Mort subite du sportif Richard AMORETTI Directeur d’enseignement D.U. de Cardiologie du Sport C.H.U. PITIE SALPETRIERE Définition de la mort subite Naturelle : non traumatique, non iatrogène Inattendue : cœur supposé normal DANS L’HEURE SUIVANT LE SYMPTOME INITIAL AU COURS ET JUSQU’À 1 HEURE APRES LA PRATIQUE D’UN SPORT Le retrait de la compétition peut sauver la vie « Il y a aujourd’hui des preuves définitives qu’un exercice très soutenu prédispose un athlète porteur de certaines anomalies cardiaques à une mort qui ne serait pas survenue autrement et que le retrait de la compétition prolonge, dans ce cas, la vie » Bethesda 1994 Prévalence de la mort subite dans la population générale Chez les sujets de moins de 35 ans – Dans les pays industrialisés : 0,13 à 0,60 /10.000/an – Âge moyen : 17 ans – blancs = noirs aux USA Chez les sujets de plus de 35 ans – Hommes : 19,1/10.000/an – Femmes : 5,7/10.000/an Tous âges confondus : homme 90% cas En France : plus de 1500 MS par an pendant le sport Registre RACcE 2006 Registre sur les accidents cardiaques lors des courses d’endurance Étude observationnelle prospective sur les décès et les accidents cardiaques graves survenant lors des principales courses d’endurance parisienne • 20 km de Paris : 2006 / 2007 / 2008 / 09 / 10 / • Semi-marathon de Paris : 2007 / 2008 / 09 / 10 / 11 • Marathon de Paris : 2007 / 2008 / 09 / 10 / 11 • Paris-Versailles : 2007 / 2008 / 09 / 10 / 11 • 510 000 coureurs inclus sur 1 000 000 prévus • Accidents survenant 30 min avant le départ, pendant la course et dans les 2 heures après le dernier arrivant Registre RACcE 2006 Registre sur les accidents cardiaques lors des courses d’endurance Participants : femmes 20% • Moyenne d’âge : 40 ans • Vitesse de course moyenne : entre 10 et 11 km/h • 13 accidents cardiaques graves, dont 2 décès • 9 arrêts card. sur F.V. (6 isch coron) • 1 choc sur hyperthermie (syndr viral) • 1 malaise post-effort : T.V. sur Brugada • 2 DVDA / 1 décès / 1 TV Registre RACcE 2006 Registre sur les accidents cardiaques lors des courses d’endurance 9 accidents coronariens : • Plus de 35 ans • Très entrainés • Pas de facteurs de risque notables • 3 TE normaux récents (180, 250 et 270 W) • 3 mono tronculaire 2 bi 1 tri • 4 occl / 1 sub occl / 2 sténoses / 1 dissection km 0 RACcE Ischémique : quand ? km km 5 19 Marathon km 18 1h30 après 2h après Semi - 150 m 15 mn après “20 km” - 50 m GRCI - Réunion nationale 2007 - Paris - Versailles Mécanismes de la mort subite • Origine C/V dans 95,3% des cas • Trouble du rythme V. dans 88% des cas • Causes circulatoires : chocs hypovolémiques (coup de chaleur, déshydratation), ruptures d’anévrysme • Causes non C/V : asthme, hémorragie dig., dopage • Nécessité d’un registre national +++ S a l v e T. V. D e p i s t a g e c a r d i o l o g i q u e chez l’adulte jeune USA ITALIE et ESC Interrogatoire Examen clinique Interrogatoire Examen clinique ECG France HAUT NIVEAU AUTRES Interrogatoire Examen clinique ECG Echocardiographie Epreuve d’effort Interrogatoire Examen clinique Mort subite avant 35 ans • MARON 2003 n=387 • CORRADO 2003 n=55 • • • • • • • • • • • • • • Âge moyen : < 35 ans CMH : 26% Commotio c : 20% Malf.cor. : 14% Athér. Cor. : 3% DVDA : 3% Ruptures aort. : 3% Âge moyen : 23 ans CMH : 0,2% Commotio c. : 0% Malf. Cor. : 12% Athér. Cor. : 20% DVDA : 24% Ruptures aort. : 0,2% L’interrogatoire Les antécédents mort subite familiale, cardiopathie Les signes fonctionnels : liés à l’effort, pendant ou juste après. Mêmes signes fonctionnels que chez les non sportifs Dyspnée, douleurs thoraciques, lipothymies, syncopes, palpitations… chez le sportif entraîné qui se connaît bien. « Attention aux sensations inhabituelles » L’ECG: Un moyen de dépistage majeur Recommandations de la SFC depuis 09 2009 Sur proposition de la Société Européenne de Cardiologie du Sport : ECG lors de la 1° visite Puis ECG tous les 3 ans jusqu’à l’âge de 20 ans Puis ECG tous les 5 ans L’ECG: Un moyen de dépistage majeur Cardiopathies détectables par l’ECG chez le sportif jeune : CMH, DVDA, CMD, Troubles conductifs (BAV, WPW), Anomalies des canaux ioniques (QT, Brugada). Ces étiologies rendent compte de subites chez les sportifs jeunes Italiennes et Américaines 60 % des morts d’après les séries ECG normal C.M.H • 17 à 170/100.000 aux USA • 0,5% de la population • Transmission familiale, autosomique, dominante, à expression variable dans 90% cas • Peu symptomatique • Examen médical négatif 98% cas • 2 fois plus chez noirs que blancs • Diagnostic avec gros cœur sportif C.M.H • Difficulté de différencier formes malignes et formes bénignes • Mutation TNNT2 : phénotype d’hypertrophie a minima, mais haut risque M.S. • Attention : dans l’étude de Framingham, 18% de patients avec septum > 13 mm mais sans CMH présentent une mutation = CMH C.M.H • Etude de GIMENO (Eur H J 2009; 30-2599) • 1380 CMH (62% hommes) • Risque faible de déclencher un tr rythme V sur TE (27/1380) : corrélé au dégré d’hypertrophie, de dilatation atriale et au sexe masculin • 30% des patients avec tr rythme : évènement grave • Etude de MICHELS (Eur H J 2009; 30-2593) • 76 patients porteurs d’une mutation connue (seuls 41% CMH en écho) C.M.H Diagnostic - E.C.G. de repos - Echo-doppler cardiaque - IRM cardiaque - Enquête génétique Evalutation - Test d’effort - Holter ECG - Echocardiogramme d’effort C.M.H Conférence de Béthesda 1994/2005 Inaptitude au sport de compétition avec aménagements possibles si : - Âge > 30 ans Pas de T.V. sur holter Pas de mort subite familiale < 40 ans Pas d’anomalies hémodynamiques Pas d’hypoTA d’effort Pas d’I.M. moyenne à sévère Pas d’O.G. dilatée > 50 mm Pas de F.A. paroxystique Pas d’anomalie de perfusion myocardique Avec un traitement médical accepté • Inaptitude au sport de compétition sauf faible intensité (IA) • Pas d’aide possible avec génotype • Idem si traitement y compris défibrillateur Fausse C.M.H Footballer 16 ans Anomalies congénitales des coronaires • Peu de signes annonciateurs • Oppression thoracique, syncope d’effort • MARON / CORRADO /2000 / 27 MS – 23 anomalies CG + 4 CD – 25 MS pendant sport, 2 juste après – SF préalables : 4 syncopes 3 à 24 mois avant, 5 douleurs thoraciques moins de 24 mois avant Coro-scanner Athérome coronaire • Rare chez le sujet jeune • Hypercholestérolémie majeure • Rupture de plaque d’athérome lors d’un effort brutal • Spasme coronaire : froid, altitude, cigarette, douche D . V. D . A . • 1ère cause de mort subite en Italie (Padoue) • ATCD familiaux dans 35 à 50% des cas • Dégénérescence fibro-adipeuse du V.D. • Diagnostic sur ECG de repos et ventriculographie isotopique et/ou IRM • Risque élevé de mort subite par trouble du rythme (ESV retard G) D . V. D . A . D . V. D . A . Atteinte multifocale vd OAG OAD PG Ventriculographie isotopique Analyse 3 harmoniques ?? ?? Syndrome de Brugada • Risque de mort subite au repos, pas à l’effort • Lien avec le sport : accentuation bradycardie vagale Myocardite • Signes d’appel : tachycardie persistante, extrasystolie, troubles diffus de la repolarisation… • Risque de mort subite par trouble du rythme • Importance de respecter une période de convalescence pendant et après une maladie infectieuse Syndrome QT long congénital • • • • • • Diagnostic sur : QTc>460 ms ou QTc>440 ms avec déformation onde T ou syncope par torsade de pointe Plusieurs types de QT long Risque de mort subite par trouble du rythme à l’effort; risque majoré si QTc>500 ms et LQT2&3 Incidence des syncopes : 5% par an Incidence de la mort subite : 1,9% par an Traitement : béta-bloquant (réduction risque MS de 75 à 5%) et défibrillateur implantable. Syndrome QT long congénital • Nouveau critère diagnostic • Circulation 2011, Schwartz PJ • Chez les sujets apparentés LQT1 et LQT2 • On mesure le QT 4 min après un test d’effort • Si le QT s’allonge à plus de 445 ms : QT long QT long Aspects ECG des 3 principales formes de SQTL Syndrome du QT court • • • • ATCD familiaux de mort subite QTc < 300 ms MS par trouble du rythme ventriculaire Défibrillateur implantable Syndrome du QT court Syndrome de W.P.W • Brièveté de la période réfractaire de la voie accessoire • Mort subite par fibrillation ventriculaire • Ablation si risque Tachy-arythmie ventriculaire Commotio Cordis • Projectiles : balle de base ball, palet de hockey, karaté • Plus fréquent chez l’enfant • Fibrillation ventriculaire provoquée par impact 15 à 30 ms avant le sommet de l’onde T (1% du cycle cardiaque) • Taux de survie de 15% • Prévention difficile : balles moins dures, protection thoracique • Défibrillateur semi-automatique sur le terrain Syndrome de repolarisation précoce Repolarisation précoce Vraiment bénin ? • Travail de HAISSAGUERE (N Engl J Med 2008; 19 : 2016-23) • Etude rétrospective sur des patients ayant fait une mort subite sur cœur sain • Patients appariés sur âge, sexe, race, activité physique selon un mode cas-témoin • 206 patients de moins de 60 ans ayant présenté une MS sans cause décelée, appariés à 412 sujets sains • Un syndrome de repolarisation précoce a été retrouvé chez 31% des cas et 5% des sujets sains Repolarisation précoce Vraiment bénin ? •Etude de cohorte réalisée en Finlande par TIKKANEN en 2009 (NEJM, 361 : 2529-37) •Plus de 10000 sujets, âgés en moyenne de 44 ans, suivis en moyenne pendant 30 ans •Prévalence du syndrome de repolarisation précoce : 5,8% (dont 3,4% en dériv. inf. et 2,4% en lat) •Mortalité totale et cardiaque augmentée en cas de syndrome de repolarisation précoce surtout si élévation du point J d’au moins 2 mm et localisation inférieure et élargissement des QRS Repolarisation précoce • Risque plus élevé si surélévation du point J de plus de 2 mm • 3 patients ayant présenté une MS et un sus décalage du point J de plus de 5 mm ont présenté plus de 50 FV choquées • Aggravation du sus-décalage en période arythmogène • Sus-décalage disparait à l’effort et se majore sous béta-bloquant et Flécaïne Repolarisation précoce • Journées européennes SFC 2010 • 1° anomalie génétique retrouvée touchant un canal potassique : KCNJ8 Mort subite après 35 ans pathologie coronaire • > 80 % des morts subites aux USA et en Europe • Fibrillation ventriculaire dans 80% des cas • 6 fois plus de risque de faire un infarctus au cours d’un effort sportif qu’au repos chez un coronarien méconnu – Mais risque 100 fois supérieur chez le sédentaire – Et risque 2,4 fois supérieur chez le sportif entraîné (5 fois par semaine) Pathologie coronaire mecanismes • Augmentation de l’aggrégabilité plaquettaire lors d’un effort violent • Spasme coronarien (tabac, dopage) • Rupture de plaque avec thrombose Pathologie coronaire étiologie • Maladie athéromateuse évolutive • Angor spastique • Pont myocardique Pathologie coronaire risques Risque de mort subite élevé si un des items suivants est noté : • • • • • FE < 50 % Ischémie d’effort Trouble du rythme V grave à l’effort Sténose coronaire > 50% sur gros troncs Test d’effort : permet d’évaluer les athlètes sous traitement Quel bilan pour quel sportif • Homme sportif sans facteurs de risque, asymptomatique : ECG repos • Homme sportif avec facteurs de risque et/ou signes fonctionnels à l’effort : Test d’effort • Homme sédentaire reprenant le sport : Test d’effort • Bilan cardio chez l’homme à partir de 40 ans, et chez la femme à partir de 50 ans Sports incriminés • TOUS • Sports d’équipe : football américain et basket aux USA • Europe : football, basket, natation, rugby • Squash, golf dans pays anglo-saxons • Globalement sports à haute contrainte cardiaque directe (squash) ou indirecte (golf et dopage) • Risque augmenté chez arbitres • Intérêt du défibrillateur semi-automatique sur le terrain E x e m p l e d e s p o r t Football américain • • • • Etude de SELDEN : Am J Med 2009; 122: 811-4 Enquête auprès de 6848 joueurs retraités (actifs entre 1972 et 1988) Mortalité globale réduite de 46% / population générale Mais les hommes de ligne (lineman) : risque 3 fois plus élevé que autres joueurs; les plus lourds ont un risque 6 fois plus élevé • 28% des joueurs obèses décèdent avant 50 ans : anabolisants ??? R e c o m m a n d a t i o n s aux sportifs 1 - Pas de compétition ou d’effort intense en cas d’infection, de fièvre ou de fatigue anormale 2 - Précautions en cas d’atmosphère trop chaude ou trop froide ou trop humide 3 - Prudence lors d’efforts en haute altitude 4 - Début et fin d’effort progressif 5 - Pas d’effort immédiatement après un repas 6 - Ravitaillement correct lors d’efforts prolongés : eau, sel 7 - Interrompre à temps un effort mal toléré 8 - Pas de bain ni douche trop chaud après un effort sportif 9 - Signaler à son médecin les symptômes dépendant des efforts : douleurs thoraciques, malaise, gêne respiratoire inhabituelle Conclusion « The adventure is calling you »