ASSEMBLÉE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE Papeete, le ^ MM 2016 Commission du tourisme, de l’écologie, de la culture, de l’aménagement du territoire et du transport aérien 53-2016 RAPPORT Document mis en distribution L e - i, MAI 2016 relatif à l’avis de l’assemblée de la Polynésie française sur le projet de loi autorisant la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, présenté au nom de la commission du tourisme, de l’écologie, de la culture, de l’aménagement du territoire et du transport aérien, par Mesdames les représentantes Nicole BOUTEAU et Maina SAGE Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les représentants, Par lettre n° 389/DIRAJ du 31 mars 2016, le haut-commissaire de la République en Polynésie française a soumis pour avis à l’assemblée de la Polynésie française, un projet de loi autorisant la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, I - Rappel historique et présentation de l’Accord La Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), signée à Rio de Janeiro le 13 juin 1992, est entrée en vigueur le 21 mars 1994. Son objectif était de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation dangereuse du système climatique causée par les activités humaines. Consultée à l’époque, l’Assemblée avait émis un avis favorable à la ratification par la France de cette Convention en raison du caractère planétaire des changements climatiques1. Afin d’atteindre cet objectif et de préciser les dispositions de la Convention, le Protocole de Kyoto à la CCNUCC, signé le 29 avril 1997, est entré en vigueur le 16 février 2005, Il convient de noter que la Polynésie française, en tant que collectivité d ’outre-mer ne relevant pas de la contribution européenne, a été exclue du champ d’application du Protocole. Dans le cadre du Protocole de Kyoto, les pays industrialisés et en transition, à l’exception des EtatsUnis, s’étaient engagés de manière contraignante sur des objectifs chiffrés de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre sur la période 2008-2012 par rapport à 1990. Pour leur part, les pays en développement, conformément au principe des responsabilités communes mais différenciées figurant à l’article 3§1 de la CCNUCC, n ’étaient tenus par aucun engagement quantifié. En 2012 à Doha, les Parties ont adopté une deuxième période d’engagement qui ne couvre cependant qu’environ 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre de 2013 à 2020. L’objectif principal du présent Accord de Paris, qui sera mis en œuvre à partir de 2020, est de maintenir l’augmentation de la température mondiale bien en dessous de 2° Celsius et de mener des efforts encore plus poussés pour limiter l’augmentation de la température à 1,5° Celsius au-dessus des niveaux préindustriels. 1 Cf, Rapport n° 131-93 portant avis sur un projet de loi autorisant la ratification de la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques 1/4 L’Accord ne contient aucun objectif quantifié de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. En revanche, il impose la présentation par l’ensemble des parties contractantes d’une « contribution déterminée au niveau national », incluant, s’agissant des pays développés, un objectif de réduction en valeur absolue des émissions qui doit être notifié aux Nations Unies avant la ratification de l’accord. Plus précisément, il prévoit le respect par les parties contractantes des obligations suivantes : - l’établissement, la communication et l’actualisation de contributions successives, soumises tous les cinq ans à la conférence des parties ; l’adoption de mesures internes pour la mise en oeuvre des objectifs d’atténuation des effets du changement climatique prévus dans ces contributions ; une obligation de transparence et de remise de rapports sur les actions menées. Un appui sera fourni aux pays en développement pour l ’application de ces dispositions. Quant aux pays les moins avancés et les petits Etats insulaires en développement, ceux-ci pourront établir et communiquer des stratégies, plans et mesures de développement à faible émission de gaz à effet de serre correspondant à leur situation particulière. L’Accord vise également à renforcer la capacité des pays en développement à faire face aux impacts du changement climatique, en prévoyant un instrument financier, le Fonds vert pour le climat, et des mécanismes de transfert de technologies et de renforcement des capacités. Déposé aux Nations Unies à New-York, l’Accord de Paris a été ouvert à la signature le 22 avril 2016, Journée de la Terre-Mère, pour une durée d’un an. Ce n’est que 30 jours après la ratification par au moins 55 pays représentant au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) que l’Accord entrera en vigueur (article 21 de l ’Accord). La France a signé l’Accord le 22 avril 2016, suivie par 175 autres pays ainsi que l’Union européenne. II - Incidences pour la Polynésie française Comme d’autres pays insulaires, la Polynésie française est particulièrement vulnérable aux conséquences du changement climatique, notamment l’intensification des phénomènes météorologiques extrêmes2, les menaces à l’intégrité territoriale, à la sécurité et la souveraineté voire à l’existence de certaines îles, tant par la submersion de terres existantes que par la diminution de sa zone économique exclusive. C’est pourquoi la Polynésie française s’est largement mobilisée pour porter la voix des îles du Pacifique à l’occasion de la 21e session de la Conférence des Parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 21), qui s’est tenue à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015. Les représentants de la Polynésie française, dont son Président, sont personnellement intervenus au cours des travaux pour relayer les inquiétudes et les positions des pays polynésiens, exprimés tant à Taputapuatea le 16 juillet 2015 lors de la signature du PACT polynésien (Polynesia Against Climate Threats) qu’à Paris lors du 4e Sommet France-Océanie du 26 novembre 2015. Ces dernières reprises pour accélérer climatique3, ou appeler menacées par la montée années, l’assemblée de la Polynésie française est également intervenue à plusieurs la mise en œuvre de programmes internationaux de lutte contre le réchauffement les pays membres du Forum du Pacifique à une action concertée en faveur des îles des eaux4. Au vu des résultats obtenus, la Polynésie française ne peut que se féliciter de l’adoption de l’Accord de Paris, qui répond aux principales aspirations des pays insulaires en développement particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique. Cet accord est juridiquement contraignant, ambitieux dans ses objectifs et différencié tout en étant équilibré entre les Parties, qu’elles soient des pays développés ou en développement. 2 Ainsi qu’en témoignent les précipitations exceptionnelles survenues le 12 décembre 2015 dans les communes de Mahina et de Hitia'a O Te Ra 3 Résolution n° 2008-5 R/APF du 25 novembre 2008 4 Résolution n° 2013-6 R/APF du 27 août 2013 2/4 Par courrier du 13 avril 2016 adressé au Président de PAssemblée de la Polynésie française, Madame George PAU-LANGEVIN, Ministre des Outre-Mer, apporte des éléments d ’information sur les conditions de participation à l’Accord de Paris des collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution et de la N ouvelle-Calédonie. Ainsi, trois options seraient envisageables. La première option consisterait à exclure les collectivités d’outre-mer non couvertes par la contribution européenne, du champ d ’application territorial de l’Accord de Paris, à l’instar de la solution préalablement adoptée pour le Protocole de Kyoto. Le choix de cette option exonérerait la Polynésie française des obligations imposées par l’Accord La deuxième option consisterait à inclure ces collectivités dans les engagements de réduction des émissions que s’est fixé l’Union européenne (réduction de 40 % des émissions de GES d ’ici 2030 par rapport à 1990). Le choix de cette option suppose la conclusion d’un accord international entre la France et l’Union européenne. La troisième et dernière option consisterait dans le dépôt par la France d’une contribution spécifique aux émissions des collectivités d’outre-mer auxquelles le droit de l’Union européenne n’est pas applicable. Le choix de cette option offrirait davantage de flexibilité à la Polynésie française pour définir sa contribution à l’Accord de Paris au regard de ses capacités, lui permettant de fixer des objectifs spécifiques de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre. Il convient dès lors d’indiquer que la définition régulière d’objectifs précis de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de leurs mesures d’application implique un coût et un panel de compétences techniques spécifiques. La nécessité d’une assistance du gouvernement national sur ce sujet semble importante. Selon les orientations proposées par l’Etat, il sera éventuellement possible de mettre en place des accords fondés sur l’article 169 de la loi statutaire, en vertu duquel, au cas où les besoins des services publics de la Polynésie française rendent nécessaires les concours d’organismes ou d’établissements publics nationaux, les modalités de ces concours sont fixées par des conventions passées entre ces derniers et la Polynésie française5. Compte tenu de l’engagement régional et des actions volontaristes d ’atténuation et d ’adaptation déjà mises en œuvre au niveau local par les autorités du Pays, tels que le Plan Climat Energie6 et le Plan de transition énergétique, il apparaît souhaitable et cohérent de retenir la 3e option et d’annoncer des objectifs volontaires de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d’autant que, fidèles à son positionnement politique, la Polynésie française souhaite assumer sa part de responsabilité, même minime, dans l’augmentation globale des émissions de gaz à effet de serre. Il est d’ailleurs précisé que la Polynésie française, à travers son Plan Climat Energie, s’est d’ores et déjà fixé un objectif de réduction de 6,5 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020, sachant que le niveau d’émission de gaz à effet de serre sur le territoire s’établissait, en 2014, à 3,37 tonnes équivalent (Teq) C 0 2 par habitant, c’est-à-dire à un niveau bien inférieur au niveau moyen d’émission observé dans la zone Pacifique Sud (6,2 TeqC02/hab) ainsi qu’à celui observé en France métropolitaine (5,6 TeqC02/hab). Par conséquent, il apparaît opportun : - que la France dépose une contribution spécifique aux émissions de gaz à effet de serre de la Polynésie française ; - tout en demandant que les dispositions prévues par l’Accord pour les pays en développement les plus vulnérables puissent être également applicables à la Polynésie française, dont notamment : * le principe de différenciation, conformément à l’équité et au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives des Parties ; * l’éligibilité au Fonds vert pour le Climat. 5 La Polynésie française bénéficie déjà, sur ce fondement, d’un partenariat avec l'ADEM E 6 Présenté en décembre 2015 à l’occasion de la COP21 3/4 Lors de sa visite en Polynésie française le 22 février 2016, le Président de la République François Hollande a en effet affirmé que la Polynésie française serait éligible au Fonds vert pour le Climat. La Ministre des Outre-Mer indique quant à elle que « le gouvernement étudie les voies d ’évolution de cette situation pour [les] territoires d ’Outre-Mer. Il entend également mobiliser des financements nationaux et européens supplémentaires afin d ’accompagner les collectivités d ’Outre-Mer dans leurs efforts de transition écologique ». Dans le prolongement de l’engagement du Président de la République, il appartiendra aux autorités concernées de trouver de nouvelles solutions de financement concrètes pour soutenir le Pays dans ses efforts de transition écologique et énergétique. * * * Au regard de l’ensemble de ces éléments, les rapporteurs invitent leurs collègues de l’assemblée de la Polynésie française, au nom de la commission du tourisme, de l’écologie, de la culture, de l’aménagement du territoire et du transport aérien, à émettre un avis favorable au projet de loi présenté, en demandant néanmoins : - le dépôt par la France d’une contribution spécifique aux émissions de gaz à effet de serre de la Polynésie française ; - l’application du principe de différenciation, conformément à l’équité et au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives des Parties. - l’éligibilité du Pays au Fonds vert pour le Climat, ainsi que s’y est engagé le Président de la République François Hollande lors de sa visite en Polynésie française le 22 février 2016. - le soutien du gouvernement central pour mobiliser des financements nationaux et européens supplémentaires afin d’accompagner la Polynésie française dans ses efforts de transition écologique et énergétique. LES RAPPORTEURS Nicole BOUTEAU Maina SAGE ASSEMBLÉE DELA POLYNÉSIE FRANÇAISE AVIS N° A/APF DU sur le projet de loi autorisant la ratification de Taccord de Paris adopté le 12 décembre 2015 L’ASSEMBLÉE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d’autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 modifiée complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française ; Vu la lettre n° 389/DIRAJ du 31 mars 2016 du haut-commissaire de la République en Polynésie française soumettant à l’avis de l’assemblée de la Polynésie française un projet de loi autorisant la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 ; Vu la lettre du 13 avril 2016 (APF 4600 du 20 avril 2016) de Mme George PAU-LANGEVIN, Ministre des Outre-mer ; Vu la lettre n° /2016/APF/SG du à l ’assemblée de la Polynésie française ; portant convocation en séance des représentants Vu le rapport n° du de la commission du tourisme, de l’écologie, de la culture, de l’aménagement du territoire et du transport aérien ; Dans sa séance du ÉM ET L ’A V IS SU IV A N T : Considérant la très grande vulnérabilité de la Polynésie française aux conséquences du changement climatique, notamment l’intensification des phénomènes météorologiques extrêmes, les menaces à l’intégrité territoriale, à la sécurité et la souveraineté voire à l’existence de certaines de nos îles, tant par la submersion de terres existantes que par la diminution de notre zone économique exclusive ; Considérant que la Polynésie française s’est largement mobilisée pour porter la voix des îles du Pacifique à l’occasion de la 21e session de la Conférence des Parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques {COP 21), qui s’est tenue à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015 ; Considérant que les représentants de la Polynésie française, dont son Président, sont personnellement intervenus au cours des travaux pour relayer les inquiétudes et les positions des pays polynésiens, exprimés tant à Taputapuatea le 16 juillet 2015 lors de la signature du PACT polynésien {Polynesia Àgainst CUmate Threats) qu’à Paris lors du 4e Sommet France-Océanie du 26 novembre 2015 ; 1/2 Considérant que l’assemblée de la Polynésie française est déjà intervenue à plusieurs reprises pour accélérer la mise en œuvre de programmes internationaux de lutte contre le réchauffement climatique, ou appeler les pays membres du Forum du Pacifique à une action concertée en faveur des îles menacées par la montée des eaux ; Considérant l’engagement régional et les actions volontaristes d’atténuation et d’adaptation déjà mises en œuvre en Polynésie française, tels que le Plan Climat Energie et le Plan de transition énergétique, ainsi que le souhait de la Polynésie française d’assumer sa part de responsabilité, même minime, dans l’augmentation globale des émissions de gaz à effet de serre ; Le projet de loi autorisant la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 recueille un avis favorable de l’assemblée de la Polynésie française. Les représentants à l’assemblée de la Polynésie française demandent néanmoins : - le dépôt par la France d’une contribution spécifique aux émissions de gaz à effet de serre de la Polynésie française ; l’application du principe de différenciation, conformément à l’équité et au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives des Parties. l’éligibilité du Pays au Fonds vert pour le Climat, ainsi que s’y est engagé le Président de la République François Hollande lors de sa visite en Polynésie française le 22 février 2016 ; le soutien du gouvernement central pour mobiliser des financements nationaux et européens supplémentaires afin d’accompagner la Polynésie française dans ses efforts de transition écologique et énergétique. Le présent avis sera publié au Journal officiel de la Polynésie française et transmis, accompagné de son rapport de présentation, au haut-commissaire de la République en Polynésie française, au Président de la Polynésie française, aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et aux parlementaires de la Polynésie française. La secrétaire, Le président, Lois SALMON-AMARU Marcel TUMANI