Théories Linguistiques et Syntaxe du Français Nora Boneh, [email protected] http://lg017.free.fr LG017, 2e semestre 2002-2003 Université Paris 7 Le pronom réfléchi et les constructions pronominales 1. Bibliographie Benveniste, E. 1966. Problèmes de linguistique générale. Gallimard. Paris. Kayne, R.S. 1975. Syntaxe du français : le cycle transformationnel. Traduit par P. Attal. Seuil, Paris. Chapitre 5. Kayne, R. 2000. Parameters and Universals. Oxford University Press. Chapitre 8. Reinhart, T. & Siloni, T. 1999. Against the Unaccusative Analysis of Reflexives. http://www.tau.ac.il/~reinhart/ling_dl/RS_refl.rtf Zribi-Hertz, A. 1987. La réflexivité ergative en français moderne. Le français moderne 55. 2. Morphologie 2.1 s- vs l- (Kayne 2000) : s- comme m- et t- se combine avec -es, -a, -on, -ien pour former les adjectifs et les pronoms possessifs : (1) a. b. c. d. mon/ton/son ma/ta/sa mes/tes/ses mien/tien/sien/*lien et avec -oi pour former les pronoms forts : (2) moi/toi/soi/*loi Contrairement à l- qui en se combinant avec -es, -a, -on forme l’article défini. lne se combine pas avec -ien ni avec -oi. : m-, t-, s- sont mono-morphémiques la voyelle -e est une voyelle épenthétique qui est insérée entre deux consonnes : (3) a. b. Jean m’invite/t’invite/s’invite Jean me voit/te voit/se voit (4) a. b. *Invite-me/te ! Invite-le/la ! La voyelle e après l-, n’est pas une voyelle épenthétique, c’est le morphème du genre/nombre [masculin singulier] ; -e après l- contraste avec le féminin en -a et avec le pluriel en -es. Le genre et le nombre ne sont donc pas marqués sur les clitiques m-/t- : (5) a. b. *Jean ma voit/ta voit/sa voit *Jean mes voit/tes voit/ses voit 1 Théories Linguistiques et Syntaxe du Français Nora Boneh, [email protected] http://lg017.free.fr LG017, 2e semestre 2002-2003 Université Paris 7 [-es, -a marquent le nombre ou le genre du syntagme nominale possédé]. : n-, v- sont les marques des première et deuxième personnes du pluriel sans genre. 2.2 Résumé • m-/t-/s-/n-/v- marquent la personne. • l- ne fait pas partie de la même classe, il ne marque pas la personne, ce n’est pas un pronom de 3ème personne. On se réfère à lui en tant que pronom déterminant (voir Benveniste 1966 pour l’idée que seules les 1ère et 2ème personne existent). • Contrairement à me/te/se qui sont monomorphémiques, le est bimorphémique. 2.3 Le pronom s(e) en tant qu’anaphore. On lui attribue cette propriété puisqu’il n’est pas spécifié, morphologiquement, ni pour le nombre, ni pour le genre, ni pour la personne – il est spécifié négativement comme étant ni 1ère ni 2ème personne. (me/te peuvent être interprété comme des pronoms ou comme des anaphores). Il faut noter que s- qui se combine avec -a/-es/ien ou -oi n’est pas anaphorique. Donc s- est non-anaphorique s’il se combine avec un autre morphème. 3. La distribution de se : Est-ce qu’il est généré en I° ou déplacé vers I° comme les autres clitiques ? 3.1 propriétés de se : se est co-référentiel toujours avec le sujet de la phrase : (6) a. b. Jeani sei lave Jeani si’offre un bain jamais à l’objet direct ou indirect : (7) a. b. c. d. La psychiatrie a révélé Jeani à lui-mêmei *La psychiatrie si’est révélé Jeani Je montrerai Jeani à lui-mêmei *Je sei montrerai Jean : Comme les autres clitiques, se n’apparaît pas en isolation : (8) a. b. c. Jean se photographie Qui Jean photographie-t-il ? -*se 2 Théories Linguistiques et Syntaxe du Français Nora Boneh, [email protected] http://lg017.free.fr LG017, 2e semestre 2002-2003 Université Paris 7 : se précède le verbe ou auxiliaire : (9) a. b. Jean se regarde Jean s’est regardé : se ne peut pas être conjoint : (10) *Jean se et te photographiera- : se ne peut pas être ou modifié : (11) *Jean se-même photographiera 3.2 se est généré directement sur I° : contre une analyse de déplacement (12) * [Jean se lave t] se n’est pas l’objet direct/indirect qui s’est déplacé de la position thématique. Les arguments suivants montreront que les verbes pronominaux se comportent comme des verbes intransitifs – qui ne contiennent pas une position vide d’objet. : Le choix de l’auxiliaire : Les verbes transitifs sélectionnent toujours l’auxiliaire avoir. Les verbes pronominaux sélectionnent toujours l’auxiliaire être. : L’accord sur le participe est toujours obligatoire dans le cas de verbes pronominaux : (13) a. b. Marie les a décrit(es) Marie s’est décrit*(e) : Les verbes transitifs (14b) sont exclus des constructions impersonnelles (14a), les constructions à verbes pronominaux ne le sont pas (14b) : (14) a. b. c. Il est arrivé trois filles *il lesi a dénoncés ti trois mille hommes ce mois-ci ? il s’est dénoncé trois mille hommes ce mois-ci : Les constructions causatives (factitives) : (15) a. b. faire + verbe transitif : le sujet du verbe transitif est introduit par la préposition à faire + verbe intransitif : le sujet du verbe intransitif est l’objet direct 3 Théories Linguistiques et Syntaxe du Français Nora Boneh, [email protected] http://lg017.free.fr (15’) a. b. c. Je ferai laver Max à Paul Je ferai courir Paul Je le ferai courir (16) *Je ferai se laver à Paul Je ferai se laver Paul Je le ferai se laver a. b. c. LG017, 2e semestre 2002-2003 Université Paris 7 Deux observations : i. Paul apparaît sans préposition avec le verbe pronominal ii. Le lieux de la cliticization diffère entre le et se (15’c vs. 16c). : Dans les constructions à se intrinsèque (verbes essentiellement pronominaux), il n’y a pas de complément d’objet direct à partir duquel se pourrait se déplacer : (17) a. b. Jean s’est évanoui Jean s’est repenti 4