Rééducation de la main brûlée à la phase aiguë | SpringerLink

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Lett. Méd. Phys. Réadapt. (2011) 27:64-67
DOI 10.1007/s11659-011-0277-9
MISE AU POINT / UPDATE
DOSSIER
Rééducation de la main brûlée à la phase aiguë
Rehabilitation of the burnt hand in the acute phase
I. Almeras · N. Frasson · T. Niederberger · B. Oversteyns
© Springer-Verlag France 2011
Résumé Les brûlures localisées à la main sont les plus fréquentes, quels que soient l’âge du sujet et l’agent vulnérant.
Leurs séquelles potentielles, tant fonctionnelles qu’esthétiques, sont redoutées et imposent une prise en charge multidisciplinaire précoce en centre aigu de traitement des brûlés. La
rééducation y a toute sa place. Elle obéit à des principes bien
codifiés dont la mise en œuvre doit tenir compte d’impératifs
parfois vitaux, des indications chirurgicales, des moyens
disponibles et de l’environnement de réanimation. Pour
citer cette revue : Lett. Méd. Phys. Réadapt. 27 (2011).
Mots clés Brûlure · Main · Phase aiguë · Rééducation
Abstract Whatever the age of the subject or the causative
agent, the commonest burns are those of the hand. Their
potential consequences, which are both functional and cosmetic, are much feared and require early multidisciplinary
management in an acute burns treatment centre. Rehabilitation is of great importance. It follows well-established principles whose application must recognise the constraints, which
sometimes derive from the threat to life, surgical necessities,
the means available and the intensive care environment.
To cite this journal: Lett. Méd. Phys. Réadapt. 27 (2011).
Keywords Burns · Hand · Acute phase · Rehabilitation
Introduction
Par nature, la main peut être assimilée à un « organe » tout
autant relationnel que fonctionnel.
Environ 80 % des consultations en service spécialisé aigu
de brûlés sont consacrées à la main. En témoigne aussi la
topographie de la brûlure : l’atteinte de la face palmaire
signe l’exploration de l’environnement par l’enfant alors
que la brûlure concerne plus souvent la face dorsale par
réflexe de protection chez l’adulte.
La surface corporelle touchée est limitée à quelques pour
cents, mais les enjeux fonctionnels et esthétiques de cette
localisation classent d’emblée la brûlure dans la catégorie
« moyenne à grave ». L’évaluation initiale de la brûlure et
des pathologies éventuellement associées oriente la prise en
charge chirurgicale et prédit les séquelles que la rééducation
contribue à réduire.
Le principe de la pluridisciplinarité, chère à la médecine
physique, prévaut dès les premiers jours de la prise en charge
et, le plus souvent, pour les mois, voire années de soins et de
suivi [1].
Évaluation initiale
Main
Diagnostic de profondeur
Souvent difficile, il doit être le plus précis possible, car dès
l’atteinte en deuxième degré profond, l’excision–greffe est
indiquée pour réduire les délais de cicatrisation et donc les
risques de cicatrice pathologique.
Incisions de décharge
Elles s’imposent avant la sixième heure postbrûlure en cas
d’atteinte circulaire en troisième degré et dans certaines
situations complexes d’atteinte de la face dorsale de la
main (expansion volémique importante pour brûlure étendue, transport secondaire prolongé). Elles sont réalisées
dans les espaces intermétacarpiens, éventuellement les
faces latérales de la main et digitales, entre les axes vasculonerveux et les tendons extenseurs. L’objectif étant d’éviter
une souffrance tissulaire due à l’effet garrot.
Amputations partielles
I. Almeras (*) · N. Frasson · T. Niederberger · B. Oversteyns
Clinique de rééducation et de réadaptation fonctionnelle
du Docteur-Jean-Ster, 9, avenue du Docteur-Jean-Ster,
F-34240 Lamalou-les-Bains, France
e-mail : [email protected]
Elles sont très rares mais nécessaires en cas de carbonisation,
comme certaines brûlures électriques. Le maximum de longueur doit être conservé pour limiter la perte fonctionnelle.
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Les brûlures dont la gravité motive un traitement type
lambeau ne seront pas abordées ici.
De par la faible épaisseur cutanée en face dorsale, la
brûlure peut générer une atteinte tendineuse étendue des
extenseurs, voire une effraction articulaire qui peut justifier
un embrochage digital transosseux dont la durée est variable
selon les équipes, le bénéfice cutané en termes de rapidité
cicatricielle étant à mettre en balance avec le risque infectieux et l’enraidissement capsulo-ligamentaire.
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appareillages et des techniques de rééducation sont discutés
lors de la réfection du pansement. Le choix du pansement est
discuté en staff pluridisciplinaire.
Prévention des déformations, raideur, amyotrophie
Positionnement et appareillage sont spécifiques de la topographie de l’atteinte. En fonction du niveau de sédation
nécessaire à la réanimation et aux soins locaux, on sollicite
la participation active du sujet.
Atteinte neurologique périphérique
Elle est recherchée dans certaines circonstances :
•
•
•
•
intoxication au monoxyde d’azote (CO) ;
brûlure chimique (phénol) ;
signes d’ischémie et brûlure circulaire en troisième degré ;
suspicion de neuropathie de réanimation.
Patient
Comme dans toute brûlure, sont décrits :
•
•
•
•
•
l’âge (facteur de gravité si inférieur à trois ans et supérieur
à 60 ans) ;
l’agent causal ;
la surface et la profondeur ;
les pathologies associées soit préexistantes à la brûlure (diabète, cardiopathie, pathologie neuropsychiatrique…), soit
concomitantes (brûlure respiratoire, polytraumatisme…) ;
l’habitus : côté dominant, profession, loisirs.
Principes de rééducation [2–4]
Lutte contre l’œdème
Conséquences de modifications hydroélectrolytiques maximales les premiers jours suivant la brûlure, l’œdème constitue une véritable « colle » physiologique. Précocement,
voire durablement, la mobilité est limitée par cet infiltrat
péri-articulaire.
Contrôle de la douleur
Grâce aux antalgiques, ce contrôle participe à la prévention
des attitudes vicieuses antalgiques, de la cinésiophobie et
facilite l’observance de l’appareillage précoce.
Aide à la cicatrisation
Une fois les indications chirurgicales posées, nature des pansements et bandages, autorisation de mobilisation, choix des
Moyens de rééducation [2–4]
Installation posturale
Les avant-bras et les mains sont installés en proclive sur des
coussins mousse triangulaires pour aider au drainage de
l’œdème et diminuer la douleur. Toutefois, les supports
de traitement et prévention des escarres de type lit fluidisé
n’autorisent pas de matériel de posture.
Les pansements ont aussi une fonction posturante et permettent l’appareillage dès lors qu’ils sont réalisés à doigts
séparés.
Appareillage rigide
La topographie de la brûlure détermine le potentiel rétractile
cicatriciel. Les orthèses doivent donc induire une expansion
cutanée maximale.
Pour cette raison, les pseudopostures sur balle de tennis
ou équivalent sont à proscrire, car elles favorisent classiquement l’extension des métacarpophalangiennes et la flexion
des interphalangiennes, position non fonctionnelle.
La brûlure de la face dorsale de la main et des doigts
impose une posture continue hors soins infirmiers et kinésithérapiques sur une orthèse dite intrinsèque+ : poignet normoaxé dans le plan frontal, en extension de 15 à 20°/flexion
des métacarpophalangiennes/extension des interphalangiennes afin de mettre les bandelettes latérales digitales en
tension/antéposition et opposition du pouce à 45°.
En cas d’atteinte de la face palmaire, une orthèse d’extension de poignet et de doigts est nécessaire.
Si la brûlure est mixte, l’enjeu fonctionnel donne la priorité à la flexion digitale.
L’appareillage est réalisé par un ergothérapeute ou un
kinésithérapeute formé, dans un matériau thermoformable à
basse température perforé, fixé au moyen de bandes ou
Velcros®. Le plâtre peut être aussi utilisé sur quelques
jours, notamment après un acte chirurgical, pour être assuré
de la parfaite immobilisation de la zone traitée.
Si la cicatrisation le permet, on positionne un bandage
élastocompressif perméable aux exsudats, type Haftelast®,
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de manière distoproximale, doigt par doigt sur le pansement.
L’action recherchée est triple, posturante, anti œdémateuse,
aide à l’intégration des greffes.
Mobilisations
La réfection du pansement permet de visualiser l’état des
plaies, les prises de kinésithérapie manuelle pour la mobilisation, l’idéal étant lors d’un bain pour s’aider de son effet
antalgique.
Initialement passive et lente, d’abord dans le sens puis en
sens inverse de la rétraction, la mobilisation articulaire évolue vers un travail actif aidé, segmentaire et analytique puis
global chez un patient non sédaté qui participe ainsi à la lutte
contre l’amyotrophie et l’ankylose articulaire.
Les mouvements alternatifs rapides sont proscrits, car ils
majorent la rétraction.
Ce soin est complété par une posture manuelle, le gain
obtenu étant ensuite maintenu par une orthèse.
Après cicatrisation, les activités fonctionnelles peuvent
ne plus se limiter à l’usage, sans force des mains, comme
l’alimentation ; et on peut introduire des actions avec résistance pour réduire la cinésiophobie et le risque d’exclusion
du schéma corporel : globalement avec les actes de la vie
journalière, adjonction éventuelle d’aides techniques, puis
analytiques et sous surveillance ergothérapique.
Des phénomènes douloureux et enraidissants associés à
des troubles vasomoteurs — à différencier de la phase
inflammatoire et rétractile de la brûlure — doivent orienter
vers la survenue d’une algodystrophie.
Lorsqu’elles surviennent, les paraostéoarthropathies
touchent fréquemment coude et épaule chez les brûlés avec
un retentissement indirect majeur sur la préhension.
Prise en charge psychosociale
Selon l’habitus des patients, les conséquences d’une brûlure
de la main peuvent avoir une incidence psychosociale
précoce justifiant l’implication de personnels dédiés.
Information du patient
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En cas de cicatrisation dirigée/en dehors
des périodes de greffe
Dès les premiers jours suivant la brûlure, drainage de
l’œdème, postures, mobilisations passives sont mis en œuvre.
Pendant les périodes chirurgicales
Les greffes dermoépidermiques minces continues imposent
les immobilisations sur orthèse afin de favoriser leur intégration vasculaire [5].
À ce stade, pendant au moins cinq jours, l’installation
posturante est également essentielle, l’œdème limitant l’intégration des greffes.
Le travail musculaire statique isométrique est conseillé.
La mobilisation manuelle passive est reprise dès que la
cicatrisation le permet, souvent vers le cinquième jour
postopératoire.
En cas de greffe sur substitut dermique (Integra®,
Matriderm®), l’intégration est plus lente et nécessite de
décaler ces soins de quelques jours [6].
Par ailleurs, les résultats des bilans cliniques réguliers
conditionnent les choix de rééducation.
Contraintes
Brûlé très sévère
La prise en charge chirurgicale des mains peut être retardée
par :
•
•
•
le pronostic vital du patient ;
les choix stratégiques justifiés par le risque inflammatoire
(SIRS) et/ou infectieux majeur, orientés vers des excisions
de larges zones brûlées ;
l’insuffisance de zone donneuse ;
Le risque de cicatrisation pathologique est alors accru.
D’une manière générale et dès les soins aigus, le patient doit
être informé sur l’évolution naturelle de la peau brûlée, greffée ou non, sur les différents soins pratiqués jusqu’au terme
de la maturation cicatricielle et sur le bénéfice de son investissement personnel.
Phases de traitement
La rééducation s’intègre nécessairement aux différentes
étapes de la cicatrisation et en particulier aux choix
chirurgicaux.
Difficultés à la mise en œuvre de la rééducation
•
•
•
Manque de rééducateurs dédiés aux services de soins
aigus aux brûlés et de médecins attachés de médecine
physique ;
l’environnement oligoseptique, nécessité de matériel à
usage unique ou supportant des désinfections répétées.
Disponibilité du matériel nécessaire à la réalisation des
orthèses (cuve, etc.) ;
le patient non compliant : douleurs, troubles psychiatriques.
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Conclusion
Références
Fréquente, isolée ou associée à une atteinte cutanée étendue,
la brûlure des mains impose, le plus souvent, une prise en
charge médicochirurgicorééducative de par son pronostic
fonctionnel péjoratif potentiel.
Les grands principes de la rééducation du patient brûlé
s’appliquent dès la période des soins aigus.
Cette rééducation est poursuivie, intensifiée, diversifiée
en centre spécialisé dans le traitement de la cicatrice et des
grands brûlés.
1. Moore ML, Dewey WS, Richard RL (2009) Rehabilitation of the
burned hand. Hand Clin 25:529–41
2. Nugent N, Mlakar MJ, Dougherty RW, Huang T (2007) Reconstruction of the burned hand. In: Herndon DN (ed) Total burn care,
pp 687–700
3. Rochet JM, Wassermann D, Carsin H, et al (1998) Rééducation et réadaptation de l’adulte brûlé. Encyclopédie Med Chir (Elsevier, Paris),
Kinésithérapie – Médecine physique Réadaptation, 26-280-C-10, 27 p
4. Serghiou Michael A, Ott S, Farmer S, et al (2007) Comprehensive
rehabilitation of the burn patient. In: Herndon DN (ed) Total burn
care, pp 620–51
5. Kamolz LP, Kitzinger HB, Karle B, Frey M (2009) The treatment
of hand burns. Burns 35:327–37
6. Haslik W, Kamolz LP, Manna F, et al (2010) Management of full
— thickness skin defects in the hand and wrist region: first long
term experiences with the dermal matrix Matriderm®. J Plast
Reconstr Aesthet Surg 63:360–4
Conflit d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir de
conflit d’intérêt.
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