rayonnements - Cancer Environnement

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Cancer environnement > Monographies du CIRC > Volume 100D : Rayonnements
Volume 100D, Revue des cancérogènes pour l’Homme :
rayonnements
Tableau : expositions aux rayonnements présentant des indications suffisantes chez l’Homme
Références
Membres du groupe de travail
En juin 2009, 20 scientifiques venus de 9 pays se sont réunis au Centre international de Recherche sur le
Cancer (CIRC) pour réévaluer la cancérogénicité des types de rayonnements déjà classés comme «
cancérogènes pour l’Homme » (Groupe 1) et pour identifier des localisations cancéreuses et des mécanismes
de cancérogenèse supplémentaires (tableau et encadré). Ces évaluations sont publiées dans la quatrième
partie (D) du Volume 100 des Monographies du CIRC1.
Les particules alpha, qui sont constituées de deux protons et de deux neutrons, sont une forme de
rayonnement hautement ionisant possédant un faible pouvoir de pénétration dans les tissus vivants (moins
de 0,1 mm). Les particules bêta sont des électrons ou des positrons qui sont moins ionisants mais plus
pénétrants (jusqu’à quelques millimètres). Les radionucléides qui émettent ces particules présentent des
risques pour la santé principalement suite à une contamination interne. Les indications épidémiologiques
montrent qu’un certain nombre de radionucléides émettant des particules alpha ou bêta augmentent les
risques de cancer pour plusieurs localisations anatomiques (voir tableau). Le groupe de travail a confirmé la
cancérogénicité d’une contamination interne par des radionucléides émettant des particules alpha ou bêta
(Groupe 1).
Après l’accident de Tchernobyl, une nette augmentation du risque de cancer de la thyroïde a été constatée
suite à l’exposition aux radioiodes, en particulier l’iode­131, pendant l’enfance et l’adolescence2,3. Ce risque
accru pourrait être dû à une quantité de lait ingéré supérieure par unité de poids corporel parmi les enfants, à
une dose dans la thyroïde supérieure par unité d’ingestion d’iode­131 provenant du lait, à une plus forte
sensibilité par unité de dose dans la thyroïde, ou à une combinaison de tous ces facteurs.
La source principale d’exposition au radon est la contamination de l’air domestique par le radon émanant du
sol ou des matériaux de construction. Les analyses combinées dans des études cas­témoins estiment
aujourd’hui que l’exposition domestique au radon est la cause principale de cancer du poumon après la
fumée de cigarette (8­15 % de risque attribuable en Europe et en Amérique du Nord)4,5.
Les rayons X et les rayons gamma sont des rayonnements électromagnétiques faiblement ionisants qui
pénètrent les tissus vivants, produisant de façon typique des électrons rapides qui déposent de l’énergie
induisant des lésions dans les tissus. Une étude approfondie des survivants aux bombardements atomiques
montre un risque accru de cancer pour de multiples localisations anatomiques6. Les indications actuelles
s’ajoutent à la liste de tumeurs provoquées par les rayons X et les rayons gamma (voir tableau) et
permettent d'établir également que l’exposition in utero augmente le risque de cancer pour de multiples
localisations7,8. Le groupe de travail a confirmé la cancérogénicité des rayons X et des rayons gamma
(Groupe 1).
Les neutrons sont produits par des réactions nucléaires, et sont un composant essentiel du rayonnement
cosmique. Ils sont hautement pénétrants et interagissent avec le tissu qu’ils traversent, produisant des
protons, d’autres particules chargées et des rayons gamma. Les indications épidémiologiques ne permettent
pas d'évaluer la cancérogénicité des neutrons en raison de l’exposition simultanée à d’autres formes de
rayonnement. Cependant, il existe des indications suffisantes de cancérogénicité chez l’animal de laboratoire
et les études mécanistiques montrent que les neutrons transfèrent leur énergie dans des groupes d’activités
ionisantes, qui entraînent des lésions localisées similaires mais plus graves que celles induites par les rayons X
ou les rayons gamma. Sur la base de ces indications, le groupe de travail a confirmé la cancérogénicité des
rayonnements des neutrons (Groupe 1).
Chaque type de rayonnement ionisant (voir encadré) transfère de l’énergie sous la forme de trajets
hautement structurés d’ionisation et d’excitation qui peuvent produire diverses lésions moléculaires et
altérations complexes et groupées de l’ADN 9. Le traitement suivant ces lésions lésions induit de nombreuses
réponses (par exemple la mort cellulaire, des aberrations chromosomiques, des mutations, une instabilité
génomique, des transformations cellulaires et des effets de proximité qui contribuent à la cancérogenèse. Sur
la base de ces données mécanistiques, tous les types de rayonnements ionisants ont été classés par le
groupe de travail comme « cancérogènes pour l’Homme » (Groupe 1).
Le rayonnement solaire est la principale source d’exposition de l’Homme au rayonnement ultraviolet (UV), qui
est divisé en sous­groupes, les UVA, les UVB et les UVC. Le composant ultra­violet qui atteint la surface de la
terre comprend environ 95 % d’UVA et 5 % d’UVB ; les UVC sont bloqués par l’ozone de la stratosphère. Des
études épidémiologiques ont établi une relation causale entre l’exposition au rayonnement solaire et tous les
principaux types de cancer cutané (voir le tableau). Le groupe de travail a confirmé la cancérogénicité du
rayonnement solaire (Groupe 1).
L’exposition au rayonnement solaire provoque une mutation spécifique, empreinte (transition de la cytidine à
la thymidine (C­>T)) résultant de la formation de dimères de pyrimidines de type cyclobutane dans l’ADN. Ce
motif a longtemps été attribué aux UVB10. Cependant, cette même transition C à T a été détectée dansla
peau de souris exposées aux UVA11 et dans le gène Tp53 de tumeurs cutanées induites par les UVA ou les
UVB chez la souris glabre10. Chez l’homme, cette transition a été constatée dans le TP53 dans le cas de
kératose solaire maligne au stade précoce et de tumeurs cutanées malignes12. Sur la base de ces données
mécanistiques, le groupe de travail a classé les rayons UV comme « cancérogènes pour l’Homme » (Groupe
1).
L’utilisation d’appareils de bronzage émettant des UV est très répandue dans de nombreux pays développés,
spécialement auprès des femmes jeunes. Une méta­analyse exhaustive a conclu que le risque de mélanome
cutané augmente de 75 % lorsque l’utilisation de ces appareils commence avant l’âge de 30 ans13. De
surcroît, plusieurs études cas­témoins fournissent des indications significatives d’une association positive entre
l’utilisation d’appareils de bronzage émettant des UV et le mélanome oculaire14,15. Par conséquent, le groupe
de travail a élevé le classement de l’utilisation d’appareils de bronzage dans le groupe 1 « cancérogènes pour
l’Homme ».
Lorsqu’il a passé en revue les études sur l’exposition professionnelle aux UV, le groupe de travail a conclu qu’il
existe des indications suffisantes pour le mélanome oculaire chez les soudeurs16,17. Cependant, les soudeurs
étant exposés également à d’autres agents nocifs, cette association n’a pas pu être attribuée de façon
exclusive aux rayons UV. Une revue exhaustive des risques de cancer liés à la soudure sera entreprise par le
CIRC en priorité.
Expositions aux rayonnements ionisants présentant des indications suffisantes chez l'Homme
Type de
Principales populations
Localisations cancéreuses (et types de
rayonnements étudiées
tumeurs) sur la base d’indications suffisantes
Emetteurs de
particules alpha
et de particules
bêta
Radon­222 et
produits de
désintégration
Population générale (exposition
domestique), mineurs de fond
Poumon
Radium­224 et
produits de
désintégration
Sujets malades
Os Radium­226,
radium­228 et
produits de
désintégration
Peintres de cadrans au radium
Thorium­232 et
produits de
Sujets malades
désintégration
Os, sinus de la face et apophyse mastoïde (seulement
pour le radium­226)
Foie, voies biliaires extra­hépatiques, leucémie (sauf LLC)
Plutonium
Ouvriers dans les usines de
production du plutonium
Poumon, foie, os
Phosphore­32
Sujets malades
Leucémie aiguë
Produits de
fission, dont le
strontium­90
Radioiodes, y
Population générale, à la suite d’un
Tumeurs solides, leucémie
accident de réacteur nucléaire
Enfants et adolescents, à la suite
compris iode­131 d’un accident de réacteur nucléaire
Rayons X ou
rayons gamma
Rayonnement
solaire
Thyroïde
Survivants des bombardements
atomiques, malades, exposition in
utero (descendance de malades
enceintes et de survivants des
bombardements atomiques)
Glande salivaire, œsophage, estomac, côlon, poumon, os,
peau (CBC), sein chez la femme, vessie, cerveau et SNC,
leucémie (sauf LLC), thyroïde, rein (survivants des
bombardements atomiques,malades) ; localisations
multiples (exposition in utero)
Population générale
Peau (CBC et CSC, mélanome)
Appareils de
bronzage
Population générale
émettant des UV
Peau (mélanome), œil (mélanome, particulièrement
choroïde et corps ciliaire)
LLC: leucémie lymphoïde chronique. CBC : carcinome basocellulaire. CSC : carcinome spinocellulaire
Références :
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Types de rayonnements classés dans le Groupe 1 :
▪ Rayonnements ionisants
­ Emetteurs de particules alpha
­ Emetteurs de particules bêta
­ Rayons X et rayons gamma
­ Rayonnement neutronique
▪ Rayonnement solaire
▪ Rayonnement ultra­violet (100­400 nm de longueur d’onde, comprenant UVA, UVB et UVC)
Fatiha El Ghissassi, Robert Baan, Kurt Straif, Yann Grosse, Béatrice Secretan, Véronique Bouvard, Lamia
Benbrahim­Tallaa, Neela Guha, Crystal Freeman, Laurent Galichet, Vincent Cogliano, représentant le groupe
de travail pour les monographies du Centre international de Recherche sur le Cancer, OMS
Centre international de Recherche sur le Cancer, Lyon, France
Les auteurs du CIRC ont déclaré n’avoir pas de conflits d’intérêts.
Membres du groupe de travail pour la monographie :
B Armstrong–Co­Président (Australie), E Cardis–Co­Présidente (Espagne); A Green (Australie); D Krewski, R
Mitchel, N Priest (Canada); L Tomašek (République Tchèque); K Baverstock (Finlande); J­F Doré, J Hall, L
Sabatier (France); M Sokolnikov (Fédération de Russie); M Hill, M Little, M Marshall, C Muirhead, A Riddell (R­U);
D Brenner [excusé], R Guilmette, D Hoel, D Richardson, R Ullrich (USA) Conflits d’intérêts:
NP travaille pour, et RM est consultant pour, Atomic Energy of Canada Ltd. CM est financé par le Ministère de
la Défense du Royaume­Uni. JH reçoit un financement d'Electricité de France. AG reçoit un financement
de L’Oreal Recherche.
Spécialistes invités : aucun
The Lancet Oncology
Article en anglais : A review of human carcinogens—Part D: radiation.
Lien vers le Volume 100D (2012) Radiation, disponible en anglais sur le site internet des Monographies du
CIRC ici Traduction de l’anglais par Anne BOSSE­PLATIERE, sous la responsabilité de Julien CARRETIER et Béatrice
FERVERS (Unité Cancer Environnement, Centre Léon Bérard).
Relecture : Section des Monographies du CIRC et Groupe communication du CIRC
21 déc. 2016
Copyright 2016 ­ Centre Léon­Bérard
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