www.airparif.asso.fr A AIRP ctualité RIF N°31 - juillet 2008 S U R V E I L L A N C E D E L A Q U A L I T É D E L ’ A I R E N I L E - D E - F R A N C E Météo de l’Ile-de-France 2 La région est favorisée par un climat océanique qui tend à disperser les grandes quantités de polluants émis. Échelle globale 3 Réchauffement et hausses d’ozone à prévoir. Échelle continentale 4 et 5 Particules et ozone ne connaissent pas les frontières. Airparif ozone Échelle régionale 6 et 7 La qualité de l’air se dégrade fortement en cas d’inversion de température. Airparif Échelle locale 8 La qualité de l’air dans le vent Une dispersion plus ou moins importante de la pollution le long des rues. De la rue à la planète, à tous les niveaux, pollution atmosphérique et météo forment un duo inséparable D’un jour à l’autre, les niveaux de pollution peuvent être multipliés par 5 en fonction de la météo Airparif Chiffre : Climat & Météo FFF Pour mieux comprendre la météo et son impact sur la qualité de l’air, les scientifiques utilisent des outils informatiques, les modèles numériques. Les modèles météo permettent d’effectuer des prévisions qui alimentent les modèles de pollution atmosphérique. Ils décrivent en termes mathématiques le déplacement de l’air et la stabilité de l’atmosphère. La précision de ces outils est adaptée en fonction de la taille du domaine étudié : plus la zone est petite, plus les points de calcul sont proches. On distingue ainsi quatre échelles d’analyse. L’échelle globale prend en compte la planète entière. Elle est notamment adaptée pour étudier l’effet de serre et le réchauffement climatique. L’échelle continentale permet d’observer le déplacement des masses d’air et la transformation chimique des polluants au niveau d’un continent (anticyclone, dépression). Ces mouvements ont des conséquences sur la dispersion des polluants et sur leurs transferts sur de longues distances. L’échelle régionale montre plus les circulations d’air engendrées par la géographie (relief, présence d’une grande ville ou de la mer...), ainsi que les phénomènes d’import et d’export en fonction des trajectoires des masses d’air et l’effet direct global des rejets de polluants. A l’échelle locale, on s’intéresse aux flux de pollution engendrés par un bâtiment ou par une rue. En effet, les différents types de rues ou de bâtiments entraînent des modifications sur les écoulements des flux d’air et peuvent notamment contrarier la dispersion (effet rue canyon). 2 Le rôle de la météo, dispersif ou aggravant La qualité de l’air est liée aux rejets de polluants dans l’atmosphère. La météo a ensuite un impact déterminant sur la dispersion de ces polluants ou leur transformation chimique. Peu de vent, pas de nuages et du soleil... S’il fait beau, c’est plutôt mauvais signe pour la qualité de l’air ! En effet, en présence d’une situation anticyclonique persistante, accompagnée d’une absence de vent au sol ou d’une inversion de température (voir p.6), on observe une accumulation progressive des polluants et le soleil accélère leur transformation chimique. Par contre, en présence d’un temps perturbé, c’est-à-dire pluvieux ou venteux, la pollution est balayée et lessivée. La qualité de l’air résulte d’un équilibre complexe entre les rejets directs de polluants, et toute une série de phénomènes physiques dans l’atmosphère : transport, dépôts secs et humides, et enfin transformations chimiques. D’un jour à l’autre, même si les rejets sont identiques, les niveaux de pollution peuvent ainsi varier considérablement suivant les conditions météo. Temps anti-cyclonique Temps perturbé absence de vent + soleil + pas de nuages + fortes émissions pluie ou neige + vent + nuages = = accumulation de polluants et transformation chimique La pollution est balayée et lessivée on respire mal on respire mieux En Ile-de-France, un climat plutôt dispersif Par sa densité de rejets de polluants, par son climat tempéré et son relief plat, l’agglomération parisienne est comparable à celle de Londres. Avec 11 millions d’habitants pour une superficie de 12 000 km2, l’Ile-deFrance est en effet une région très densément peuplée. Cette densité, au niveau des transports et des activités urbaines, entraîne de forts rejets de polluants. Le trafic routier est notamment la première source de pollution. Heureusement, AIRPARIF Actualité N°31 - Juillet 2008 Zone concernée par l’épisode Période de l’année la plus problématique Conditions météorologiques propices aux épisodes Période de la journée où le risque d’épisode est le plus fort le climat y est tempéré, plutôt pluvieux et venteux, et le relief plat du Bassin parisien est favorable à la dispersion de la pollution. Les vents sont de dominante sud-ouest, en particulier en période hivernale où ils sont associés à des régimes océaniques perturbés. Une dominante nord-est est quant à elle observable environ un quart de l’année, surtout lors des situations anticycloniques qui accentuent la pollution. Ozone (O3) Dioxyde d’azote (NO2) toute la région mais surtout les zones rurales l’agglomération parisienne en été toute l’année - températures supérieures à 30°C - fort ensoleillement - vent faible l’après-midi, quand l’ensoleillement est maximum 2003 : une année météo très atypique Interview Airparif La météo à différentes échelles EEE Échelle planétaire - vent faible ou absent - inversion de température avec la formation d’un couvercle d’air chaud au-dessus de l’agglomération parisienne le matin ou le soir, quand le pic de trafic correspond à l’inversion de température « Le réchauffement entraînera une hausse des niveaux d’ozone » La hausse des températures due au réchauffement climatique aura un impact significatif sur les niveaux de pollution. Et la probabilité plus grande d’épisodes météo extrêmes, comme les canicules, risque d’augmenter les niveaux d’ozone. Les niveaux records atteints en 2003 seront peut-être beaucoup plus communs à la fin du XXIème siècle. Précisions de Frédérik Meleux, chercheur à l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques). Depuis quand étudiez-vous l’impact du réchauffement climatique sur la pollution ? C’est un sujet assez nouveau, qui a principalement émergé au début des années 2000. La recherche sur les relations entre le climat et la qualité de l’air débute donc. Vous avez plus particulièrement étudié les effets du changement climatique sur les concentrations d’ozone. Quelle a été votre approche ? Notre objectif était d’identifier l’impact du changement climatique à l’échelle de l’Europe. L’étude était effectivement focalisée sur les teneurs en ozone. Nous avons effectué deux simulations sur des périodes de 30 ans. Une simulation sur une période actuelle (1960-1990) et une autre sur une période future (2070-2100), grâce aux outils de modélisation numérique. Nous avons ensuite comparé les résultats afin d’analyser l’impact des conditions futures par rapport à ce que nous observons actuellement. Quelles sont les évolutions climatiques prévues d’ici la fin du siècle en Europe ? Plus de soleil, moins de nuages et de pluie en période estivale… Nous avons regardé un scénario d’évolution climatique défini par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Ce scénario implique une augmentation des températures, avec des conditions anti- cycloniques plus marquées entraînant une plus faible dispersion des polluants dans le futur. Pouvez-vous préciser les conséquences d’un tel scénario sur la qualité de l’air ? En imaginant que les rejets de polluants restent à leur niveau actuel, on prévoit une augmentation des concentrations d’ozone à l’avenir. Nos résultats montrent en effet une hausse des réactions chimiques qui conduisent à la formation de ce polluant. Ce phénomène est notamment en lien avec la diminution de la couverture nuageuse. Sans cette protection, l’énergie solaire favorable à la production d’ozone sera moins atténuée. Vu le processus de formation de l’ozone (voir encadré p.4), les campagnes sont plus touchées par cette pollution que les agglomérations. Cela va-t-il durer ? Oui, ce phénomène pourrait même s’accentuer. En effet, l’évolution du climat induirait une augmentation des rejets de composés organiques volatils d’origine naturelle, les hydrocarbures émis par les plantes, qui sont des précurseurs importants de l’ozone. Tout le monde garde en mémoire la canicule de 2003 (voir encadré ci-contre). Estce que ce type d’événement risque de se répéter à l’avenir ? Les estimations sont même M. Frédérik Meleux pires qu’un simple risque de répétition : au niveau des concentrations d’ozone atteintes et de la durée des épisodes, l’été 2003 pourrait être un été commun à la fin de ce siècle. On prévoit une réelle augmentation des événements extrêmes type 2003. En terme de valeurs, nos modèles montrent par exemple une augmentation des pics journaliers d’ozone de 20 µg/m3 entre les deux périodes dans certaines régions françaises, en prenant le scénario climatique le plus pessimiste. Quelle orientation vont prendre vos recherches ? On va maintenant s’intéresser à une période moins lointaine (2020-2050), avec un projet européen de trois ans, intitulé Citizen, qui commencera en septembre 2008. Il s’agira cette fois d’étudier l’impact des méga cités sur la qualité de l’air, en prenant en compte l’évolution du climat et des rejets de polluants. On étudiera l’ozone mais aussi les particules. L’exploration ne fait que commencer. Une vague de chaleur, exceptionnelle par sa durée et son intensité, a frappé une grande partie de l’Europe de l’Ouest pendant la première quinzaine d’août. Vents faibles et fort ensoleillement ont favorisé la formation de polluants photochimiques comme l’ozone et donc d’épisodes de pollution. Ces épisodes ont été exceptionnels par leur répétition et leur persistance, plus que par leur intensité, puisque le record d’ozone de 1998 en Ile-deFrance n’a pas été atteint. Les conséquences sanitaires de cette vague de chaleur estivale ont été catastrophiques : un excès de 70 000 décès en Europe dont près de 20 000 en France dont 5 000 en Ile-deFrance (projet européen Canicule coordonné par l’Inserm, 2007). Quant à l’impact sanitaire propre à l’ozone pendant la canicule, il a été évalué par l’Institut national de veille sanitaire pour neuf villes françaises dont Paris, à près de 400 décès anticipés. Mais au-delà des quinze premiers jours d’août, les périodes anticycloniques ont été tout au long de 2003 anormalement longues et la moyenne des températures a été une des plus élevées depuis 50 ans (Météo-France). La durée d’ensoleillement en Ilede-France a été de 20 à 30 % supérieure à la moyenne des dix dernières années et les pluies nettement inférieures à la normale régionale sur les trente dernières années. Ces facteurs météorologiques atypiques ont été défavorables à la dispersion des polluants toute l’année, et donc à la qualité de l’air avec un nombre record d’épisodes de pollution mais aussi des concentrations moyennes annuelles en hausse pour plusieurs polluants majeurs : ozone, dioxyde d’azote et particules. Juillet 2008 - AIRPARIF Actualité N°31 3 Échelle continentale FFF EEE Échelle continentale En avril 2007, tout le nord de l’Europe concerné par la pollution Zoom sur l’europe La pollution franchit les frontières Le mois d’avril 2007 a été exceptionnellement chaud et ensoleillé dans plusieurs pays européens. Le 15 avril par exemple, la température approchait 27°C à Paris, tandis que la barre des 30°C était atteinte en Belgique. La masse d’air en provenance de l’Atlantique est d’abord passée au-dessus de l’ Angleterre, puis de Transportés au gré des vents et des conditions météo, certains polluants peuvent voyager d’un pays à l’autre. Le vent est donc un critère majeur dans les transferts de pollution continentaux. La plupart du temps en Ile-de-France, on observe un courant d’ouest en est, venant de la mer (flux océanique). Mais en cas de météo anticyclonique, la jour-là de fortes concentrations de particules, de l’ordre de 70 à 110 µg/m3 en moyenne sur la journée. Cette météo exceptionnelle en début de printemps a favorisé le transport à l’échelle du continent de particules volatiles qui pourraient être liées aux épandages d’engrais effectués au même moment. Le transport de l’ozone peut s’effectuer sur plusieurs centaines, jusqu’à quelques milliers de kilomètres situation est inversée, avec un vent d’est en ouest (flux continental). « Ce vent apporte en France un air déjà chargé en pollution venant de l’Allemagne ou du Benelux », souligne Matthias Beekmann. Mais le vent n’est pas le seul paramètre météo à intervenir dans les transferts de pollution. Température, humidité au sol et précipitations ont également un rôle non négligeable. Notamment pour les particules qui sont surtout éliminées par lessivage grâce à la pluie. Enfin, les rayonnements solaires sont déterminants : ils favorisent les réactions chimiques et la formation de polluants secondaires (voir encadré). Les pires situations sont observées quand tous ces paramètres s’accumulent. Par exemple, en situation anticyclonique estivale, toutes les conditions sont souvent réunies pour l’accumulation de la pollution : vent faible, température forte, rayonnement solaire intense, peu d’humidité, pas de précipitation. «Ce fut le cas de manière spectaculaire en 2003, se souvient Matthias Beekmann. Avec un blocage des masses d’air qui tournaient d’un pays à l’autre, dans toute l’Europe de l’Ouest, de la France à l’Allemagne, en passant par l’Italie et le Benelux ». Un modèle pour prévoir les transferts de pollution La formation de l’ozone 4 L’ozone est le plus connu de la famille des polluants La formation des polluants secondaires nécessite un certain secondaires qui comprend les aldéhydes, les cétones ou temps. Comme les masses d’air chargées en précurseurs encore une partie des particules. Il n’est pas directement d’ozone se déplacent, les concentrations d’ozone peuvent rejeté dans l’atmosphère mais se forme notamment à ainsi atteindre au bout de quatre heures environ leur maxi- partir des oxydes d’azote (émis par les gaz d’échappe- mum dans des régions rurales qui sont sous le vent d’une ment, les centrales thermiques et les procédés indus- agglomération et de son panache de pollution. A l’inverse, triels) et des hydrocarbures (que l’on trouve dans l’essen- l’ozone est peu présent à proximité du trafic où il est trans- ce, les peintures, les colles, et les solvants industriels ou formé par réaction chimique en dioxyde d’azote. domestiques). L’ozone est un polluant photochimique, D’une région à l’autre, on observe des phénomènes d’import car il est créé sous l’action du rayonnement UV du soleil et d’ozone, mais aussi d’export. Par exemple, le 8 août 2003, de la chaleur. Ses niveaux sont donc élevés essentielle- lors du pic de pollution le plus intense enregistré durant la ment en été, pendant des périodes d’ensoleillement canicule, on mesurait un maximum de 282 µg/m3 en Ile-de- intense et de vent faible. C’est pourquoi les niveaux les France (Rambouillet), tandis qu’en Eure-et-Loir, les teneurs plus élevés d’ozone sont enregistrés dans l’après-midi, toujours influencées par les rejets de l’agglomération lorsque l’ensoleillement est maximal. parisienne atteignaient 325 µg/m3 (à Oysonville). AIRPARIF Actualité N°31 - Juillet 2008 Simulation des concentrations d’ozone en France, et dans les pays voisins, le 8 août 2003 à 16h (journée ayant enregistré l’épisode de pollution le plus intense de la période de canicule en Ile-de-France), grâce à l’utilisation du système PREV’AIR développé par le CNRS et l’INERIS Source : IPSL (Institut Pierre Simon Laplace) Un outil informatique, le modèle Chimere, est utilisé depuis 1997 pour mieux comprendre ces transferts de pollution. « Notre travail de modélisation a commencé avec Airparif qui a tout de suite utilisé le modèle Chimere pour ses prévisions », explique Matthias Beekmann. Chimere prend en compte les rejets de polluants, les mécanismes de transformation, de transport et de dépôt des polluants, selon les conditions météo et les types de sol. « Après dix ans de pratique, on obtient de très bons résultats pour la prévision des niveaux d’ozone en Europe », se réjouit Matthias Beekmann. Par contre, les particules posent encore des difficultés. Le projet européen Megapoli, qui sera mené de 2008 à 2011 en collaboration avec Airparif, permettra aux chercheurs de mieux évaluer les sources de particules. Des campagnes de mesure sur le terrain, notamment en Ile-deFrance, serviront à améliorer les outils numériques. Arpège Le vent peut apporter un air dégradé Sur un très large quart nord-est du pays, on a ainsi observé ce Airparif Les principaux polluants migrateurs sont l’ozone et les particules. « Tout simplement parce qu’ils ont une durée de vie plus longue que les autres en altitude », explique Matthias Beekmann, chercheur au Lisa (Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques). Le transport de la pollution entre les pays dépend essentiellement du temps de vie des substances et de la vitesse moyenne du vent. « Par exemple, l’ozone a une durée de vie moyenne de plusieurs jours en basse couche atmosphérique. Mais à des altitudes plus élevées, il peut avoir une durée de vie de deux ou trois mois et peut se déplacer loin des sources d’émission sur plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de kilomètres », précise Matthias Beekmann. l’Allemagne et l’Europe de l’Est avant de se rabattre sur la France. Rétrotrajectoire des masses d’air le 15 avril 2007 Un nuage de poussières sahariennes Dans la nuit du 12 au 13 février 2002, les concentrations en particules PM10 (particules inférieures à 10 µm), et elles seules, ont soudain quintuplé sur l’ensemble du réseau de surveillance d’Airparif. Cet épisode de courte durée (de l’ordre de 6 heures) a pu être observé avec un petit décalage horaire sur toute une partie du territoire français : Pays de la Loire, Centre, Auvergne et Ile-deFrance. A l’origine de ce phénomène: le passage de masses d’air en provenance des régions sahariennes. Des vents localement forts sur les régions sèches du nord de l’Afrique, chargés de particules en suspension d’origine naturelle (sables, particules de terre...) ont abordé le territoire français par sa façade atlantique après avoir contourné la péninsule ibérique. De tels transports à longue distance de particules d’origine naturelle impliquent en priorité une large proportion de particules de diamètre supérieur à 2,5 microns, contrairement aux particules d’origine urbaines majoritairement très fines. Juillet 2008 - AIRPARIF Actualité N°31 5 Échelle régionale FFF EEE Échelle régionale Prévoir la qualité de l’air en fonction de la météo Zoom sur l’ile-de-france Inversion de température : un couvercle pour la pollution Tout au long de l’année, un ingénieur, un technicien et un informaticien d’Airparif effectuent une astreinte : ils prévoient la qualité de l’air du jour même et du lendemain en s’appuyant sur les informations de qualité de l’air du réseau et sur les prévisions météo. Explications croisées de Bruno Lossec, chef du service de La qualité de l’air se dégrade fortement en cas d’inversion de température, phénomène qui empêche l’air de se disperser. prévision de la région Ile-de-France à Météo France, et de Hélène + froid Sous l’effet des rayonnements solaires, l’inversion thermique est généralement rompue au cours de la journée : le couvercle s’ouvre et l’air peut à nouveau s’élever normalement. En hiver en particulier, si le rayonnement solaire ou le vent sont trop faibles, l’inversion peut se reformer le soir. Parfois même, la rupture peut ne pas se produire du tout de la journée (voir l’exemple de Noël 2007). L’heure de formation de l’inversion et de sa rupture, ainsi que son intensité sont déterminantes sur les niveaux de pollution, notamment par rapport aux pics de trafic du matin et du soir. Ces inversions de température peuvent se produire tout au long de l’année, surtout en hiver ou en demi-saison. Épisode de pollution dû au dioxyde d’azote et aux particules le 24 décembre 2007 (vue depuis le 3ème étage de la tour Eiffel) 6 AIRPARIF Actualité N°31 - Juillet 2008 Marfaing, responsable de l’astreinte à Airparif. Hélène Marfaing, responsable de l’astreinte à Airparif Les informations les plus importantes + chaud pour estimer les niveaux de pollution + froid Airparif sont les vitesses de vent, les inversions de température (surtout pour le dioxyde Lors d’une inversion de température, les températures en altitude sont plus élevées que celles au niveau du sol, ce qui créé un couvercle d’air chaud sous lequel les polluants s’accumulent d’azote), l’ensoleillement et les températures (essentiellement pour l’ozone). Nous avons besoin de prévisions très précises, particulièrement en cas de météo stable. L’exemple de Noël 2007 : une inversion de température prolongée Airparif En moyenne jusqu’à 10 km d’altitude, l’air est plus chaud au niveau du sol et sa température diminue avec l’altitude. On compte une baisse moyenne de 0,6°C tous les 100 m. Néanmoins, dans des conditions de ciel clair, ce phénomène thermique peut être inversé. En effet, une fois le soleil couché et en l’absence d’une couverture nuageuse, le sol se refroidit alors plus rapidement que l’atmosphère : au contact du sol, il se forme des couches d’air plus froides qu’en altitude. Cet air froid se trouve alors bloqué sur quelques centaines de mètres d’altitude sous une couche d’air plus chaud. Ce qui favorise l’accumulation de la pollution sous cette cloche d’air chaud infranchissable. + chaud Qualité de l’air très mauvaise, indicateurs au rouge. Du 19 au 24 décembre 2007, des niveaux records ont été atteints pour deux polluants : le dioxyde d’azote et les particules. Les 23 et 24 décembre, l’indice de qualité de l’air ATMO a même atteint 10/10, son maximum ! D’une part, à cause du trafic, mais aussi du chauffage individuel ou collectif, les rejets de polluants étaient particulièrement élevés. La combustion du bois est à ce titre un mode de chauffage particulièrement émetteur de particules. En règle générale, son usage par les particuliers est de plus en plus répandu en France et en Europe. D’autre part, à l’occasion de cet épisode anticyclonique froid, les conditions météorologiques ont été très défavorables à la bonne dispersion des polluants. Les fortes inversions de température observées étaient liées à un important refroidissement des températures au sol (gelées jusqu’à -9°C dans l’extrême sud-est de la région Ile-de-France) avec un ciel sans nuages, et un vent quasi nul en surface et en altitude. Les températures restant faibles la journée, ces inversions de température se sont prolongées. Elles ont favorisé la stagnation des polluants émis au niveau du sol. Des transports de pollution interrégionaux ont aussi contribué à aggraver la situation. La forêt de Fontainebleau présentait notamment des niveaux de particules élevés. Plusieurs régions françaises et européennes ont été touchées simultanément. Car c’est le cas de figure où la qualité de l’air risque d’être dégradée. Cela peut paraître subtil, mais une vitesse de vent d’1 m/s ou de 2 m/s peut avoir un impact complètement différent sur les niveaux de pollution, alors qu’il s’agit de vents faibles. Le problème est le même pour la prévision des inversions de température et de leur rupture. En période estivale, la prévision de l’heure d’arrivée d’un orage est également déterminante. Une perturbation qui arrive en début ou en fin d’après-midi n’a pas du tout le même impact, notamment sur les niveaux d’ozone. Bruno Lossec, responsable prévision à Météo France Un bulletin quotidien spécifique, réalisé par Météo France, est transmis à Airparif. Il comprend les observations pour la veille, l’estimation pour le jour même, et les prévisions pour le lendemain. Ces données sont issues des modèles numériques de météo, elles sont ensuite supervisées par le prévisionniste. Le bulletin produit pour Aiparif est très différent des informations que l’on délivre habituellement. Nous sommes en train d’affiner nos modèles numériques pour répondre à l’exigence de précision nécessaire pour évaluer la pollution. Nous allons ainsi améliorer la qualité de nos prévisions d’ici fin 2008. Cette amélioration concerne notamment les inversions de température, dont l’évolution au fil des heures est difficile à anticiper. La prévision des vitesses de vent devrait également être améliorée grâce au nouveau modèle Arome qui prendra en compte les spécificités liées à l’agglomération et aux élévations de température dues à l’urbanisation (l’îlot de chaleur). Juillet 2008 - AIRPARIF Actualité N°31 7 Zoom sur un quartier L’effet « rue canyon » Les chercheurs étudient l’impact du vent et des courants d’air turbulents, pour mieux comprendre comment la pollution se disperse dans les rues. Dans les rues étroites et encaissées, la pollution peut se trouver confinée entre les bâtiments car la vitesse du vent est plus faible. C’est l’effet « rue canyon », bien connu depuis les années 80. Les rejets de polluants dans des rues peu ventilées entraînent une accumulation de la pollution qui ne peut s’évacuer par le haut. Des mesures en soufflerie complétées par des simulations numériques Ce phénomène local est particulièrement étudié par le laboratoire de mécanique des fluides de l’École centrale de Lyon. La structure dispose en effet d’une soufflerie de 24 m de long, avec une maquette de ville. Les bâtiments sont schématisés par des blocs rectangulaires, équipés de capteurs de mesure. L’écoulement d’air symbolise le vent. Et entre les blocs, des émetteurs de gaz permettent de représenter les rejets de polluants comme les oxydes d’azote. « Notre soufflerie est très précieuse pour mieux comprendre le transport et la dispersion de la pollution, souligne le chercheur Lionel Soulhac. On peut plus facilement contrôler la vitesse du vent et les quantités de polluants émises que dans la réalité ». « Une rue très polluée peut augmenter les niveaux des rues voisines » Les résultats obtenus sur maquette sont ensuite utilisés pour valider les simulations numériques des modèles. Les chercheurs lyonnais utilisent en effet un modèle appelé Sirane, qui permet de représenter la dispersion de la pollution à l’intérieur d’une rue et dans le quartier avoisinant. Comme dans la soufflerie, les bâtiments sont représentés par des blocs rectangulaires et les quartiers par des rues perpendiculaires. Le modèle effectue un bilan entre la pollution qui entre et qui sort de chaque rue. Il calcule ensuite les écarts d’une rue à une autre, prenant en compte les phénomènes particuliers dus aux intersections et au transport des polluants pardessus les toits. « On se rend ainsi compte qu’une rue très polluée peut augmenter les niveaux des rues voisines », explique Lionel Soulhac. En partenariat avec les réseaux de surveillance de la qualité de l’air comme Airparif, les chercheurs travaillent actuellement à l’amélioration de Sirane. L’idée est notamment de mieux prendre en compte la géométrie des rues et les différences de hauteur entre les bâtiments. Le financement d’Airparif est assuré par des subventions de l’État, des collectivités territoriales, des industriels au titre de la TGAP et des prestations d’expertise Échelle locale FFF l’influence du vent dans le quart sud-est de paris Dans le cadre d’une étude sur la pollution à proximité du trafic, Airparif a utilisé le modèle Sirane à l’échelle d’un quartier situé entre Paris et le Val de Marne. La zone d’étude comprenait le quart sud-est de Paris, avec deux axes majeurs : l’autoroute A4 et le Boulevard périphérique. Les cartes ainsi obtenues les 5 et 6 mars 2008 illustrent l’influence de la météo à l’échelle rues le 6 mars. Autoroute A4 Boulevard périphérique Autoroute A4 Soufflerie avec une maquette de quartier SURVEILLANCE DE LA QUALITÉ DE L’AIR EN ILE-DE-FRANCE association type loi de 1901 à but non lucratif Airparif Airparif Journée du 5 mars 2008 8 7 rue Crillon 75004 PARIS 01.44.59.47.64 Courriel : [email protected] Directeur de publication : J.F. Saglio AIRPARIF Actualité N°31 - Juillet 2008 Journée du 6 mars 2008 www.airparif.asso.fr Imprimé par : compédit beauregard changements de vent ont entraîné une plus mauvaise dispersion de la pollution dans les PEFC/10-31-1268 1,4 m/s (5 km/h) et il a changé de direction (vent de nord puis vent d’ouest). Ces École centrale de Lyon d’un quartier. En effet, entre ces deux journées, le vent est passé de 4,2 m/s (15 km/h) à