubles de marché, le nombre de
teneurs de marché est l’un des facteurs qui a une
influence forte sur la liquidité. Au final, la liquidité
est une externalité positive qui se renforce ellemême (plus il y a de teneurs de marché, plus il y a
de liquidité et plus il y a d’intervenants actifs).
A.2.
Illustration 2 : Contribution de différents facteurs
à la performance en liquidité d’obligations
d’entreprises durant l’épisode du « taper tantrum »
Source FMI, GFSR précité.
Un risque de liquidité qui s’accroît
Différents signaux. Au cours des derniers mois, plusieurs épisodes de correction brutale, dont les
désormais répétés « flash crash », révèlent la situation pour le moins contrastée de la liquidité sur
plusieurs marchés, où la volatilité, signe d’une liquidité amoindrie, reparaît par à-coups. D’une façon plus
générale, les intervenants de marché s’inquiètent d’une plus grande difficulté à exécuter des ordres de
grande taille sans impact de prix significatif, et d’une dégradation de l’immédiateté sur plusieurs marchés.
A.2.2.
Des indicateurs qui semblent rassurants …
Volumes élevés et spreads bid-offer bas … En première approche, les indicateurs de liquidité les plus
immédiatement accessibles, particulièrement s’agissant des actions et des obligations, apparaissent
Illustration 3 : Des signaux rassurants aux US …
Source : Citi Research
- 10 -
AMAFI / 15-48
26 octobre 2015
rassurants
quant
au
fonctionnement et à la fluidité
des marchés financiers. Les
volumes d’échange restent
élevés et les écarts de prix
entre acheteurs et vendeurs
prêts à traiter (bid-offer spreads)
sont au plus bas.
Sur la période récente, ces
indicateurs affichent en outre
une
orientation
assez
rassurante, du moins pour les
actifs les plus liquides (actions
et dettes souveraines), avec
des
volumes
en
hausse
tendancielle depuis 2008, et des
spreads revenus aux niveaux
d’avant crise et proches de
leurs plus bas historiques.
A.2.2.
Illustration 4 : … Comme dans la zone euro
Source : BCE
… Mais sans masquer une réalité plus inquiétante
Des indicateurs davantage révélateurs de l’état réel de la liquidité. Une analyse plus approfondie
atteste d’une dégradation des conditions d’accès à la liquidité sur la plupart des marchés, même en
l’absence de tensions. De fait, plusieurs phénomènes, d’ailleurs interconnectés, dénotent une
dégradation de la liquidité des marchés financiers.
La vitesse de rotation des actifs a assez significativement baissé
Le marché obligataire particulièrement concerné. Cette baisse est particulièrement notable dans le
cas des obligations, et cela bien que les volumes d’échanges aient augmenté au cours des dernières
années. Elle traduit notamment la forte augmentation du stock de titres, qui est allée de pair avec
l’augmentation des actifs sous gestion (v. aussi infra B.1.2.).
Illustration 5 : Baisse de la vitesse de rotation des stocks obligataires
US Treasury
Volumes quotidiens
ramenés au stock
France – OAT et BTAN
Volumes trimestriels
ramenés au stock
US high-grade
Volumes annuels
ramenés au stock
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1,500
1,400
1,300
1,200
1,100
1,000
900
800
700
600
500
Stock BTAN + OAT
en MdEUR, éch. droite
Source : PwC report, SIFMA
Source : PwC report, SIFMA
- 11 -
Source : AMAFI, AFT
Rotation trimestrielle
en %, éch. gauche
AMAFI / 15-48
26 octobre 2015
Assez différenciée par zone et par type d’actifs – les marchés historiquement plus électroniques ayant
subi l’impact le plus important –, cette évolution dénote, non pas une modification dans la nature des
investisseurs – la proportion des investisseurs de long terme n’ayant pas augmenté (v. infra illustration 8)
–, mais plutôt, d’une part, un alignement des intérêts des investisseurs du fait de l’environnement
monétaire (v. infra B1.1.) et, d’autre part, une difficulté croissante des acteurs à matérialiser à bon
compte leur intérêt à acheter ou à vendre.
Le coût relatif à traiter un ordre a augmenté pour les investisseurs
Au cours de la période récente, la
baisse des bid-offer spreads en
termes absolus n’a pas compensé
la baisse des rendements. En
conséquence, l’exécution d’un
intérêt acheteur ou vendeur
réclame de la part de l’investisseur
l’abandon d’un nombre croissant
de jours de rendement de son actif
(« carry »). Ainsi, au cas des OAT
10 ans, traiter un ordre coûte
aujourd’hui plus de 2 « jours de
rendement », contre moins du
quart d’un « jour de rendement »
avant
la
crise,
soit
une
multiplication par huit.
Illustration 6 : Exprimés en jours de rendement,
les spreads bid-offer obligataires ont augmenté
OAT 10 ans
10
5.0%
9
4.5%
8
4.0%
7
3.5%
6
3.0%
5
2.5%
Spread / taux,
moyenne à 1 mois
4
2.0%
Rendement
3
1.5%
2
1.0%
1
0.5%
-
0.0%
Source : AMAFI, Tradeweb
En outre, même s’il n’existe pas de statistique disponible sur cet aspect, les efforts de réduction de leurs
RWAs (actifs pondérés par les risques) et de leurs inventaires par les intermédiaires de marché, et plus
particulièrement les banques, ont conduit à une segmentation accrue de la clientèle, impliquant qu’il est
probablement un peu plus compliqué pour un investisseur de moyenne taille d’exécuter rapidement des
ordres significatifs sur des titres moins liquides (« off the run »).
Illustration 7 : Baisse du montant moyen
d’une transaction sur obligations d’entreprises US de
catégorie investissement
La
taille
moyenne
transactions a diminué
des
Le contexte d’électronisation croissante des
marchés n’est sans doute pas indifférent à cette
évolution. Le mouvement de baisse de la taille
moyenne des transactions est en effet
particulièrement sensible sur les marchés
obligataires US, sur lesquels le poids des traders
électroniques (principal trading firms) est plus
élevé.
La profondeur des intérêts
disposés à traiter a diminué, et
l’impact des transactions a
augmenté
Cet effet, au-delà des obligations (v. illustrations 8
et 9 en page suivante), affecte l’ensemble des
instruments financiers. Ainsi, le rapport PwC note
Source : BRI, rapport annuel 2015
- 12 -
AMAFI / 15-48
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un effet similaire pour les futures : « JPMorgan estimated one investor could have traded 100 contracts of
30-year Bund futures in early 2014 without moving the market significantly. In May 2015, that number had
fallen to 20 contracts » (v. Bibliographie en annexe).
Illustration 8 : Impact de prix en augmentation et profondeur de marché en déclin sur les valeurs US…
Source : US Fed blog
Illustration 9 : … comme sur les valeurs européennes
Source : FMI, GFSR précité
A.2.3.
Un mécanisme de formation des prix fragilisé
Quand la liquidité disparaît, les prix s’en ressentent. Dans ce nouvel environnement de marché,
outre la difficulté croissante pour les investisseurs à traiter leurs ordres à bon compte, même en
conditions « normales » de marché, la dégradation de la liquidité se traduit de manière extrêmement
visible en situation de stress, par une disparition quasi immédiate de la liquidité, qui s’accompagne alors
de mouvements massifs et erratiques des prix.
Ce phénomène trouve des illustrations de plus en plus fréquentes et exemplaires, que trois situations
traduisent particulièrement :

Le « flash crash » sur le marché de la dette US le 15 octobre 2014,

Le choc chinois du 24 août 2015,

Le cas Glencore entre le 25 septembre et le 6 octobre 2015.
- 13 -
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Le « flash crash » sur le marché de la dette US le 15 octobre 2014, ….
Illustration 10 :
Analyse par Citi
du flash crash
du 15 octobre 2014
Le choc chinois du 24 août 2015
Ce jour-là, en l’absence de toute
nouvelle économique, les marchés
ont enregistré un choc de volatilité
(mesuré par l’évolution du VIX)
d’une magnitude comparable à
celui causé par la crise grecque, et
seulement dépassée par le choc
induit par la faillite de Lehman.
Surtout, la volatilité implicite du VIX
(ou VVIX), qui mesure la difficulté
du marché à proposer des
couvertures contre le risque de
volatilité, a atteint le 24 août des
niveaux inédits.
Illustration 11 : Le « choc chinois » du 24 août 2015,
une volatilité implicite qui explose
180
160
140
120
100
80
60
40
20
0
Aug-06
Aug-07
Aug-08
Aug-09
VIX
Aug-10
Aug-11
Aug-12
Aug-13
Aug-14
Aug-15
VVIX (vol du VIX)
Source : SG Research, Bloomberg
Le cas Glencore entre le 25 septembre et le 6 octobre 2015
Illustration 12 : Rendement de l’obligation Glencore 3,625% 2016
entre le 25 septembre et le 6 octobre 2015
Source : Bloomberg
- 14 -
Parallèlement
aux
fluctuations
très
importantes
observées
sur l’action Glencore à la
fin du mois de septembre
2015, les obligations de
cette entreprise ont connu
des évolutions encore
plus importantes. Ainsi, le
rendement moyen à la
maturité de l’obligation
3,625 % 2016 est passé
en deux jours de 0,625 %
à
30 %
(soit
une
augmentation
de
4.800 %) pour s’établir
ensuite à 5,81 %.
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Une illusion de liquidité … Au final, l’état général des marchés est tel que la BRI évoque désormais une
4
« illusion de liquidité », masquant de grandes fragilités, avec parfois des évolutions qui peuvent être
trompeuses.
Ce qui est certain, au-delà de toutes ces données statistiques, c’est que les professionnels de marché
font état de leurs inquiétudes sur l’état de la liquidité au travers de multiples entretiens réalisés dans le
cadre de différentes études sur la tenue de marché ou la liquidité (rapport sur la tenue de marché du
Comité sur le système financier mondial, rapport de l’ICMA sur les marchés secondaires d’obligations
d’entreprises, rapport PwC sur la liquidité notamment).

4
Il est à noter que « le risque d’une « illusion de liquidité » se renforce : la liquidité du marché semble abondante en
temps normal, mais s’évapore rapidement dès que des tensions apparaissent sur le marché » (BRI, Rapport annuel
2015, juin 2015).
- 15 -
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B.
LES
CAUSES : L’EFFET DE CISEAU CREE PAR L’AUGMENTATION DE LA
DEMANDE LATENTE DE LIQUIDITE FACE A LA REDUCTION DE L’OFFRE
Des causes de plus en plus documentées. Le constat d’une liquidité de marché qui, quoique
essentielle au bon fonctionnement des marchés, connaît des situations de rupture plus fréquentes oblige
à en rechercher les causes. Celles-ci sont désormais assez bien documentées, de multiples analyses
ayant été produites sur ces aspects au cours des derniers mois.
Ce qui en ressort est un effet de ciseau où l’augmentation de la demande latente de liquidité (B.1.) se
5
conjugue à la baisse de l’offre de liquidité (B.2.). Les « intermédiaires de marché », apporteurs
traditionnels de liquidité, conduisent en effet, du fait de l’évolution de leur cadre réglementaire, une revue
stratégique de leurs activités qui les mène à se désengager de ces fonctions. De ce déséquilibre marqué
entre offre et demande de liquidité résulte une situation de grande fragilité (B.3.).
B.1.
Une demande latente de liquidité en forte croissance, dans un
contexte de politiques monétaires ultra-accommodantes
La liquidité monétaire masque le besoin de liquidité de marché. Face à la crise, les banques
centrales ont réagi depuis plusieurs années en mettant en place des politiques monétaires conduisant à
injecter puissamment de la liquidité monétaire dans les économies. Ces politiques, au-delà de leurs effets
6
macro-économiques, entretiennent l’ « illusion de liquidité » des marchés financiers qu’évoque la BRI
(B.1.1.) laquelle, pour l’heure, masque l’accroissement important du besoin d’immédiateté sur les
marchés (B.1.2.).
B.1.1.
Les politiques monétaires actuelles disposent les investisseurs de manière
assez unanimement favorable
Illustration 13 : Evolution
du bilan de la FED et de l’indice S&P
Des taux directeurs qui n’ont jamais été
aussi durablement bas. Pour susciter le
retour de la croissance économique et
lutter contre les tendances récessionnistes,
les banques centrales font usage depuis
quelques temps déjà d’outils nonconventionnels afin de tenter de favoriser
la reprise des économies. En résulte une
situation exceptionnelle à plus d’un titre, les
politiques d’assouplissement quantitatif
(Quantitative Easing, QE) et de taux bas
étant inédites, tant en ampleur qu’en durée.
5
Sous ce terme, sont regroupées ici deux grandes catégories d’intervenants : d’une part, les banques qui mènent
une activité de marché, le plus souvent à côté d’une activité purement bancaire (dépôts, crédits, …) ; d’autre part,
les intervenants « purs » de marché qui, dans l’Union européenne, exercent leurs activités sous le statut d’entreprise
d’investissement. En tant qu’apporteur de liquidité, ces « intermédiaires de marché » agissent souvent pour compte
propre.
6
Rapport BRI précité.
- 16 -
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Ainsi, aucune augmentation des taux directeurs
n’est intervenue aux États-Unis depuis 2006,
tandis que la borne zéro (ZLB « zero lower
bound ») a été atteinte dans plusieurs zones
monétaires, et que les grandes banques centrales
de la planète ont multiplié les programmes
d’achats d’actifs. Les taux d’intérêt, tant nominaux
que réels, ont atteint des niveaux extrêmement
bas,
certaines
obligations
souveraines
s’échangeant maintenant à des niveaux négatifs
(plus de 2.000 Md USD entre avril 2014 et mai
2015 d’après les données de la BRI), symptôme
d’un malaise quant à la valorisation des actifs.
Des effets sensibles sur les marchés. Au-delà
des effets espérés de ces actions vigoureuses,
que cela soit en matière de libération des bilans
bancaires et de liquidités disponibles pour
l’investissement, l’utilisation de ces outils nonconventionnels a des effets encore insuffisamment
analysés sur la disponibilité des stocks
d’instruments et l’orientation des stratégies
d’investissement.
Dans ce contexte d’accès facile aux liquidités de la
banque centrale, quatre constats appellent
cependant particulièrement l’attention.
Une raréfaction des actifs sûrs
Encadré 3 : Le QE de la FED et de la BCE
Le QE est un plan de création monétaire : la banque
centrale transfère du cash aux détenteurs de titres
financiers en contrepartie des acquisitions de ces
titres sur le marché. Ce cash augmente la masse
monétaire et soutient les indices de prix à la
consommation (la théorie classique énonce que les
prix sont proportionnels à la masse monétaire).
Selon la doctrine, les agents qui reçoivent du cash le
réinvestissent dans l’économie réelle, en souscrivant
à des augmentations de capital, des émissions de
dette obligataire ou en octroyant des prêts.
Le QE a une conséquence secondaire. Il augmente
les prix des actifs financiers. Directement car les
achats de la banque centrale exercent une pression
haussière sur les titres, en particulier les obligations
d’Etat. Indirectement car les agents économiques
achètent aussi des titres sur le marché avec les
liquidités qui leur ont été transférées.
Le QE et les anticipations qu’il suscite ont donc été
un moteur important de la hausse des marchés
d’action et des multiples de valorisation des firmes :
aux Etats-Unis, le PER ajusté des cycles a augmenté
de 15 à 25. Depuis 2009, le bilan de la FED est ainsi
passé de 5 % à 25 % du PIB américain tandis que le
cours de l’indice S&P a triplé dans la même période
Ce faisant, il a aussi contribué à rétablir les banques
en revalorisant leur actif et leurs fonds propres. La
hausse des cours contribue enfin à l’essor des
opérations de fusion-acquisition et au redéploiement
industriel des firmes.
L’aspiration du Quantitative Easing et
Ce mécanisme, même s’il ne s’agit pas de son
l’augmentation des besoins en collatéral. Les
objectif principal, soutient donc l’activité et les
programmes de rachat d’actifs ont introduit une
résultats des grandes entreprises.
concurrence inédite entre les banques centrales et
les autres agents économiques pour disposer d’actifs de bonne qualité, entraînant des effets d’éviction.
Ainsi, le programme d’assouplissement quantitatif lancé par la BCE aspire jusqu’à 60 Md EUR par mois
de dettes d’État européennes.
Cette raréfaction des actifs classiquement considérés comme sûrs et disponibles pour des échanges a
été renforcée par la recherche accrue d’actifs d’assez bonne qualité pour servir de garanties,
conséquence de nouvelles règles instaurant des obligations de collatéralisation, EMIR notamment pour
ce qui concerne l’Europe (v. par exemple article de J. Metzger, Journal Eurofi de Riga).
Une recherche de rendements qui conduit au report vers des actifs plus risqués
Une moins bonne appréciation du couple rendement / risque ? La moindre disponibilité des actifs
sûrs contribue par éviction au report d’une part importante des investissements vers des actifs considérés
jusqu’ici moins attractifs. Ce mouvement se voit puissamment renforcé en outre par la recherche de
rendements, dérivant du contexte de taux bas qui affecte le rendement des actifs les moins risqués.
Cet afflux des investisseurs vers des actifs de moindre qualité que ceux historiquement privilégiés induit
une compétition pour leur acquisition dont l’un des effets notables d’un point de vue de marché, est une
valorisation qui n’apparaît pas nécessairement justifiée du point de vue de leurs fondamentaux
économiques (« mispricing »). Sont ainsi acceptés des couples rendement / risque qui sans doute
auraient été considérés peu justifiables précédemment.
- 17 -
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Des investissements de plus en plus unidirectionnels
Des valorisations soutenables ? L’effondrement des taux d’intérêt à des niveaux jusqu’à cette date
sans précédent, constitue déjà une disruption considérable. On peut craindre ainsi que l’abondance des
liquidités ait conduit de nombreux marchés – financiers mais aussi immobiliers – à des niveaux de
valorisation non soutenables. On peut craindre en outre que le caractère exceptionnellement
expansionniste de la politique monétaire pousse les investisseurs à fonder leur décision d’investissement
moins sur l’analyse des fondamentaux économiques des actifs, et plus sur les promesses de hausse des
7
cours liées à la poursuite jugée inévitable de telles injections .
La communication des banques centrales (forward guidance) tend d’ailleurs à entraîner les investisseurs
dans cette direction. On peut certes regretter que ceux-ci ne procèdent pas à une analyse suffisamment
critique. Mais une attitude contraire (avoir raison contre le marché) se traduit pendant un temps qui peut
être assez long par des pertes, préjudiciables pour les mandants tant que le marché n’aura pas intégré
cet aspect. D’autre part et surtout, le rôle naturellement directeur des banques centrales est tel que
prendre une position en sens contraire fait courir un risque tel qu’il est irrationnel au sens économique.
La création de bulles spéculatives
Un risque de décrédibilisation du marché. Tous ces effets des politiques de taux anormalement bas
que conduisent les banques centrales contribuent à une compression des primes de risque sur les
actions, le crédit et la liquidité et, de ce fait, accentuent notablement la capacité du marché à former des
bulles spéculatives de grande ampleur.
Ces bulles ont toutes chances d’éclater lorsque la sortie de ces politiques sera engagée et qu’il s’agira de
gérer, dans des marchés plus facilement disloqués car moins liquides, la transition vers un nouvel
environnement de primes de risque « normales ». Au-delà du « chaos » inévitable qui résultera des
pertes sévères que devront enregistrer de nombreux agents économiques, cette situation se traduira par
une nouvelle décrédibilisation du marché ...
B.1.2.
Dans le même temps, le besoin d’immédiateté des investisseurs n’a jamais
été aussi grand, ni porté sur des actifs aussi divers
Un cocktail dangereux. L’immédiateté est la
rapidité avec laquelle il est possible d’exécuter un
ordre : elle constitue de ce fait l’une des
dimensions fondamentales – la dimension
temps – de la définition de la liquidité de
marché.
Illustration 14 : Évolution de la part
des « redeemable funds » dans
la détention des actifs financiers
Si la volonté de minimiser l’impact de marché
constitue depuis plusieurs années un sous-jacent
important de la hausse constante de la demande
d’immédiateté des investisseurs (sur ces aspects,
v. supra A.1.), cette tendance de fond connaît
actuellement une très forte augmentation. Et
ce alors même qu’on assiste à une forte
croissance du nombre et de la valeur des
instruments financiers en circulation. C’est un
cocktail dangereux qui influe défavorablement sur
l’évolution de la liquidité des marchés.
7
The liquidity paradox, Matt King, Citi Research, 4 mai 2015.
- 18 -
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Une hausse du besoin d’immédiateté due à la montée en puissance des organismes
de placement collectifs …
Part croissante des redeemable funds et concentration de la détention d’actifs. La hausse du
besoin d’immédiateté dérive notamment de la montée en puissance des acteurs de la gestion d’actifs, et
notamment des organismes de placement collectif qui, à tout moment, sont en position de faire face à
des demandes de liquidation sans préavis (redeemable funds). De ce fait, ces investisseurs sont
statutairement obligés d’assurer une liquidité de court terme de leur passif, quotidienne pour la plupart
des fonds.
Cette demande latente
Illustration 15 : La concentration des actifs obligataires a cru depuis 2008
est en outre accrue par
la concentration croissante de la détention
d’actifs, dont l’effet est
de contribuer à uniformiser les pratiques
d’investissement, entre
les mains de quelques
acteurs
importants.
Ainsi, les 20 principaux
gestionnaires d’actifs au
niveau mondial détenaient plus de 60 % des
actifs gérés en 2012
Source : FMI, GFSR avril 2015
contre 50 % en 2002, le
phénomène tendant à s’accélérer depuis la crise. Cette concentration s’illustre de façon encore plus
marquée sur certains segments d’actifs exotiques, sous l’effet de la quête de rendements.
L’uniformisation des comportements. Mais la concentration des actifs accroît aussi la probabilité de
mouvements uniformes, notamment en cas de tension des marchés, ce qui constitue aussi un facteur de
hausse de la demande latente d’immédiateté. En témoigne notamment la forte corrélation observée entre
la concentration de la détention et la dégradation du prix des actifs à l’occasion des chocs de 2008 ou de
2013 (v. FMI, GFSR avril 2015, p. 107).
… Amplifiée par la montée en puissance de la gestion indicielle
Le développement des ETFs. La baisse de variété des prises de position est également renforcée par
la forte croissance de nouvelles techniques de gestion, avec la montée en puissance de la gestion
indicielle dont le développement est lié à la baisse des coûts que permet le recours à des benchmarks.
Principale traduction de cette évolution, le marché des ETFs (exchange-traded funds, ou fonds indiciels
cotés) qui, inexistant en 2000, enregistre un rapide essor, notamment sur la période récente pour les
ETFs sur obligations, jusqu’à atteindre 3.000 Md USD aujourd’hui.
La gestion indicielle favorise par construction l’uniformisation des comportements, les benchmarks
utilisés, lorsqu’’ils ne sont pas proches, voire identiques, étant souvent étroitement liés entre eux. Le
développement de cette forme de gestion, et le moindre poids relatif en conséquence des investisseurs
8
fondant leurs décisions sur un raisonnement propre , peut ainsi conduire à des « amplifications » brutales
et « anormales » des tendances de marché. Certes, en situation « normale » de marché, les ETFs sont
dotés d’une liquidité secondaire intrinsèque, qui peut aider les investisseurs à contourner les difficultés
induites par une moindre liquidité du sous-jacent. L’expérience montre toutefois que cette liquidité
8
Mais qui peut aussi conférer à ces investisseurs « raisonnés » une force directionnelle dans le marché … C’est en
tous cas l’accusation qui est souvent portée à l’encontre des hedge funds.
- 19 -
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9
intrinsèque disparaît lorsque le marché du sous-jacent est soumis à un stress de valorisation : dans ce
cas en effet, les intérêts des porteurs de parts – le plus souvent exprimés par des demandes de rachat –
s’alignent, de sorte que la demande de liquidité ne peut trouver d’autre réponse que celle offerte par le
mécanisme de création / rédemption, ajoutant à la tension sur la liquidité et la valorisation du sous-jacent
lui-même.
Illustration 16 : Le marché des ETFs a enregistré une forte croissance depuis la crise financière
Source : Blackrock – ETP landscape
Un stock d’instruments financiers atteignant des sommets en valorisation …
Un recours accru aux financements de marché. La forte croissance de la valeur des instruments
financiers en circulation sur les marchés est indéniable. On constate ainsi la montée en flèche des
émissions primaires d’instruments de dette notamment, mais aussi des émissions sur les marchés
actions.
Cette hausse du stock d’actifs, qui témoigne d’une vitalité des marchés primaires, résulte en partie de la
largesse des politiques monétaires, qui accroît les capitaux à investir tout en garantissant aux émetteurs
un accès à des financements réclamant un faible rendement, même à des maturités longues ; mais aussi
de l’évolution des ratios prudentiels bancaires, qui rend plus compétitifs les financements de marché par
rapport au recours au crédit. Elle trouve également sa source dans la volonté des émetteurs de diversifier
leurs sources de financement en se tournant davantage vers les marchés financiers, volonté qu’amplifie
10
la raréfaction du crédit bancaire, annoncée quand elle n’est pas déjà constatée .
Illustration 17 : Un stock d’actifs obligataire US et européens en forte croissance
Source: SIFMA, BCE et rapport PwC
9
Plus de 300 ETFs n’ont pas pu coter aux Etats-Unis, pendant 35 mn, le 24 août 2015 (v. Les Echos, 29 septembre
2015, p. 32).
10
La France constituant néanmoins une exception assez notable en Europe, le crédit bancaire (notamment à
destination des PME et ETI) étant stable quand il n’est pas en progression.
- 20 -
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… Mais aussi en diversité d’instruments en circulation
130.000 souches obligataires en euro. Plus d’émetteurs présents avec des besoins de financement
plus divers signifie aussi une multiplication du nombre d’instruments financiers en circulation. Il est par
exemple notable que Bloomberg répertoriait 130.000 souches libellées en euro en juin 2015, en hausse
de plus de 10 % en un an.
B.2.
La réduction de l’offre de liquidité, conséquence du retrait des
apporteurs traditionnels de liquidité
Les banques, apporteurs historiques de liquidité. Dans la réduction de l’offre de liquidité qui est
actuellement constatée, les banques – auxquelles on assimilera ici tous les acteurs qui exercent une
11
fonction d’apport de liquidité, et notamment les entreprises d’investissement – jouent sans conteste un
rôle majeur. Les évolutions profondes qu’a connues leur cadre d’exercice, dans le sens d’un net
durcissement des exigences pesant sur elles, les ont en effet conduites à engager une revue stratégique
12
13
de leurs activités , périodiquement réactualisée en fonction des nouvelles évolutions qui se dessinent .
Dans le cadre d’une réduction générale du périmètre de leurs activités de marché, l’une des
conséquences de cette revue a été un désengagement significatif des fonctions d’apporteurs de liquidité
dont elles constituaient historiquement les intervenants essentiels, sinon quasi uniques.
La réduction importante de l’activité des banques comme apporteurs de liquidité et les raisons qui soustendent cette tendance ont été largement documentées au cours de ces derniers mois par de
14
nombreuses publications . Au vu de la richesse des études ainsi menées, dont l’AMAFI partage dans
l’ensemble les conclusions, il est important de chercher à synthétiser les facteurs nécessaires à la
compréhension des mouvements en cours.
B.2.1.
En matière d’apport de liquidité aux marchés, les banques ne jouent plus
aujourd’hui qu’une fraction du rôle qui était le leur avant la crise de 2008
La baisse des fonds propres alloués à la tenue de marché ... Depuis 2008, progressivement, mais
régulièrement, les banques se sont désengagées des activités de tenue de marché dans lesquelles
traditionnellement, elles jouaient un rôle majeur pour fournir de la liquidité sur les marchés et face à leurs
clients (v. AMAFI / 15-03 précitée). Ce désengagement, piloté par chaque établissement via le niveau
des fonds propres alloués aux activités de marché, est surtout visible au travers de la diminution de la
taille des bilans et des stocks de titres détenus dans le cadre de leur activité d’inventaire.
11
En Europe, les entreprises d’investissement, soumises quasiment au même cadre d’exercice, mènent également
des activités de tenue de marché. Du fait d’une taille généralement moindre que les banques, celles-ci ont toutefois
des périmètres d’intervention plus réduits, souvent en limitant leur activité aux plateformes de marché organisés. Aux
Etats-Unis en revanche, avant la crise de 2008, la césure était marquée entre les banques commerciales et les
banques d’investissement. Ces dernières, avec un statut proche de celui d’une entreprise d’investissement
européenne, menaient alors des activités de marché plus importantes que celles des banques européennes. Cette
césure est presque effacée aujourd’hui : une des conséquences de la crise a été en effet un rachat des principales
banques d’investissement par les banques commerciales.
12
Cette revue stratégique ne concerne pas seulement les banques, mais aussi tous les autres acteurs impactés par
les nouvelles réglementations. Les banques doivent toutefois faire face à des exigences supplémentaires du fait du
rôle particulier qu’elles jouent en tant que telles.
13
Cette analyse est d’autant plus impérative qu’en ce qui concerne les banques, une analyse de leur bilan montre
que sous la pression des analystes et investisseurs, elles sont conduites à anticiper les calendriers réglementaires et
pour disposer de « coussins managériaux » leur permettant de faire face aux hausses à venir liées aux stress tests.
14
Mener des activités de tenue de marché n’a de sens que si leur profitabilité permet au moins de dégager le
rendement que l’établissement s’assigne au regard du niveau de risque encouru. Sur ces questions, on se référera
plus particulièrement au rapport PwC, août 2015.
- 21 -
AMAFI / 15-48
26 octobre 2015
Ainsi, les grandes banques d’investissement
ont sensiblement allégé le poids de leurs
activités de marché. Sur les activités de fixed
income, où la tenue de marché joue un rôle
15
particulièrement essentiel , des baisses de
l’ordre de 30 % de la taille de bilan de ces
activités ont été enregistrées depuis 2010 et il
est estimé que cette taille pourrait encore
diminuer de 10 à 20 % dans les quelques
années à venir.
Illustration 18 : Évolution du bilan des banques
d’investissement consacré à leurs activités de marché
… Traduite dans la diminution des tailles
d’inventaire ... Cela se traduit notamment par
une forte diminution des stocks de titres Source : Oliver Wyman
détenus par les banques d’investissement,
16
nécessaires à l’exercice d’une activité de tenue de marché .
… Et la baisse du nombre de teneurs de
marché. Ce désengagement se traduit
également par une baisse du nombre de teneurs
de marché présents pour un même instrument
financier. Ainsi, pour les obligations d’entreprises
européennes, le nombre moyen de teneurs de
marché par instrument entre 2009 et 2013 a été
plus que divisé par deux, passant de 9 à 4
(Source Morgan Stanley, reprise dans Pictet,
Shifting sands: how a banking retrenchment is
reshaping Europe's corporate bond market).
Illustration 19 : Taille et composition
des portefeuilles de négociation
Aux Etats-Unis par ailleurs, sur les 8 principaux
acteurs sur les US Treasury, seulement 2
aujourd’hui sont des banques teneurs de
marché.
Liquidité et tenue de marché, des facteurs corrélés. Ce désengagement des teneurs de marché a des
effets en termes de liquidité. Le FMI relève ainsi la corrélation positive existant entre le nombre de
teneurs de marché sur un titre obligataire et la résilience de la liquidité du titre : à cet égard, il est estimé
que la présence d’un teneur de marché additionnel augmente la performance relative du titre de 15 %
(v. FMI, GFSR précité, p. 59).
B.2.2.
Un désengagement des apporteurs de liquidité imputable au durcissement
du cadre réglementaire
La modification des équilibres économiques antérieurs. En réponse à la crise, de nombreuses
exigences réglementaires ont été renforcées, tandis que simultanément de nouvelles étaient introduites.
Particulièrement, il a été cherché à accroître la robustesse systémique des établissements financiers
(banques et entreprises d’investissement) au travers d’un important durcissement du cadre prudentiel.
Dans le même temps, la réglementation de marché et le cadre fiscal ont connu ou sont en train de
15
Les marchés obligataires, compte tenu des volumes très importants échangés, sont largement organisés sur un
modèle dirigé par les prix dans lequel des teneurs de marché agissant en concurrence proposent sur demande du
client (request for quote) des prix pour traiter la quantité demandée.
16
Sur cet aspect, v. particulièrement AMAFI /13-25 précitée, p. 10.
- 22 -
AMAFI / 15-48
26 octobre 2015
connaître des évolutions significatives, qui affectent directement l’activité des apporteurs de liquidité sur
les marchés.
Toutes ces évolutions, à des degrés divers, mais avec un effet cumulé réel, modifient sensiblement
l’équilibre économique d’un certain nombre d’activités. Aussi, les établissements qui les exercent sont
conduits à supprimer celles dont la rentabilité est devenue trop faible au regard des fonds propres
désormais nécessaires ainsi que celles qui, pour être rentables, exigeraient la mobilisation de moyens qui
ne sont pas en adéquation avec les orientations stratégiques que chacun s’est assigné. Les banques
sont évidemment au cœur de ce processus, parfois drastique, de revue de leurs activités, dont l’une des
principales conséquences est leur désengagement massif des activités de tenue de marché dont
l’essentiel est constitué par des activités de flux, reposant sur des volumes importants avec des marges
17
faibles .
a.
La réglementation prudentielle, cause première du désengagement
Des exigences anticipées quand elles ne sont pas en vigueur. La réglementation prudentielle doit
s’entendre au sens large pour concerner, non seulement celle issue des accords de Bâle, et
particulièrement ceux connus sous le nom de Bâle 3,
Encadré 4 : Bâle 3
qui concernent à la fois la solvabilité et la liquidité des
où
le
renforcement
des ratios prudentiels
établissements financiers, mais aussi les réformes
La
réglementation
prudentielle
des acteurs
liées à la structure bancaire ainsi que celles relatives
financiers,
élaborée
au
niveau
international
dans le
aux mécanismes de résolution.
Certaines mesures ont d’ores et déjà été mises en
œuvre, d’autres entreront en vigueur dans les mois
ou les années à venir, tandis que d’autres encore
restent en cours d’élaboration. Leurs effets sont
différents selon les classes d’actifs et selon les
activités exercées, mais toutes concourent, par leur
effet cumulatif, à réduire la capacité des
établissements concernés, et particulièrement des
banques, à apporter de la liquidité aux marchés.
Bâle 3, des exigences de solvabilité
et de liquidité fortement accrues
cadre des accords de Bâle, vise à assurer la
robustesse et la stabilité du système financier.
Après la crise, Bâle 2.5 (CRD 3 en Europe) a été
mis en œuvre, et Bâle 3 (CRD 4 en Europe) adopté
en 2010, est graduellement mis en place, avec une
mise en œuvre progressive entre 2013 et 2019.
Cette réglementation définit notamment les normes
de fonds propres à mettre en regard des positions
de marché détenues par les banques et les acteurs
de marché qui leur sont assimilés (les entreprises
d’investissement
en
Europe),
avec
des
conséquences directes sur leur capacité à se
positionner comme teneurs de marché (v. AMAFI /
15-03 précitée). Elle a également pour objet de
faire en sorte que les établissements financiers
puissent faire face à leurs échéances de liquidité. À
cette fin, la réglementation catégorise les actifs
financiers selon des critères de maturité et de
liquidité, et encadre strictement les positions que
les banques peuvent détenir, en matière d’équilibre
entre actif et passif, dans une perspective de
liquidation des positions en situation de stress.
La hausse des fonds propres exigés, en niveau
comme en qualité. Bâle 3 introduit d’abord un
certain nombre d’exigences nouvelles quant au
niveau de fonds propres exigé des banques.
Certaines
de
ces
exigences
renchérissent
particulièrement leurs interventions sur les marchés
financiers et leur capacité à y apporter de la liquidité.
Sont ainsi singulièrement affectées les activités de tenue de marché sur titres souverains, dont les
inventaires sont rendus davantage coûteux, au moment même où leur rendement tend à diminuer.
18
Parmi ces nouveautés , il faut noter :

Le renforcement de la qualité et du niveau des fonds propres pour couvrir les risques (encours
pondérés par les risques – RWA), qui augmente le coût du capital et induit ainsi un retrait des
17
Ce qui s’explique aussi en termes d’efficience de marché : des marges fortes, seulement possibles dans un
univers faiblement ou pas concurrentiel, constituent un surcoût pour l’investisseur qui se répercute directement sur le
coût du capital de l’émetteur (v. supra A.1.1.).
18
Et dans un contexte où le calcul des exigences en capital a été profondément modifié par l’introduction de la
Stress VaR en 2011, de l’IRC (Incremental risk charge) et de la CVA VaR ou Kcva en 2014.
- 23 -
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activités dont la rentabilité ramenée aux fonds propres consommés apparaît insuffisante
(v. illustration 14 en page suivante). Ainsi, le core equity tier 1 qui était de 2 % est passé à 4,5 %
et le niveau requis pour les fonds propres « de base » (Tier One), qui était autour de 4 % avant la
crise, doit croître jusqu’à dépasser 8 % en 2019, en incluant le « coussin de conservation ». A
19
ceci s’ajoutent des exigences de « coussins » supplémentaires selon les établissements , qui
pourront atteindre 5 % en 2019.
Illustration 20 : Effet de Bâle 3 sur le capital des banques
12,0%
10,0%
8,0%
Tier 2
6,0%
Other Tier 1
4,0%
Capital Conservation Buffer (CET 1)
Common Equity Tier 1 (CET 1)
2,0%
0,0%
Source : Comité de Bâle, AMAFI

L’introduction d’une charge en capital pour les variations de risque de contrepartie (Kcva), qui
contraint fortement les expositions liées à des dérivés de maturité longue, celles qui sont noncollatéralisées ainsi que celles dont les contreparties présentent un risque de crédit élevé ou pour
20
lesquelles il n’existe pas de marché liquide de CDS pour couvrir le risque .

L’introduction d’un ratio de levier, qui vise à plafonner l’effet de levier des activités financières. Ce
ratio fait l’objet d’une publication par les établissements depuis début 2015 et sera intégré dans
les normes de fonds propres en 2018 (au moins 3 % du capital de catégorie 1). Il a ceci de
particulier qu’il n’est pas calibré en fonction du risque des activités, mais à raison de la seule
taille de bilan. Il incite donc les banques à se retirer d’activités objectivement peu risquées et, de
façon corollaire, peu génératrices de revenus, mais qui du fait de ce ratio de levier, induisent
21
désormais une consommation de fonds propres trop élevée .
Les effets anticipés du FRTB. Plus récemment, le Comité de Bâle a entrepris un exercice de revue des
règles applicables au portefeuille de négociation (Fundamental Review of the Trading Book – FRTB). Ces
règles devraient être finalisées au niveau international fin 2015 pour une mise en œuvre prévue en 2018.
L’objectif est notamment d’obtenir une définition plus fine et stable des actifs alloués au portefeuille de
négociation et au portefeuille de crédit mais surtout de rénover les méthodes de prise en compte du
risque, les modèles étant ramenés au niveau des tables de négociations individuelles et non plus au
niveau de l’établissement lui-même.
19
Outre le coussin de « conservation des fonds propres » susmentionné, (i) les établissements peuvent se voir
imposés un « add-on » de pilier 2, (ii) une surcharge spécifique aux établissements systémiques s’établira entre 1 %
et 3,5 % et, enfin, (iii) le coussin « contracyclique » est aujourd’hui laissé à 0, mais pourrait être ultérieurement
recalibré.
20
Le Parlement européen a certes inséré dans CRD 4 une dérogation de Kcva pour les entreprises non financières.
Non prévue par le Comité de Bâle, elle risque cependant de ne pas être pérenne du fait des travaux de l’EBA –
Autorité bancaire européenne en cours.
21
En particulier s’agissant des activités de repo / prêt et emprunts de titres ou de la tenue de marché sur les titres
souverains.
- 24 -
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Le besoin en fonds propres devant croître naturellement de ce fait, les revues d’activités menées par les
22
établissements intègrent d’ores et déjà cet aspect .
Le LCR et le NSFR. La crise financière de 2007-2008 a montré que, globalement, avant d’affronter des
problèmes de solvabilité, les établissements financiers avaient dû faire face à des problèmes de liquidité
qui, dans certains cas, ont eu d’importants effets de contagion sur le système financier dans son
ensemble. Bâle 3 introduit donc deux ratios visant à limiter l’exposition des banques au risque de
liquidité : le Ratio de liquidité à court terme (LCR) et le Ratio structurel de liquidité à long terme (NSFR).

Le LCR a pour objectif de favoriser la résilience à court terme des banques en veillant à ce que
celles-ci disposent de suffisamment d’actifs liquides de haute qualité (HQLA, High Quality Liquid
Assets) pour surmonter une grave crise de liquidité qui durerait 30 jours. Ce ratio est introduit
progressivement, passant de 60 % en 2015 à 100 % en 2019. Cette norme a pour conséquence
de contraindre les banques à immobiliser dans leurs bilans des stocks importants d’instruments,
distrayant des ressources significatives (en termes de taille de bilan comme de fonds propres
alloués) qui, ne sont ainsi plus disponibles pour leurs activités d’apport de liquidité, mais
également (et paradoxalement) les positionnent comme des consommatrices de liquidité.

Le NSFR vise à réduire le risque de financement à horizon plus lointain en imposant aux
banques de financer leurs activités par des sources suffisamment stables pour atténuer le risque
de difficultés de financement ultérieures. Le dispositif doit entrer en vigueur en 2018 et ses
modalités ne sont pas encore définitivement arrêtées.
Pour autant, dans les modalités actuellement envisagées, le ratio impacterait très lourdement les
activités de pensions livrées, indispensables à la liquidité des échanges sur le marché, ainsi que
23
les activités sur produits dérivés .
Les réformes de structure bancaire
Séparer les activités de marché. Plusieurs projets de réforme de la structure des banques ont été
lancés dans différents pays, que ce soit la règle Volcker aux États-Unis, qui interdit la négociation en pur
compte propre, la réforme Vickers qui au Royaume-Uni prévoit la filialisation légale et opérationnelle des
activités de détail au sein des groupes bancaires, ou encore dans l’Union européenne, le « projet
24
25
Barnier » qui, s’appuyant sur les conclusions du rapport Liikanen , promeut en l’état la séparation
structurelle entre les activité de marché et les activités de dépôt, de paiements et de crédit.
Ces projets visent dans l’ensemble à une séparation, plus ou moins stricte et suivant des modalités
différentes, des activités de marché par rapport aux activités de banque de détail. Mais d’ores et déjà, la
22
A cet égard, on peut souligner que les exigences opérationnelles et les risques de variabilité du capital (lorsqu’une
table de négociation individuelle ne remplit plus les conditions pour être éligible au modèle interne) peuvent conduire
les acteurs les moins importants à opter pour la méthode standard, qui, selon toute vraisemblance, sera
particulièrement pénalisante (RWAs multipliés par 4 en moyenne selon l’étude menée par la Global Association of
Risk Professionals) et les conduira probablement à sortir de tout ou partie des activités de marché menées
aujourd’hui.
23
S’agissant du prêt emprunt, notamment sur titres souverains, la réforme contient en l’état une asymétrie de
traitement entre les repos et les reverse-repo courts (moins de 6 mois), qui entraverait l’activité de tenue de marché
sur ces produits, en introduisant artificiellement un coût en liquidité pour des opérations en réalité équilibrées.
S’agissant des produits dérivés, leur traitement est si défavorable que le Comité de Bâle estime à 1.000 Md EUR le
besoin de funding stable résultant de l’application de la norme au stock actuel des banques (Basel III Monitoring
Report du Comité de Bâle, Sept. 2015, p. 40).
24
High level expert group on reforming the structure of the Eu banking sector, Final report, 2 octobre 2012, dit
Rapport Liikanen.
25
Le projet reste en discussion, le Conseil et le Parlement européen n’ayant pas encore trouvé d’accord sur le
dispositif qui doit être mis en œuvre.
- 25 -
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prohibition assez large des activités de pur compte propre pour les intervenants bancaires s’est
traduite par :

La disparition de flux qui, indépendamment de toute considération sur la robustesse des
banques, contribuaient objectivement à la liquidité des marchés, notamment au travers d’activités
d’arbitrage, alors même que l’activité d’arbitrage, dans sa définition de base, est à risque faible
ou nul.

Une complexité de gestion et un risque réglementaire accrus pour les banques internationales
qui sont soumises à plusieurs dispositifs similaires mais non identiques et doivent suivre certains
indicateurs spécifiques (âge et rotation des portefeuilles, « RENTD » - Reasonable near term
demand of client), l’ensemble exerçant une pression à la baisse des inventaires.

L’augmentation des coûts attachés aux activités de marché conservées par les banques, et
notamment à celles de tenue de marché. En particulier, la mise en œuvre de cadres d’audit et de
conformité afin de différencier les activités de tenue de marché de celles, abandonnées ou
séparées, de pur compte propre, se traduit mécaniquement par une augmentation des coûts de
la tenue de marché et donc une dégradation de la rentabilité des capitaux propres (ROE).
L’application des ratios à la seule entité de marché. Au-delà, et surtout si elles devaient se traduire
par le respect des divers ratios bâlois (v. supra) à l’échelle des seules activités de marché et non plus des
26
groupes , ces réformes de structure se traduiraient immanquablement pour les banques concernées par
l’obligation de gérer, sur ces activités, des jeux de contraintes resserrées, et d’accroître d’autant le
malthusianisme de leurs orientations stratégiques en matière de tenue de marché.
Les réformes liées au redressement et à la résolution des banques
Traiter la faillite d’une banque. La question de la gestion ordonnée de la résolution d’une faillite
bancaire s’est posée avec acuité au lendemain de la crise financière, après la nécessaire intervention
des États pour injecter des liquidités, et parfois des capitaux dans les systèmes bancaires. Afin d’être en
mesure de réagir plus efficacement et rapidement en cas de nouvelle crise, il a été décidé de mettre en
place des autorités de gestion de résolution, d’imposer aux établissements la préparation de plans
crédibles de redressement et de résolution, et d’imposer des exigences minimales quant au stock
d’instruments de dette éligibles au renflouement interne (bail-in, par opposition au bail-out avec injection
de fonds publics) afin de pouvoir recapitaliser en urgence un établissement défaillant sur la base de ses
ressources propres.
Des mesures ont ainsi été introduites aux États-Unis à travers du Dodd-Frank Act et en Europe par la
Directive sur le redressement et la résolution des crises bancaires – BRRD (Directive 2014/59/UE du
15 mai 2014). L’impact de ces mesures sur l’activité de tenue de marché se fait surtout sentir par le
renforcement des exigences prudentielles : TLAC et fonds de résolution.
Le TLAC. Pour les établissements bancaires considérés comme systémiques, soit une trentaine
d’établissements dans le monde environ, le Conseil de stabilité financière (FSB) a proposé, en novembre
2014, la fixation d’un niveau minimum pour les éléments du passif susceptibles de participer à
l’absorption des pertes en cas de renflouement interne ou bail-in (Total Loss-Absorbing Capacity –
27
TLAC). Sur ces bases, à compter de 2019, le montant total des fonds propres et de la dette éligible
devrait représenter au moins (i) 16 % à 20 % des actifs pondérés des risques et (ii) deux fois le ratio de
levier pour ces établissements.
26
En pratique, les réformes Volcker et Vickers contournent assez largement cette difficulté, la menace pesant surtout
sur les banques qui se trouveraient assujetties à la réforme européenne.
27
Les fonds propres s’entendent ici avant prise en compte des coussins, cf. supra. En outre, la notion de « dette
éligible » reste devoir être précisée, s’agissant notamment de l’éligibilité des notes structurées.
- 26 -
AMAFI / 15-48
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Pour une bonne part des établissements concernés, l’adaptation à cette contrainte nouvelle supposera
alternativement ou de manière concomitante (i) l’émission de nouvelle dette, accroissant d’autant le coût
d’exercice des métiers, et obligeant à revoir le niveau minimum de rentabilité exigée des activités, et
(ii) l’optimisation de la taille des activités (avec, selon le cas, un accent sur le risque pondéré des actifs –
RWA – ou sur leur taille bilancielle). Dans tous les cas, ce mécanisme d’adaptation pèsera sur les
activités de marchés (et notamment d’apport de liquidité) les moins rentables eu égard à leur niveau
d’encours pondérés ou à leur taille de bilan.
Création d’un Fonds de résolution. Enfin, la contribution des établissements financiers de la zone euro
les plus importants au Fond de résolution unique (FRU) affectera nécessairement leur stratégie en
termes d’activités de marché. En effet, cette contribution, qui devrait atteindre 55 Md EUR entre 2016 et
2024 constitue une charge supplémentaire pour les établissements financiers et sera d’autant plus
pénalisante pour les activités de marché qu’assise sur la taille des bilans, elle incite à leur réduction.
b.
Un désengagement accentué par les réglementations de marché et la fiscalité
Des effets amplificateurs. Si la revue des
portefeuilles d’activités de marché menée par les
établissements financiers en général, et les
banques en particulier, est d’abord et avant tout
conditionnée
par
l’évolution
des
normes
prudentielles, les réglementations de marché et la
fiscalité, compte tenu également de leur évolution,
ont également des conséquences sur leurs
comportements. Ainsi, même si ces aspects n’ont
pas d’effet directeur dans cette revue, ils contribuent
indéniablement à accentuer la portée des décisions
que la réglementation prudentielle détermine en
premier lieu.
MIF 2 et la dégradation des fonctions
d’apporteurs
de
liquidité.
En
Europe
particulièrement, mais aussi aux Etats-Unis quoique
dans
des
conditions
parfois
sensiblement
différentes, les conditions d’intervention sur les
marchés connaissent des modifications profondes.
Encadré 5 : Réformer la structure de marché
Au-delà des réformes visant à renforcer la
robustesse des établissements financiers, la crise a
aussi entraîné une refonte des règles de marché en
vue d’éviter que ne se reproduisent les
dysfonctionnements constatés alors. Aux États-Unis,
cela a été l’objet du Dodd-Frank Act de 2010, tandis
que l’Europe adoptait en 2012 EMIR (Règlement
(UE) n° 648/2012 du 4 juillet 2012 sur les produits
dérivés de gré-à-gré, les contreparties centrales et
les référentiels centraux) et en 2014 le dispositif MIF
2, ces deux derniers textes renforçant les exigences
pesants sur les intermédiaires de marché, banques
et entreprises d’investissement.
Ces règles, dont toutes les obligations ne sont pas
encore en vigueur, et qui ne sont pas tout à fait
homogènes entre l’Europe et les États-Unis, visent
notamment à mettre en œuvre les objectifs du G20
s’agissant des dérivés de gré à gré. Sont ainsi
introduites
l’obligation
de
déclaration
des
transactions, la compensation centrale et la
négociation sur plateformes de négociation
transparentes pour les dérivés les plus standardisés,
ainsi que des appels de marge bilatéraux pour les
dérivés non-compensés.
L’Union européenne est ainsi en train de finaliser le
28
dispositif MIF 2
qui, devant entrer en application
début 2017, vise à accroître la transparence de
marché (pré et post-négociation) tout en limitant la
part des transactions de gré à gré et en favorisant la concentration des transactions sur des plateformes
électroniques. En pratique, et même si le calibrage de diverses mesures n’est pas encore définitivement
arrêté, il est anticipé que MIF 2 va assez significativement modifier les conditions d’exercice de l’activité
d’apporteur de liquidité : d’une part, en accroissant significativement la probabilité et la vitesse de
dévoilement des positions des acteurs concernés ; d’autre part, en les assujettissant à des contraintes
particulières en matière de présence, d’accès à leurs cotations, voire d’agressivité des prix proposés.
Bien que graduées en fonction de la liquidité des actifs ou de la taille des ordres, ces exigences vont
vraisemblablement changer la nature de la liquidité apportée sur les marchés, en favorisant la montée en
puissance d’acteurs de haute fréquence sur des marchés dont ils étaient jusque là assez absents et, à
l’inverse, en décourageant l’activité des apporteurs de liquidité traditionnels intervenant sur des tailles
importantes au profit de leurs clients (sur l’effet des acteurs de haute fréquence sur la liquidité des
marchés, v. infra, C.2.1.).
28
Qui au travers d’une directive (Directive 2014/65/UE du 15 mai 2014) et d’un règlement (Règlement 2014 (UE)
600/2014 du 15 mai 2014) modifie la directive MIF actuellement en vigueur (Directive 2004/39/CE du 24 avril 2004).
- 27 -
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Une fiscalité nettement durcie. Les difficultés importantes auxquelles de nombreux établissements
financiers ont fait face ont conduit certains Etats à engager des actions énergiques pour assurer leur
pérennité, et éviter le déclenchement d’une crise systémique majeure. Ces actions, qui ont mobilisé les
29
finances publiques , n’ont toutefois pas permis d’empêcher que, même si d’autres facteurs ont joué, la
30
crise financière ne se transforme en crise économique. Aussi, poussés par leurs opinions publiques , les
Gouvernements ont durci les règles fiscales s’appliquant aux établissements financiers et aux opérations
financières dans un esprit punitif d’après crise, qui se combine à des objectifs budgétaires et parfois à
l’idée selon laquelle l’outil fiscal pourrait également servir des objectifs de régulation financière en
contenant les activités de marché jugées inutiles. Ce faisant, dans plusieurs pays, la rentabilité des
activités de marché s’est trouvée affectée par le poids d’une fiscalité croissante.
C’est ainsi que le secteur financier a été mis à contribution, parfois assez lourdement, via des impôts
fondés sur la taille de bilan comme le bank levy au Royaume-Uni ou la taxe systémique en France. Par
ailleurs, après qu’une taxe sur les transactions financières a été mise en œuvre en France et en Italie,
11 pays de l’Union européenne travaillent actuellement à une initiative visant à instaurer une taxe
commune de cette nature, dans le cadre d’une coopération renforcée. Si les contours de ce projet sont
toujours en cours de définition, il existe un risque non négligeable que les activités de tenue de marché,
d’inventaire et de couverture associées ne bénéficient que d’exemptions réduites, au détriment de la
rentabilité économique des activités menées, et donc de leur soutenabilité pour les acteurs concernés.
B.3.
Le déséquilibre entre demande et offre de liquidité induit une fragilité
inquiétante, surtout dans un contexte de normalisation attendue des
politiques monétaires
Offre et demande de liquidité, une évolution
opposée. Ainsi, l’offre de liquidité par les
intervenants
bancaires
et
la
demande
d’immédiateté de la part des investisseurs ont
connu sur la période récente des évolutions
diamétralement
opposées.
Tandis
qu’était
constatée une attrition massive de l’offre de
liquidité, le besoin latent d’immédiateté augmentait
fortement, soutenu comme on l’a vu par différents
facteurs qui se cumulent : une forte croissance en
taille des marchés, des instruments en circulation
de plus en plus variés, et des investisseurs plus
homogènes
avec
des
comportements
d’investissement davantage alignés.
Illustration 21 : Évolution contradictoire
de la taille des marchés financiers et des inventaires
Témoigne par exemple de cet « effet ciseau » le
marché de la dette des entreprises européennes,
qui a crû de 40% depuis 2008, tandis que le bilan
bancaire consacré à sa détention était divisé par 2.
29
Source : BCE
Parfois temporairement, comme dans le cas de la France, avec en outre un résultat bénéficiaire pour le Trésor
public.
30
Parfois confortées par l’idée que la contribution du secteur financier aux charges publiques serait trop faible, ce qui
concernant la France, est faux. Ainsi, dès 2010, dans les débats sur l’opportunité d’introduire au lendemain de la
crise économique et financière, une Taxe sur les Activités Financières (TAF) ou une Taxe sur les Transactions
Financières (TTF) les travaux de la Commission européenne relevaient la présence en France d’une TAF consistant
à une taxe sur les salaires n’existant pas dans les autres pays et représentant déjà une contribution de plus de
10 Md EUR (13,1 MdEUR en 2014) – dont 85 % supportée par le secteur financier – (v. Taxation papers
SEC(2010)1166 : Financial sector taxation n° 25, Annexe B2, p. 43). Ce constat s’est aggravé depuis si l’on se réfère
au rapport 2013 du Conseil des Prélèvements Obligatoires selon lequel la part des entreprises du secteur financier
dans l’ensemble des prélèvements obligatoires est passée de 4,9 % en 2010 à 5,2 % en 2012 et 5,3 % en 2013
(v. Les prélèvements obligatoires et les entreprises du secteur financier, Rapport CPO 2013).
- 28 -
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Les risques de la normalisation des politiques monétaires. La normalisation à venir, déjà engagée
pour la politique monétaire américaine (fin des injections d’achats d’actifs par la Fed entamée en 2014,
hausse des taux d’ici fin 2015) risque de révéler combien est inconfortable la situation de liquidité sur les
marchés, masquée jusqu’ici par l’illusion d’une liquidité facile mais dont le niveau réel apparaîtra
sensiblement réduit.
En effet, même si les autorités monétaires ont essayé de préparer les agents économiques à cette
perspective, un relèvement des taux aboutira mécaniquement à une réallocation de nombreux
portefeuilles. Or, compte tenu des facteurs précédemment rappelés, cette réallocation a toutes chances
de conduire à de fortes corrections (firesales), voire d’entraîner une spirale baissière particulièrement
rapide : non seulement parce que seront concernés un grand nombre et une grande diversité d’actifs,
mais aussi parce qu’en face, la capacité à fournir de la liquidité se sera tarie de façon importante, les
teneurs de marché ne pouvant plus jouer le rôle d’amortisseurs de chocs qu’ils assumaient par le passé
(v. aussi supra illustration 11 et Encadré 4).
Un risque systémique. A bien des points de
vue donc, cette phase exceptionnelle où les
banques centrales interviennent activement
apparaît comme un intermède, évidemment
explicable
en
termes
de
soutien
macroéconomique, mais conduisant le
marché à une illusion de liquidité, à la
formation de bulles, et à une sortie à risque.
Illustration 22 : Implications systémiques
d’un choc de liquidité
En définitive, le hiatus entre la forte croissance de la
demande d’immédiateté latente et la diminution de la
capacité des apporteurs de liquidité fait peser un
grand risque pour la stabilité du système financier. Le
caractère systémique aujourd’hui atteint par le
risque de liquidité sur les marchés financiers est
du reste confirmé par la plus récente mise à jour
du « Global Financial Stability Report » du Fond
monétaire international, qui estime notamment à
plus de 100 Md EUR l’impact qu’une crise de
liquidité pourrait avoir sur les investisseurs, à
l’échelle mondiale.
Réussir l’UMC ? D’ores et déjà, ce hiatus constitue un facteur d’impossibilité pour le projet d’Union des
Marchés de Capitaux. En effet, le succès de l’UMC suppose la capacité d’absorption par les marchés
financiers européens, dans de bonnes conditions de liquidité secondaire, d’une masse croissante
d’instruments financiers, de dette comme de capital. Or, on l’a vu, l’offre de liquidité secondaire apparaît
déjà insuffisante en regard du niveau actuel de la demande, et la nature des facteurs qui la contraignent
amènent en l’état à considérer que cette offre sera, dans un avenir prévisible, au mieux constante, plus
vraisemblablement décroissante, et en aucun cas élastique face à une demande qui augmenterait.

- 29 -
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C.
QUELLES PISTES DE SOLUTION ?
Passer du constat à la recherche de solutions. Si les éléments du constat semblent aujourd’hui
largement partagés, les solutions à apporter restent plus floues alors que les enjeux sont grands.
L’objectif premier est donc ici de dégager des pistes à cet effet.
Cette ambition s’impose compte tenu de la complexité du sujet et surtout, comme on l’a vu
précédemment, de l’imbrication des initiatives réglementaires. L’interaction qu’entretiennent les objectifs
assignés à ces initiatives avec l’enjeu de la liquidité de marché oblige à une pesée précise, qui doit en
outre être réalisée dans un cadre large associant les multiples parties prenantes concernées, et au
premier chef les régulateurs financiers.
Traiter la crise « ordinaire » et non la crise majeure. La situation de liquidité constatée aujourd’hui est
inquiétante parce qu’elle apparaît potentiellement en mesure de transformer une crise de liquidité
« ordinaire », qui auparavant se serait résolue assez naturellement dans un délai relativement court, en
une crise majeure avec des effets virtuellement systémiques. Ce point est essentiel : trop souvent l’utilité
de la réflexion est remise en cause au motif que les apporteurs de liquidité ne jouent plus aucun rôle lors
d’une crise systémique, comme l’a illustré la situation de 2008…
De fait, il est indéniable qu’en cas de crise majeure, aucun opérateur privé n’est en mesure d’apporter de
façon volontariste de la liquidité dans un marché en chute libre, la gestion de la crise devenant alors du
ressort des banques centrales au travers de l’injection de liquidités dans le système. Pour autant, on ne
peut nier le rôle joué par les teneurs de marchés lors de périodes de tension « ordinaires » : le risque a
beau être plus grand qu’en situation de volatilité faible, il reste néanmoins gérable par des acteurs outillés
pour l’analyser et le maîtriser, notamment au travers d’instruments de couverture.
Deux axes. Ce cadre posé, la réflexion doit suivre deux axes. Il s’agit en premier lieu d’analyser la
capacité que pourraient avoir de nouveaux acteurs à assumer dans l’avenir la fonction d’apporteur de
liquidité en substitution de ceux qui se retirent (C.1.). En second lieu, au regard du résultat de cette
analyse, il faut déterminer les actions à entreprendre plus largement pour faciliter l’établissement d’un
nouvel équilibre stable entre offre et demande de liquidité, via un faisceau de mesures intéressant les
différents acteurs des marchés (C.2.).
C.1.
L’émergence d’apporteurs
historiques ?
de
liquidité
alternatifs
aux
acteurs
Un « processus de destruction créatrice » ? Au cours de la période récente, différentes voix se sont
exprimées, qui considèrent que la situation actuelle pourrait révéler la possibilité d’un processus de
31
« destruction créatrice ». La nature ayant horreur du vide, la place autrefois essentiellement assumée
par les « intermédiaires de marché » sera inévitablement prise à terme par d’autres acteurs, le
déséquilibre actuel n’étant alors, dans une vision schumpétérienne, que la marque d’une phase de
transition nécessaire à la montée en puissance de ces derniers. Certains acteurs de la gestion se sont
d’ailleurs exprimés en ce sens au cours des derniers mois.
31
“With further growth of market-based intermediation activities expected due to likely structural changes in the
financial system, supervisory authorities need to anticipate ancillary risks, such as concentration risks, for example
generated by the potential rise of new systemic institutions, cross border exposures and regulatory arbitrage.
Structural change may also go along with destructive creation, implying challenges for supervisors and management
in terms of sustainability of business models, in particular for banks.” (v. Rapport du Comité mixte des Autorités
européennes de surveillance de mars 2015, p. 7).
- 30 -
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Pour tenter d’évaluer l’effectivité d’une telle alternative (C.1.2.), il est toutefois nécessaire au préalable de
rappeler les grands traits d’une fonction d’apporteur de liquidité (C.1.1.).
C.1.1.
Que signifie exercer une fonction d’apporteur de liquidité ?
Une fonction rendue nécessaire par la demande d’immédiateté. Comme cela a été souligné
précédemment (v. supra A.1. et B.1.2.), face aux décalages temporels qui ne manquent pas d’exister
entre l’offre et la demande d’instruments financiers de la part des agents économiques, l’intervention d’un
tiers en capacité de prendre temporairement une position est souvent d’autant plus nécessaire que les
investisseurs sont de plus en plus attentifs à éviter de subir un impact de marché défavorable du fait de
l’absence de contrepartie(s) immédiatement présente(s) face à la totalité de leur intérêt vendeur ou
acheteur.
Pour fonctionner efficacement, tout apporteur de liquidité doit donc présenter un certain nombre de
caractéristiques.
La capacité à prendre activement et régulièrement des positions « contrariantes »
Une valeur apportée réelle. L’apport de la tenue de marché est fréquemment discuté au motif
qu’effectuée dans des marchés souvent déjà liquides par eux-mêmes, son utilité serait en réalité nulle.
Outre toutefois que peu d’instruments bénéficient d’une liquidité naturelle permettant de vérifier
automatiquement une telle assertion, cette approche méconnaît au moins deux aspects qui rendent les
teneurs de marché incontournables :
32

D’une part, un grand nombre de transactions sont réalisées en dehors de plateformes
organisées qui, à l’image de la place du marché dans un village, ont pour objet de rassembler
ensemble acheteurs et vendeurs autour d’un même système d’échanges. Ces transactions
bilatérales supposent une appréciation particulière de chacun sur la capacité de son
cocontractant à remplir ses obligations nées de la transaction (y compris, dans le cas des titre,
celle de régler / livrer), et donc sur son risque de contrepartie. Pour l’investisseur, comme pour la
chambre de compensation qui s’interpose le cas échéant, il est important de pouvoir traiter face à
des acteurs bien identifiés, et soumis à une réglementation particulièrement exigeante en ce qui
concerne leur capacité à assumer leurs obligations.

D’autre part, et comme cela a déjà été développé, l’immédiateté que fournit le teneur de marché,
et qui nécessite qu’il détienne un inventaire ou un « book » et soit à même de gérer efficacement
les risques induits par sa position, est essentielle pour un nombre toujours plus important de
clients. Par son intervention, il permet à l’investisseur de conserver la maîtrise de l’impact de
marché de son ordre, en n’étant plus exposé, s’il est vendeur d’un titre ou acheteur d’une
protection, à l’évolution de la valeur de l’actif et, s’il est acheteur, de bénéficier sans délai et sans
surprise de sa performance.
Pouvoir se positionner à l’encontre du marché. Par ailleurs, lorsque la liquidité de marché se tend, la
capacité d’être contrariant, c’est-à-dire de pouvoir se positionner à l’encontre du mouvement immédiat du
marché, prend tout son sens. C’est alors que le risque de marché, pris au travers de sa position, est le
plus important puisque le teneur de marché n’est jamais parfaitement assuré de pouvoir la retourner à un
prix intéressant.
32
Du fait de leurs caractéristiques particulières, en termes de volume notamment, ou des pratiques de marché
(marché obligataire).
- 31 -
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En tout état de cause, la rémunération du teneur de marché prend en compte la liquidité existante sur
l’instrument lui-même et sur ceux lui permettant de couvrir ses risques. Cette rémunération sera, ne
serait-ce que du fait de la concurrence d’autres teneurs de marchés, plus faible dans un marché liquide
où le risque est moindre.
Une présence qui ne peut être seulement épisodique. La tenue de marché est une activité
commerciale qui suppose que des clients identifient tel ou tel intervenant comme un acteur susceptible
de leur proposer des prix intéressants. La présence du teneur de marché doit donc être régulière, y
compris dans les situations de tension de marché …
Connaître les marchés et savoir analyser les risques
Une appréciation de plus en plus complexe. Assumer le risque d’être contrariant implique une
connaissance intime du marché et des capacités d’analyse des risques d’autant plus importantes que les
instruments financiers se diversifient et se multiplient tandis que les marchés s’interconnectent. Le niveau
d’expertise requis ne cesse ainsi de croître, et avec lui le niveau de sophistication et, partant, le coût des
outils afférents, notamment informatiques.
La conséquence de cette évolution est qu’à défaut de consentir les investissements nécessaires au
maintien de cette expertise, non seulement l’activité ne saurait être rentable, mais surtout elle serait
susceptible de mettre en péril l’établissement s’y livrant. C’est sans doute l’une des raisons expliquant le
rôle majeur des banques dans les activités de tenue de marché.
L’enjeu de l’effet de levier
Un couple rendement / risque acceptable du fait de l’effet de levier. Parce qu’elle comporte des
risques réels, l’activité de tenue de marché suppose une rémunération fixée en conséquence, étant
rappelé que cette rémunération a pour contrepartie le rendement de l’actif vendu ou acheté par
l’investisseur : plus l’une augmente, plus l’autre baisse, et réciproquement. L’un des motifs sous-tendant
le rôle majeur des banques dans les activités de tenue de marché tient alors sans doute au fait qu’elles
opèrent avec un mixte de capitaux comportant un fort effet de levier. Cela leur permet d’accepter une
rémunération inférieure à celle que nécessiterait, au regard des risques pris, la même activité financée
entièrement en fonds propres.
Mais cela suppose évidemment aussi une
surveillance adaptée tant par l’établissement, que
par ses régulateurs et superviseurs (v. supra
B.2.2.), pour laquelle un savoir-faire particulier est
indispensable.
C.1.2.
Les acteurs de la gestion,
une alternative au retrait des
banques ?
Différentes initiatives. La nouvelle configuration
des marchés se traduit notamment par un
déplacement du risque de liquidité, désormais plus
largement porté par les gestionnaires d’actifs. On
constate ainsi que leur part dans la détention
d’instruments financiers a connu une augmentation
forte tandis que celle des BFI se réduisait.
- 32 -
Illustration 23 : Evolutions croisées
de la détention d’actifs aux États-Unis
par les gestions et les BFI
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Dans ce cadre, les acteurs de la gestion d’actifs
participent aux évolutions de la structure des
marchés, et recherchent des alternatives à
l’utilisation de teneurs de marché intervenant pour
des tailles importantes au profit de leurs clients. A
l’extrême, certains peuvent envisager de se
positionner comme faiseurs de prix tandis que
d’autres lancent des plateformes de croisement
des ordres.
Illustration 24 : Les gérants recherchent
des alternatives à la liquidité
jusque là proposée par les market makers
Mais seuls des hedge funds
sembleraient
en
capacité
d’assumer une véritable fonction
d’apporteur de liquidité
Disposer d’un mandat clair à cet effet. L’activité de tenue de marché est une activité à risque qui, dans
le cadre d’un organisme de placement collectif, suppose nécessairement que les investisseurs qu’il
rassemble aient la claire conscience de ce risque au travers du mandat qu’ils confient au gérant. Mais,
même à supposer qu’il soit obtenu et que cette
Encadré 6 :
activité soit compatible avec le statut de société de
Les contraintes bilancielles de la gestion
gestion tel qu’il est défini réglementairement, ce
Les exigences de liquidité du passif applicables à
mandat n’est pas à lui seul suffisant. Il faut
certains acteurs de la gestion, avec une évaluation
également que l’OPC puisse agir dans un cadre
quotidienne de la liquidité dans un certain nombre de
conforme à ce que suppose une activité de tenue
fonds, comme l’appréciation « au marché » (mark to
de marché.
market) de l’actif peuvent avoir des conséquences
extrêmement procycliques en cas d’événement de
marché, avec des risques d’effondrement accéléré en
cas de rachats massifs.
Cela ne paraît pas compatible avec la fonction d’un
OPC, supposé effectuer un pur placement, astreint
à une valorisation périodique (souvent quotidienne),
et largement investi en permanence. Seuls
semblent alors en mesure de répondre à ces
impératifs, compte tenu de leurs caractéristiques,
les hedge funds ou fonds de gestion alternative.
Leur particularité est en effet de disposer de fonds
bloqués sur une durée assez longue, sans
obligation de liquidité permanente ni de valorisation
quotidienne. En outre ils bénéficient d’une bien plus
grande liberté de gestion que les OPC.
Par ailleurs, les gérants sont soumis à des
contraintes de rendements, quand ce ne sont pas des
contraintes réglementaires dans certaines juridictions,
qui les empêchent de détenir des liquidités en
quantité pour pouvoir le cas échéant intervenir. Leur
capacité de mobilisation du bilan est donc moindre
que celle des BFI, et les solutions étudiées (lignes de
crédit envisagées) ne semblent pas à ce jour pouvoir
répondre à ce défi.
Une capacité à hauteur de l’enjeu ?
Quel actif mobilisable ? Ainsi, les hedge funds pourraient en théorie jouer plus aisément un rôle de
tenue de marché. Mais encore faudrait-il pour cela que l’actif qu’ils seraient susceptibles de mobiliser à
cet effet soit en rapport avec l’enjeu : en d’autres termes, est-on raisonnablement assuré que
suffisamment d’investisseurs soient prêts à leur confier pendant suffisamment de temps les sommes leur
permettant de remplir le rôle que jouaient jusqu’ici les apporteurs de liquidité historiques ?
Quelle part de l’actif des hedges funds serait en réalité utilisable à cet effet ? Cette question a d’autant
plus de sens que trois facteurs complémentaires doivent être pris en compte :

Tout d’abord, les hedge funds ne doivent pouvoir jouer avec le même effet de levier que les
banques que dans le cadre d’une réglementation adaptée tenant compte des risques
systémiques qu’emporte l’utilisation d’un effet de levier. Il serait en effet paradoxal, surtout au
moment où les réflexions sur le shadow banking sont particulièrement nourries, que cet aspect
- 33 -
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soit ignoré, alors qu’il est moteur dans le retrait des banques de cette activité. On peut alors
douter que la place laissée libre par les banques puisse être prise par des hedge funds.


Ensuite, puisqu’ils agiraient en
recherche de rendement pour le
compte de leurs mandants, les
hedge funds ne disposeraient pas
de la même incitation commerciale
que les établissements financiers,
qui voient dans la tenue de
marché le moyen de compléter
l’offre de services qu’ils proposent
à leurs clients.
Illustration 25 : Actifs sous gestion par les hedge funds
Enfin, et en tout état de cause, on
observe que le comportement des
hedge funds tend à se rapprocher
de celui des fonds collectifs selon
le FMI, avec une moindre capacité
à fournir de la liquidité en situation
de tension des marchés (v. FMI,
GFSR d’octobre 2014, p. 35 et 36).
Source : Evestment
Conduire une réflexion approfondie. Cette question nécessite un examen approfondi. Cela est d’autant
plus important que de la capacité plus ou moins large des acteurs du buy-side à assumer des fonctions
d’apporteur de liquidité, et donc à prendre la relève des établissements financiers qui se désengagent,
dépend directement l’attention qui doit être portée aux autres pistes de solution. Moins cette capacité est
grande, plus il devient nécessaire d’examiner ces autres pistes.
C.2.
Un faisceau de mesures nécessaires, agissant sur les différents
facteurs de la liquidité
Les effets conjoncturels ne doivent pas masquer le besoin de mesures structurelles ciblées. Les
politiques monétaires en cours, dont l’objet dépasse largement le seul cadre du marché, ont des effets
majeurs sur le fonctionnement de celui-ci, et les ruptures de liquidité qu’il connaît. Cet effet conjoncturel,
même s’il semble appelé à durer encore quelque temps, ne doit pas masquer pour autant les causes
structurelles qui sont à l’œuvre et qui appellent des solutions.
Compte tenu des bouleversements qui ont affecté le cadre d’exercice des activités d’apporteurs de
liquidité, la recherche de solutions passe nécessairement par plusieurs axes d’action qui doivent être mis
en œuvre cumulativement à différents niveaux selon qu’il s’agit du fonctionnement des marchés (C.2.1.),
des investisseurs (C.2.2.), des émetteurs (C.2.3.), des intervenants de marché (C.2.4.), des normes
comptables (C.2.5.) et fiscales (C.2.6.) ou des leviers à disposition des régulateurs (C.2.7.).
C.2.1.
Le fonctionnement des marchés
Transparence et liquidité doivent être soigneusement arbitrées
La transparence, réaction à l’asymétrie. À la suite de l’identification des asymétries d’information
comme l’une des causes majeures du déclenchement de la crise de 2008, les autorités ont fait de la
- 34 -
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33
transparence sur les marchés financiers la colonne vertébrale d’un certain nombre de réformes . Pour
l’Europe, c’est le dispositif MIF 2 qui est le principal vecteur réglementaire de cette action.
L’introduction d’obligations de transparence renforcées sur les lieux d’exécution, avec la limitation du
volume traitable dans les dark pools pour les actions et instruments assimilés et l’extension des
obligations de transparence, à la fois pré et post-négociation, aux instruments non-equity (obligations et
dérivés principalement) sont les exemples les plus notables d’évolutions appelées à profondément
changer le fonctionnement de certains segments de marché.
Des dysfonctionnements potentiellement brutaux. Comme déjà souligné (v. supra B.2.2.b.), les
orientations qui sont en cours de finalisation en matière de transparence vont, notamment pour les
instruments autres que les actions, pour lesquels les marchés sont essentiellement dirigés par les prix,
dégrader les conditions d’exercice des apporteurs de liquidité s’engageant sur des tailles importantes, en
accroissant le risque de voir leurs positions dévoilées à des tiers.
Sans remettre en cause l’impératif de renforcement de la transparence, il est néanmoins vital de veiller à
ce que cette transparence soit adaptée à la réalité du fonctionnement des marchés auxquels elle est
appliquée. A défaut, s’agissant notamment des transactions de grande taille, il est à craindre que le
fonctionnement des marchés concernés n’en soit déstabilisé, au détriment des investisseurs, et
indirectement des émetteurs, au travers de l’impact induit sur le prix des transactions.
La nécessité d’une étude d’impact. Alors que les études d’impact menées en amont de l’édiction des
mesures de niveau 2 encourent de sérieuses critiques, il est nécessaire que l’effet de MIF 2 sur la
liquidité des marchés fasse l’objet d’une étude d’impact approfondie. Celle-ci doit être menée assez
rapidement après la mise en œuvre effective du nouveau dispositif, afin d’être en mesure de réviser dans
les meilleurs délais les dispositions qui se révéleraient contreproductives. L’enjeu étant le bon
fonctionnement du marché, un suivi attentif est d’autant plus nécessaire que les conditions d’adoption
des normes européennes ne favorisent pas une réaction rapide.
Devraient particulièrement être examinées, à la lumière d’une telle étude, les critères de qualification de
la liquidité des différentes familles d’instrument, les exigences pesant sur les apporteurs de liquidité (sur
plateforme ou en bilatéral), la calibration des seuils d’exemption à la transparence pre-trade ou d’accès
aux différés post-trade, ainsi que la durée de ces derniers. Soulignons d’ailleurs que ces questions
doivent être examinées conjointement avec celles liées au développement du trading de haute fréquence
(v. infra), favorisé, à l’inverse de l’apport de liquidité effectué pour des tailles importantes, par la
généralisation de la transparence pre-trade et de l’exécution sur plateforme électroniques.
L’électronisation des échanges, des effets limités
L’électronisation, piste miraculeuse ? L’électronisation a indéniablement transformé (positivement à
de nombreux égards) un certain nombre de marchés sur produits standardisés (actions, futures, titres
d’État). Cela fait en conséquence plusieurs années que la piste d’une extension de cette solution à
d’autres instruments est régulièrement explorée. En pratique toutefois, les tentatives menées par
exemple sur d’autres types d’obligations, pour installer une plateforme de marché permettant de
rapprocher les intérêts acheteurs et vendeurs des investisseurs, se sont à ce jour, révélées plutôt
infructueuses.
33
Cet objectif est issu du Sommet du G20 de Pittsburgh du 25 septembre 2009, le considérant 4 de la Directive
MIF 2 indiquant : « La crise financière a révélé des faiblesses en termes de fonctionnement et de transparence des
marchés financiers. L’évolution des marchés financiers a mis en lumière la nécessité de renforcer le cadre prévu
pour la réglementation des marchés d’instruments financiers, notamment lorsque les transactions effectuées sur ces
marchés ont lieu de gré à gré, afin d’accroître la transparence, de mieux protéger les investisseurs, d’affermir la
confiance, de s’attaquer aux domaines non réglementés et de faire en sorte que les autorités de surveillance soient
dotées de pouvoirs adéquats pour remplir leur mission. »
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S’il est probable que le peu d’accoutumance des investisseurs à ce mode de transactions est l’une des
raisons de cet échec, des causes plus fondamentales ne peuvent être ignorées. La principale est sans
doute la quantité d’instruments en circulation : rappelons ainsi que le nombre de souches obligataires en
euro s’élève à plus de 130.000 titres, à comparer selon ESMA avec environ 5.750 actions européennes
cotées, dont 2.600 en euro. Si la question de la normalisation des souches obligataires (v. infra C.2.3.) a
indéniablement des liens étroits avec la capacité à développer l’électronisation du marché obligataire, le
nombre d’émetteurs qui pourront utiliser avec profit cette solution restera limité, de sorte que le nombre
de souches en circulation restera quant à lui élevé. Il devient alors peu vraisemblable que des intérêts
d’investissement et de désinvestissement puissent se rencontrer de façon spontanée sur des plateformes
34
de cotation électroniques . Dit autrement, les plateformes permettant de concentrer une liquidité
existante mais fragmentée peuvent augmenter la liquidité du marché (externalité positive) mais elles ne
peuvent en elles même créer de la liquidité lorsque celle n’existe pas sur des souches « off the run ».
Le trading haute fréquence : mieux mesurer ses effets réels en termes de liquidité
Un fort développement. Les techniques de trading
haute fréquence (THF), se sont développées
rapidement et fortement au cours des dernières
années,
accentuées
par
le
mouvement
d’électronisation et de mise en concurrence des
marchés actions.
Encadré 7 : Caractéristiques
du trading haute fréquence
Il est communément admis que l’activité de THF peut
être caractérisée quand les conditions suivantes sont
remplies :
 activité exercée en pur compte propre,
La part du THF sur les marchés est désormais loin
 période très courte de détention des titres,
d’être négligeable. Dans une étude publiée en
 taux très élevé d’annulation des ordres peu
décembre 2014, l’AEMF évalue la proportion des
après leur présentation au marché,
volumes traités en THF sur les marchés actions
 position des titres à zéro en fin de journée,
européens dans une fourchette allant de 24 % à
 utilisation de services de colocation pour
35
43 % . Dans le même temps, huit des dix plus gros
minimiser la latence.
intervenants sur une plateforme de négociation de
bons du Trésor américain (BrokerTec) étaient des « non banques », la plupart d’entre eux étant des
36
acteurs du THF, alors qu’ils n’étaient que trois à la fin de l’année 2006 .
Qualité de la liquidité. Du fait de son fort développement et de ses modalités très particulières
d’intervention, le THF est l’objet, depuis quelque temps maintenant, de différentes, et parfois très vives
critiques. Parmi celles-ci est fréquemment évoquée la qualité de la liquidité que ces acteurs fourniraient
au marché : très présents quand les marchés fonctionnent dans des conditions « normales », ils se
désengageraient rapidement lorsque les conditions de marché se dégradent. Le THF nourrirait ainsi cette
« illusion de liquidité », particulièrement évanescente au premier choc.
Au-delà des autres questions que soulève le THF, cet aspect mériterait d’être analysé de façon
approfondie au regard de la problématique de liquidité ici en jeu, certains éléments n’accréditant pas la
thèse d’une liquidité qui disparaîtrait au premier choc.
Une liquidité stable sur le CAC 40. Ainsi, en rapportant les volumes de marchés (Euronext et MTFs) à
l’ampleur des variations quotidiennes de l’indice CAC 40, et en neutralisant l’effet prix pour mesurer la
portion des valeurs de l’indice qui tournent en situation de stress, on constate que, sur l’horizon de temps
d’une journée, la liquidité, après une période de dispersion correspondant au « cœur » de la crise
financière (2009 / 2012), semble revenue à des niveaux de qualité et de quantité similaires, et peut-être
même supérieurs, à ceux qui prévalaient avant la crise et la montée en puissance du THF. Evidemment,
ces conclusions ne sauraient être généralisées, ni en termes de marchés, ni quant à l’impact du trading
haute fréquence sur des horizons de temps plus courts, sans étude approfondie.
34
Ainsi, le rapport Oliver Wyman mentionné plus haut conclue-t-il, pour le cas des obligations d’entreprises US :
« Even for fairly liquid bonds only 70% of volumes would meet natural buy & sell orders in 1 month ».
35
Economic Report “High-frequency trading activity in EU equity markets”, AEMF, décembre 2014.
36
er
“The fast and the furious: HFT in US Treasury markets”, Risk Magazine, 1 octobre 2015.
- 36 -
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Illustration 26 : CAC 40 et résistance de la liquidité aux chocs de marché
Source : AMAFI
Le débat est donc ouvert mais, dans l’état actuel des analyses, ne paraît pas représenter un facteur
majeur pour la problématique ici examinée, d’ailleurs concentrée avant tout sur les marchés pilotés par
les prix et difficilement électronisables, c’est-à-dire ceux dont le fonctionnement est directement et
substantiellement affecté par le retrait des teneurs de marché traditionnels.
C.2.2.
La gestion collective, une composante nécessairement importante
Un poids massif dans les marchés. Le poids désormais pris dans les marchés par les acteurs de la
gestion collective les rend incontournables pour la recherche de solutions face à l’enjeu de la liquidité.
Les gestionnaires d’actifs sont d’ailleurs très conscients de la fragilité de la situation actuelle en termes
de liquidité (v. supra illustration 21), et certains cherchent à se prémunir contre le risque induit par une
situation de rachats massifs par des moyens qui semblent trop spécifiques pour pouvoir constituer une
37
réponse réelle .
Dans ce contexte, un certain nombre de pistes sont déjà en cours d’analyse ou de réalisation.
Favoriser l’émergence d’investisseurs de long terme
La nécessité impérative de passifs plus longs. Le développement d’investisseurs de long terme, dont
les horizons de détention, plus longs, sont par définition moins tributaires des mouvements de marché,
est une nécessité pour rendre les marchés plus stables : leur présence atténue les mécanismes
mimétiques qui, en cas de secousses, poussent les autres investisseurs dans le même sens. C’est aussi,
et surtout peut-être, une nécessité pour être en mesure de réaliser les investissements de long, voire de
très long terme dont nos économies ont besoin.
Nul doute à cet égard que l’existence de fonds de pension constitue un puissant levier et qu’en France au
moins, il serait nécessaire de dépasser l’opposition stérile entre répartition et capitalisation : l’un et l’autre
systèmes ont leurs avantages et leurs inconvénients, mais en les combinant, il est possible de tirer la
meilleure part de chacun, au profit des assurés sociaux et de l’économie.
37
Ainsi, la presse s’est fait l’écho d’un gestionnaire d’actifs ayant conclu une ligne de crédit assez massive auprès
de banques : « Aberdeen sets up $500m hedge against bond redemptions » (Citywire,16 juin 2015). Ce dispositif
n’est toutefois pas sans poser des questions. En premier lieu, il paraît difficile d’imaginer la multiplication de ce type
de mécanismes : compte tenu des contraintes prudentielles s’appliquant aux banques, les lignes de crédits ainsi
accordées ne pourront pas bénéficier à tous les acteurs de la gestion, ni, en volume, se substituer à la liquidité
qu’apportent les teneurs de marché.
- 37 -
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Un lien évident avec les problématiques de comptabilisation. Pour que l’investissement de long
terme se développe à la hauteur des besoins, il est toutefois nécessaire que les acteurs concernés
bénéficient, encore plus que les autres, d’une comptabilité qui prenne en compte leur horizon de gestion
(v. infra C.2.5.).
Poursuivre la mise en adéquation de la liquidité de l’actif et du passif des OPC
Allonger le passif. La hausse de la demande de liquidité est aussi la résultante d’un passif court chez
les investisseurs. Cette question a commencé à être prise en charge, et les travaux et évolutions en ce
sens doivent être poursuivis.
38
Diverses réglementation ont été élaborées ou sont en cours d’examen en Europe afin de gérer le risque
de liquidité encourus par les OPC. Ainsi, la Commission européenne a publié, en septembre 2013, une
proposition de règlement sur les fonds monétaires qui envisage d’instaurer des normes communes pour
accroître la liquidité de ces fonds et assurer la stabilité de leur structure. De même, alors que la directive
OPCVM IV de 2009 a introduit de premières
Encadré 8 : Plusieurs mécanismes
mesures en la matière, la question de la
de maîtrise de la liquidité des fonds
gestion de la liquidité a tenu une place
Outre les règles de suspension à la main du régulateur ou
importante dans la consultation lancée par la
du gérant en période de tension (v. C.2.6.) mises en place
Commission européenne sur la révision des
dans certains régimes, différents dispositifs permettant de
règles applicables aux OPCVM en 2012,
gérer la liquidité ont connu un important développement
signe d’une attention renforcée des autorités
dans les années suivants la crise.
quant à la question de la liquidité envisagée
Périodes de préavis cohérents avec l’horizon de
sous le prisme de la gestion d’actifs.
liquidité pour racheter des parts d’OPC.
Gérer la liquidité. De nombreux mécanismes
de gestion de la liquidité sont lancés sous
39
l’impulsion des autorités . Le développement
de ces nouvelles techniques et le
renforcement de la réglementation en la
matière sont particulièrement bienvenus au
regard du nouvel environnement de tensions
sur la liquidité. Il devient en effet essentiel de
donner aux gestionnaires d’actifs les moyens
de faire face à leur risque de liquidité. L’action
entamée en ce sens paraît donc devoir être
également poursuivie.
-
Dispositifs de fractionnement des rachats (gates)
-
Le swing pricing ou valeur liquidative ajustée est
un mécanisme permettant d’assurer une certaine
égalité entre les porteurs de part entrant ou
sortant par rapport aux porteurs présents dans
l’OPC, et d’éviter que les investisseurs les plus
prompts à réclamer le remboursement de leurs
parts en cas de tension ne bénéficient d’un effet
d’aubaine par rapport aux investisseurs restants.
-
Side pocket, compartiment où sont logés les actifs
non-liquides dont la cession lèserait l’intérêt des
porteurs de part, créé dans des situations
exceptionnelles.
Parmi les pistes à explorer, il pourrait être approprié de faire varier l’horizon de valorisation et de rachat
des OPCVM au cas par cas : dans bien des situations en effet la nature des investissements (actions par
exemple) pourrait s’accommoder d’une valorisation et de rachats hebdomadaires.
Pouvoir gérer plus sereinement les périodes de tension
Renforcer le cadre de surveillance de la liquidité. Par ailleurs, et afin de répondre au risque plus
spécifique supporté par les fonds, surtout dans les situations de suspension de marché qui deviendraient
sinon intenables pour eux, il est important de réfléchir au renforcement des dispositifs de gestion de la
40
liquidité. Les régulateurs se sont d’ailleurs emparés de la question, que ce soit au niveau de l’OICV ou
41
du Comité européen du risque systémique , et d’ores et déjà des mécanismes de suspension, à la main
38
L’encadrement de l’investissement des mutual funds est bien moins contraignant aux Etats-Unis.
On notera ainsi les propositions récemment formulées en ce sens par la Securities and exchanges Commission
aux Etats-Unis : http://www.sec.gov/news/pressrelease/2015-201.html.
40
Recommandations de l’OICV, octobre 2012.
41
Recommandation du CERS concernant les organismes de placement collectif monétaires, décembre 2012.
39
- 38 -
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42
des sociétés de gestion ou des autorités de supervision, ont été introduits par certains États . En
particulier, l’appareil d’évaluation du risque de liquidité, qui prévoit un certain nombre de tests de
résistance dont les résultats sont jusqu’à présent jugés décevants, devrait être renforcé.
Plus généralement, il convient que ces démarches de revue et d’adaptation du cadre d’exercice des
acteurs de la gestion, encore assez nouvelles, soient poursuivies : il est vital d’assurer une meilleure
cohérence entre le passif et l’actif, et d’empêcher que le passif ne se réduise trop rapidement sous les
effets d’une ruée de détenteurs de parts cherchant à se désengager, obligeant le gérant à une cession
désordonnée de son actif.
C.2.3.
Offrir aux émetteurs des solutions pour renforcer la liquidité de leurs titres
Un intérêt direct. La liquidité du marché est la somme de la liquidité individuelle de chaque instrument.
Comme cela a été souligné (v. supra A.1.1.), les émetteurs ont un intérêt direct à veiller à la liquidité de
leurs titres. Plusieurs axes d’action doivent être suivis à cet effet.
Normaliser les souches obligataires : une solution à ne pas surestimer
Une moindre adéquation aux besoins. L’idée de
standardiser les émissions obligataires gagne du terrain :
en émettant des instruments de dette fongibles avec
d’autres déjà émis, le nombre de souches en circulation
se réduirait tandis que parallèlement la liquidité
augmenterait sur chacune d’entre elles. Cette idée
bénéficie du soutien de grands gestionnaires
internationaux d’actifs qui y voient un moyen de revitaliser
43
le marché . Elle est séduisante : le marché est
aujourd’hui extrêmement fragmenté entre des souches de
petite taille puisque sur les 130.000 titres obligataires en
Europe, 86 % présentent un montant inférieur à
50 M EUR ; et le fait est que la taille des émissions
semble bien avoir été un des principaux facteurs de
stabilité, ou du moins de résilience, de la liquidité des
souches lors des chocs récents (v. illustration 2, rappelée
ci-contre). Et bien évidemment, une telle normalisation
faciliterait en outre le passage à des protocoles
d’échanges électroniques (v. supra C.2.1.).
Illustration 2 : Contribution de différents
facteurs à la performance en liquidité
d’obligations d’entreprises durant l’épisode
du « taper tantrum »
Source : FMI, GFSR précité
Néanmoins, face aux bénéfices attendus, il convient également de prendre en considération certains
inconvénients. Ainsi, pour les émetteurs, normaliser leurs émissions impliquerait un coût du fait de la
moindre adéquation des flux financiers aux flux économiques des projets financés. De leur point de vue,
une telle évolution ne peut donc se concevoir que si ce coût additionnel est équilibré par le surcroît de
liquidité des instruments et par l’économie du coût de financement afférent.
Une solution limitée à quelques grands émetteurs. En tout état de cause, une telle approche ne peut
concerner que les plus gros émetteurs, pour lesquels, à l’image de l’action menée par de nombreux Etats
depuis plusieurs années, cette rationalisation présente un intérêt réel. Ce mouvement a du reste déjà été
engagé par certains d’entre eux.
42
La directive OPCVM IV ouvre la possibilité de suspension par les autorités, qui a été octroyée à l’AMF dans le
cadre de la Loi bancaire de 2013
43
« Lack of liquidity for corporate bonds harms issuers and investors alike, with attendant consequences for dealers
and trading venues. A movement toward product standardization, accompanied by expanded e-trading venues and
new trading protocols, along with changes in stakeholder behavior, is needed » (v. Corporate bond market structure:
the time for reform is now, BlackRock, septembre 2014).
- 39 -
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Développer les services aux émetteurs qui favorisent la liquidité
La liquidité ne se décrète pas, mais elle peut être améliorée. Beaucoup d’instruments, surtout quand
ils sont émis par des émetteurs de petite taille comme des PME-ETI, ne disposent pas d’une liquidité
naturelle. Il est alors particulièrement important que l’émetteur s’implique activement.
Garantir une meilleure information sur les flux de marché. L’existence d’une stratégie de
communication financière bien ciblée et suivie dans la durée est un élément particulièrement important
pour les investisseurs, et donc pour les émetteurs (sous réserve de ne pas induire des surcoûts
importants qui pénaliseraient les financements de marché par rapport aux financements bancaires). En la
matière, la connaissance de l’état des intérêts acheteurs et vendeurs (répartition géographique, par type
d’investisseur, etc.) est un élément d’appréciation important pour les émetteurs. C’est pourquoi le
développement de fourniture de cette information doit être favorisé, sous réserve du respect des règles
applicables en termes de conflits d’intérêts notamment.
L’enjeu des mécanismes d’apport de liquidité, type contrat de liquidité. Les mécanismes d’apport
de liquidité sont particulièrement importants : en favorisant les échanges, ils permettent aux acheteurs et
vendeurs de trouver une contrepartie tout en permettant l’établissement de prix, et donc la valorisation
des actifs. Dans de nombreux pays, il est considéré que cet apport de liquidité ressort de teneurs de
marché qui ont un intérêt économique à la fournir. Si cela est vrai dans un certain nombre de cas (v.
aussi infra C.2.4.), la réalité est parfois plus complexe. C’est pour cette raison que la France a développé
une pratique des contrats de liquidité, par laquelle un émetteur met des moyens à disposition d’un
apporteur de liquidité pour qu’en toute indépendance, ce dernier intervienne sur le marché en vue de
favoriser la liquidité de ses titres, la régularité des cotations et d’éviter les décalages de cours non
justifiés par la tendance du marché. Cette pratique, discutée un temps dans le cadre de la révision du
dispositif européen Abus de marché, a été finalement reconnue compte tenu de son intérêt.
Ce mécanisme, mis en place à l’origine en France pour les titres de capital sur des plateformes de
négociation (v. Contrat-type AMAFI de liquidité, AMAFI / 11-23a et b) a été plus récemment étendu aux
obligations traitées sur plateformes (v. Contrat-type de liquidité titres de créance, Europlace, 2012). Il est
important de continuer à assurer son développement, et en tout état de cause, chaque fois que des
mécanismes de tenue de marché se révèlent insuffisants pour fournir la liquidité dont le marché a besoin
pour son bon fonctionnement.
Le placement privé type Euro PP, un atout important
Une illiquidité assumée. L’initiative prise pour mettre en place un contrat Euro PP constitue aujourd’hui
un outil important en développement : il y a ainsi une appétence de plus en plus grande des investisseurs
pour structurer des émissions en placements privé. Le modèle présente en effet un double bénéfice : les
investisseurs disposent d'instruments adaptés à leurs besoins dont, étant en outre seuls détenteurs, ils
escomptent une valorisation plus stable ; de leur côté, les émetteurs indiquent bénéficier de conditions de
fait plus avantageuses que pour des émissions publiques, les investisseurs assumant dès l'origine le
caractère illiquide du produit et ne demandant pas (du moins au même niveau) la prime qui accompagne
les nouvelles émissions publiques ("New Issue Premium").
Ce développement est au fond l’acceptation du fait que pour une série d’instruments l’exigence de
cotation permanente et de liquidité est contreproductive. Mieux vaut alors tenir compte de cette réalité
que de forcer ces instruments dans un modèle de marché liquide qui ne leur convient pas. Encore faut-il
en tirer les conséquences en termes de réglementation applicable aux investisseurs concernés, pour que
de tels instruments ne soient pas anormalement défavorisés.
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L’analyse financière, un vecteur important de l’intérêt des investisseurs
MIF 2 ou la volonté incompréhensible de déstabiliser le modèle existant. La couverture de valeurs
44
par des analystes financiers est un facteur admis comme participant au renforcement de la liquidité .
Aussi est-il nécessaire d’assurer que le financement de l’analyse financière, prestation intellectuelle à
haute valeur ajoutée, ne soit pas mis à mal par de nouvelles règles bouleversant trop brusquement un
modèle de financement déjà fragile, notamment pour les valeurs les moins liquides, souvent émises par
des PME-ETI.
Dans ce contexte, la volonté de revoir en profondeur le mécanisme de financement de l’analyse
financière sur toutes les classes d’actifs à travers les mesures d’application de MIF 2, en coupant le lien
45
entre rémunération et volume de négociation, est particulièrement incompréhensible , surtout au regard
des priorités affichées par l’Europe au travers de l’initiative d’UMC.
Un impact sur le financement des PME-ETI. A l’heure où les capacités de recherche sur le segment
PME-ETI sont en réduction forte depuis plusieurs années alors que l’un des enjeux de la reprise
économique réside dans les solutions de financement que le marché sera en mesure d’apporter à ces
entreprises, il n’est pas possible de négliger l’impact macroéconomique qu’entraînerait les mesures
actuellement envisagées au niveau européen.
L’objectif de protection des mandants poursuivi est légitime, mais celui du financement des PME-ETI l’est
également. L’enjeu est donc de réaliser, en ayant soupesé tous les facteurs à l’œuvre, l’arbitrage qui
s’impose, quitte à différencier les règles appliquées selon la nature des entreprises (le cas des PME-ETI
justifie d’un traitement ad hoc) et des instruments visés (la recherche sur des instruments autres que des
actions, n’étant pas rémunérée par des commissions, ne pose pas les mêmes enjeux en matière de
protection des mandants).
C.2.4.
Reconsidérer les arbitrages prudentiels à la lumière de l’enjeu que
représente la liquidité de marché
Un volet important. Au regard de la capacité qu’auront ou non des acteurs alternatifs à se substituer aux
établissements financiers dans leur fonction historique d’apporteur de liquidité (v. supra C.1.2.), il semble
utile de se reposer la question de l’équilibre et de l’articulation des réformes prudentielles touchant les
banques de marché, et plus particulièrement d’adopter une démarche volontariste pour les actifs émis
par les PME et ETI.
La liquidité de marché, élément de la stabilité financière
Un enjeu de la politique monétaire. Les contraintes réglementaires posées sur les apporteurs de
liquidité historiques que sont les « intermédiaires de marché », et particulièrement les banques, l’ont été
avec le souci légitime de renforcer la stabilité financière.
Pourtant, ce faisant, et parce que les questions liées à la liquidité du marché n’étaient pas au cœur des
préoccupations des régulateurs, elles ont induit de nouveaux risques, partiellement occultés par
l’ « illusion de liquidité » due à l’environnement exceptionnel des marchés et à l’action des banques
centrales. Il est désormais indispensable de mieux prendre en compte les éléments qui participent à la
fragilisation des marchés.
44
La production d’analyses financières est un moyen précieux d’intéresser les investisseurs à des opportunités
d’investissement qu’ils ne détecteraient pas sinon, (V. aussi Derrien et A. Kecskés précités).
45
D’autant plus malvenu qu’aucun débat n’a eu lieu au niveau 1 entre les colégislateurs européens, et que le sujet,
malgré ses enjeux, n’est apparu qu’au niveau 2, pourtant réputé se cantonner à la précision technique des mesures
de niveau 1 (v. aussi MIF 2 – Mesures d’application paiement de la recherche, AMAFI / 15-10).
- 41 -
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La nécessité d’un bilan. Dans cette optique, et au regard de l’enjeu que représente la liquidité de
marché pour le bon fonctionnement des marchés et in fine la stabilité financière, il est indispensable
d’effectuer un bilan coûts/avantages de ces réglementations, qui prenne la mesure du rôle des
46
apporteurs de liquidité, des éléments d’analyse désormais disponibles sur les effets du durcissement
des règles pesant sur eux et des impacts en termes de fragmentation. Ce bilan doit être mené de façon
suffisamment fine et prendre en compte l’impact des différentes règles sur les différentes classes d’actifs
financiers et sur les différentes activités de marché exercées par les « intermédiaires de marché ».
En d’autres termes, la liquidité des marchés est un facteur majeur à prendre plus systématiquement en
compte tant au niveau des banques centrales (dans leur double rôle monétaire et de supervision des
banques) que par les autorités en charge du risque systémique (ce qui en pratique implique à nouveau
de façon majeure les banques centrales). Les unes et les autres le font de plus en plus mais ce rôle
devrait être plus clairement explicité.
Réévaluer la contrainte sur les fonctions d’apporteurs de liquidité des banques ?
Identifier les effets excessifs. S’il ne peut être question de revenir sur les avancées majeures
accomplies ces dernières années en termes de stabilité du système financier, il faut néanmoins constater
que l’effet cumulé des nouvelles normes mises en place ou en cours de mise en place n’a pas été
analysé en tant que tel. Particulièrement, la capacité du système financier en général, et du marché en
particulier, à jouer aussi efficacement que possible leur rôle de financement de l’économie n’a pas été
réellement prise en compte : rétablir la résilience des établissements a constitué un impératif en luimême, laissant dans l’ombre d’autres considérations dont l’importance pour le bon fonctionnement des
économies modernes et la cohésion du corps social, ne peuvent pourtant plus être ignorées.
Une revue approfondie doit donc être menée en vue d’identifier les effets excessifs – et non désirés - de
certaines réglementations. Cette revue, qui ne peut être réalisée que dans le cadre d’une coopération
entre les régulateurs prudentiels, les superviseurs de marché et les acteurs concernés, devrait conduire à
identifier, dans le corpus de normes prudentielles, celles qui, seules ou de manière cumulée, ont un
impact négatif disproportionné sur la liquidité de marché au regard des gains procurés en matière de
stabilité financière. A cet égard, Il convient de saluer, comme une première étape indispensable, le « Call
for Evidence – EU regulatory framework for financial services » initié par la Commission européenne
dans le cadre du projet d’Union des Marchés de Capitaux. Plus généralement, dans l’élaboration des
futures réglementations, les régulateurs doivent prendre davantage en compte la gestion du continuum
entre la liquidité de marché (celle qui existe en « marche normale ») et la liquidité « prudentielle » (celle
qui existe en « situation de stress »), en adoptant davantage des approches holistiques, mesurant les
interactions entre les différents corpus de normes.
Peser soigneusement les arbitrages en cours. Dans ce cadre, une révision du calibrage des normes
prudentielles encore en cours d’élaboration devrait dès à présent être envisagée afin de « sanctuariser »
les activités de tenue de marché encore viables. Leur exemption dans des limites raisonnables (c’est-àdire sans impact systémique) d’un certain nombre de calculs de ratios aurait des effets grandement
bénéfiques sur ces activités, dont l’utilité par rapport au financement de l’économie et à la couverture des
risques est établie (v. AMAFI / 15-03 précitée).
En tout état, de cause, pour les normes encore en cours de discussion, et tant que l’étude approfondie
qui est indispensable n’a pas été effectuée, un principe de neutralité sur le coût en fonds propres et en
funding, devrait être retenu pour l’avenir, sans doute à l’échelle régionale et au niveau de chaque famille
d’instruments, tant il apparaît que toute exigence supplémentaire a toute chance de s’exercer aux dépens
du bon fonctionnement des marchés, et in fine du financement de l’économie.
46
Ainsi, les trois Autorités européennes de surveillance semblent former le constat des effets négatifs des
réglementations sur la liquidité de marché (v. Rapport du Comité mixte des Autorités européennes de surveillance
d’août 2015 précité).
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Prévoir un traitement prudentiel allégé pour les actifs émis par les PME-ETI
Des actifs non systémiques. En tout état de cause, un traitement prudentiel allégé des actifs nonsystémiques détenus dans le cadre d’une activité de tenue de marché, et tout particulièrement de ceux
émis par les PME-ETI, doit être assuré : par construction, ils ne présentent pas de risque pour le système
financier ; or le soutien des fournisseurs de liquidité est particulièrement nécessaire à la bonne tenue de
leur marché et à sa liquidité ; le renforcer serait donc positif pour le redémarrage de l’économie et son
bon fonctionnement.
Cela est d’autant plus justifié en Europe que, déjà, ces mêmes actifs font l’objet d’un traitement
préférentiel dans le portefeuille bancaire (banking book) tel que défini par CRD 4. Étendre ce type de
traitement au portefeuille de négociation (trading book) démontrerait l’appui des autorités aux valeurs
moyennes, dont le financement est au cœur des engagements de la nouvelle Commission européenne
tels que formulés dans le cadre du projet d’Union des Marchés de Capitaux (UMC), concrètement lancé
par Jonathan Hill au printemps 2015.
C.2.5.
Réviser drastiquement les normes comptables
Des effets graves mis en évidence par la crise financière. La crise financière a été indéniablement
aggravée par l’effet de normes comptables qui érigent comme incontournable le principe d’une
comptabilisation en valeur de marché.
Encadré 9 : L’effet particulièrement négatif de l’IFRS 9
Quand celui-ci, faute de liquidité, n’est plus
en mesure d’assumer sa fonction de
Parmi les conséquences potentielles de la norme IFRS 9
découverte des prix, l’incertitude sur la
« Instruments Financiers » qui sera applicable à compter du
er
1 janvier 2018, l’EFRAG a identifié une problématique liée
valeur des bilans devient insupportable.
Réduire la procyclicité
Le
déclenchement
de
spirales
baissières. L’effet des normes comptables
est transversal dans la mesure où elles
s’appliquent
à
tous
les
acteurs
précédemment envisagés (investisseurs,
émetteurs,
établissements
financiers).
Dans ce cadre, l’effort de réduction du
besoin de liquidité passe par une limitation
des effets procycliques de ces normes en
situation
de
crise :
cela
suppose
particulièrement
de
réfléchir
à
la
valorisation des actifs en fonction de la
durée des investissements. Un tel
ajustement est en effet impératif pour
rendre
ces
investissements
moins
sensibles à des variations de court terme et
diminuer les effets procycliques qui sinon
sont engendrés. A cet égard, la mise en
place
de
normes
comptables
internationales (IFRS), applicables en
er
47
Europe depuis le 1 janvier 2005 , avec
en particulier l’introduction de la juste
valeur (IAS 32 et 39), qui rompt avec la
aux investissements à long terme sous forme d’apports en
capitaux propres.
Les actions détenues par les investisseurs qui apportent ainsi
les capitaux seront par défaut évaluées en juste valeur par
résultat (comme les actifs de trading), ce qui pourra générer
en résultat une volatilité incohérente avec l’horizon de
détention et de retour attendu sur investissement. L’option
offerte par la norme IFRS 9 de les évaluer en juste valeur par
OCI (Other Comprehensive Income) est peu attractive car lors
de la revente des actions, les plus ou moins-values ne seront
pas reconnues en résultat mais directement recyclées d’OCI
en réserves.
L’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group),
dans son projet de recommandation sur l’adoption de la
norme IFRS 9 par l’Union européenne, souligne les limites de
la norme pour ces investissements à long terme en actions et
s’interroge sur les effets potentiels sur les politiques de
placement des investisseurs.
L’ANC (Autorité des Normes Comptables française) souligne
également ces conséquences potentiellement négatives de la
norme et leur incohérence avec la volonté européenne de
promouvoir les financements en capital des entreprises.
L’ANC indique également que la norme devait avoir des effets
négatifs sur l’appétit des investisseurs pour les titres actions,
cela pourrait poser problème aux banques qui devront
augmenter leurs fonds propres prudentiels par l’émission de
nouveaux instruments de capitaux propres.
47
Obligation d’appliquer le référentiel de l’IASB pour les sociétés cotées sur un marché réglementé (Règlement (CE)
n° 1606/2002).
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tradition comptable française et introduit un élément majeur de procyclicité, n’est pas sans poser des
questions quant à leurs effets en situation de stress, en particulier pour les valeurs peu liquides.
La comptabilisation systématique à la valeur du marché (mark-to-market) peut en effet renforcer une
spirale baissière. Les conséquences de ces nouvelles normes, dont certaines sont encore en cours
d’élaboration (v. encadré), n’ont sans doute pas été suffisamment prises en compte et mériteraient donc
d’être reconsidérées dans tous les cas où la valeur de marché immédiate n’est pas un déterminant
essentiel de l’horizon de gestion (c’est-à-dire en pratique pour la grande majorité des investisseurs - hors
OPCVM).
Une importance renforcée pour les investisseurs de long terme
Un horizon d’investissement qui nécessite une comptabilisation adaptée. Afin que les investisseurs
de long terme puissent se développer, il est important de commencer par reconnaître la spécificité de leur
horizon de gestion : celui-ci étant différent, la mesure des résultats ne peut être la même que dans un
investissement à court terme. Ainsi, on ne voit pas pour quelles raisons le même actif devrait être
apprécié comptablement de la même façon selon qu’il est détenu par un OPCVM à cotation quotidienne,
un hedge fund à effet de levier, ou par un intervenant en assurance-vie engagé sur le long terme : il ne
semble en effet pas opportun qu’un investisseur dont l’horizon de passif est long soit soumis à des
contraintes de valorisation court terme pour son actif. Doivent lui être appliquées des normes de
constatation de la valeur ad hoc, et des normes prudentielles différentes de celles induites par
Solvabilité 2.
A l’inverse, la question pourrait même se poser du moyen d’assurer, pour les investisseurs dont le passif
est d’une duration moyenne assez élevée, une orientation plus large vers des actifs longs, un horizon et
des méthodes de valorisation différentes, ce qui peut et doit favoriser une gestion moins dominée par les
indices à court terme et par là moins consommatrice en liquidité de marché.
Tenir compte de l’illiquidité de certains instruments
Un mark to market par nature inadapté. Certains instruments, malgré tous les efforts que l’on peut
déployer, resteront par nature peu liquides. En ce sens ils sont moins conformes à la définition idéale
d’un instrument de marché. Le marché n’a en effet de sens que lorsqu’il permet une confrontation a
minima d’offreurs et de demandeurs, car c’est cette confrontation qui donnera une réalité aux prix qu’il
détermine. Il est donc naturel que la réglementation des établissements comme des instruments
reconnaisse cette particularité, sans pour autant pénaliser excessivement ces instruments, qui sont
indispensables pour permettre à certaines entreprises et à certains projets d’avoir accès à des
financements de marché.
C’est pourquoi, à côté des efforts déployés pour améliorer la liquidité de chaque compartiment de marché
pour lequel cet effort est possible, la réglementation devrait s’orienter vers une prise en compte plus
claire et plus explicite du caractère fondamentalement peu liquide de certains instruments. D’une part, via
48
une réglementation « marché » adaptée pour ces produits . D’autre part, via une meilleure
reconnaissance pour la partie des investisseurs institutionnels, du véritable niveau de liquidité des
instruments, à mettre en cohérence avec leur mode de financement et leur horizon de valorisation et de
gestion, favorisant ainsi l’émergence de formules à plus long terme, cohérentes avec cette plus faible
liquidité (le format ELTIF – European Long Term Investment Fund – formant ici une première
composante évidente).
48
Comme le propose l’AMAFI dans sa réponse à la consultation sur l’Union des Marchés de Capitaux (v. Construire
une Union des marchés de capitaux – Contribution de l’AMAFI au Livre vert de la Commission européenne, AMAFI /
15-28).
- 44 -
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C.2.6.
La fiscalité, un levier réel
L’accroissement de la profondeur du marché. La fiscalité joue un rôle certain dans l’orientation de
l’épargne, et donc dans l’attrait que présente le marché pour les investisseurs individuels, qu’ils y
agissent en direct ou de façon intermédiée. Or plus d’épargne sur les marchés, c’est aussi plus de
liquidité pour ceux-ci.
Si l’objet n’est pas ici de rentrer dans le détail d’une problématique très particulière qui a de nombreuses
implications, notamment budgétaires, il est néanmoins important de mesurer également les effets
négatifs que peut avoir la fiscalité sur la liquidité des marchés. Outre l’enjeu spécifique d’une TTFE, dont
l’essentiel du coût sera supporté par les investisseurs finaux résidant dans les Etats participants (v. supra
B.2.2.b.) la fiscalité surtout quand elle n’est pas corrélée au risque supporté par l’investisseur qui accepte
de financer l’économie, peut être très désincitatives, au point de détourner l’intérêt objectif des acteurs
individuels d’instruments dont le développement semble pourtant correspondre à l’intérêt collectif (sur cet
aspect en ce qui concerne la France, v. Fiscalité de l’épargne et financement des entreprises –
er
Baromêtre AMAFI 2015, AMAFI / 15 45, 1 octobre 2015).
C.2.7.
Renforcer les leviers de refroidissement à disposition des autorités de
marché
Les autorités ont un rôle incontournable à jouer. Le rôle des autorités de marché ne peut être
seulement un rôle de régulation (définition des règles applicables), de contrôle (des marchés et entités
placées sous leur tutelle) et de sanction des manquements détectés. La liquidité et le bon fonctionnement
des marchés relèvent en effet d’une forme de bien commun, et la crise nous l’a rappelé.
Cela suppose une analyse préventive des risques de liquidité d’ensemble ou marché par marché,
permettant par exemple de prévoir à l’avance quels sont les segments significatifs sur lesquels une
disparition totale de la liquidité peut se produire rapidement, comme en 2007. Cela suppose aussi une
régulation appropriée de ces situations, notamment au vu du financement des positions des acteurs dans
ces produits et des effets de levier correspondants. Un actif faiblement liquide doit, comme on l’a vu, être
financé par une ressource de plus long terme, toutes choses égales par ailleurs.
Eviter l’emballement. La crise de 2008 a démontré, si besoin était, que le marché pouvait connaître des
épisodes d’emballements aux conséquences potentiellement néfastes pour l’économie dans son
ensemble. Ces différentes constatations amènent à se poser la question de la gestion du marché, et de
l’élaboration de dispositifs permettant d’enrayer l’émergence d’une nouvelle crise, avant que les canaux
du financement ne soient à nouveau bloqués comme en 2008. Or, on l’a vu, l’analyse des chocs de
marchés les plus récents semble indiquer que la transition d’une situation de tension à une situation de
disparition de la liquidité et de crise ouverte est devenue à la fois plus rapide et plus probable.
Certes, il existe d’ores et déjà des dispositifs qui, permettant d’ « arrêter » le marché pendant une
certaine période, et laissant aux investisseurs le temps de l’analyse, sont de nature à empêcher qu’une
spirale baissière (mais parfois aussi haussière) s’enclenche sur des bases insuffisamment raisonnées.
Ces dispositifs, particulièrement importants à l’heure où beaucoup de transactions sont provoquées par
des automates, sont de deux grandes natures : pouvoirs de suspension des négociations des autorités
de marché d’une part, mécanismes de suspension et de limitation des transactions des plateformes de
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marché d’autre part. Il n’est pas sûr toutefois que dans l’environnement actuel, ces dispositifs,
complexes et délicats à mettre en œuvre, quand leurs effets ne restent pas limités, soient suffisants.
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Mis en œuvre à leur initiative ou pour répondre à des obligations réglementaires, ces mécanismes peuvent viser
tous les intervenants d’une même plateforme ou seulement certains d’entre eux (coupe-circuits pour la négociation
HFT).
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Deux pistes à explorer. Il faut alors se demander s’il ne serait pas opportun d’aller plus loin dans cette
voie. Deux pistes, qui peuvent d’ailleurs se combiner pour apporter une réponse graduée mériteraient
d’être explorées à cet effet.
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La première consisterait à prévoir, pour un temps, de substituer aux échanges en continu des
enchères espacées dans le temps et soumises à des variations de prix encadrées.
La seconde piste quant à elle, consisterait à prévoir qu’une nullité « d’ordre public » est attachée
à toute transaction réalisée pendant la période de suspension.
Pour assurer que ces outils soient effectivement utilisables rapidement, il serait sans doute nécessaire
que les conditions de leur utilisation soient précisées a minima dans un contexte de tension sur la
liquidité. Leur utilisation par les régulateurs et leur acceptation par le marché en seraient facilitées.
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BIBLIOGRAPHIE SYNTHETIQUE
(Pour davantage de précisions on se reportera notamment à l’étude PwC citée ci-dessous)
Rapports et avis

Market liquidity – Resilient or fleeting?, Global Financial Stability Report 2015, FMI,
29 septembre 2015

Rapport sur les risques et vulnérabilités dans le système financier de l'Union européenne,
Comité mixte des autorités européennes de surveillance, mai 2015 et août 2015

Global financial liquidity study, PwC, août 2015

Rapport annuel, Banque des règlements internationaux, 28 juin 2015

“When Market Liquidity Vanishes”, Global Financial Stability Report, FMI, avril 2015

Wholesale Investment Banking Outlook, rapport Oliver Wyman pour Morgan Stanley, 19 mars
2015

“Shifting tides – Market liquidity and market-making in fixed income instruments”, BIS Quaterly
Review, Banque des règlements internationaux (BRI), mars 2015

Rapport annuel 2014, Office of Financial Research, décembre 2014

Financial Stability Review, Banque centrale européenne, novembre 2014

Market-making and proprietary trading: industry trends, drivers and policy implications,
Groupe de travail présidé par Denis Beau, Committee on the Global Financial System, CGFS
Papers No 52, Banque des règlements internationaux, novembre 2014
Articles universitaires

Market Making Under the Proposed Volcker Rule, D. Duffie, Report to the Securities Industry
and Financial Markets Association, janvier 2012

The Economic Consequences of the Volcker Rule, A.V. Thakor, Center for Capital Markets
Competitiveness, été 2012
Divers

Dark pools and platforms vie to fix broken credit markets, Risk.net, 31 mars 2015

Financial Market Volatility and Liquidity – a cautionary note, discours de Chris Salmon,
Banque d’Angleterre, 13 mars 2015

Letter to Shareholders, Jamie Dimon, JPMorgan Chase, 8 avril 2015

Liquidity, Oaktree Note, Howard Marks, 25 mars 2015

Liquidity in markets, The Economist, 18 avril 2015
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