Le rachis thoracique : ce méconnu

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Le rachis thoracique :
ce méconnu !
Sous la coordination de
S. ROZENBERG et M. MARTY
avec la collaboration de
S. Aunoble, R. Bastin, J. Bodin, R. Bonaccorsi, P. Chastanet, B. Cortet, C. Demoulin,
A. Feydy, C. Ha, P. Khalifa, R. Khayat, J.D. Laredo, J.C. Le Huec, F. Le Marec, J.Y. Maigne,
C. Marty-Poumarat, M. Norberg, H. Pascal-Moussellard, A. Petit Le Manac’h, A. Ramond,
Y. Roquelaure, P. Roussouly, R. Saddiki, F. Sibilla, M. Vanderthommen
11, bd Henri IV - 34000 Montpellier
e-mail : [email protected]
Rachis thoracique.indb 3
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Liste des auteurs
S. Aunoble : Service Orthopédie Rachis 2 - CHU
Pellegrin Tripode - 33076 Bordeaux cedex - France
J.Y. Maigne : Médecine Physique - Hôtel-Dieu de
Paris - 75181 Paris cedex 04 - France
R. Bastin : Département des Sciences de la Motricité - Université de Liège - Institut Supérieur d’Education Physique et de Kinésithérapie (ISEPK) - Bât.
B21 - Allée des Sports 4 - 4000 Liège - Belgique
M. Marty : PA, service de Rhumatologie - Hôpital
Henri Mondor - 94000 Créteil - France
J. Bodin : Statisticienne - Laboratoire d’Ergonomie
et d’Epidémiologie en Santé au Travail (LEEST), LUNAM - Université d’Angers, EA 4336 - Unité associée à l’Institut de veille sanitaire - France
R. Bonaccorsi : CCA, service d’Orthopédie et Traumatologie du Pr Catonne, GHU Pitié-Salpêtrière 75013 Paris - France
P. Chastanet : Département Universitaire de Radiologie Ostéo-Articulaire - Université Lille 2 - 59045
Lille cedex - France
C. Marty-Poumarat : Groupe Rachis Garches - Pôle
Neuro-Locomoteur - Hôpital Raymond Poincaré Garches - France
M. Norberg : DAL, CHUV (Lausanne, Suisse) - Centre médical de Lavey-les-Bains (Lavey-les-Bains,
Suisse)
H. Pascal-Moussellard : PU-PH, service d’Orthopédie et Traumatologie du Pr Catonne, GHU PitiéSalpêtrière - 75013 Paris - France
B. Cortet : Département Universitaire de Rhumatologie & EA 4490 - Université Lille 2 - 59045 Lille cedex - France
A. Petit Le Manac’h : AHU Médecine et Santé au
Travail, Laboratoire d’Ergonomie et d’Epidémiologie
en Santé au Travail (LEEST), LUNAM - Université
d’Angers, EA 4336 - Unité associée à l’Institut de
veille sanitaire - CHU Angers - France
C. Demoulin : Département des Sciences de la Motricité - Université de Liège - Institut Supérieur d’Education Physique et de Kinésithérapie (ISEPK) - Bât.
B21 - Allée des Sports 4 - 4000 Liège - Belgique
A. Ramond : CCA Médecine Générale, Université
d’Angers, Laboratoire d’Ergonomie et d’Epidémiologie en Santé au Travail (LEEST), LUNAM ; EA 4336 Unité associée à l’Institut de veille sanitaire - France
A. Feydy : Radiologie B, Hôpital Cochin - APHP Université Paris Descartes - 75679 Paris Cedex 14
- France
Y. Roquelaure : PU-PH Médecine et Santé au Travail - Laboratoire d’Ergonomie et d’Epidémiologie
en Santé au Travail (LEEST), LUNAM - Université
d’Angers, EA 4336 - Unité associée à l’Institut de
veille sanitaire - CHU Angers - France
C. Ha : Epidémiologiste, Département Santé Travail,
Institut de veille sanitaire - Saint-Maurice - France
P. Khalifa : ACCA, 79 avenue de Breteuil - 75015
Paris - France
R. Khayat : Radiologue - Ancien interne des Hôpitaux de Paris - Ancien assistant des Hôpitaux France
J.D. Laredo : PU Paris 7 - Service de Radiologie
Ostéo-articulaire - Hôpital Lariboisière, APHP 75116 Paris - France
J.C. Le Huec : Service Orthopédie Rachis 2 - CHU
Pellegrin Tripode - 33076 Bordeaux cedex - France
F. Le Marec : Statisticien, Laboratoire d’Ergonomie
et d’Epidémiologie en Santé au Travail (LEEST),
LUNAM ; Université d’Angers, EA 4336 ; Unité associée à l’Institut de veille sanitaire - France
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P. Roussouly : Service Orthopédie Rachis 2 - CHU
Pellegrin Tripode - 33076 Bordeaux cedex - France
S. Rozenberg : PH, service de Rhumatologie GHU Pitié Salpétrière - 75013 Paris - France
R. Saddiki : Service Orthopédie Rachis 2 - CHU
Pellegrin Tripode - 33076 Bordeaux cedex - France
F. Sibilla : Service Orthopédie Rachis 2 - CHU Pellegrin Tripode - 33076 Bordeaux cedex - France
M. Vanderthommen : Département des Sciences
de la Motricité - Université de Liège - Institut Supérieur d’Education Physique et de Kinésithérapie
(ISEPK) - Bât. B21 - Allée des Sports 4 - 4000 Liège
- Belgique
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Sommaire
Les dorsalgies communes
J.Y. Maigne................................................................................................................................................................... 9
Les dorsalgies d’origine viscérale
P. Khalifa................................................................................................................................................................... 17
Diagnostic d’une lésion vertébrale thoracique ostéolytique d’allure tumorale
J.-D. Laredo, R. Khayat........................................................................................................................................ 27
Les nouveaux paramètres de l’équilibre rachidien
J.C. Le Huec, P. Roussouly, S. Aunoble, F. Sibilla, R. Saddiki............................................................ 49
Apport du système EOS à l’étude du rachis dorsal
A. Feydy...................................................................................................................................................................... 63
Cyphose de l’adulte
C. Marty-Poumarat................................................................................................................................................ 69
La vertébroplastie et cyphoplastie dans l’ostéoporose, état des lieux en 2012
B. Cortet, P. Chastanet....................................................................................................................................... 83
Traitement chirurgical de la fracture dorsale ostéoporotique
M. Norberg............................................................................................................................................................... 93
Dorsalgies, un problème en médecine du travail : apports du réseau
de surveillance épidémiologique des troubles musculo-squelettiques
dans les Pays de la Loire
Y. Roquelaure, F. Le Marec, A. Petit Le Manac’h, J. Bodin, A. Ramond, C. Ha....................... 103
Rééducation de la dorsalgie et de l’hypercyphose dorsale
M. Vanderthommen, R. Bastin, C. Demoulin............................................................................................ 117
Souffrance médullaire dorsale par rétrécissement canalaire : étiologies et
traitement
H. Pascal-Moussellard, R. Bonaccorsi....................................................................................................... 123
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Editorial
Le Groupe RACHIS (ou Section RACHIS) de la Société Française de Rhumatologie a
été créé en 1993. De nombreux travaux ont été initiés et publiés sous l’égide de ce
groupe.
Des réunions bisannuelles, en alternance avec la Belgium Back Society, sont depuis
plusieurs années l’occasion de faire le point sur un thème ayant trait au rachis et ont
fait l’objet de publications.
Pour cette Journée de l’année 2012, plusieurs nouveautés sont à souligner : la réunion du groupe Rachis se tient à Paris pour la première fois, la chance nous étant
donnée de nous réunir dans les locaux du prestigieux Institut du Cerveau et de la
Moelle épinière (ICM) à l’Hôpital Pitié-Salpêtrière ; la deuxième nouveauté est la publication des textes de la Journée dans un livre qui sera, nous l’espérons, le premier
d’une longue collection.
Le thème choisi est “Le rachis dorsal, ce méconnu”. En effet, peu de travaux sont
publiés sur cette région du rachis qui pose cependant d’importants problèmes au
quotidien des praticiens. Cet ouvrage aborde le démembrement des principales pathologies non spécifiques et spécifiques (inflammatoires, osseuses) atteignant le rachis dorsal, y compris les déformations rachidiennes, y compris les scolioses. Il est
aussi l’occasion de s’instruire sur les nouveaux concepts biomécaniques de l’équilibre pelvien-rachidien et les techniques d’imagerie en 3D. Les thérapeutiques de la
rééducation à la chirurgie, en passant par les techniques percutanées sont également
traitées.
Nous remercions vivement tous les acteurs et auteurs qui ont contribué à la
réussite de cette Journée.
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Sylvie Rozenberg, Marc Marty
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Les dorsalgies communes
J.-Y. Maigne
Les dorsalgies communes dites aussi
non spécifiques sont fréquentes en pratique quotidienne, mais il n’existe que
très peu de recherche dans ce domaine.
Différentes causes ont été évoquées :
douleurs musculaires, discales, articulaires vertébrales ou costales, neurologiques ou psychologiques, douleurs référées à partir du rachis cervical… Nous
nous proposons de revoir ces différentes
étiologies possibles et de les discuter à
la lumière des données de la littérature
et de nos propres travaux.
douleur ressentie entre des lignes horizontales passant par T1 et T12. L’association avec une cervicalgie est relativement fréquente (cervico-dorsalgie), celle
avec une lombalgie beaucoup plus rare.
La prévalence sur un an des dorsalgies
communes serait comprise entre 15 et
27,5 %, avec une plus grande fréquence
chez la femme et l’adolescent [1].
Définition et prévalence
Astvatsaturov fut le premier à décrire, en
1934, ce qu’il appela “notalgie paresthésique” [2]. Il s’agissait d’une douleur
dorsale unilatérale située dans un territoire dermatomal de T2 à T6 associée à
une démangeaison et à une perte de
sensibilité discrète. Il l’attribuait à une
névrite d’un rameau dorsal. La notion de
démangeaison fait qu’actuellement,
seule la littérature dermatologique traite
de cette affection… Elle nous semble
plus fréquente qu’on ne le pense en pathologie musculo-squelettique et nous
pensons avoir apporté une contribution
Il n’existe pas de définition précise de la
dorsalgie. Dans la littérature, on la trouve
souvent associée à la notion de rachis
thoracique [1], ce qui pourrait être considéré comme une misconception : les
douleurs dorsales ne viennent pas toutes du rachis (la fibromyalgie en est l’illustration la plus simple) et certaines
douleurs dorsales pourraient être des
douleurs référées à partir du rachis cervical. Il est donc préférable de s’en tenir
à une définition topographique : toute
Rachis thoracique.indb 9
Dorsalgie et syndrome
canalaire des rameaux cutanés
dorsaux thoraciques
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Le rachis thoracique : ce méconnu !
décisive à sa compréhension en étudiant
le trajet des rameaux cutanés dorsaux
thoraciques [3]. De T1 à T6, ils sont en
situation paramédiale, devenant superficiels après un trajet en zig-zag à travers
les muscles spinaux au cours duquel ils
peuvent être sévèrement comprimés par
des formations tendineuses (fig. 1, 2
et 3). En dessous de T6, les rameaux cutanés deviennent latéraux et n’ont pas
ce trajet à risque car ils ne cheminent
plus à travers les muscles paravertébraux. La notalgie paresthésique est
donc très probablement un syndrome
canalaire et non pas une névrite. L’hypoesthésie est inconstante ; en revanche, la compression digitale du nerf sur
la face latérale du processus épineux
correspondant est régulièrement douloureuse, pouvant même reproduire la
douleur spontanée (J.Y. Maigne). Il s’agit
Fig. 1 : Organisation des rameaux nerveux rachidiens de
T1 à T6 inclus. Le nerf rachidien donne naissance à un
rameau ventral, le nerf intercostal, et à un rameau dorsal
qui se divise après quelques millimètres en un rameau
latéral et un rameau médial. Le rameau latéral est exclusivement à destinée musculaire. Son trajet est sans particularité. Le rameau médial chemine, de la profondeur
vers la superficie, au travers des muscles paravertébraux
et de leurs attaches tendineuses. Il gagne la pointe du
processus épineux qui est un point fixe de son trajet, oblique à 90° pour devenir superficiel et innerver la peau.
10
Fig. 2 : Aspect comprimé d’un rameau dorsal médial
au cours de son trajet intramusculaire (flèches noires).
Les doubles flèches marquent la ligne des processus
épineux.
Rachis thoracique.indb 10
Fig. 3 : Emergence superficielle des rameaux cutanés dorsaux au travers de la lame tendineuse d’insertion du muscle splénius du cou. Les deux muscles, droit et gauche,
forment un V ouvert vers le haut en s’attachant sur T4.
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Les dorsalgies communes
là d’un point fixe dans son trajet, qui
marque son émergence superficielle [3].
La zone précise où le nerf subit une
striction est beaucoup plus difficile à déterminer car elle est probablement située
au sein des muscles paravertébraux,
plus ou moins profondément.
Dorsalgie et douleur discale
Cyriax attribuait les douleurs dorsales à
une protrusion discale d’un disque thoracique [4]. Il considérait qu’il s’agissait
d’une douleur de la dure-mère, provoquée par la pression de la protrusion
d’un disque intervertébral thoracique
exercée sur la dure-mère en regard, et
pouvant se projeter plus ou moins à distance. Parmi les caractéristiques cliniques, il accordait de l’importance à la
reproduction de la douleur par la flexion
du cou, qui étirerait la dure-mère cervicale et thoracique, contrastant avec la
liberté et l’indolence des autres mouvements cervicaux, à la limitation de la
flexion du rachis thoracique (éventuellement de la latéro-flexion) et à l’augmentation de douleur lors de la toux et de
l’éternuement. Il traitait ces patients en
combinant manipulation et traction rachidienne ou par des injections sclérosantes ligamentaires.
L’IRM du rachis thoracique révèle parfois une dégénérescence discale ou une
protrusion chez ces patients, à un niveau
correspondant à celui de la douleur, mais
ces anomalies sont également fréquentes chez les sujets asymptomatiques,
surtout lorsqu’ils avancent en âge [5]. De
ce fait, elles pourraient avoir plus de valeur chez un sujet jeune, à condition que
soit respectée cette règle de correspondance entre les données de l’examen
palpatoire (notion d’un étage douloureux
à la pression) et celle de l’IRM (dégénérescence au même niveau). La discographie thoracique a été proposée pour
identifier les disques symptomatiques
[6, 7]. Une récente méta-analyse a conclu
à l’existence de preuves limitées (“limited evidence”) en faveur de son utilisation comme outil diagnostique [8], sans
parler de ses risques. Sans aller jusqu’à
la discographie, l’IRM peut parfois montrer des images évocatrices d’une origine discale à la douleur, comme par
exemple des modifications des plateaux
vertébraux adjacents (Modic 1, fig. 4) ou
Fig. 4 : Signe de Modic 1 affectant
le disque T8-9.
11
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Le rachis thoracique : ce méconnu !
une hernie intra-spongieuse. Les deux
meilleurs arguments en faveur de la responsabilité de ces lésions dans le tableau clinique sont la concordance entre l’étage trouvé sensible à la palpation
et le disque atteint à l’IRM d’une part et
la sensibilité aux anti-inflammatoires
d’autre part.
Dorsalgie et douleur articulaire
zygapophysaire ou costovertébrale
R. Maigne a été le premier auteur à suspecter la possibilité de douleurs dorsales à partir d’une articulation zygapophysaire thoracique [9]. La douleur se
caractérise par une irradiation latérale en
bande plus ou moins étendue, référée le
long du trajet de la branche postérieure
cutanée. Les études visant à établir une
cartographie de la douleur zygapophysaire thoracique chez des volontaires
sains montrent des aires de projection
superposables à la distribution de ces
nerfs [10, 11], mais la fréquence de cette
étiologie, chez les dorsalgiques, reste à
déterminer. Notre expérience est qu’elle
est très rare, peut-être en raison de la
très faible mobilité de ces articulations,
d’où de faibles contraintes.
12
Les douleurs d’origine costo-vertébrale
(costo-corporéale surtout) justifient les
mêmes remarques. R. Maigne en décrivit une forme particulière d’origine posttraumatique sous le nom d’entorse costale [12]. Elle peut aussi être liée à une
arthropathie dégénérative [13, 14]. La
fréquence n’en est pas connue. Il faut
aussi évoquer la difficulté de repérer
l’étage potentiellement responsable
avec précision sur un scanner, d’où la
Rachis thoracique.indb 12
nécessité d’une vue de profil comprenant le rachis soit cervical, soit lombaire
pour pouvoir compter les vertèbres.
Dorsalgie et douleur myofasciale
J. Travell et D. Simons ont développé le
concept de douleur myofasciale, prenant naissance essentiellement au sein
des muscles ou de leurs aponévroses, à
partir de points-gâchette [15]. Un pointgâchette est un point très sensible à la
pression, capable de reproduire, sous
l’effet de cette même pression, la douleur spontanée du patient avec ses irradiations à distance, ce dernier point
étant fondamental. Les autres signes
sont la perte d’extensibilité du muscle et
une discrète perte de force. Ces pointsgâchette apparaissent, d’après Travell et
Simons, lors de la sur-utilisation d’un
muscle (mauvais gestes, mauvaises
postures, traumatismes ou modification
du patron d’activation du muscle pour
protéger une articulation douloureuse
par exemple). Ils en ont dressé une cartographie complète, intéressant chacun
des muscles du corps, avec leur situation et leurs irradiations, qui seraient relativement fixes pour un point donné. Au
niveau thoracique, ils ont décrit des
points-gâchette dans des muscles comme le longissimus dorsalis, l’iliocostal, le
semispinalis, les rhomboïdes, le levator
scapula, etc. L’un de ces points se trouve dans le multifidus, se projetant sur le
corps vertébral de T5, et nous paraît
d’un intérêt tout particulier (cf. infra). Le
traitement inclut des injections locales
d’anesthésique ou la vaporisation d’un
réfrigérant cutané, suivies d’un étirement
répété du muscle.
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Les dorsalgies communes
Dorsalgies de tension
Une “tension musculaire augmentée”
est un mécanisme souvent invoqué,
sous le terme générique de dorsalgie de
tension. Les causes en seraient la tension nerveuse accumulée et/ou de mauvaises postures fatiguant les muscles du
dos. L’augmentation de tension alléguée
n’a, à notre connaissance, fait l’objet
d’aucune investigation destinée à la
mettre en évidence ; néanmoins, ce mécanisme est plausible. On le rencontrerait aussi dans les dorsalgies de la jeune
fille liées à une hypertrophie mammaire.
La notion de tension nerveuse est à l’interface entre le psychique et le physique.
Une tension musculaire augmentée signifie concrètement une augmentation
de la pression intramusculaire donc une
diminution de l’apport sanguin et des
étirements permanents sur les rameaux
nerveux cutanés qui cheminent entre
ces muscles et leurs tendons (fig. 3) [3],
deux facteurs physiques qui pourraient
concourir à la douleur.
Douleur référée à partir du
rachis cervical (1) : l’algie
interscapulaire
Les douleurs référées à partir du
rachis cervical sont probablement assez fréquentes. Une des
causes possible serait la continuité des masses musculaires
paravertébrales de la base du
crâne jusqu’au rachis thoracique
aussi bas que T6. La forme la
plus commune de ces douleurs a
été décrite par R. Maigne sous le
nom d’algie inter-scapulaire d’origine cervicale. La lésion d’origine
Rachis thoracique.indb 13
est cervicale basse (discale ou zygapophysaire), mais la douleur est ressentie
plus bas, entre les omoplates, au niveau
d’un point douloureux paravertébral se
projetant en regard de T5, le point interscapulaire. Ce point était considéré par
R. Maigne comme l’émergence superficielle du rameau dorsal cutané du 2e nerf
thoracique, ce qui avait conduit cet
auteur à faire l’hypothèse de connections neurologiques entre les segments
médullaires C5, C6 et C7 et le segment
T2 [16]. Nous avons pu constater nousmême la grande constance de ce point
dans sa localisation, en recourant au repérage radiologique. Il est au contact du
processus épineux de T4, débordant
parfois sur l’espace interépineux sus ou
sous-jacent, rarement plus loin (fig. 5).
La fixité de ce point n’est pas compatible avec une situation dans le muscle
multifidus, dont les insertions se répètent selon un même schéma à chaque
étage. La seule structure anatomique qui
peut lui correspondre est la lame tendineuse d’insertion caudale du muscle
splenius cervicis, car elle s’attache sur
ce processus et sur les ligaments interépineux adjacents [17] (fig. 6). Le splénius
Fig. 5 : Palpation du point interscapulaire. Le doigt appuie sur la face
latérale des épineuses. C’est au niveau de celle de T4 que ce point est
retrouvé. Il correspond anatomiquement au tendon du splénius du
cou et témoigne d’une origine cervicale probable de la douleur.
13
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Le rachis thoracique : ce méconnu !
Cloward à remarquer cette irradiation
particulière dès 1960 [18]. Une origine
zygaphysaire cervicale est aussi possible comme en témoigne les patrons de
distribution de la douleur chez des volontaires sains : la stimulation des articulations zygapophysaires cervicales inférieures déclenche des douleurs situées
dans la région interscapulaire [19].
Douleur référée à partir du
rachis cervical (2) : le syndrome
du levator scapula
Fig. 6 : Le muscle splénius cervicis (sc) s’attachant sur
l’épineuse de T4 (flèche) et sur les ligaments interépineux sus et sous-jacents.
14
cervicis est un muscle d’origine cervicale, dont l’innervation est également cervicale et l’on peut admettre qu’il constitue une voie de projection de la douleur.
D’autre part, le fait que cette lame tendineuse soit souvent traversée par des rameaux nerveux sensitifs pourrait ajouter
un second mécanisme de douleur : un
étirement de ces nerfs sous l’effet d’une
tension musculaire augmentée (fig. 3).
Les causes de ces dorsalgies rejoignent
les causes de cervicalgie. La pathologie
discale est au premier plan. C’est ainsi
que beaucoup de NCB débutent, avant
l’apparition de la radiculalgie, par une
douleur interscapulaire. La pratique de
la discographie cervicale avait amené
Rachis thoracique.indb 14
Le muscle levator scapula (anciennement muscle angulaire de l’omoplate)
s’insère caudalement sur l’angle supéromédial de l’omoplate et cranialement sur
les transverses des premières vertèbres
cervicales. Une douleur peut provenir de
son insertion caudale, et être ressentie
autour de cette zone, réalisant une dorsalgie latérale, souvent désignée par les
patients comme une douleur “d’épaule”.
La douleur remonte parfois vers le cou,
suivant en cela le trajet du muscle. Elle a
été primitivement décrite par un médecin uruguayen, F. Herrera-Ramos en
1962, sous le nom de syndrome du levator scapulae (ou syndrome de l’angulaire), qui ajoutait au tableau clinique des
irradiations douloureuses dans le bras.
La cause était pour lui une douleur d’insertion de type tendinopathie et il proposait, comme traitement, une infiltration
de ce point douloureux, à l’angle supérointerne de l’omoplate. La littérature est
restée très pauvre sur ce syndrome. Travell et Simons décrivirent la présence
d’un point gâchette au sein de ce muscle, qui serait responsable d’irradiations
le long du bord médial de l’omoplate.
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Les dorsalgies communes
R. Maigne pensait qu’il s’agissait de
douleurs irradiées à partir de l’étage C3C4. Cette opinion est confortée par notre travail montrant que la présence d’un
point douloureux sur l’insertion du muscle est plus souvent associée à une douleur segmentaire intéressant le rachis
cervical supérieur ou moyen [20] et par
le travail de Hsueh et al, qui notent que
des points gâchette dans ce muscle et à
son insertion basse sont associés à la
présence d’anomalies discales en IRM
prédominant aux étages C3-4 et C4-5
[21]. Nous avons nous-même parfois
constaté la présence d’une sténose foraminale C3-4 (fig. 7) ou C4-5 homolatérale chez ces patients et considérons
alors ce syndrome comme une radiculalgie C3 ou C4, que nous traitons comme
une NCB [22]. Bien souvent cependant,
la sensibilité de ce muscle ou de son insertion accompagne une cervicalgie ou
une vraie NCB et doit alors être vue
comme la conséquence d’une hyper­
esthésie locale.
Fibromyalgie et douleurs liées
à un dysfonctionnement des
voies centrales de la douleur
Il est inhabituel de faire figurer la fibromyalgie dans la liste des étiologies des
dorsalgies. Nous pensons que c’est une
erreur, car les douleurs de dos sont fréquentes dans cette affection, voire révélatrices. De plus, à côté de la fibromyalgie dans sa forme typique, existent de
nombreux cas de syndrome douloureux
dorsaux répondant à la définition de la
dorsalgie que nous avons donnée (cf. supra), mais où la diffusion de la douleur et
sa permanence plaident en faveur d’un
rôle dominant d’un dysfonctionnement
des voies centrales de la douleur. Il en
est ainsi des douleurs associées à la dépression ou au stress. On comprend
donc l’importance de ne pas définir la
dorsalgie comme une douleur provenant
du rachis thoracique, d’autant que le
plus souvent, la preuve du lien causal
manque, mais comme une douleur intéressant la région dorsale haute.
Conclusion
Fig. 7 : Sténose foraminale C3-C4 (flèche).
Rachis thoracique.indb 15
La longueur de cette liste ne doit pas cacher le fait que la dorsalgie reste dans
bien des cas un mystère, dans l’impossibilité que nous sommes d’en trouver
l’origine avec une certitude raisonnable.
15
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Le rachis thoracique : ce méconnu !
Bibliographie
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16
Rachis thoracique.indb 16
16/12/11 18:05:25
Les dorsalgies d’origine viscérale
P. Khalifa
Introduction
Si certaines affections du rachis dorsal
sont responsables de douleurs donnant
le change avec une pathologie viscérale,
comme une angine de poitrine ou une
pleurésie [1], une dorsalgie, bien plus qu’à
l’étage lombaire, peut être d’origine viscérale. Il faudra savoir évoquer une affection cardio-vasculaire, pleuro-pulmonaire,
digestive ou urologique selon le siège de
la douleur (fig. 1) d’après E. Klineberg [2],
si la mobilisation du rachis ne l’exacerbe
pas, en présence d’un signe fonctionnel
inhabituel ou d’une donnée inattendue de
l’examen physique (tableau 1), si les radiographies sont normales ou ne montrent que des altérations dégénératives
banales ou quand elle résiste au traitement, pour ne pas laisser passer une pathologie plus urgente, grave, susceptible
de mettre en jeu le pronostic vital.
Embolie pulmonaire
Pneumothorax
Pneumonie
Cancer broncho-pulmonaire
Angor, infarctus
Péricardite
Lithiase biliaire
Dissection aortique
Angor, infarctus
Œsophagite
Pyélonéphrite
Lithiase rénale
Cancer du rein
Hydronéphrose
Dissection aortique
Ulcère, cancer gastrique
Pancréatite, cancer du pancréas
Affection pleurale
Lithiase biliaire
Colite, cancer colique
17
Fig. 1 : Localisation des dorsalgies de cause viscérale (d’après Klineberg E1)
Rachis thoracique.indb 17
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Le rachis thoracique : ce méconnu !
Tableau 1 : Signes cliniques évocateurs d’une pathologie viscérale devant une douleur thoracique postérieure
Signe clinique
Terrain
Facteurs de risque cardio-vasculaire
Alitement, intervention chirurgicale ou grossesse
Traumatisme (AVP, thoracotomie)
Exposition professionnelle à l’amiante
Habitus
Intoxication tabagique ou alcoolique
Toxicomanie
Particularités
de la douleur
Douleur diffuse, “coup de poignard” ou “point de côté”
Douleur sévère, intolérable, angoissante
Douleur non déclenchée par la mobilisation du rachis
Douleur augmentée par l’inspiration profonde, la toux, les changements de position
Douleur soulagée par la position penchée en avant
Signes
fonctionnels
associés
Fièvre, AEG
Palpitations, malaise
Signes pulmonaires : dyspnée, blockpnée, toux, hémoptysie
Signes digestifs : nausée, vomissement, hoquet, dysphagie, rectorragie ou méléna
Signes urinaires : brûlures mictionnelles, hématurie
Signes
physiques
Abolition d’un pouls, asymétrie de la pression artérielle
Signes auscultatoires cardiaques ou pleuro-pulmonaires
Anomalie palpatoire de l’abdomen et des fosses lombaires
Une fréquence mal connue
18
La fréquence des causes viscérales de
douleurs thoraciques, souvent rapportée comme importante quand elle
concerne les douleurs antérieures et les
services d’urgence, est, de fait, peu étudiée en ce qui concerne les douleurs
postérieures et la médecine ambulatoire.
Dans une étude prospective observationnelle menée à Lausanne auprès de
59 médecins généralistes, portant sur
24.620 patients vus pendant une période de 5 semaines, 672 (2.7 %), dont
52 % de femmes d’âge moyen 55 ans,
ont consulté pour une douleur thoracique (…et non dorsale !) d’apparition récente dans 1.8 % des cas et motif de
consultation dans 1.4 % des cas ; 5 %
des patients ont été hospitalisés et 17 %
adressés à un spécialiste. Le diagnostic
retenu (mais non validé) était une pathologie musculo-squelettique dans 49 %
des cas, psychogène chez 11 % des pa-
Rachis thoracique.indb 18
tients, cardiovasculaire, pleuro-pulmonaire et digestive chez 16 % (dont 12 %
de maladies coronariennes), 10 et 8 %
des malades, respectivement. Les trois
étiologies les plus graves (dissection
aortique, insuffisance coronaire et embolie pulmonaire) représentaient moins
de 2 % des cas mais sur les 25 décès
enregistrés après un an de suivi, 12
étaient liés à la douleur thoracique
(7 cancers et 5 causes cardiaques) [3].
Douleurs viscérales “vraies” et
douleurs référées
Les messages douloureux d’origine viscérale partent de nocicepteurs et parviennent au système nerveux central par
l’intermédiaire de protoneurones spinaux empruntant le sympathique (le nerf
vague transmet les messages sensitifs
inconscients ou non douloureux) puis de
deutoneurones médullaires [4].
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Les dorsalgies d’origine viscérale
Le muscle cardiaque est sensible à
l’anoxie et à l’inflammation. La plèvre
pariétale est sensible à une irritation, une
inflammation ou une invasion tumorale,
alors que la plèvre viscérale et les alvéoles n’ont pas d’innervation sensitive [56]. Les viscères pleins (foie, pancréas,
rate) sont peu sensibles à la douleur, en
dehors de la distension de leur capsule
par une tumeur ou d’une inflammation
de leur parenchyme. Les viscères creux
(tube digestif, voies biliaires et urinaires,
tractus broncho-pulmonaire) sont douloureux en cas de distension, traction
des mésos, contraction musculaire, ischémie et/ou inflammation. Les récepteurs à seuil bas, les plus nombreux
(70 %), réagissent pour une distension
quasi nulle, ceux à seuil de réponse élevé (les 30 % restants) codent les stimulations à partir d’un “seuil douloureux”
[7]. Ils répondent aussi à des stimulations chimiques et/ou thermiques.
La douleur viscérale “vraie” n’est ressentie qu’au cours du premier épisode
douloureux et passe parfois inaperçue.
Elle est sourde, le plus souvent ressentie au niveau de la ligne médiane, antérieure ou postérieure, car la plupart des
organes internes ont une innervation
sensitive bilatérale, localisée de façon
imprécise, du fait de la densité limitée
de l’innervation viscérale. Elle s’accompagne de manifestations neurovégétatives bien plus intenses que lors
des douleurs musculo-squelettiques
(sueurs, nausées, vomissements, troubles du rythme ou de la fréquence cardiaque, miction, diarrhée) et d’une intense réaction psychique.
La douleur “référée” aux tissus cutanés
succède à la douleur viscérale “vraie”.
Rachis thoracique.indb 19
Elle est ressentie dans les régions somatiques en rapport avec le viscère où se
produit la stimulation nociceptive, répondant au phénomène de “convergence viscéro-somatique” qui fait converger
sur le même neurone sensitif, afférences
viscérales et cutanées. Elle s’accompagne moins souvent de réactions neurovégétatives et de réactions émotives.
Une afférence sensitive viscérale donnée projette sur plusieurs segments médullaires, ce qui explique la diffusion et la
localisation imprécise des douleurs. Les
afférences cardiaques sont principalement transmises par les fibres sympathiques qui pénètrent la corne dorsale de la
moelle au niveau de C8-T9. Le péricarde, peu innervé, l’aorte ascendante et la
crosse aortique, les artères et veines
pulmonaires projettent sur les myélotomes de T1 à T4. L’aorte descendante est
innervée par des nerfs empruntant la
chaîne sympathique entre T3 et T8. Les
grosses bronches dépendent du sympathique entre T3 et T5. La plupart des
douleurs d’origine péricardique ou
pleuro-pulmonaire résultent d’une irritation ou d’une inflammation de la plèvre
pariétale car la plèvre viscérale est insensible. La partie inférieure de l’œsophage dépend des nerfs sympathiques
entre T4 et T8. Les viscères abdominaux
de l’étage sus-mésocolique dépendent
des nerfs splanchniques issus de T7 à
T9 [8]. Ainsi, les neurones médullaires
thoraciques reçoivent les stimuli cardiaques, ceux issus de l’œsophage ou de la
vésicule biliaire et les influx cutanéomusculaires provenant de l’hémithorax
et du bras, ce qui explique les douleurs
dorsales postérieures de cause viscérale
et les douleurs pseudo-angineuses
d’origine rachidienne.
19
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Le rachis thoracique : ce méconnu !
Trois urgences “viscérales” à ne
pas manquer
Les douleurs thoraciques postérieures
peuvent révéler une pathologie potentiellement létale à court terme, dont le
diagnostic, s’il est évoqué, est confirmé
par l’auscultation cardio-pulmonaire (à
condition d’avoir un stéthoscope !) et
conduit à une hospitalisation immédiate.
La dissection aortique
La dissection aortique est certes une
cause rare de dorsalgies : 5 à 30 cas
pour un million de patients [9] et moins
de 0.5 % des causes de douleurs thoraciques en service d’urgence [10]. L’aorte
proximale est la plus à risque de dissection principalement due à la dégénérescence de la média liée à l’âge et à l’athérome. Elle peut aussi compliquer un
anévrisme aortique, bien moins fréquent
cependant au niveau dorsal qu’au niveau lombaire [11].
20
Une douleur dorsale aiguë médiane, interscapulaire ou thoraco-lombaire, est
présente chez 74 à 90 % des patients
hospitalisés pour une dissection aortique alors qu’elle n’est présente que dans
9 % des cas d’insuffisance coronarienne
aiguë [12-13]. L’intensité de la douleur,
souvent intolérable, oriente rapidement
vers le service d’urgence de même qu’un
déficit neurologique, une ischémie périphérique, un choc ou une hypertension
majeure, chez un homme ayant des facteurs de risque vasculaire, une hypertension artérielle mal contrôlée.
Le diagnostic est cependant méconnu à
sa présentation dans 38 % des cas [14],
Rachis thoracique.indb 20
notamment chez la femme, car certains
tableaux plus chroniques, à l’origine de
douleurs dorsales sourdes, peuvent
égarer [15]. Il faudra s’alerter de l’abolition d’un pouls radial ou d’une différentielle de pression artérielle de plus de
20 mmHg entre les deux côtés, de l’élargissement du bouton aortique ou du
médiastin si des radiographies ont été
pratiquées pour des rachialgies trompeuses car tout retard diagnostique a
des conséquences catastrophiques, la
mortalité augmentant de 1 % par heure
pendant les 48 premières heures, pour
atteindre 70 % à une semaine et 90 % à
3 mois en l’absence de traitement [16].
Le rhumatologue peut être directement
concerné par une dissection aortique
dans certaines pathologies, rares, qu’il
est amené à suivre. La maladie de Horton est la cause la plus fréquente d’aortite inflammatoire (72 % des cas) ; 3 à
18 % des patients ont une aortite, prédominant sur l’aorte ascendante, parfois
révélée par des douleurs dorsales [1718]. Une maladie de Takayasu peut aussi
être en cause chez une femme plus jeune [19-20]. Une aortite et une périaortite
sont des complications rares, mais potentiellement mortelles, de la spondylarthrite ankylosante, souvent asymptomatiques, mais à évoquer, après
plusieurs années d’évolution, devant des
signes d’insuffisance aortique [21]. Chez
un sujet plus jeune, une maladie du collagène (syndrome de Marfan ou d’EhlerDanlos), un syndrome de Turner, une
toxicomanie à la cocaïne, peuvent être
responsables d’une dissection à bas
bruit. Des dorsalgies survenues au décours d’un accident de voiture avec décélération importante, d’un traumatisme
thoracique ou d’une coronarographie
doivent aussi y faire penser.
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Les dorsalgies d’origine viscérale
L’insuffisance coronaire aiguë,
l’infarctus du myocarde
L’insuffisance coronaire aiguë est la première cause de mortalité aiguë chez
l’homme et chez la femme, en l’absence
d’hospitalisation rapide (25 % des cas).
Une ischémie myocardique est vite évoquée chez un homme affecté de facteurs
de risque d’athérome devant des douleurs thoraciques antérieures aiguës à
l’effort, intenses, constrictives, aux irradiations larges, à la mâchoire, aux épaules et aux bras, parfois au dos, associées
à des nausées, des vomissements, un
malaise ou des palpitations. Elle se révèle, dix fois moins souvent, par des
douleurs atypiques de siège postérieur,
susceptibles d’égarer chez le rhumatologue quand elles inaugurent la maladie
coronarienne et surviennent au repos
[22]. Ces douleurs dorsales, souvent associées à un infarctus latéral [23], seraient plus fréquentes chez la femme,
sources de retard diagnostique et de risque évolutif vers un infarctus [24-26].
Fait intéressant pour le rhumatologue,
de plus en plus concerné par le risque
cardio-vasculaire des maladies qu’il suit
et de leurs traitements, quelques publications suggèrent un lien entre maladie
coronarienne et mal de dos. Certains
facteurs de risque d’athérome seraient
des facteurs de risque indépendants de
mal de dos [27]. Un mal de dos fréquent
serait associé à un risque accru de maladie coronaire après ajustement pour
les facteurs de risque cardio-vasculaires
et l’exercice physique [28].
Rachis thoracique.indb 21
L’embolie pulmonaire
Au même titre que l’infarctus du myocarde et la dissection aortique, l’embolie
pulmonaire est un diagnostic à ne pas
manquer, avec une mortalité précoce, en
l’absence de traitement, estimée entre 5
et 20 %. Une douleur basithoracique ou
latérale, d’apparition brutale, associée à
une dyspnée, des palpitations, une hémoptysie, une angoisse surtout, est évocatrice dans un contexte de phlébite, de
thrombophilie ou d’antécédents thrombo-emboliques, de voyage en avion,
d’alitement, d’intervention ou d’accouchement [29-30]. Quand la douleur est
modeste et trompeuse, la dyspnée ancienne ou absente, notamment chez le
sujet âgé, les signes cliniques sont insuffisants pour orienter et un angioscanner
pulmonaire doit être demandé au moindre doute [31-33].
Le rhumatologue devra toujours y penser devant des douleurs thoraciques
postérieures apparues après un alitement prolongé motivé par une poussée
d’arthrose ou un rhumatisme inflammatoire invalidant, dans le suivi d’un cancer
sans s’arrêter au diagnostic de métastase osseuse, chez une patiente lupique
affectée d’un syndrome des antiphospholipides, en cas d’ostéoporose, sans
s’arrêter au diagnostic de fracture, chez
un patient traité par le ranélate de strontium ou le raloxifène, après une vertébroplastie percutanée [34-36]. Dans une
étude prospective de cohorte, une douleur basithoracique était en rapport avec
une embolie pulmonaire dans 5.4 % des
cas [37], en faisant un des principaux
diagnostics différentiels des douleurs
musculo-squelettiques [38].
21
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Le rachis thoracique : ce méconnu !
D’autres causes viscérales de
douleurs postérieures aiguës
sont à évoquer
En dehors des trois urgences suscitées,
d’autres pathologies viscérales, péricardiques, pleuro-pulmonaires, digestives
ou urinaires peuvent être en cause, dont
le diagnostic sera orienté par la localisation des douleurs.
Les dorsalgies aiguës latérothoraciques, non rares, de cause
pleuro-pulmonaire
Le pneumothorax se présente dans
90 % des cas par une douleur brutale,
en coup de poignard, augmentée par
l’inspiration profonde et la toux, associée à une dyspnée aiguë. Le diagnostic,
rapidement évoqué chez un homme jeune, tabagique, est confirmé par le silence
auscultatoire et la radiographie pulmonaire demandée en urgence [39]. Le diagnostic de pneumothorax est parfois
plus difficile pour le rhumatologue quand
la douleur est sourde, et qu’elle complique une séance d’acupuncture motivée
par une douleur rachidienne [40].
22
Une pleurésie aiguë se révèle fréquemment par une douleur augmentée par la
toux, l’inspiration profonde et les changements de position, associée à une
toux sèche et à une dyspnée, quand
l’épanchement est abondant. Le rhumatologue doit y penser en cas de connectivite, de lupus notamment, et vite confirmer le diagnostic par une radiographie
pulmonaire en cas de matité et de silence auscultatoire à la base du poumon.
Rachis thoracique.indb 22
La pneumopathie infectieuse est rarement douloureuse mais une douleur en
point de côté, d’intensité modérée, est
possible qui, associée à de la fièvre, une
toux grasse et une expectoration souvent purulente, un foyer de crépitants à
l’auscultation, appelle à la confirmation
radiographique du diagnostic.
Les douleurs scapulo-thoraciques
d’une péricardite aiguë
Le péricarde étant peu innervé, son inflammation ne se traduit par des douleurs que lorsque la plèvre pariétale adjacente est irritée, en pratique surtout
dans les péricardites infectieuses, dans
un contexte de fièvre, de syndrome grippal, ou d’infection ORL. Les douleurs
antérieures, précordiales, augmentent à
l’inspiration profonde et en position allongée, irradient largement aux épaules
et au dos, où elles ne sont qu’exceptionnellement isolées.
Le rhumatologue devra toutefois y penser devant des dorsalgies inexpliquées,
soulagées par la position assise, penchée en avant, chez une femme affectée
d’une connectivite (lupus, sclérodermie)
ou d’une polyarthrite rhumatoïde.
Les dorsalgies aiguës médianes basses
de cause digestive sont souvent
trompeuses
L’ulcère gastro-duodénal peut se révéler par des douleurs dorsales basses isolées. Il est fréquemment associé, chez le
rhumatologue, à la prise itérative d’un
anti-inflammatoire non stéroïdien admi-
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Les dorsalgies d’origine viscérale
nistré pour une arthrose rachidienne ou
un rhumatisme inflammatoire axial, étonnamment rebelle au traitement proposé
[41]. Le retard à la réalisation d’une endoscopie, la poursuite du traitement ou
la mise en route d’une corticothérapie,
augmente le risque d’hémorragie ou de
perforation, elle-même à l’origine de douleurs dorsales basses dans le classique
mais rare ulcère perforé bouché [42].
Une œsophagite par reflux gastro-œsophagien est généralement responsable
de brûlures rétrosternales associées à
des régurgitations acides et un pyrosis.
Des douleurs dorsales médianes sont
plus rarement révélatrices. Le rhumatologue ne doit pas ignorer le risque
d’œsophagite iatrogène sous bisphosphonate oral prescrit pour une fracture
vertébrale dorsale ostéoporotique et doit
demander, au moindre doute, une endoscopie [43].
La pancréatite aiguë se manifeste par
des douleurs épigastriques transfixiantes, intenses, soulagées par la position
penchée en avant. Le diagnostic, difficile
quand le tableau se résume à l’irradiation postérieure, doit être évoqué en cas
de lithiase biliaire connue ou d’intoxication alcoolique, et conduire rapidement
au dosage de la lipase. De rares cas de
pancréatite aiguë sont rapportés au
cours du rhumatisme psoriasique [44] et
du lupus [45].
Les douleurs de la lithiase biliaire siègent à l’hypochondre droit ou à l’épigastre, augmentant à l’inspiration. Si elles
peuvent irradier vers l’omoplate et
l’épaule droite, elles sont exceptionnellement trompeuses. L’association à des
nausées ou des vomissements, une dys-
Rachis thoracique.indb 23
pepsie, doivent attirer l’attention chez
une femme âgée, en surpoids.
Les dorsalgies aiguës de cause
urinaire sont très rares
La pyélonéphrite aiguë peut se révéler
par des douleurs thoraciques basses, au
niveau de l’angle costo-vertébral. Une
fièvre, des brûlures mictionnelles conduisent rapidement à la demande d’un
ECBU voire à un uroscanner, nécessaire
en cas d’abcès périnéphrétique.
En cas de lithiase urinaire, l’irradiation
suivant le trajet de l’uretère oriente rapidement.
Devant des douleurs postérieures chroniques, certaines causes
viscérales égarent
Les dorsalgies latérales de cause
pleuro-pulmonaire
Les pleurésies malignes, primitives ou
métastatiques, se révèlent fréquemment
par des douleurs postérieures latérothoraciques. Une dyspnée, une toux sèche, favorisée par les changements de
position, orientent vers une pathologie
pleurale [46]. Une douleur dorsale peut
être la seule manifestation d’une asbestose pleurale bénigne [47]. L’intensité de
la douleur est un facteur pronostique indépendant dans le mésothéliome [48].
Une douleur thoracique postérieure peut
conduire un patient affecté d’un cancer
broncho-pulmonaire chez le rhumatologue. Une toux rebelle, une altération
23
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Le rachis thoracique : ce méconnu !
de l’état général, une hémoptysie
conduisent à la prescription d’une radiographie pulmonaire chez un homme
(75 % des cas), tabagique (90 % des
cas). Il n’est pas rare qu’un hippocratisme digital, une ostéoarthropathie de
Pierre Marie amènent à poser le diagnostic avant la radiographie [49].
tout se méfier d’un cancer de l’angle
colique, droit ou gauche, dont les douleurs, haut placées et très latérales, peuvent être trompeuses, en cas d’altération
de l’état général, de troubles du transit,
de rectorragies, a fortiori, qui doivent
conduire à une coloscopie.
Une fibrose médiastinale idiopathique
peut se révéler par des douleurs dorsales comme la fibrose rétro-péritonéale
peut se révéler par des douleurs lombaires [50].
Les dorsalgies chroniques de cause
urinaire sont rares mais trompeuses
Les dorsalgies chroniques médianes
ou latérales de cause digestive
Des douleurs dorsales basses peuvent
révéler une pathologie pancréatique. Elles seraient plus fréquentes en cas de
pancréatite chronique d’origine alcoolique que non alcoolique, notamment
biliaire, secondaire à une hyperparathyroïdie primitive ou idiopathique [51]. Elles doivent faire évoquer un cancer du
pancréas, parfois retrouvées 6 mois
avant que le diagnostic ne soit posé devant une altération de l’état général,
une anorexie majeure avec perte de
poids, un ictère ou l’apparition d’un diabète [52].
24
Il n’est pas rare qu’une colopathie fonctionnelle amène à consulter en rhumatologie pour des douleurs basithoraciques bilatérales ou alternantes, après
épuisement des gastro-entérologues.
Les troubles fonctionnels digestifs avec
alternance de diarrhée et de constipation, les flatulences et le ballonnement
abdominal ne trompent pas. Il faut sur-
Rachis thoracique.indb 24
En l’absence d’hématurie, le cancer du
rein peut conduire chez le rhumatologue
devant des douleurs latéro-thoraciques
longtemps isolées. Une hydronéphrose
peut être méconnue si une douleur chronique et rebelle, ne conduit pas à la pratique d’une imagerie rénale.
Conclusion
Le diagnostic d’une douleur thoracique
postérieure repose sur le recueil détaillé
de l’anamnèse, l’analyse de la douleur
et un examen clinique complet. Les
progrès de l’imagerie médicale ont malheureusement conduit à reléguer l’examen clinique au second plan, alors
qu’une analyse séméiologique de la
douleur permettrait, dans certains cas,
de mieux cibler les examens complémentaires, voire de s’en passer. En présence d’une douleur thoracique postérieure aiguë, il faut éliminer trois
urgences qui mettent en jeu le pronostic vital : une dissection aortique, non
rare dans certaines affections rhumatismales, et une insuffisance coronarienne, notamment chez la femme, devant
des douleurs médianes ; une embolie
pulmonaire, dont le diagnostic reste
16/12/11 18:05:27
Le rachis thoracique : ce méconnu !
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Rééducation de la dorsalgie et
de l’hypercyphose dorsale
M. Vanderthommen, R. Bastin, C. Demoulin
Introduction
La rééducation constitue une technique
de choix dans l’arsenal thérapeutique de
la dorsalgie ou dans la prise en charge
d’une simple exagération de la courbure
dorsale. Elle peut se suffire à elle-même
ou constituer un complément indispensable à une correction orthopédique par
corset ou chirurgicale. Que l’hypercyphose dorsale soit idiopathique ou qu’elle s’inscrive dans un contexte pathologique particulier (maladie de Scheuermann,
spondylarthrite ankylosante…), la rééducation permettra d’améliorer la statique
et la mobilité rachidienne notamment à
l’aide de manœuvres d’étirement et par
une éducation et un renforcement de la
musculature paravertébrale.
Bilan
Préalablement à la rééducation, le kinésithérapeute réalisera un bilan fonctionnel afin d’apprécier, d’une part, la statique rachidienne du patient et, d’autre
part, ses éventuels déséquilibres musculaires. Ce bilan permettra de person-
Rachis thoracique.indb 117
naliser la prise en charge rééducative et
de juger de son efficacité.
Bilan morphostatique
Cette évaluation du maintien concerne
non seulement la quantification des courbures vertébrales mais également l’évaluation de la bascule et de la translation
du bassin et de l’obliquité du tronc. Une
somme des flèches cervicale et lombaire
supérieure à 10 cm, confirmera l’hypercyphose dorsale observée sur le vivant
et vraisemblablement quantifiée radiologiquement. Le kinésithérapeute évaluera
le caractère réductible ou irréductible de
l’hypercyphose dorsale de même que la
localisation et l’importance d’une éventuelle composante douloureuse.
Dans les formes réductibles, l’observation minutieuse et complète du patient
en position debout, permettra de distinguer les hypercyphoses asthéniques
(avec hyperlaxité et hypotonie générale,
hyperlordose lombaire, épaules enroulées, tête antéprojetée et affaissement
thoracique) des hypercyphoses atypiques pour lesquelles la tonicité muscu-
117
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Le rachis thoracique : ce méconnu !
laire est souvent non déficitaire. L’observation du patient dans le plan frontal
permettra d’objectiver la présence d’une
éventuelle scoliose.
dra du bilan initial et évoluera avec le statut algique et fonctionnel du patient.
Etirements
Bilan dynamique
Etirements de la colonne dorsale en
extension
Le rééducateur appréciera la mobilité rachidienne, notamment en flexion antérieure (distance doigts-sol), en extension,
en inclinaison latérale et en rotation.
Bilan musculaire
Cette analyse débutera par la palpation
des masses musculaires paravertébrales
afin de débusquer la présence de
contractures musculaires. Elle se poursuivra par une exploration de la tonicité
musculaire avec une attention particulière pour les muscles paravertébraux dorsaux, interscapulaires et abdominaux. Le
kinésithérapeute appréciera également
la souplesse des grands pectoraux (dont
la raideur contribue à l’enroulement des
épaules et à l’attitude cyphotique) et des
pelvi-fémoraux (psoas-iliaque,
droit antérieur du quadriceps,
ischio-jambiers) qui influencent l’équilibre du bassin dans
le plan sagittal et donc la statique lombaire et dorsale.
La réduction ou la stabilisation de la
courbure dorsale implique la réalisation
d’étirements de la colonne dorsale en
extension qui respectent un certain
nombre de principes :
-La participation systématique de l’articulation scapulo-humérale : l’étirement
du grand pectoral en antéflexion
d’épaule contribue en effet au redressement vertébral et à la lutte contre
l’enroulement des épaules.
-La correction des éléments sus et sousjacents : le rééducateur portera une attention particulière au positionnement
adéquat des colonnes cervicale et lombaire en évitant à leur niveau une accentuation de la lordose.
Exemple 1 : position à genoux (fig. 1)
Rééducation
118
La prise en charge rééducative
comprend généralement 4 parties (des étirements, des mobilisations actives, un renforcement musculaire et un travail
de la fonction respiratoire) dont
l’importance respective dépen-
Rachis thoracique.indb 118
Fig. 1 : Mains aux espaliers, genoux avancés afin de contrôler la lordose
lombaire : le kinésithérapeute réalise des poussées verticales du haut vers
le bas sur le sommet de la courbure en accentuant la manœuvre sur la
phase expiratoire du patient.
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Rééducation de la dorsalgie et de l’hypercyphose dorsale
Exemple 2 : position assise au
sol (fig. 2)
Fig. 2 : Membres inférieurs écartés et
bras levés : le kinésithérapeute après
avoir placé ses mains sur les omoplates
du patient réalise une triple action : 1)
poussées manuelles vers l’avant (extension de la colonne dorsale) ; 2) écartement des coudes vers l’arrière (étirement des grands pectoraux) et 3)
traction axiale vers le haut à l’aide des
membres supérieurs et inférieurs.
Etirements des muscles pelvi-fémoraux
Mobilisations actives
Dans l’hypothèse d’une hypercyphose
dorsale avec hyperlordose lombaire
compensatrice, il est vraisemblable que
le rééducateur sera amené à étirer les
muscles psoas iliaque et droit antérieur
du quadriceps. Pour un patient présentant une cyphose dorso-lombaire avec
bassin en rétroversion, une attention
particulière sera accordée à l’étirement
de la chaîne musculaire postérieure et
des ischio-jambiers en particulier.
Alors que les étirements impliquent une
action de la part du kinésithérapeute sur
un patient généralement confiné dans
une attitude passive, les mobilisations
actives permettront également d’étirer la
colonne dorsale en extension notamment en combinant cette extension rachidienne avec des mouvements rotatoires ou de latéroflexion. La composante
active de ces mobilisations contribuera
ainsi à la tonification musculaire.
Exemple 1 : position quadrupédique (fig. 3)
Fig. 3 : Rotation du tronc avec élévation
du membre supérieur homolatéral (la
position quadrupédique favorise l’action décyphosante de la pesanteur et le
contrôle de la lordose lombaire).
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119
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Le rachis thoracique : ce méconnu !
Exemple 2 : position à genoux (fig. 4)
Exercices analytiques
Les principes de ce travail musculaire
sont les suivants :
-Impliquer les muscles fixateurs de
l’omoplate de manière à favoriser le redressement vertébral et le positionnement adéquat des épaules.
-Verrouiller la colonne lombaire dans
une position de lordose physiologique
(à ce titre un positionnement avec
flexion de hanche permet de protéger
le patient d’une potentielle hyperlordose lombaire).
-Le travail musculaire sera intensifié lors
d’une flexion antérieure du tronc et lors
d’une élévation des membres supérieurs.
Exemple : debout, tronc fléchi en avant
(lordose lombaire physiologique), mains
aux épaules : extensions lentes et
contrôlées des membres supérieurs
Fig. 4 : 2 mains à l’espalier, s’asseoir latéralement. L’inflexion latérale favorise l’ouverture du grill costal (variante : surélever la main homolatérale pour intensifier l’étirement du grand pectoral).
Renforcement musculaire
120
La tonification musculaire constitue de
toute évidence l’élément principal de la
rééducation de l’hypercyphose dorsale
et se focalisera sur les paravertébraux
dorsaux. Ce renforcement se réalisera
de manière analytique, à l’aide d’autoagrandissements ou d’exercices globaux sur ballon de rééducation. Quelle
que soit la technique utilisée, la correction posturale optimale sera toujours recherchée.
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Auto-agrandissements
Ce type d’exercice vise la décyphose
dorsale par un travail minutieux d’allongement axial et de correction posturale
réalisés en position assise ou debout.
La présence d’une charge additionnelle
sur la tête favorise la correction posturale et intensifie la tonification musculaire dorsale.
Exercices globaux
De manière additionnelle au travail analytique, il conviendra de réaliser une tonification plus globale en veillant néanmoins au maintien de la correction
posturale. L’utilisation d’un ballon de
rééducation permet une grande variété
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Rééducation de la dorsalgie et de l’hypercyphose dorsale
Fig. 5 : Le patient élève les membres
supérieurs, ses pieds étant maintenus par le kinésithérapeute.
d’exercices à visée trophique mais également proprioceptive réalisables en
chute faciale ou dorsale. L’ajustement
de la position du ballon autorise une gradation minutieuse de l’intensité des
exercices.
sement thoracique et altération de la
fonction respiratoire. L’objectif sera de
réaliser une expansion thoracique et une
ouverture de l’angle de Charpy.
Exemple 1 : décubitus dorsal, kinésithérapeute à la tête du patient (fig. 6)
Exemple : chute faciale, ballon au niveau
du bassin (fig. 5)
A ce stade, le kinésithérapeute pourra
également intégrer des exercices inspirés de la rééducation selon Klapp : postures et déplacements en position quadrupédique corrigée avec mouvements
associés des membres supérieurs et/ou
inférieurs.
Fonction respiratoire
Cet aspect de la rééducation concerne
principalement la prise en charge de patients présentant une déformation cyphotique majeure ou en stade avancé
d’une maladie de Scheuermann ou d’une
spondylarthrite ankylosante avec affais-
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Fig. 6 : A l’expiration : poussée bi-manuelle au niveau
thoracique supérieur ; à l’inspiration freinage de la
montée.
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Le rachis thoracique : ce méconnu !
Exemple 2 : décubitus latéral, kinésithérapeute à la
tête du patient (fig. 7).
Fig. 7 : Prise en clé de bras du membre supérieur, contre-appui au niveau costal ; à l’inspiration : traction sur le membre supérieur ; à
l’expiration : maintien du gain (cette manœuvre permet de combiner
l’expansion thoracique et l’étirement du grand pectoral).
La règle d’or de la rééducation sera l’indolence. Lors des exercices actifs, le kinésithérapeute veillera à introduire des
périodes de récupération adaptées à la
fatigabilité du patient. Les séances se
dérouleront au cabinet du kinésithérapeute à raison d’une ou deux séances
par semaine en invitant le patient à réaliser des postures et une gymnastique à
domicile de manière quasi quotidienne.
Bibliographie
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[2] Sires A, Sires M. Rééducation des cyphoses
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Rééducation. In : Dimeglio A, Hérisson C, Simon L,
eds. Paris : Masson, 1995. 117-122.
122
Rachis thoracique.indb 122
16/12/11 18:06:06
Souffrance médullaire dorsale
par rétrécissement canalaire :
étiologies et traitement
H. Pascal-Moussellard, R. Bonaccorsi
Nous avons exclu de ce chapitre les lésions épidurales évolutives tumorales ou
infectieuses, les hernies discales, les fractures récentes et cals vicieux, ainsi que les
tumeurs osseuses.
Généralités
Les compressions médullaires symptomatiques liées à une sténose du canal rachidien siégeant au niveau du rachis dorsal sont rares, comme en témoigne une
littérature surtout composée de courtes
séries ou de cas cliniques. Leurs étiologies
sont souvent mal connues et leur diagnostic tardif.
Leur présentation clinique est variable en
fonction du siège de la sténose et de la
section médullaire intéressée.
Neurologiquement, les atteintes motrices sont plus fréquentes que les déficits
sensitifs, et sont volontiers asymétriques
[1-3]. Une irritation pyramidale des deux
membres inférieurs est décelable dans la
plupart des cas. Les troubles génitosphinctériens sont rares dans les formes
Rachis thoracique.indb 123
d’installation lentement progressive [1,
4-6], et comparativement moins fréquents dans les formes aiguës par rapport aux compressions médullaires par
hernie discale [6, 7].
Le tableau peut être celui d’une claudication neurogène (fatigabilité à la marche,
douleurs des deux membres inférieurs,
troubles de l’équilibre, paresthésies) dont
le caractère médullaire devra être affirmé.
La flexion antérieure du tronc soulagerait
les facteurs surajoutés d’engorgement
veineux [1, 4, 8].
Un syndrome lésionnel peut être présent,
sous la forme de radiculalgies en hémiceinture.
On peut décrire plusieurs formes cliniques
selon l’évolution :
-installation aiguë de troubles neurologiques centraux [9] : décompensation de
sténose constitutionnelle, traumatisme
de faible cinétique ;
-aggravation rapidement évolutive : apparition des premiers symptômes depuis
6 mois ou moins ;
-myélopathie lentement progressive.
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Le rachis thoracique : ce méconnu !
Le délai entre l’installation des troubles et
la prise en charge est d’un an en moyenne, avec des durées allant de quelques
jours (facteur de décompensation surajouté) à plus de deux ans [6].
Etiologies
Sténoses primitives
Elles sont liées à une anomalie de dimensions anatomiques du canal rachidien. Elles peuvent être congénitales (achondroplasie) ou constitutionnelle (“developmental
sténosis” des Anglo-Saxons) apparaissant
au cours de la croissance.
Sténoses constitutionnelles [1-7, 10-14]
Le seuil du diamètre antéro-postérieur
du canal pour définir un rétrécissement
canalaire est fixé à 10 mm. A l’étroitesse
constitutionnelle (pédicules courts, lames épaisses), s’ajoutent des phénomènes dégénératifs [14, 15] nécessaire à
l’apparition de la symptomatologie, venant “décompenser” la sténose constitutionnelle : arthrose facettaire, épaississement des lames, ossifications du
ligament jaune, ossifications du ligament
longitudinal postérieur, kystes articulaires, ostéophytes.
Ces rétrécissements constitutionnels du
canal rachidien thoracique sont plus
souvent associés à des sténoses lombaires que cervicales.
124
Il existe une prédominance des atteintes
dans le secteur thoracique inférieur [1,
4-6, 14, 16] expliqués par le comportement “lombaire” des vertèbres D10 à D12
(tandis que le mode dégénératif du sec-
Rachis thoracique.indb 124
teur thoracique crânial est relativement
similaire à celui du rachis cervical) [17].
A la charnière thoraco-lombaire, l’orientation frontale des articulaires favoriserait les contraintes en rotation [2, 11], lit
de phénomènes dégénératifs accélérés.
En dehors des zones charnières, l’atteinte médullaire dans le secteur thoracique
moyen (D3 à D9) est secondaire non
seulement à une disproportion contenant-contenu, mais aussi à une susceptibilité à l’hypoperfusion du fait de la rareté des suppléances vasculaires [17].
La mobilité du secteur thoracique en
flexion/extension étant faible, les disques sont relativement peu sollicités [3,
5, 7].
Sur le plan physiopathologique, la prédominance des atteintes motrices s’explique par la précarité de la vascularisation de la substance grise par rapport
aux cordons postérieurs [3, 6].
Achondroplasies [34]
L’achondroplasie, forme la plus fréquente
de nanisme, a une incidence d’environ
1/25000.
Pour le cas particulier des sténoses thoraciques, les symptômes surviennent dans
la 3e ou 4e décade, et sont d’installation
progressive ; 15 % des patients ont des
signes de souffrance médullaire. Des facteurs mécaniques dégénératifs sont associés à la dysplasie [35] (protrusions discales, ossifications du ligament jaune [36]),
et majorés par les déformations en cyphose thoracolombaire fréquente. Cliniquement, douleurs et faiblesse motrice des
membres inférieurs (parfois claudicante
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