Lettre à la rédaction Embolie coronaire révélant un rétrécissement mitral Coronary embolus revealing a mitral stenosis …ΟG Ωɪ°üdG ≥«°†J øY ∞°ûμj »LÉJ Ωɪ°üfG L. Marmade, M. Elkouache, M. Laaroussi, M. Tribak, K. Baghdadi, S. Moughil, A. Benomar, J. Filal, Mh. Benomar. Service de chirurgie cardio-vasculaire “B” hôpital Ibn Sina Introduction Dans le contexte marocain d’endémie de rhumatisme articulaire aigu (RAA), le rétrécissement mitral (RM) est la valvulopathie la plus fréquente. Le RM est surtout connu par ses conséquences d’amont parmi lesquelles figurent en premier les troubles de rythme auriculaire à type de fibrillation auriculaire (FA) et les embolies systémiques. Ces dernières sont fréquentes au niveau cérébral et très rares au niveau coronaire [1]. Nous rapportons le cas d’un patient chez qui le RM est révélé par une embolie coronaire ayant engendré un infarctus du myocarde (IDM) postéro-inférieur. Observation Il s’agissait d’un patient de 42 ans, ayant comme antécédent un épisode de RAA dans l’enfance et comme facteurs de risque cardiovasculaire, hormis l’âge et le sexe, un tabagisme chronique à trois paquets / année sevré depuis un an. L’histoire de la maladie remontait à trois mois par la survenue d’un malaise avec perte de connaissance accompagnés de douleurs angineuses typiques au repos, intenses et prolongées. L’électrocardiogramme (ECG) (figure 1) a montré une arythmie complète par fibrillation auriculaire (ACFA), une hypertrophie de l’oreillette gauche (OG) et un susdécalage de ST de 2 mm en inférieur (figure 1). La biologie a objectivé une élévation des enzymes cardiaques (CPK à 280 UI/L, CPK mb à 75 UI/L). L’échocardiographie transthoracique (ETT) a montré une contractilité globale et segmentaire correctes mis à part une hypokinésie de la paroi inférieure, une maladie mitrale à prédominance de sténose (surface mitrale à 0,9 cm_, gradient maximal à 30 mmHg), un contraste spontané au niveau de l’OG et une insuffisance aortique (IAo) minime. Après son admission dans une structure hospitalouniversitaire où le diagnostic d’IDM postéro-inférieur a été posé, le patient a été stabilisé sous traitement conventionnel. Trois mois plus tard, le malade a été adressé au service 302 Figure 1. ECG de chirurgie cardiovasculaire pour cure chirurgicale de sa valvulopathie mitrale. A l’admission, le patient était apyrétique, dyspnéique stade III de la NYHA, avec une tension artérielle à 110 / 65 mmHg, un pouls irrégulier à 80 bm / min et sans signes périphériques d’insuffisance cardiaque. La radiographie pulmonaire a montré une cardiomégalie (index cardiothoracique à 0,60), un aspect de double contours et un poumon mitral. L’ECG a montré une ACFA à 80 cycles / min avec un aspect qs en inférieur. L’ETT et l’échocardiographie transoesophagienne (ETO) ont confirmé l’existence d’une maladie mitrale à prédominance de sténose, d’une OG dilatée avec un thrombus au niveau de l’auricule et de la paroi de l’OG. Par ailleurs, l’IAo était minime , la pression artérielle pulmonaire systolique était à 40 mmHg. La coronarographie s’est révélée normale (figure 2). La biologie a montré une normalisation des enzymes cardiaques. Le patient a été opéré sous circulation extracorporelle. Nous avons mis en évidence une thrombose massive tapissant l’auricule et l’oreillette gauches. Nous avons Maroc Médical, tome 26 n°4, décembre 2004 M. Marmade et coll. Embolie coronaire révélant un rétrécissement mitral Figure 2. Coronarographie procédé à une thrombectomie et à un remplacement valvulaire mitral par une valve mécanique ATS _ 29. Les suites opératoires étaient relativement simples mis à part une atélectasie de la base pulmonaire droite. L’ETT postopératoire a montré un bon fonctionnement de la prothèse mitrale avec une fuite aortique inchangée. Le recul à quatre mois était satisfaisant. Discussion L’embolie systémique peut avoir comme point de départ une thrombose souvent localisée à l’auricule, parfois tapissant une paroi de l’OG, exceptionnellement massive. L’incidence de l’embolie systémique est de 9,6 à 18 % dans les séries chirurgicales [1, 2], et est de 41 % dans les séries autopsiques [3]. Le principal facteur favorisant est la survenue préalable d’une FA qui est notée dans 90 % des cas au moment de l’embolie. Un rythme sinusal ne peut éliminer une FA paroxystique précédant l’accident Maroc Médical, tome 26 n°4, décembre 2004 embolique. L’incidence de la FA augmente avec l’évolution du RM et avec l’âge du patient [4]. Le risque embolique est sept fois plus grand chez les patients avec valvulopathie mitrale rhumatismale en FA que chez ceux en rythme sinusal [5]. Au delà de 35 ans, un malade sur 3 en FA a présenté une embolie systémique [6]. Cette dernière, peut révéler un RM jusqu’au là méconnu [7]. Chez notre patient, c’est l’accident embolique qui a révélé le RM en FA. Le degré de sténose n’est pas corrélé au risque thromboembolique [8]. Les embolies systémiques sont souvent cérébrales (60 % des cas), parfois artérielles au niveau des membres inférieurs, viscérales, voire coronaires [1]. Les artères coronaires sont particulièrement protégées contre les événements thromboemboliques du fait de l’angulation existant entre les ostia coronaires et le flux de l’aorte, et du fait de la situation des ostia derrière les sigmoïdes aortiques correspondantes pendant la systole. Lorsque survient une embolie coronaire, l’évolution dépend de la taille de l’embol et de sa localisation à l’intérieur du lit coronaire. Les petits embols, assez fréquents, peuvent entraîner une occlusion d’une branche distale (le plus souvent l’interventriculaire antérieure [9]) qui, cliniquement, peut passer inaperçue [10, 11]. Les gros embols, plus rares, entraînent généralement un IDM cliniquement apparent. C’est le cas de notre patient chez qui l’embol est plutôt parti au niveau de la coronaire droite et qui a engendré un IDM postéroinférieur avec un tableau clinique bruyant. Le diagnostic de cette nécrose myocardique est d’ailleurs retenu sur les données électriques (sus décalage de ST), biologiques (élévation des enzymes cardiaques) et échocardiographiques (hypokinésie inférieure). Les embols coronaires sont un diagnostic différentiel de l’IDM aigu chez les patients dont l’histoire clinique prédispose aux embols artériels, notamment chez les patients ayant une valvulopathie (endocardite, anomalie valvulaire non infectée, prothèse valvulaire), un thrombus mural (cardiomyopathie congestive, IDM antérieur, FA), un cathétérisme cardiaque gauche [10 - 12] ou la possibilité anatomique d’une embolie paradoxale par le biais d’un foramen ovale persistant [13]. Notre patient n’a jamais fait de cathétérisme cardiaque gauche avant son admission pour IDM. En outre, l’ETO montre un ventricule gauche de contractilité conservée et libre de thrombus, une cloison interauriculaire intacte. L’embol, du fait du RM associé à la thrombose massive, vient à fortiori de l’OG. L’embol est le plus souvent un thrombus récent à prédominance de fibrine [9]. Chez certains patients, une angiographie coronaire précoce permet de retrouver une occlusion du vaisseau atteint, mais une nouvelle angiographie dans le mois qui suit peut montrer une reperméation du vaisseau atteint 303 Embolie coronaire révélant un rétrécissement mitral M. Marmade et coll. résultant de la lyse ou de la recanalisation de l’embol [10]. C’est le cas de notre patient chez qui une coronarographie faite six semaines après l’IDM, a montré un réseau coronaire normal. Les embolies systémiques représentent, après l’insuffisance cardiaque, la deuxième cause de mortalité des malades atteints de RM non opérés. Elles sont responsables lors d’un accident de 15 à 30 % de décès [14]. Pour diminuer du risque de récidive de l’embolie, surtout accru durant la première année suivant l’accident embolique, les auteurs recommandent une anticoagulation au long cours par antivitamines K pour toute valvulopathie mitrale rhumatismale en FA paroxystique ou chronique et avec une histoire d’embolie systémique (grade 1C+) [4]. Le rôle de la chirurgie cardiaque dans le traitement des embols coronaires aigus reste à être défini [13, 15]. En effet, le bénéfice des alternatives thérapeutiques instrumentales et ou chirurgicales dans ces cas particuliers d’IDM à coronaires saines, n’est pas démontré. Conclusion L’embolie coronaire secondaire à un RM et ayant entraîné un IDM est très rare. Elle peut être révélatrice d’un RM. Le diagnostic est rétrospectivement établi sur les critères électriques, biologiques et échocardiographiques. La prise en charge est médico-chirurgicale et doit être urgente. Elle concerne d’abord l’IDM ensuite le RM. La prévention passe par un diagnostic et une prise en charge des RM qui doivent être précoces et efficaces. Références 1. Soulié P, Chiche P, Degeorges M, Acar J, Benceraf A. Etude sur les embolies artérielles périphériques du rétrécissement mitral et leur traitement par les anticoagulants. Sem Hop Paris 1960 ; 60 : 2753-57. 2. Ellis LB, Harken DE. Arterial embolization in relation to mitral valvuloplasty. Am Heart J 1961 ; 62 : 611-13. 3. Hinton RC, Kistler JP, Fallon JJ. Influence of etiology of atrial fibrillation on incidence of systemic embolism. Am J Cardiol 1977 ; 40 : 509-13. 4. Salem DN, Daudelin DH, Levine HJ, Pauker SG, Eckman MH, Riff J. Antithrombotic therapy in valvular heart disease. Chest 2001 ; 119 : 207S-219S. 5. Szekely P. Systemic embolism and anticoagulant prophylaxis in rheumatic heart disease. Br Med J 1964 ; 1 : 209-12. 6. Coulshed N, Epstein EJ, Mc Kendrick CS, Galloway RW, Walker E. Systemic embolism in mitral valve disease. Br Heart J 1970 ; 32 : 26-34. 7. 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