Pourquoi cette panique face la crise de croissan

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CHRONIQUE ECONOMIQUE
PAR HUBERT TASSIN
Gaspal Gestion
15 Boulevard de la Tour Maubourg
75007 Paris
01 42 68 19 94
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Pourquoi cette panique face à la crise de
croissance chinoise ?
Nouvelle panique sur les marchés financiers. On sait que lorsque les Bourses font la
une des médias, c'est mauvais signe : soit on est dans une hausse excessive qui
attire les mains fragiles, soit une rupture provoque une spirale de ventes. Dans les
deux cas les mouvements s'autoalimentent et la psychologie des foules fait le reste :
panique à l'achat ou panique à la vente. On était hier dans le deuxième cas.
La redistribution des cartes du commerce mondial s'est
imposée après la crise de 2008
La rupture qui s'est exprimée au travers de ce nouveau lundi noir du 24 août s'est
largement annoncée dans les derniers mois et même les derniers trimestres. Il s'agit
de la crise de croissance chinoise. Le point d'origine peut être fixé aux années 20072008, avec l'éclatement de la bulle du crédit hypothécaire américain. On a assez
analysé les déséquilibres qui ont conduit à la crise financière, partie des subprimes,
ces crédits accordés aux ménages américains mauvais débiteurs. Le deal passé de
fait par l'administration Clinton avec l'entrée de la Chine dans l'Organisation Mondiale
du Commerce sur des taux de change de combat avait transféré la production
industrielle des pays développés vers la Chine, suivie par d'autres pays émergents.
En contrepartie, les ménages américains devaient bénéficier de la déflation des prix
(pour gonfler leur pouvoir d'achat) et des possibilités pratiquement illimitées
d'endettement gagé sur l'immobilier (pour augmenter le revenu disponible apparent).
En réalité, c'est la création de valeur qui était ainsi exportée et la hausse continue de
l’immobilier résidentiel américain dans toutes ses composantes ne pouvait être un
moteur éternel de soutien à la consommation. Les effets de levier sans limite des
marchés de dérivés de crédit – encore une conséquence d'une mesure Clinton, la
dérèglementation des activités bancaires – ont transformé les pertes sur les crédits
de mauvaise qualité américain en une crise bancaire mondiale.
Le sauvetage des banques effectué, avec le transfert ou l'adossement des créances
aux États ou à des organismes supranationaux a été le préalable à une modification
des éléments constitutifs de la crise économique la plus grave depuis celle des
années 1930. Ce sont les termes des échanges commerciaux qui ont été révisés, de
façon à rapatrier une part de la marge industrielle vers les pays développés.
La croissance américaine des six dernières années est la conséquence de cette
redistribution : les agents économiques du pays en sont la base, ce qui permet un
développement sain du cycle. La contrepartie est un tassement en termes de chiffre
d'affaires et de marges de la Chine et des pays émergents au profil industriel. On est
entré dans une phase de rupture des équilibres du début des années 2000 dont la
Chine était le principal bénéficiaire.
Pour la Chine, la problématique est démographique et sociale
et la consommation pourrait caler
La fin du miracle chinois est la conséquence de cette redistribution des cartes. Elle
tourne à la crise de système, sous le poids – finalement assez classique – de
déséquilibres financiers des organismes bancaires et para-bancaires (les organismes
publics qui pratiquent le shadow banking), qui ont financé des capacités industrielles
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25 Août 2015
CHRONIQUE ECONOMIQUE
PAR HUBERT TASSIN
en excès et de l'immobilier à cours irréalistes. À la bulle immobilière s’est ajoutée
dans la dernière année une bulle boursière, le pouvoir ayant cherché dans l'épargne
un financement pour amortir une partie des créances bancaires.
Les problèmes sont à la taille du pays et de son économie, devenue la troisième du
monde après l'Union Européenne et les États-Unis. Pour autant, les similitudes sont
plus fortes avec le Japon des années 1990 qu'avec l'Amérique des années 1930. Le
passage d'une économie basée sur l'export à une société de consommation moderne
est imposé par les partenaires économiques. Il demande du temps, pour régler les
comptes des bulles et des surinvestissements.
On note que les autorités communistes de la Chine n'ont pas suivi des recettes très
différentes de celles du parti libéral démocrate nippon : recours à l'épargne populaire,
dévaluation compétitive, injections de liquidités, soutien budgétaire aux dépenses
d’infrastructures, maintien hors de l'eau des banques par l'État lui-même ... Mais on
sait que la surchauffe est nécessairement suivie par des années – peut-être plus
d'une dizaine – de stagnation économique.
D'un point de vue théorique, la gestion de cette crise de croissance capitaliste par un
pays totalitaire et communiste dans sa gouvernance va être très intéressante. Des
actions que ne pouvaient se permettre la plupart des pays dans des situations
comparables sont possibles et on va sans doute voir de vraies innovations. Plus
profondément, la problématique spécifique est d'ordre démographique. La croissance
faible, inférieure au potentiel, est porteuse de gros problème sociaux : les nécessités
de l'exode rural vers les mégapoles ne vont pas être satisfaites. Le traitement
autoritaire qui va s'imposer aux dirigeants du parti communiste n'est pas porteur
d'une transition tranquille vers un modèle économique de société de consommation.
Les marchés financiers, à la recherche «d'un effet prix» vont se
focaliser sur les craintes de déflation
Tout cela est certes une rupture, mais on la voyait venir. Pourquoi les marchés
financiers ont-ils été bousculés ? Au-delà des comportements moutonniers des
opérateurs et des ajustements plus ou moins automatiques des fonds d'arbitrage, on
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peut y voir assez paradoxalement la confirmation du poids des économies
émergentes dans le monde. C'est l'ensemble de ces économies qui est affecté :
celles au modèle d'exportations industrielles (comme la Chine) comme celles
exportant des matières premières dans un modèle de rente (comme la Russie). Les
deux sont en effet très liées, les cours des matières premières dépendant de
l'expansion économique mondiale et, singulièrement dans les pays de la croissance
des années 2000.
La réduction de la croissance mondiale est une actualité et plus une spéculation. Elle
impacte les pays développés (et donc leurs économies et leurs monnaies) par reflet.
Certains pays sont plus exposés que d'autres. C'est le cas de l'Allemagne qui avait
imposé à ses homologues européens une règle du jeu lui permettant d'être un des
grands fournisseurs de moyen de production aux pays qui devenaient les usines du
monde.
On sait cependant que les économies matures ont su trouver un mode de
fonctionnement dans une conjoncture de croissance modérée. Les ajustements
monétaires – comme la baisse de 5 % du dollar face à l'euro en une semaine – ont
rapidement tenu compte du recentrage encore plus fort qu'attendu de l'expansion sur
les pays développés. Les Bourses se sont installées, sans doute pour un moment,
dans une forte volatilité à la recherche des équilibres nouveaux.
Les marchés vont cependant à nouveau se focaliser sur l'inflation. Ou plutôt sur les
risques de déflation. Ce risque a été marginalisé dans les scénarios des opérateurs
au cours des derniers mois et il fait son retour en force, sous la pression d'éléments
externes : les cours de l'énergie et les prix des biens importés des économies
émergentes bénéficiant des dévaluations généralisées. L'inflation potentielle ne
s'exprime pas suffisamment en Europe et au Japon, mais aussi aux États-Unis et les
banques centrales sont à la peine pour approcher à terme leur objectif de 2 %, et ne
peuvent pas vraiment agir directement sur les salaires. C'est ce qui explique le
sentiment général d'un maintien des taux de la Réserve Fédérale lors de sa réunion
de septembre.
L'effet prix pour compenser le moindre volume à l'export, c'est le prochain baromètre
pour les gestions d'actifs.
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