Des miIlions d`Arn6ricains souffrent du syndro e de la

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Des miIlions d'Arn6ricains souffrent du syndro e de la fatigue chronique
OutreAtktntique, les chercheurs s'interrogent:le SFC est-il dä åun virus ouåun
Mrovirus ? Pendant ce temps, les charlatans prosprent..
ous avez compose le 800-442-34-27..
Vous 8tes bien en contact avec ?Association d'Entraide des Malades du
Syndrome de la Fatigue chronique. Si
vous desirez des renseignements sur la
maladie, appuyez sur la touche I ; si vous voulez
des informations precises sur l'impact de la
fatigue chronique sur les enfants et la grossesse,
appuyez sur la touche 2. Si vous souhaitez une
liste de medecins specialises dans le traitement de
cette maladie appuyez sur la touche 3. »
Aux grands maux, les grands remedes. Selon
les statistiques, ii y aurait aux Etats-Unis entre 2
et 5 millions d'Americains frappes de « fatigue
chronique », une maladie plus grave que la simple
depression ou la grippe puisqu'elle transforme les
malades, souvent d'anciens hyperactifs, en chiffes
molles. Elle est meme l'une des principales causes
des consultations medicales. Sam parler de cas
celebres comme celui de la chanteuse Cher ou du
metteur en scene Blake Edwards, les medecins
specialises citent des exemples effrayants de
patients qui, du jour au lendemain ont s'aliter,
cesser toute activite et pour lesquels le sirnple fait
de se lever, de se doucher ou de traverser la rue
prend, six mois plus tard, des allures d'epreuve
insurmontable.
Du coup, le systeme associatif, le corps medical
et les medias se mobilisent. Le syndrome de la
fatigue chronique a dejå suscite la creation de pres
de 400 associations, comme la Chronic Fatigue
Immune Dysfunction Syndrome Association
(CFID S Association) basee å Charlotte, en
Caroline du Nord. Trois d'entre elles publient
une lettre d'information et diffusent des brochures pedagogiques. La plupart participent financierement å l'entretien d'un lobbyist, installe å
Washington, qui leve des fonds pour la recherche.
Les lignes rouges des Centres pour le Contröle
des Maladies re9oivent en moyenne 2000 appels
par mois pour la fatigue chronique. Selon l'Association nationale des Consommateurs americains,
seul le sida a provoque plus de demandes de
renseignements å l'Institut national de la Sante.
Recemment enfin, le gouvernement federal a
decide de parrainer une etude pour etablir une
carte de la maladie et determiner si le fleau est en
progression ou en regression.
Pas de maladie serieuse » outre-Atlantique
sans un chercheur-vedette. Avec les travaux
d'Elaine DeFreitas, virologue å l'Institut Wistar
.
12 /LE NOUVEL OBSERVATEUR MOSSIER
de Philadelphie, l'Amerique a cru un moment analyses des laboratoires americains, pas plus que
l'avoir trouve. En septembre 1990, lors d'un les examens physiques ne sont capables de
symposium scientifique å Kyoto, DeFreitas a fait detecter le syndrome de la fatigue chronique
une communication qui lui a valu la une de tous les
(SFC). Ilfaut donc s'en tenir aux criteres etablis
joumaux americains. S'appuyant sur les travaux en 1988 par le Centre de Contröle des Maladies,
de deux autres medecins, Paul Cheney et David l'organisation officielle chargee d'etudier et d'etiBell, Elaine DeFreitas affirmait avoir pratique- queter les maladies. Est pretendu atteint du SFC
ment identifie le responsable du syndrome de la un patient qui souffre de fatigue persistante
fatigue chronique : un retrovirus baptise depuis au moins six mois, a reduit en consequence
HTLV-2, de la meme espece que celui du sida, son activite professionnelle de moiti, mais dont
mais sans son pouvoir de destruction terrifiant.
repuisement n'est lie ni å une anemie, ni å une
Depuis, ii a fallu dechanter. La communaute affection thyroidienne, ni å une insuffisance
scientifique et les chercheurs americains eux- - cardiaque, ni å une depression, ni å un cancer. En
memes ont reconnu que l'enthousiasme des d'autres termes, les huit symptömes retenus
premiers temps etait excessif. Le retrovirus ? Une (frissonnement, mal de gorge, douleur muscusimple speculation. « IJ s'est ensuivi une grande laire, maux de tete, ganglions, fatigue extreme,
deception, raconte Francis Mas, psychiatre desordres du sommeil, troubles de la memoire)
new-yorkais. Aux Etats-Unis, on aime bien les constituent une condition necessaire mais non
explications concretes, surtout pour une maladie suffisante. Ils permettent de presumer l'existence
associee å la depression, elle-m'eme consideree de ce type de depression. Ils n'en administrent pas
souvent comme une carence de la volonte. Rien de la certitude absolue.
La tkhe du corps medical est d'autant plus
tel qu'un bon virus, agent d'infection reconnu :
aurait clarifie les choses et deculpabilise les ardue que les troubles sont å la fois psychiques et
organiques et qu'ils entretiennent les uns avec les
patients. »
Tant pis pour les rationalistes, positivistes, autres des rapports complexes. L'histoire mediscientistes et autres productivistes : la fatigue cale des patients revele souvent une predisposichronique, sacree maladie de la decennie aux tion å la depression ou å ranxiete, sans que l'on
Etats-Unis comme retait l'hypoglycemie dans les sache exactement si elles sont un element deterannees 70, demeure mysterieuse. «Nous ignorons minant ou un simple facteur declenchant. Pour
encore s'il s'agit d'une nouvelle maladie ou d'un traiter ces grands malades, les medecins n'ont
syndrome ancien qui aurait ete mal diagnostique guere le choix : placebos ou antidepresseurs. Un
auparavant », reconnait Paul Cheney. Indepen- espoir la pemoline, dejå utilisee sous le nom de
damment du debat fondamental entre psycholo- Cylert pour les enfants hyperactifs.
Evidemment, les charlatans ont vite flaire le
gues et physiologues sur la veritable nature du
mal, endocrinologues, neurologues et virologues parti qu'ils pouvaient tirer d'une maladie å la
se disputent ferocement pour trouver, dans une mode, presque aussi « populaire » que le cancer et
longue liste de suspects, le coupable. Longtemps, qui, å l'instar du sida, a genere ses propres
les virologues ont tenu la corde. Accuse : le virus mythes : contagion, incurabilite, propagation
Epstein-Barr, convaincu dans le passe d'etre å rapide. « Consumer Reports », requivalent de « 50
l'origine de la mononucleose et presume respon- Millions de Consommateurs », racontait recemsable d'une nouvelle maladie du sommeil. Ac- ment rodyssee d'un de ses journalistes, promene
quitte, fmalement, au benefice du doute. Les de medecin en medecin, confronte å chaque fois
soup9ons se sont ensuite orientes vers un autre å un diagnostic different et å une pharmacopee
virus, propagateur de l'herpes, et connu pour ses plus coilteuse— des intraveineuses d'eau oxygenee
ravages chez les enfants. Disculpe une fois encore, aux remedes homeopathiques, en passant par les
faute de preuves suffisamment convaincantes. II injections intramusculaires de vitamines et une
n'« attaquerait » que si un « complice » (predisposi- prescription de naltrexone, une drogue utilisee
tion genetique, stress) lui avait prealablement pour traiter les heroMomanes. De quoi fatiguer
ouvert le chemin.
n'importe quel organisme sain !
Tant d'incertitudes sur la maladie engendrent
naturellement une confusion sur les remedes. Les
JEAN-GABRIEL FREDET
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