I. Les guêpes choisissent le sexe de leurs enfants Eric Darrouzet et

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I.
Les guêpes choisissent le sexe de leurs enfants
Eric Darrouzet et Claude Chevrier, Maître de conférences à l’université de Tours (Institut de
Recherche sur la Biologie de l’Insecte (IRBI)) et Professeur de biologie à l’université de
Tours
Les femelles parasitoïdes (guêpes) peuvent adapter leur sex-ratio de ponte selon qu’elles
« préférent » engendrer une femelle ou un mâle. Explications.
Dans le monde des insectes, la question éthique du choix du sexe de la progéniture ne se
pose pas car, à la différence de l’homme, certaines espèces ont un mode de reproduction
particulier permettant aux femelles de contrôler parfaitement le sexe de leurs descendants.
Parmi ces insectes, on peut distinguer les Hyménoptères (fourmis, abeilles, parasitoïdes...).
Les parasitoïdes sont des petites guêpes dont le système de reproduction est la
parthénogenèse arrhénotoque ; ce terme complexe signifie que les femelles peuvent pondre
des œufs fécondés par un spermatozoïde (œufs diploïdes) qui se développeront en femelles,
mais aussi des œufs non fécondés par un spermatozoïde (œufs haploïdes) qui se
développeront en mâles. De ce fait, la femelle peut choisir le sexe de son œuf « tout
simplement » en le fécondant ou non par un spermatozoïde qu’elle prélèvera dans un organe
de stockage, la spermathèque, où les spermatozoïdes sont stockés après l’accouplement. Elle
pondra ensuite son œuf sur, ou dans, un insecte hôte. Après éclosion, la larve parasitoïde se
développera aux dépends de l’hôte qui lui servira de ressource nutritive pour atteindre le stade
adulte.
Facteurs conditionnant le « sex-ratio » de la ponte
Une femelle parasitoïde va donc pouvoir choisir de pondre des filles et des fils tout au long
de sa vie, mais ce choix va dépendre de facteurs internes ou externes. Parmi les facteurs
internes, on peut distinguer le statut reproductif de la femelle (vierge ou accouplée) ainsi que
la qualité de l’insémination. Par exemple, une femelle vierge pourra produire des descendants,
mais uniquement des fils. De même, une femelle inséminée avec un faible nombre de
spermatozoïdes produira uniquement des fils dès qu’elle aura vidé sa spermathèque. Dans le
même sens, l’âge des femelles va influer sur le sex-ratio de la ponte (proportion de fils et de
filles), car plus une femelle sera âgée plus elle produira de fils, la quantité et/ou la qualité des
spermatozoïdes diminuant avec le temps.
En plus des facteurs internes, des facteurs environnementaux vont moduler le sexe des
œufs produits. Ces facteurs peuvent être classés en deux groupes. Le premier groupe est
constitué par des facteurs biotiques parmi lesquels on peut distinguer la compétition entre
femelles pour les ressources de ponte (les hôtes) ainsi que la qualité des hôtes (taille de l’hôte,
hôte déjà parasité ou non, etc.). Le second groupe concerne les facteurs abiotiques comme les
conditions climatiques (température, humidité) et photopériodiques. En général, une femelle
produira plus de fils quand d’autres femelles sont présentes dans l’environnement, quand elle
est confrontée à des hôtes de petites tailles ou déjà parasités, ou quand elle est confrontée à
des températures extrêmes. De ce fait, dans des conditions environnementales variables, une
femelle adaptera son sex-ratio de ponte, c’est-à-dire « choisira » de pondre un fils ou une fille.
Le travail de recherche mené au laboratoire a pour objectif de mesurer l’importance des
différents facteurs qui vont influer sur la proportion des deux sexes dans les populations de
parasitoïdes. Ces études doivent nous permettre de mieux comprendre comment et pourquoi
les femelles utilisent leur stock de spermatozoïdes. En plus de l’aspect scientifique, les
résultats de ces travaux peuvent intéresser des entreprises spécialisées dans la production de
parasitoïdes comme outils de lutte biologique. Mieux connaître les mécanismes de
reproduction de ces insectes peut permettre d’optimiser leur production de masse. Les insectes
hôtes des parasitoïdes se développent en général dans des graines ou fruits d’intérêt
agronomique entraînant ainsi des pertes économiques parfois très importantes. L’intérêt des
parasitoïdes en lutte biologique est de limiter le développement de ces hôtes et donc de
protéger des cultures sans utiliser de pesticides.
Eric Darrouzet et Claude Chevrier, Maître de conférences à l’université de Tours
(Institut de Recherche sur la Biologie de l’Insecte (IRBI)) et Professeur de biologie à
l’université de Tours
Le Mensuel de l’Université No. 14 | Janvier-Février 2006
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