Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie 1 Les intoxications par les fumées d’incendie Dr Bruno Mégarbane Réanimation Médicale et Toxicologique INSERM U26 - Université Paris VII Hôpital Lariboisière, Paris Introduction (1) Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie 2 Les incendies : Environ 5000 morts par an aux USA 80% des décès en relation avec l'inhalation de fumées toxiques L’inhalation de fumées d’incendie: Cause d ’incapacitation et de mort Pourquoi ? – Décès précoce (per exposition) 80% – Décès tardif (post-exposition) 20% Introduction (2) Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie Les feux exposent à trois risques: – le risque thermique – le risque traumatique – le risque chimique L’intoxication par les fumées associe : – une atteinte irritative respiratoire et oculaire – une atteinte systémique anoxique, neurologique et cardiaque 3 Introduction (3) Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie Principaux composés des fumées d’incendie Composés à l’origine d’une toxicité par anoxie cellulaire directe : • Dioxyde de carbone (CO2) • Monoxyde de carbone (CO) • Acide cyanhydrique (HCN) • Anhydres : anhydre sulfureux, hydrogène sulfureux • Monoxyde d’azote (NO) Composés à l’origine d’une toxicité par irritation muqueuse : • Suies (composés microparticulaires polycycliques azotés et carbonés) • Aldéhydes : acroléine, formaldéhyde, butyraldéhyde, acétaldéhyde, … • Dérivés de l’azote : oxyde d’azote et ammoniac, isocyanates et amines • Acides minéraux : acide chlorhydrique, fluorhydrique, bromhydrique, … • Oxyhalogénures de carbone : phosgène • Vapeur d’eau 4 Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie 5 Inhalation de fumées Le signe fondamental est la présence de suies dans les voies aériennes supérieures (nez, bouche, expectorations). Valeur diagnostique de la présence de suies vis-à-vis d’une intoxication par CO ou CN Sensibilité (%) Spécificité (%) Valeur prédictive positive (%) Valeur prédictive négative (%) Intoxication oxycarbonée 83 63 43 92 Intoxication cyanhydrique 98 56 28 99 Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie Mécanismes de toxicité des fumées 6 L’inhalation de fumées est à l’origine de 2 syndromes toxiques : – Le syndrome de déprivation en oxygène et d’intoxication par les gaz asphyxiants. – Le syndrome d’intoxication par les gaz irritants. Ces deux syndromes s’associent à des degrés divers. Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie 7 Le syndrome de déprivation en oxygène et intoxication par gaz asphyxiants Les toxiques en cause : – FiO2 – CO – CO2 – HCN – Autres gaz ? Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie Les 3 principaux gaz asphyxiants • CO: production rapide et massive – HbCO à 30-40% incapacitant – HbCO à 60% décès • CN: dégagé par la combustion de nombreux composés naturels (soie, laine, caoutchouc) ou synthétiques (polyacrylonitriles, nitrates de cellulose, polyamides, polyuréthanes) • CO2: - Augmentation de la ventilation minute - Augmentation des autres toxiques inhalés 8 Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie 9 Le syndrome de déprivation en oxygène et d’intoxication par les gaz asphyxiants L’anoxie s’exprime par des manifestations – neurologiques – cardiovasculaires – métaboliques (hyperlactatémie) Manifestations neurologiques Trouble neurologique Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie 10 Lenteur d’idéation, agitation, Confusion mentale, Perte de connaissance, coma Ils prédisposent aux complications respiratoires. HANTSON et coll. Chest, 1997;111:671-675 Intoxication cyanhydrique Valeur prédictive d’un trouble neurologique si présence de suies CN sanguin ≥ 40 µmol/l CN sanguin < 40 µmol/l Présent 39 50 Absent 1 48 Sensibilité Spécificité VPP VPN : 98 % : 49 % : 44 % : 98 % Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie 11 Manifestations cardiovasculaires Collapsus, arrêt cardiorespiratoire compliquent exceptionnellement les intoxications par le CO pur. L’association d’une hypotension artérielle < 100 mm Hg et d’un trouble neurologique permet d’évoquer une intoxication cyanhydrique avec une spécificité de 85% Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie 12 Relation entre la pression artérielle, la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire, les lactates et la sévérité clinique de l'intoxication oxycarbonée aiguë Symptômes CO (mmol/l) Moyenne ± ET PA (mmHg) FC (bat/min) Moyenne ± ET Moyenne ± ET Sévères n= 54 2,87 + 2,15 123,8 ± 19,3 87,7 ± 15,5 Modérés n= 12 0,84 + 0,82 126,2 ± 18,3 85,3 ± 19,6 Mineurs n= 65 0,43 + 0,56 125,3 ± 18,2 82,2 ± 13,2 Asymptomatiques n=15 0,38 + 0,45 128,3 ± 18,7 79,7 ± 6,5 0,86 0,065 Kruskall-Wallis valeur p BENAISSA et Coll. Intensive Care Med 2003 Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie 13 Relation entre la pression artérielle, la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire, les lactates et la sévérité clinique de l'intoxication oxycarbonée aiguë. Symptômes CO (mmol/l) Moyenne ± ET FR (cycl/min) Lactates (mmol/1) Moyenne ± ET Moyenne ± ET Sévères n= 54 2,87 + 2,15 19,1 ± 4,3 3,2 ± 1,74 Modérés n= 12 0,84 + 0,82 18,9 ± 3,3 2,3 ± 1,2 Mineurs n= 65 0,43 + 0,56 18,8 ± 4,8 1,9 ± 0,9 Asymptomatiques n=15 0,38 + 0,45 17,2 ± 4,3 1,9 ± 0,7 0,66 < 0,0001 Kruskall-Wallis valeur p BENAISSA et Coll. Intensive Care Med 2003 Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie Relation entre lactates et sévérité des intoxications par CO purs 14 - Élévation modérée des lactates : 2,3 mmol/l [1,1-3,76]. - Lactates ≥ 4 mmol/l chez 7% des patients Lactate plasma concentration (mmol/l) 12 10 8 6 4 2 0 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Blood CO concentration (mmol/l) BENAISSA et Coll. Intensive Care Med 2003 Valeur prédictive des lactates au cours des inhalations de fumées d’incendie Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie 15 Chez une victime d’incendie, une lactacidémie ≥10 mmol/l est un signe d’intoxication cyanhydrique définie par une concentration de cyanure sanguin ≥ 40 µmol/l Sensible : 87 % VPP : 95 % Spécifique : 94 % BAUD et coll. NEJM 1991;325:1761-1766 Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie 16 Syndrome d’intoxication par les gaz irritants Les manifestations cliniques de cette atteinte sont : – respiratoires – oculaires Ils participent à l’effet incapacitant L’action peut être retardée (détresse respiratoire à h48) Manifestations oculaires Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie 17 La persistance de la conjonctivite à l’admission doit faire craindre une atteinte respiratoire associée. Manifestations respiratoires • Dysphonie + dyspnée inspiratoire = laryngite obstructive • Dyspnée expiratoire + wheezing = bronchospasme • Polypnée + crépitants = bronchopneumonie chimique La dysphonie et la présence de ronchi sont associées à une augmentation de la durée d’hospitalisation Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie Aspects lésionnels secondaires à l’inhalation de suie 18 Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie Radiographie du thorax La valeur pronostique et la spécificité des anomalies observées sont très faibles. Peut être strictement normale à l’admission malgré une évolution défavorable Épreuves fonctionnelles respiratoires Paramètre indispensable de surveillance 19 Autres gaz toxiques ? Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie 20 Décès précoce Déprivation en O2 Gaz narcotique : CO , HCN Gaz irritants ? Un nombre important de morts sont d ’origine toxiques mais sans concentrations létales de CO ou de CN. Baud et al. N Engl J Med. 1991;325:1761-1766 Synergie of CO-CN ? Effet d ’autres gaz inconnus ? Autres gaz toxiques ? - Résultats Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie 21 15 composés organiques volatiles ont été associés au décès par inhalation de fumées d’incendie • • • • • • • éthyl acétate acrylonitrile propionitrile tétrahydrofurane toluène benzène o-xylène • • • • • • • • p-xylène éthylbenzène nitrométhane trichlorofluorométhane indène trichloroéthylène 2 pentanone acétaldéhyde HOUETO P, données non publiées Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie 22 Quelle analyse toxicologique de routine ? – Le dosage de la carboxyhémoglobine ou du monoxyde de carbone – La concentration en cyanure sur sang total Ils doivent être fait sur un échantillon sanguin obtenu sur les lieux du sinistre. Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie Interprétation de l’oxymétrie pulsée 23 Les oxymètres de pouls ne sont pas capables de distinguer la carboxyhémoglobine de l'oxyhémoglobine, le résultat rendu est faussement rassurant. RUTTIMANN et Coll. JEUR,1991;4:112-115 Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie Traitement de l’intoxication par le CO Oxygénothérapie normobare Oxygénothérapie hyperbare (1 heure à 2 ATA): – Perte de connaissance – Coma – Déficit neurologique – Insuffisance coronarienne – Enfants – Femmes enceintes 24 Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie 25 Quand suspecter une intoxication cyanhydrique ? Signes cliniques en rapport avec une intoxication par CO pure : Manifestations neurologiques FR = N PA systolique = Nal Faible élévation des lactates (3 mM) Décès Séquelles Syndrome neurologique intervallaire Signes cliniques en rapport avec une intoxication cyanhydrique associée : Manifestations neurologiques Hypopnée (FR < 12 /min) ou apnée Défaillance cardio-circulatoire Elévation des lactates ≥ 10 mM Décès Séquelles Syndrome neurologiques intervallaire Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie Les 2 principales antidotes du CN EDTA (Kelocyanor®) Efficace 26 Hydroxocobalamine (Cyanokit®) Efficace Tolérance médiocre : Tolérance bonne : Hypo- et hypertension Tachycardie Nausées / vomissements Diarrhée Réactions anaphylactoïdes Réactions allergiques rares Coloration rouge du patient et des urines Effets d'autant plus sévères que le patient n'est pas intoxiqué ... Dose : 5 g renouvelable L’oxygénothérapie est efficace expérimentalement et cliniquement Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie Complications et séquelles 27 Phase précoce : Lésions de barotraumatisme Infections respiratoires nosocomiales. Phase tardive : • Séquelles respiratoires hyper-réactivité bronchique non spécifique (Syndrome de Brooks) • Bronchiolite oblitérante • Bronchectasies Séquelles neurologiques : • L’inhalation de fumées est une cause de syndrome post-intervalaire Point actuel sur l ’inhalation de fumées d ’incendie Conclusion 28 L'inhalation de fumée est à l'origine non seulement d'une maladie aiguë (toxicité systémique et pulmonaire) pouvant engager le pronostic mais également d'une maladie chronique avec séquelles fonctionnelles, neurologiques ou respiratoires. Physiopathologie: Des gaz toxiques autres que le monoxyde de carbone, tel le cyanure, méritent d'être pris en compte.