DIX POINTS À RETENIR Dix points essentiels que les rhumatologues devraient connaître (mais ne connaissent peut-être pas) à propos des troubles de l’humeur par Roger S. McIntyre, M.D., FRCPC es troubles de l’humeur, scindés en deux grandes catégories, soit la dépression majeure et la maladie bipolaire, affectent environ un Canadien sur six à un moment où l’autre au cours de sa vie. Les troubles de l’humeur sont des problèmes majoritairement récurrents, évolutifs et chroniques, qui sont associés à un taux élevé de persistance et de dysfonction épisodique. Ils sont la plus fréquente cause de dysfonction de la main-d’œuvre au Canada et on reconnaît qu’ils représentent des facteurs de risque à l’égard du syndrome cardiométabolique, des démences (p. ex., la maladie d’Alzheimer) et de plusieurs maladies inflammatoires. De plus, la présence de symptômes dépressifs est associée à l’aggravation des comorbidités, ce qui rappelle la nécessité de diagnostiquer, de traiter et de gérer les symptômes dépressifs comorbides chez les patients de médecine. Selon des modèles récents d’étude de l’étiologie des pathologies, des altérations de l’« environnement inflammatoire » seraient à la fois une conséquence et une cause des troubles de l’humeur. L 1) Les troubles de l’humeur sont faciles à dépister. Des questions comme « Êtes-vous déprimé? » et/ou « Perdezvous l’intérêt pour les activités que vous aimiez? » sont raisonnablement sensibles et spécifiques et permettent de vérifier si le patient présente des symptômes dépressifs cliniquement significatifs, lorsque ces sentiments persistent depuis plusieurs semaines et qu’ils l’empêchent de bien fonctionner. On encourage les médecins à débusquer la dépression chez tous les patients qui souffrent de problèmes rhumatologiques et à mesurer la gravité des symptômes au moyen d’un outil de dépistage/d’évaluation connu sous le nom de Questionnaire sur la santé du patient-9 (ou PHQ-9). Un score supérieur à 4 (les scores vont de 0 à 27) signifie que le patient présente des symptômes dépressifs cliniquement significatifs. Pour plus de renseignements sur le PHQ-9, on peut se rendre à l’adresse http://www.depression-primarycare.org/clinicians/toolkits/materials/forms/phq9/. 32 JSCR 2012 • Volume 22, numéro 2 2) Les modèles actuels d’étude des troubles de l’humeur attribuent un rôle au système inflammatoire. Les personnes qui souffrent de troubles de l’humeur présentent des augmentations significatives de leurs taux de cytokines pro-inflammatoires (p. ex., interleukine [IL]-1, IL-6, facteur de nécrose tumorale alpha [TNF-alpha], interféron). Ces augmentations reviennent souvent à la normale (pas dans tous les cas) lorsque les symptômes de dépression sont en rémission. De plus, des antécédents de « maladie inflammatoire » (p. ex., maladies auto-immunes) accroissent significativement le risque de troubles de l’humeur incidents. 3) L’inflammation est-elle un biomarqueur de la dépression? La recherche psychiatrique tente de déterminer si la présence d’un biomarqueur/d’une biosignature inflammatoire ne permettrait pas de reconnaître les personnes à risque à l’égard de la dépression. De plus, dans le même esprit, on tente de découvrir si un biomarqueur/une biosignature inflammatoire peut rendre certaines personnes plus susceptibles de répondre à une modalité antidépressive donnée. En somme, on croit que l’avenir de la psychiatrie fera appel à des outils diagnostiques et thérapeutiques à base de biomarqueurs, et les protéines inflammatoires sont appelées à jouer un rôle déterminant à cet égard. 4) Bon nombre des symptômes de la dépression sont directement liés à l’inflammation. Certains symptômes dépressifs courants (p. ex., atteinte cognitive, anorexie, fatigue, abaissement du seuil douloureux, cachexie) seraient modulés par la présence des cytokines proinflammatoires. 5) L’inflammation rend le cerveau déprimé. La recherche effectuée au moyen de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) chez l’être humain a permis d’établir un lien entre une augmentation des taux de marqueurs inflammatoires périphériques et certaines altérations des circuits cérébraux qui sous-tendent la symptomatologie de la dépression. 6) Un traitement à base de cytokines peut être très dépressogène. L’interféron utilisé pour traiter l’hépatite C et d’autres maladies est l’un des médicaments les plus dépressogènes de l’arsenal pharmacologique. Fait à noter, les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) administrés en prophylaxie se sont révélés aptes à réduire significativement les risques de dépression associés au traitement par interféron, ce qui rappelle le rôle de « modulateur de l’inflammation » joué par le traitement antidépresseur classique. 7) Plusieurs traitements classiques utilisés pour lutter contre les maladies inflammatoires possèdent des propriétés antidépressives. Selon des preuves reproductibles, les inhibiteurs de la cyclooxygénase-2 (COX-2), les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et certains agents biologiques (p. ex., anti-TNF) ont des propriétés antidépressives, qui sont indépendantes de leurs effets sur l’amélioration de la qualité de vie et de la mobilité. Les chercheurs tentent actuellement de vérifier l’hypothèse selon laquelle les anti-TNF pourraient jouer un rôle dans le traitement des troubles de l’humeur réfractaires à un traitement tertiaire. 8) Les antidépresseurs classiques sont « anti-inflammatoires ». En effet, les antidépresseurs classiques (p. ex., ISRS) et les stabilisateurs de l’humeur (p. ex., lithium) se sont tous révélés capables de réduire les taux périphériques de cytokines proinflammatoires et/ou d’améliorer les taux circulants de cytokines anti-inflammatoires. 9) La psychothérapie est anti-inflammatoire. Des preuves récentes indiquent aussi que les psychothérapies structurées utilisées pour la dépression (p. ex., approche cognitivo-comportementale) réduisent le taux de réactifs de phase aiguë et de cytokines pro-inflammatoires. 10) Les maladies chroniques appellent des traitements chroniques. Les recommandations actuelles en ce qui concerne la durée des traitements pour la dépression préconisent l’administration des antidépresseurs pendant au moins 9 à 12 mois après un épisode isolé de dépression, si le rétablissement fonctionnel est complet, et si les facteurs de perpétuation ont été éliminés. Pour la plupart des autres cas (p. ex., épisodes multiples, comorbidités, maladies rhumatismales, facteurs de stress incontournables), on recommande un traitement de plusieurs années, voire de durée indéfinie. Cette recommandation concorde bien avec la Loi de Moïse selon laquelle « Il est plus facile de formuler un commandement que de le suivre ». Roger S. McIntyre, M.D., FRCPC Professeur agrégé de psychiatrie et de pharmacologie, Université de Toronto Chef, Unité de psychopharmacologie des troubles de l’humeur Réseau universitaire de santé, Toronto, Ontario L’ultrasonographie musculo-squelettique pour les rhumatologues L’ultrasonographie musculo-squelettique (MSK) est de plus en plus reconnue comme moyen utile d’appuyer les évaluations cliniques en pratique rhumatologique. La Société pour l'ultrasonographie en rhumatologie au Canada (SURC) a le plaisir d’annoncer notre deuxième cours d’introduction. Ce cours repose sur un modèle de formation unique s’échelonnant sur trois fins de semaine. On y offre de la formation pratique et un volet formation en ligne où l’on analyse des images présentées par les participants entre les fins de semaine de formation. Outre des professeurs canadiens de renom, le cours de formation sera aussi donné par des spécialistes reconnus à travers le monde, notamment le Dr Wolfgang Schmit, la Dre Marina Backhaus, le Dr Gurjit Kealey, le Dr David Bong, le Dr Luca di Geso et le Dr Emilio Filippucci. Le prochain cours aura lieu les 28 et 29 septembre 2012, les 25 et 26 janvier 2013 et du 10 au 12 mai 2013. Si le prochain cours vous intéresse, veuillez nous en aviser par courrier électronique à l’adresse suivante: [email protected] avant le 15 juillet 2012 vous pouvez aussi trouver des informations sur notre site web http://www.crus-surc.ca/fr/courses/. JSCR 2012 • Volume 22, numéro 2 33