Diagnostic de la maladie coronarienne 1re partie

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MedActuel DPC
VOTRE DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL CONTINU
La faculté
de médecine
de l’Université Laval
VOL. 12 NO 20 21 NOVEMBRE 2012
DOSSIER CLINIQUE EXPRESS
Objectifs pédagogiques
Diagnostic de la maladie coronarienne 1
re
partie
Par le Dr Gilles Côté*
CAS CLINIQUE
Mme Évelyne B., suivie depuis
plusieurs années pour hypertension, est toujours fumeuse, entre 5
à 10 cigarettes par jour. Au questionnaire, elle vous mentionne que
depuis un an, elle ressent, à la
marche, des malaises à la poitrine
en profondeur, accompagnés
d’une sensation d’essoufflement
l’obligeant à arrêter de marcher. Le
problème est pire par temps froid
ou si elle prend sa marche immé-
diatement après un repas. Elle ne
présente pas de toux, ni d’autres
symptômes pulmonaires.
Vous essayez de faire préciser à
Mme B. le caractère de sa douleur,
mais elle n’arrive pas à être plus
précise. Le malaise est central au
niveau du thorax, sans irradiation. La douleur survient lorsqu’elle marche relativement rapidement ou monte des escaliers.
S’agit-il d’angine ?
Le diagnostic d’angine est d’abord
clinique. Malheureusement, chez
les femmes ainsi que chez les patients diabétiques, la symptomatologie est souvent atypique. Chez
Mme B., on peut fortement soupçonner une angine relativement typique : rétrosternale à l’effort, soulagée par le repos. Seul le caractère
de la douleur est difficile à préciser.
On doit de plus grader l’angine
selon son intensité. Chez notre pa-
tiente, on peut qualifier l’angine de
grade II à des limitations légères aux
activités ordinaires. L’angine de
Mme B. est par ailleurs stable. Toute
modification du seuil, de l’intensité,
de la durée ou de la fréquence des
symptômes doit être considérée
comme potentiellement grave : on
parle alors d’angine instable. …
>
>
>
GRADATION DE L’ANGINE
ISCHÉMIE SILENCIEUSE
Elle peut se présenter par
un équivalent angineux (dyspnée)
ou être complètement
asymptomatique.
Conseil de rédaction
et révision scientifique
CF : CLASSE FONCTIONNELLE
(Canadian Cardiovascular Society Classification System)
CF I : angor aux activités exténuantes seulement : effort épuisant rapide
ou prolongé, activité physique inhabituelle.
CF II : limitation légère aux activités ordinaires : monter plus d’un étage,
marcher rapidement, marcher en montant, monter les escaliers
rapidement (ou après les repas), à la marche au froid ou au vent,
angor après un stress émotionnel.
CF III : limitation marquée aux activités ordinaires : monter moins d’un étage
lentement, douleur en marchant un ou deux pâtés de maison à
une allure normale et sur un terrain plat.
CF IV : angor au repos ou à l’activité minime.
Angor typique : 3/3 critères
Angor atypique : 2/3 critères
Douleur non coronarienne :
1 ou 0 critère
Affiliations de l’auteur
* Le Dr Gilles Côté, en plus de
son travail clinique, est médecin
conseil pour les maladies
chroniques dans la région du
Bas-Saint-Laurent. Il est l’auteur
de plusieurs documents sur les
maladies chroniques et d’un
guide pratique de l’appareil
locomoteur dont une nouvelle
version vient de paraître.
L’ANGINE
L’angine de poitrine est un syndrome clinique de douleur (malaise) précordiale.
1. Malaise rétrosternal caractéristique en durée (3-15 min)
et en qualité
(constrictive, pesanteur);
2. Provoquée par l’exercice ou
le stress émotionnel;
3. Soulagée par le repos ou
la nitroglycérine.
Évaluer de façon appropriée un
patient présentant un tableau
possible ou probable d'angine.
◾ Utiliser et interpréter
adéquatement les tests non
invasifs visant le diagnostic ou
l'évaluation de la gravité d'un
symptôme angineux.
◾ Assurer la prise en charge d'un
patient avec un diagnostic de
maladie coronarienne stable.
◾
Président du conseil
Elle est plus fréquente chez
les diabétiques, les personnes
âgées, les femmes ou les
personnes avec une dysfonction
ventriculaire gauche.
Dr François Croteau
Médecin de famille,
hôpital Santa-Cabrini,
Montréal;
Membre du Comité de
formation médicale
continue de Médecins
francophones du Canada;
Directeur médical du
Groupe Santé, Québec,
Rogers Média.
CAS CLINIQUE (SUITE)
Dre Johanne Blais
… Mme Évelyne B. présente donc
perthermie, hypoxie, HTA non
maîtrisée, tachyarythmie, sténose aortique, cardiomyopathie hypertrophique, médication et drogues (stimulants).
2. Bilan d’emblée : FSC, électrolytes, créatinine, glucose, bilan
lipidique, TSH, ECG de repos.
3. Au besoin : radiographie du
un tableau d’angine assez typique,
stable, de grade II (limitation légère). On devra donc, dans un premier temps :
1. Éliminer à l’histoire, à l’examen
clinique et paraclinique les
causes d’angor secondaire : anémie sévère, hyperthyroïdie, hy-
thorax, écho cardiaque (ATCD
IM, ondes Q, signes ou symptômes de dysfonction ventriculaire ou valvulaire).
Si des facteurs comme l’anémie,
l’hyperthyroïdie ou une HTA non
maîtrisée contribuent à l’angine, ils
devraient être traités dès que pos-
sible. Des examens non invasifs visant à confirmer le diagnostic d’angine et établir sa gravité sont
certainement indiqués. Bien sûr, la
patiente devrait être fortement incitée à arrêter de fumer. L’utilisation
de timbre nicotinique n’est pas
contre-indiquée.
Dr Roger Ladouceur
Responsable du Plan
d’autogestion de DPC,
Collège des médecins
du Québec;
Professeur agrégé de
clinique du dépt. de
médecine familiale
de l’Université de
Montréal;
Médecin de famille,
Hôpital de Verdun du
CSSS du Sud-OuestVerdun.
L’INVESTIGATION DE L’ANGINE
INDICATION D’EXAMENS NON INVASIFS
>
>
>
>
L’ÉPREUVE D’EFFORT SUR TAPIS ROULANT
Établir le diagnostic si la probabilité est intermédiaire;
Stratifier le risque si la probabilité est intermédiaire ou élevée (pronostic);
Peuvent être considérés de routine deux ans après une angioplastie, cinq ans
après des pontages coronariens ou être utilisés seulement en cas de récidive
de symptômes;
Peuvent être considérés pour les patients sédentaires, avec des facteurs de
risque coronarien qui désirent débuter un programme d’exercices.
Elle est généralement le premier choix (examen peu dispendieux). Chez un homme
présentant une douleur thoracique suggérant un angor, il a une spécificité de 70 %
et une sensibilité de 90 %. Chez la femme, sensibilité similaire, mais spécificité
inférieure, en particulier avant 55 ans.
PROBABILITÉ PRÉTEST DE MCAS
La probabilité de maladie coronarienne avant un test diagnostique dépend
de l’âge, du sexe et du type de douleur. Les tests diagnostiques augmenteront ou
diminueront cette probabilité, selon le résultat.
DOULEUR
Âge (ans)
30-39
40-49
50-59
0-69
F : faible (≤ 10 %)
NON CORONARIENNE
Homme Femme
F
F
I
F
I
F
I
I
ANGOR TYPIQUE
Homme Femme
I
I
I
I
I
I
I
I
I : intermédiaire (11-89 %)
H : haute (≥ 90 %)
ANGOR
Homme Femme
I
I
I
I
H
I
H
I
Dre Francine Léger
LE CLINICIEN DOIT CONNAÎTRE LES LIMITATIONS DE L’ECG D’EFFORT :
>
>
>
Membre du Conseil de
FMC de la faculté de
médecine
de l’Université Laval;
Responsable du Comité
de FMC du dépt. de
médecine familiale de
l’Université Laval;
Professeur titulaire de
clinique, CHUQ, hôpital
Saint-François d’Assise.
Médecin de famille;
Professeur adjoint de
clinique au département
de médecine familiale de
l’Université de Montréal;
Service de périnatalité
du CHUM.
Non interprétable : lorsque l’ECG au repos est anormal (Wolf-ParkinsonWhite, présence d’un stimulateur cardiaque permanent, sous-décalage > 1
mm du segment ST à l’ECG de repos ou de bloc de branche gauche). Des décalages du segment ST faussement positif sont fréquents sur l’ECG d’effort. Si
l’épreuve est ininterprétable, le patient doit subir une épreuve avec imagerie;
Présence de faux positif : la spécificité de l’examen baisse en présence d’une
hypertension non maîtrisée, d’une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG),
avec des anomalies sur l’ECG de base, s’il y a prise de lanoxin. La spécificité
est inférieure chez les femmes, en particulier avant 55 ans.
Présence de faux négatif : bêtabloqueurs
(cesser 48 h pré-test si le but de l’examen est diagnostique).
SUITE À LA PAGE 34
Dre Diane Poirier
>
Médecin, M.Sc.;
Chef du service des
soins intensifs au CSSS
Richelieu-Yamaska;
Professeur
d’enseignement clinique
au CHUS;
Membre du comité de
formation continue de
Médecins francophones
du Canada
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MEDACTUEL DPC >
DIAGNOSTIC DE LA MALADIE CORONARIENNE 1RE PARTIE
> SUITE DE LA PAGE 33
L’épreuve d’effort négative
indique un bon pronostic et
non toujours l’absence de MCAS.
Le diagnostic d’angine est d’abord
clinique.
CAS CLINIQUE (SUITE)
… Vous avez donc choisi de
faire subir une épreuve d’effort à
Mme B. Un électro dans le dossier
ne montrait pas d’anomalie empêchant l’interprétation de l’examen
et la patiente n’a pas de problèmes
au membre inférieur ou de maladie
pulmonaire qui l’empêcheraient de
faire un effort. Si cela avait été le cas,
vous auriez eu le choix entre :
MIBI-EFFORT OU ÉCHO-EFFORT
À PRIORISER SI :
>
>
>
MIBI-DIPYRIDAMOLE (OU ADÉNOSINE)
OU ÉCHO-DOBUTAMINE SI PATIENT :
ECG de base rend le patient non admissible
pour une épreuve d’effort;
Prise de lanoxin ou HVG avec anomalies
du segment ST;
Revascularisation dans le passé
(angioplastie coronarienne (PTCA) ou pontages).
>
>
Avec problèmes locomoteurs;
Porteur d’un stimulateur cardiaque permanent ou
présentant un bloc de branche gauche
(artéfact septal à l’effort).
Attention, le dipyridamole peut causer
un bronchospasme.
ANGIOGRAPHIE PAR
TOMODENSITOMÉTRIE :
Il s’agit d’une coronarographie non invasive à l’aide
d’un scanner 64 barrettes synchronisé sur l’ECG. Même
si la résolution spatiale est deux fois moindre que la
coronarographie, la sensibilité et la spécificité demeurent entre 85 et 95 %, avec une valeur prédictive
négative de > 98 %. Cependant, seulement la moitié
des sténoses jugées significatives sont en fait associées à de l’ischémie.
CAS CLINIQUE (SUITE)
… Votre patiente est tout à fait
d’accord pour passer un tapis roulant. Votre prise en charge la rassure. Les délais pour subir une
épreuve d’effort étant d’environ six
semaines, il serait tout à fait adéquat, d’ici à l’examen, de prescrire
un anti-angineux (bêtabloqueur
ou bloqueur calcique) ainsi que de
l’aspirine. L’anti-angineux pourra
être cessé 48 heures avant l’épreuve
d’effort pour améliorer la valeur
diagnostique de l’examen. Un traitement hypolipidémiant avec une
statine pourrait être débuté, quel
que soit le bilan lipidique, devant
une probabilité élevée de maladie
coronarienne. La patiente devrait
prendre de la nitro avant les efforts
ou si une douleur devait être persistante. Elle devrait être avisée de
consulter à l’urgence devant toute
modification du seuil, de l’intensité, de la durée ou de la fréquence des
symptômes. …
LE TRAITEMENT ANTI-ANGINEUX
BÊTABLOQUEURS :
en plus de leurs effets anti-angineux, ils ont été démontrés comme diminuant la mortalité en post-infarctus et en présence
d’une fraction d’éjection abaissée (carvedilol, bisoprolol, métoprolol). Ils sont donc indiqués dans ces conditions même en
l’absence d’angine.
Bisoprolol (Mococor)
Métoprolol (Lopressor)
Aténolol (Ténormin)
Propanolol (Indéral)
Nadolol (Corgard)
Carvédilol (Coreg)
Acébutolol (Sectral)
Pindolol (Visken)
>
>
>
>
2,5-10 mg po die
50-100 mg po bid ou Métoprolol SR 100 à 200 mg po die
50-100 mg po die
20-160 mg po die
40-240 mg po die
25-50 mg po die
200-300 mg po die
5-10 mg po die
(ß 1 sélectif)
(ß 1 sélectif)
(ß 1 sélectif)
(non sélectif)
(non sélectif)
(ß 1, ß 2 et bloqueur alpha)
(ASI +)
(ASI ++)
NITRO SUBLINGUALE OU
EN VAPORISATEUR :
Pour soulagement immédiat de
l’angine au besoin :
0,4 mg/dose aux 5 min x 3
au repos, assis ou couché.
La nitroglycérine peut aussi être
utilisée en prévention avant une
activité physique
(exemple : marche au froid ou
par temps venteux).
Il n’y a pas de préférence pour l’un ou l’autre, on vise une fréquence cardiaque entre 50 et 60 battements par minute.
Choisir un ß1 sélectif en présence d’une maladie pulmonaire bronchospastique contrôlée.
Choisir bêtabloqueurs avec ASI (activité sympathomimétique intrinsèque) qui contrebalance l’effet chronotrope (-) si le
patient présente une bradycardie de base.
Au contraire, le nadolol (Corgard) a un effet chronotrope négatif puissant.
CONTRE-INDICATIONS ABSOLUES :
bradycardie sévère, bloc AV de haut grade, insuffisance cardiaque sévère décompensée, asthme non maîtrisé.
CONTRE-INDICATIONS RELATIVES :
asthme maîtrisé, maladie de Raynaud, dépression sévère, la maladie artérielle périphérique sévère constitue une contre-indication
relative. Chez beaucoup de patients, le bêtabloqueur n’aggravera pas la claudication.
SI CONTRE-INDICATION OU INTOLÉRANCE AUX BÊTABLOQUEURS, UTILISER BLOQUEURS CALCIQUES*
Diltiazem (Cardizem) CD
120-480 mg po die
Isopin (Verapamil) SR
120-480 mg po die
Amlodipine (Norvasc)
5-10 mg po die
*Seule l’amlodipine est démontrée sécuritaire en insuffisance cardiaque.
chronotrope (-)
chronotrope (-)
Ø chronotrope (-)
CAS CLINIQUE (SUITE)
… Cinq semaines plus tard, vous
recevez les résultats d’une épreuve
de tapis roulant. Le test a été cliniquement positif à six minutes, avec
des changements électriques. Le
cardiologue a conservé votre traitement. Il vous en félicite d’ailleurs. Il
vous demande d’optimiser le traitement de l’hypertension et de viser
un niveau de LDL inférieur à 2
mmol/L ou une baisse de 50 % avec
le traitement hypolipidémiant. Il a
par ailleurs adressé la patiente pour
une coronarographie, estimant que
sa tolérance à l’effort est insuffisante. …
LA CORONAROGRAPHIE
Les signes de mauvais pronostic au tapis roulant pouvant justifier
une coronarographie sont principalement :
> La précocité de l’apparition de l’ischémie (< 3 min);
> La persistance de l’ischémie en récupération (> 3 min);
> L’étendue et la profondeur des sous-décalages ST (> 3 mm);
> La faible tolérance à l’effort;
> L’apparition d’arythmies ventriculaires particulièrement
en récupération.
La coronarographie est l’examen standard pour diagnostiquer la coronaropathie, mais n’est pas toujours nécessaire pour confirmer le diagnostic. Elle sert principalement à localiser et évaluer la gravité des lésions (présence de lésions pouvant nécessiter
une chirurgie).
INDICATIONS DE CORONAROGRAPHIE :
>
>
>
>
>
>
>
Histoire de mort subite;
Angor instable à haut risque ou NSTEMI objectivé;
Angor avec signes ou symptômes d’insuffisance cardiaque;
Patient ne peut pas subir d’examen non invasif;
Occupation qui nécessite un diagnostic définitif;
Poser un diagnostic définitif lorsque le patient présente des
hospitalisations récurrentes pour des douleurs thoraciques;
Chez un jeune patient : suspicion d’anomalies coronariennes,
de Kawasaki, d’une dissection coronarienne ou de vasculopathie secondaire à la radiation;
>
>
>
Haute probabilité clinique de MCAS sévère;
Examen non invasif suggérant un mauvais pronostic;
Examen non invasif de bon pronostic, mais angor; III-IV/IV
malgré traitement médical (également acceptable avec angor
I-II/IV selon la volonté du patient).
La mortalité chez les angineux
sans antécédents d’infarctus est
globalement de 1,4 % par
année. Cependant, le pronostic
est moins bon chez les femmes
et beaucoup moins bon en
présence d’hypertension, de
diabète ou d’anomalie à l’ECG de
repos. Le pronostic s’aggrave
avec le vieillissement,
la sévérité des lésions
anatomiques et la baisse de
la fonction ventriculaire.
Dans la prochaine édition :
Le traitement de la maladie
coronarienne
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