Catalyse par les métaux Pierre Gallezot Institut de recherches sur la catalyse et l’environnement de Lyon, UMR 5256 CNRS/Université Lyon1 2 avenue Albert Einstein, 69626 Villeurbanne cedex [email protected] 1. - Introduction La catalyse par les métaux représente près de 70% de tous les procédés catalytiques car elle intervient dans la chimie de synthèse (chimie de base, pétrochimie, chimie de spécialité et chimie fine), dans la production d’énergie (conversion des C1, production et conversion d’hydrogène, conversion de la biomasse) et dans les procédés de protection de l’environnement (traitements de dépollution de l’air et de l’eau). Les catalyseurs métalliques traditionnels sont à base de métaux des groupes 8 à11 (Fe, Ru, Co, Rh, Ir, Ni, Pd, Pt, Cu, Ag). Ces métaux, supportés ou non, seuls ou alliés à d’autres métaux promoteurs, ont fait l’objet d’un très grand nombre d’études sur leur préparation, caractérisation, mécanismes d’action et applications dans tous les domaines cités plus haut. En raison de l’étendue du sujet, il est impossible de couvrir ici l’ensemble de la catalyse par les métaux; ce chapitre vise donc essentiellement à faire un bref historique des avancées de la discipline en France dans le contexte des années 19601990. L’autre but de ce chapitre est de rendre compte des progrès réalisés en France depuis une dizaine d’années sur la catalyse par l’or. Ce métal, longtemps considéré comme inactif, possède des propriétés catalytiques remarquables lorsqu’il est préparé sous forme de particules de 1 à 5 nm. Les résultats les plus récents obtenus sur la préparation et la caractérisation des catalyseurs à l’or et sur leur application dans des réactions catalytiques seront exposés. La catalyse en France : une Aventure Juillet 2007 1 / 19 2. - Résultats marquants des années 1960-1990 2.1 - Préparation des catalyseurs métalliques Les méthodes de préparation des catalyseurs métalliques ont fait l'objet d'études approfondies par les équipes de l'Institut Français du Pétrole dans les années 1960-1970, le but étant d'optimiser la dispersion des phases métalliques sur les supports 1,2 . Un résultat marquant fut d'établir les bases des méthodes d'imprégnation des supports par échange cationique ou adsorption anionique sur des supports oxydes, notamment les alumines et les silices, permettant d'obtenir de très petites particules de taille homogène et de distribution contrôlée sur la surface des catalyseurs 3. Ces travaux pionniers ont ensuite servi de référence pour les préparations de catalyseurs métalliques sur d’autres supports tels que zéolithes ou charbons actifs. Dans le cas des zéolithes, des traitements très précis d’activation et de réduction des précurseurs métalliques ont été établis pour contrôler la taille et la localisation des agrégats métalliques dans les cavités des zéolithes 4. Les bases scientifiques de la préparation de catalyseurs métalliques par réaction d'oxydo-réduction de surface ont été établies par le laboratoire de Poitiers 5. Ces méthodes d'application très générales permettent de faire grossir des particules de manière homogène et de préparer des catalyseurs bimétalliques de composition contrôlée. Des agrégats bimétalliques ont été préparés par voie organométallique soit par décomposition de clusters organométalliques hétéronucléaires, soit par greffage sur la surface d'un premier métal de complexe d'un second métal 6, cette dernière méthode permettant d'obtenir une composition superficielle bien contrôlée. Les formulations de catalyseurs nickel Raney multimétalliques ont été optimisées par P. Fouilloux 7 (prix Grace-Davison 1994) et par le laboratoire mixte CNRS-Rhône Poulenc de 1987 à 1994 et ces catalyseurs ont été mis en œuvre dans des réactions industrielles d’hydrogénation sélective. La catalyse en France : une Aventure Juillet 2007 2 / 19 2.2 - Caractérisation des catalyseurs métalliques et des espèces adsorbées Des méthodes physiques (diffusion centrale des rayons X, élargissement des raies de diffraction X, granulométrie magnétique et microscopie électronique) ont été perfectionnées et adaptées à l'étude des catalyseurs à l'IRC au début des années 1970 pour déterminer les surfaces métalliques et les distributions de taille de particule dans les catalyseurs métalliques. Ce travail collectif a conduit à des accords remarquables entre différentes méthodes8 permettant une interprétation plus rigoureuse des effets de taille de particule dans les réactions catalytiques. Des modifications structurales se traduisant par des dilatations ou contractions des distances métal-métal sous l’effet des molécules de réactifs adsorbées sur la surface d'agrégats de 1 nm ont été mises en évidence au cours de réactions catalytiques par distribution radiale des atomes 9 . La structure d'agrégats a également été caractérisée par EXAFS en fonction des conditions de préparations RMN du 10 . La spectroscopie 129 Xe a permis d'évaluer la nucléarité des agrégats de platine encagés dans les zéolithes11. Dès 1973 il a été montré que la spectroscopie IR du CO adsorbé permettait de sonder les propriétés électroniques des métaux mettant ainsi en évidence les effets des supports et des adsorbats 12. La sonde CO a permis de démontrer l'influence de l'acidité des supports sur les propriétés des agrégats de palladium de platine dans les zéolites 13. En combinaison avec d'autres méthodes elle a permis une description précise de la composition superficielle de catalyseurs bimétalliques à base de nickel ou de cobalt 14 ou de suivre la désagrégation des particules de palladium sous l'effet de NO ou de rhodium sous l'effet de CO 15. Une application plus avancée de la spectroscopie IR au laboratoire de Caen a permis de déterminer le pourcentage des faces (100), (111) et des discontinuités sur la surface de catalyseurs au palladium 16. La spectroscopie de neutrons, très sensible à l'hydrogène, a permis de décrire les modes d'adsorption de l'hydrogène dans les catalyseurs nickel Raney et d'identifier les espèces actives dans les réactions d'hydrogénation 17. Les effets des poisons sur les catalyseurs métalliques utilisés dans divers types de réaction ont été étudiés en détail par le laboratoire de Poitiers. Il a été démontré de La catalyse en France : une Aventure Juillet 2007 3 / 19 façon remarquable que les poisons des catalyseurs métalliques sont sélectifs pour 18 . Les désactivations dues au soufre, aux dépôts de coke et aux différentes réactions métaux ont été étudiées en détail et des échelles de toxicité relative ont été établies 19. La résistance des catalyseurs métalliques à l'empoisonnement par le soufre a été interprétée par des effets électroniques induits par les supports ou ligands de surface 20 . 2.3 - Structure et réactivité des surfaces métalliques modèles. Les équipes de Nancy, Strasbourg, Paris, Marseille, et Villeurbanne en science des surfaces ont beaucoup contribué à décrire la structure superficielle des métaux et des espèces adsorbées. Les premiers travaux au LRIGS de Nancy sur l’interaction de petites molécules avec les faces du platine ont permis de généraliser la notion d’états précurseurs à la chimisorption 21 . Le laboratoire de Strasbourg a mis en évidence la réactivité spécifique des sites d’arêtes et de coins par rapport aux faces denses du platine dans l’hydrogénolyse/l’isomérisation des hydrocarbures saturés 22 . Les états d'adsorption du soufre sur métaux, et les conséquences sur les propriétés catalytiques, ont été étudiés par l’équipe de J. Oudar 23 Un peu avant les années 1980, le développement de la spectrométrie vibrationnelle HREELS à l’IRC a permis d'étudier l’activation du monoxyde de carbone et des hydrocarbures insaturés (acétylène, éthylène, benzène) sur des monocristaux de Ni, Pt, Pd et alliages 24 . Plus récemment, il a été montré que dans l’alliage binaire Pd8Ni92(110) la surface se reconstruit avec une forte ségrégation du palladium en surface et montre alors une activité 20 à 30 fois plus grande qu'une face Pd(110) pur dans l’hydrogénation du butadiène et une sélectivité de 100% en butène 25 . Les dépôts de couches ultra-minces (1 à 4 monocouches) de palladium sur les faces Ni(110) ont montré des propriétés très voisines 26. 2.4 - Apport de la théorie à la catalyse sur métaux L'apport des théoriciens français à la description des surfaces métalliques nues ou des surfaces recouvertes d'adsorbats et plus récemment à la compréhension de la sélectivité des réactions est considérable. Les études théoriques sur des surfaces nues La catalyse en France : une Aventure Juillet 2007 4 / 19 de monocristaux ou d'agrégats ont d'abord été menées avec une approche de physicien par l'école de J. Friedel 27 . L'équipe de chimistes théoriciens d'Orsay 28 a obtenu des résultats comparables avec la méthode de Hückel sur les densités d'occupation des orbitales d en fonction de la géométrie des sites de surface. Le groupe de chimie théorique de l'IRC/ENS Lyon s'est consacré à la description quantique des sites actifs et de la réactivité moléculaire en liaison avec des expérimentateurs. Les méthodes de type Hückel étendu permettent par exemple de comprendre la plus grande sélectivité en butène du palladium par rapport au platine dans l'hydrogénation du butadiène 29 . La sélectivité en alcool insaturé dans l'hydrogénation des aldéhydes α, β-insaturés a été interprétée à partir des modes d'adsorption des molécules et de la composition de la surface30. Une description beaucoup plus fine des interactions des molécules sur les surfaces métalliques, par exemple pour la chimisorption et dissociation de NO sur rhodium et palladium 31 , a été possible grâce au développement de la théorie de la fonctionnelle de la densité. 2.5 - Catalyse d'hydrogénation Dans la continuation des travaux de Sabatier, les laboratoires et centres de recherche français de catalyse ont beaucoup travaillé sur les aspects fondamentaux et appliqués de la catalyse d'hydrogénation sur métaux. Dès 1957 à l'IFP, des lois cinétiques furent établies pour analyser la sélectivité des réactions d'hydrogénation en compétition d'hydrocarbures insaturés particule 34 32 . Les effets du soufre 33 , des tailles de et de différents additifs35 ont été mis en évidence par l'outil cinétique. Sur le plan académique, Germain a grandement contribué à la connaissance des mécanismes d'hydrogénation et d'échange36. L'influence des modes d'adsorption des réactifs sur les surfaces et notamment les effets stériques a été mise en évidence 37 . L'analyse cinétique des réactions compétitives d'hydrogénation des hydrocarbures a été utilisée à Poitiers et à l’IRC pour sonder les effets stériques 38 ou électroniques 39 sur la sélectivité et l’activité des réactions en s'appuyant sur des travaux de chimie théorique 40 . La catalyse en France : une Aventure Juillet 2007 5 / 19 Des résultats marquants en catalyse d'hydrogénation appliquée à la synthèse organique ont été obtenus par les équipes de Rhône-Poulenc 41 . Citons l'hydrogénation sélective de dérivés nitroaromatiques en phénylhydroxylamine en présence de Pt/C 42 et d’aldéhydes α, β-insaturés en présence de complexes métalliques–TPPTS solubles dans l’eau 43 . Rhône-Poulenc a développé des catalyseurs à base de Ru/Sn pour l’hydrogénation sélective en une seule étape en phase vapeur des acides carboxyliques en aldéhydes 44 pour la synthèse du prénal et du fluoral, produits intermédiaires en pharmacie et agrochimie. Des avancées remarquables ont été obtenues par l’équipe multidisciplinaire du laboratoire mixte CNRS-Rhône-Poulenc « Réacteurs Catalytiques Triphasiques » de 1987 à 1994, sur l’hydrogénation de dinitriles avec des catalyseurs nickel Raney 45. La catalyse d'hydrogénation en synthèse organique s'est surtout développée à partir de la fin des années 1980, dans les laboratoires de Poitiers, Villeurbanne et Montpellier. Des congrès internationaux de catalyse hétérogène en chimie fine furent organisés en 1988, 1990, 1992 à Poitiers et en 1999 à Lyon. En raison de la diversité des réactions, il n'est pas possible d'entrer dans les détails des nombreux résultats ; mais les apports de ces laboratoires apparaissent dans les revues dédiées à l'hydrogénation chimio et régiosélective 46 et à l'hydrogénation énantiosélective 47 . Au cours des années 90, ces mêmes laboratoires ont appliqué la catalyse d'hydrogénation à la conversion de matières premières renouvelables. Il s'agit notamment de réactions d'hydrogénation de carbohydrates 48 et de dérivés des triglycérides 49 . Une revue détaillée de l’apport des équipes françaises dans la conversion catalytique des matières premières renouvelables est donnée dans le chapitre X. 2.6 - Réactions d'isomérisation et d'hydrogénolyse Au cours des années 1960-1970, des études très fondamentales ont été consacrées aux réactions d'isomérisation des hydrocarbures sur la surface des métaux. Les travaux de l'équipe de F. Gault sur l'isomérisation des hydrocarbures saturés ont permis de démontrer les mécanismes d'isomérisation par déplacement de liaison ou par mécanisme cyclique 50 . Au mécanisme d'isomérisation des hydrocarbures saturés sur métaux se superposent des mécanismes bifonctionnels faisant intervenir l'acidité du La catalyse en France : une Aventure Juillet 2007 6 / 19 support 51 . Des études par traçage isotopique ont permis de déterminer le mécanisme bifonctionnel de ces isomérisations 52 . Les réactions d'isomérisation et d'échange des oléfines sur métaux ont également fait l'objet d'études mécanistiques détaillées par spectroscopie micro-onde 53. Au cours des années 1970, l'attention s'est portée vers les réactions d'hydrogénolyse entraînant un débat sur les mérites respectifs des effets géométriques (théorie des ensembles) et des effets électroniques (effet de ligand). La théorie des ensembles, développée notamment pour les catalyseurs bimétalliques, s'appuyait sur une analyse cinétique des réactions d'hydrogénolyse et sur des caractérisations par méthode magnétique 54 . Les propriétés hydrogénolysantes des métaux ont été également rationalisées par des effets électroniques liés à la coordination des atomes de surface notamment les effets d'un second métal ou d'espèces adsorbées 55. Les années 1970 ont connu un fort développement de la R&D sur les catalyseurs bimétalliques de reformage des hydrocarbures afin de favoriser les réactions d'isomérisation par rapport à l'hydrogénolyse 56 . Le rôle d'ajouts métalliques (Sn, Re, Ge,..), promoteurs de sélectivité, a été interprété à partir d'études expérimentales et théoriques sur la topologie de ségrégation des ajouts 57. L'hydrogénolyse des liaisons C-Cl, enjeu important en chimie de spécialité, a fait l’objet d’études avec des catalyseurs Pd/C, citons polychloroanilines pour la synthèse de metachloranilines chlorofluorocarbones 58 l'hydrodéchloration de et l'hydrodéchloration de 59 . L'hydrodéchloration en présence de catalyseurs Ru/C a été également utilisée pour la destruction des polluants chloroaromatiques 60 . Les réactions d'hydrogénolyse de liaisons C-OH dans les polyols dérivés de la biomasse (carbohydrates et glycerol) ont été mises en œuvre pour obtenir des dérivés valorisables pour la chimie 61 . L'hydrogénolyse des esters pour la production d'alcool a fait l'objet d'études approfondies par le LCOMS et l'IFP sur des catalyseurs bimétalliques permettant de minimiser les réactions de craquage 62. La catalyse en France : une Aventure Juillet 2007 7 / 19 2.7 - Production d’hydrogène et de gaz de synthèse Les catalyseurs métalliques sont indispensables pour la conversion des matières premières fossiles ou renouvelables en gaz de synthèse et/ou hydrogène. A la fin des années 1970, en réponse à la montée du prix du pétrole, la synthèse d'hydrocarbures ou d'alcools à partir du gaz de synthèse par catalyse Fischer-Tropsch a connu un bref regain d'intérêt 63 . La catalyse pour la production d'hydrogène ou de gaz de synthèse et pour la synthèse Fischer-Tropsch redevient aujourd’hui d’actualité 64 en vue des besoins futurs pour les piles à combustibles et la production de carburants synthétiques. 2.8 - Déshydrogénation et oxydation sur métaux Les catalyseurs métalliques ont été utilisés pour des réactions de déshydrogénation en phase vapeur. La déshydrogénation de l'isobutane en isobutène sur catalyseur bimétallique préparé par chimie organométallique de surface et la synthèse du paracymène ont été conduites au LCOMS 65 . Les travaux de l'IRC sur la synthèse de la 2-coumaranone 66 ont connu un développement par la société Clariant. En catalyse d'oxydation, les catalyseurs métalliques à l'argent ont été utilisés pendant longtemps pour les réactions industrielles d'époxydation de l'éthylène et d'oxy-déshydrogénation du méthanol. Des développements nouveaux ont vu le jour dans les années 90 avec les réactions d'oxydation d'alcools en phase liquide sur des catalyseurs au platine ou palladium éventuellement modifiés par le bismuth. L'IRC a beaucoup contribué au développement des réactions d'oxydation du glyoxal, du glycérol, et des carbohydrates 67. Au cours des années 1990, la catalyse d'oxydation totale par l’oxygène sur catalyseurs métalliques a été appliquée à la dépollution des eaux. Les équipes de Poitiers et de l'IRC ont fait un travail pionnier pour développer l'oxydation par voie humide de polluants organiques en présence de catalyseurs au platine ou ruthénium 68 . Les traitements des effluents organiques dans l’eau, par les méthodes d’oxydation avancée et par photocatalyse, sont traités dans les chapitres « Catalyse d’oxydation pour le traitement des polluants organiques » et « Photocatalyse », respectivement. La catalyse en France : une Aventure Juillet 2007 8 / 19 3. - Catalyse par l’or L’or a été considéré comme inactif ou très peu actif pour catalyser les réactions chimiques jusqu’à la fin des années 1980 où Haruta et al 69 montrèrent que des particules d’or de 5 nm sont actives à basse température pour l’oxydation de CO. Les premières études conduites en France sur les catalyseurs à l’or remontent au début des années 1990. Une revue récente sur la catalyse par l’or a été publiée 70. 3.1 - Préparation des catalyseurs à l’or Les premiers travaux réalisés en France portent essentiellement sur des catalyseurs bimétalliques où l’or est utilisé comme promoteur d’activité ou de sélectivité pour des métaux comme le platine ou le palladium. Ainsi des catalyseurs Pt-Au préparés par co-imprégnation sont d’autant plus actifs et sélectifs dans la déshydrogénation du méthyl-cyclohexane que la concentration en or augmente 71 . Une méthode d’auto- réduction des complexes de l’or avec l’éthylène diamine, Au[(H2NCH2CH2NH2)2]3+, a été utilisée pour obtenir des particules bimétalliques Au-Pt, Au-Pd et Au-Fe dans les zéolithes HY72 . Des catalyseurs bimétalliques Au-Pd 73 , Au-Pt 74 et Au-Cu 75 ont été préparés par des techniques d’oxydo-réduction de surface pour étudier l’effet de l’or sur les propriétés catalytiques du premier métal. Des complexes organométalliques hétéronucléaires ont été décomposés pour préparer des catalyseurs Pt-Au utilisés pour la réduction de NO par le propène 76 . Des catalyseurs Pd-Au/Nb2O5 préparés par réduction photo-assistée ont été utilisés pour l’oxydation en phase gaz de l’éthanal 77 . Dans les exemples précédents, l’or est utilisé dans des combinaisons bimétalliques pour modifier les propriétés catalytiques du premier métal par des effets électroniques ou géométriques. Des nanoparticules d’or ont été préparées par auto-réduction du complexe Au[(H2NCH2CH2NH2)2]3+ dans des zéolites NaHY 78 . Des tailles homogènes de 2nm sont obtenues lorsque la zéolithe contient majoritairement des cations Na+ alors que des tailles de 3-4 nm sont obtenues lorsque 75% des cations sont des H+. Des particules d’or de 1.5 nm ont été obtenues par réduction avec un plasma d’hydrogène du complexe Au[(H2NCH2CH2NH2)2]3+ adsorbé dans des zéolithes NaHY La catalyse en France : une Aventure Juillet 2007 79 . 9 / 19 Des méthodes basées sur le dépôt de vapeurs métalliques ont été utilisées pour préparer des catalyseurs modèles à l’or. Ainsi l’ablation de cibles d’or par faisceau laser et condensation des vapeurs métalliques dans des liquides conduit à des particules d’or colloïdales en suspension de 10 à 20 nm de diamètre 80 . Des vapeurs d’or produites dans une cellule de Knudsen à haute température et sous ultravide ont été condensées sur des microsphères de TiO2 de structure anatase 81 . Les distances Au-Au dans les particules d’or de 2 nm en interaction avec la surface (110) de TiO2 sont contractées ou dilatées selon les directions [110] et [100], respectivement. Des particules d’or de taille contrôlée ont été préparées par vaporisation laser d’un barreau d’or et condensation des vapeurs sur différents supports oxydes (Al2O3, ZrO2, TiO2) 82 . Un ingénieux système permet de recueillir de manière homogène les vapeurs métalliques sur les poudres et de préparer ainsi des catalyseurs pouvant être testés dans les réacteurs conventionnels (Figure 1). Poudre Support Barreau Ar He Agrégats Laser Nd: YAG Figure 1 Dispositif de vaporisation laser pour la préparation de nanoparticules d’or sur des supports pulvérulents. De nombreuses investigations ont été conduites sur la préparation de nanoparticules d’or supportées sur différents oxydes en utilisant des méthodes originales de préparation par voie humide. Des études très complètes sur la préparation de catalyseurs Au/TiO2 ont notamment été conduites au laboratoire de réactivité de surface de l’Université Paris VI 83-87 . Le but était de préparer des particules d’or de tailles voisines de 2 nm dans des catalyseurs Au/TiO2 comportant une plus grande concentration en or que celle obtenue par la méthode de déposition–précipitation à la soude développée par Haruta 69 . La méthode d’adsorption cationique permet d’obtenir de très petites particules (2 nm) mais avec une concentration en or ne dépassant pas 2%. En revanche, la méthode de déposition- La catalyse en France : une Aventure Juillet 2007 10 / 19 précipitation par l’urée 83 permet d’obtenir des particules d’or de tailles voisines de 1.5 nm pour des concentrations en or jusqu’à 7 % (Figure 2). Figure 2 Vue par microscopie électronique en transmission d’un catalyseur 7.1% Au/TiO2 obtenu par déposition-précipitation avec l’urée et distribution des tailles de particules (taille moyenne 1.7 nm). Les mécanismes de formation des nanoparticules d’or par déposition-précipitation ont été comparés dans le cas de la précipitation par la soude et par l’urée afin d’interpréter la plus grande efficacité de la fixation d’or sur TiO2 obtenue avec l’urée84 . L’influence des traitements thermiques et des conditions de stockage sur la taille des particules d’or dans les catalyseurs Au/TiO2 préparés par différentes méthodes a été étudiée 85 . L’effet des conditions de prétraitement thermique sur l’état de l’or a été suivi par spectroscopie IR en utilisant comme sonde CO adsorbé à basse température86 . Une nouvelle méthode de préparation basée sur l’imprégnation à sec de supports oxydes (alumine, silice, oxyde de titane) par des solutions aqueuses HAuCl4 , suivie de lavages par des solutions d’ammoniaque et séchage a été décrite 87 . Les particules d’or obtenues sont un peu plus grosses que celles obtenues par la méthode déposition-précipitation à l’urée (Figure 3). La catalyse en France : une Aventure Juillet 2007 11 / 19 Figure 3 Distribution de taille des particules d’or sur des catalyseurs 4wt% Au/TiO2 préparés par déposition-précipitation avec l’urée (ligne continue) et par imprégnation suivie de lavage par NH3 (ligne pointillée) Des particules d’or supportées sur alumine ont été préparées par échange anionique d’ions AuCl4- avec les groupes hydroxyles du support 88 . Après lavage à l’eau, des particules de 5 à 30 nm sont détectées alors que le lavage par des solutions d’ammoniaque conduit à des particules plus petites entre 1 et 5 nm. La structure des complexes d’or superficiels et le mécanisme de grossissement des particules ont été étudiés 89 . L’optimisation des préparations permet d’obtenir des particules de 1-3 nm sur des catalyseurs 3.1% Au/Al2O3. La méthode d’échange anionique direct a été étendue à d’autres oxydes (TiO2, ZrO2, CeO2) 90 . La morphologie de particules d’or préparées par déposition-précipitation avec KOH a été étudiée sur des supports TiO2 de différentes morphologies 91 . La figure 4 montre des particules d’or déposées sur un film mince de TiO2 recouvrant la surface extérieure d’une silice mésostructurée SBA15. Ce catalyseur présente une activité remarquable dans l’oxydation du CO, particulièrement en présence d’hydrogène. Figure 4 Particules d’or obtenues par déposition-précipitation avec KOH sur un film deTiO2 recouvrant la surface d’une silice mésostructurée SBA-15 La catalyse en France : une Aventure Juillet 2007 12 / 19 3.2 - Catalyse d’oxydation par l’or Oxydation de CO L’oxydation de CO par l’oxygène en présence de catalyseurs à l’or a fait l’objet de nombreuses études au cours des dernières années. L’application la plus visée est l’oxydation sélective du CO en présence d’hydrogène (catalyse PROX) qui est destinée à éliminer les traces de CO présentes dans l’hydrogène afin d’éviter l’empoisonnement par le CO des catalyseurs au platine à l’anode des piles à combustibles. L’activité de catalyseurs Au/TiO2 préparés par déposition-précipitation soit par NaOH soit par l’urée a été comparée dans la réaction d’oxydation du CO 92. Pour les deux types de catalyseurs, l’activité par mole d’or augmente avec le pourcentage d’or déposé et passe par un maximum pour une température de calcination de 200°C où tout l’or est à l’état métallique. A plus haute température de calcination, la diminution d’activité est attribuée à un facettage des particules d’or qui diminue la proportion d’atomes d’arête et de coin sur la surface. La structure et l’état d’oxydation de particules d’or dans des catalyseurs Au/TiO2, Au/Al2O3 et Au/SiO2, ont été caractérisés in situ par spectroscopie EXAFS et XANES au cours de la réaction d’oxydation du CO93. Des modifications de structure électronique des nanoparticules supportées sur alumine sont observées sous l’effet de l’adsorption de CO ; le calcul montre qu’il s’agit d’une rétrodonation d’électrons d de l’or vers les orbitales π* du CO. Des études combinant science des surfaces et réaction catalytique ont été consacrées à l’oxydation de CO sur des catalyseurs modèles préparés par vaporisation laser 82, 94 . Pour l’oxydation du CO seul sur des particules de 3 nm déposées sur différents supports l’activité est plus élevée sur TiO2 et ZrO2 que sur Al2O3, ce qui suggère que ces supports participent à l’activation de CO (Figure 5). Conversion de CO (%) 100 90 80 Au/TiO 2 70 60 Au/ γ -Al 2O 3 Au/ZrO 2 50 40 30 20 10 0 0 100 200 300 Température (°C) 400 500 Figure 5 Comparaison de catalyseurs à l’or sur différents supports pour l’ oxydation de CO La catalyse en France : une Aventure Juillet 2007 13 / 19 L’activité de ces mêmes catalyseurs a été comparée pour l’oxydation de CO en présence d’hydrogène. De manière surprenante, il est observé que l’activité en oxydation de CO est beaucoup plus élevée en présence d’hydrogène et qu’elle ne dépend pas du support. Pour interpréter ces résultats, il est suggéré qu’en condition PROX le CO adsorbé sur l’or est oxydé par une espèce adsorbée H-O-O qui résulte d’une réaction par mécanisme Eley-Rideal de l’hydrogène dissocié sur la surface avec l’oxygène de la phase gaz. Les mécanismes de désactivation-réactivation de catalyseurs Au/TiO2 ont fait l’objet d’études par thermodésorption 95 . Des catalyseurs PROX d’activité comparable à Au/ZrO2 préparés par vaporisation laser peuvent être préparés par oxydation de l’alliage Zr0.5Au0.5 obtenu par fusion à l’arc de Zr et Au sous argon96. L’oxydation de CO en présence d’hydrocarbures légers a été étudiée par le groupe de Strasbourg dans les conditions de démarrage à froid d’un pot catalytique 97 . La conversion de CO sur des catalyseurs Au/Al2O3 préparés par échange anionique n’est pas affectée par la présence d’éthylène qui s’oxyde vers 250°C, au contraire l’acétylène empoisonne le catalyseur pour l’oxydation de CO. L’oxydation d’hydrocarbures saturés ne se produit qu’au dessus de 450°C c’est à dire hors des conditions de démarrage à froid. L’activité en oxydation du CO de catalyseurs Au/Mg4Al2 préparés par échange anionique de AuCl4- avec l’hydrotalcite a été étudiée en fonction de différents paramètres de préparation 98. L’oxydation du CO en présence d’hydrogène (CO/H2 = 0.07) sur des catalyseurs Au/Fe2O3 montre que les particules de taille <5nm sont sélectives pour l’oxydation de CO alors que les grosses particules d’or sont peu actives et non sélectives 99. Autres réactions L’oxydation par voie humide catalysée (OVHC) est une méthode émergente de traitement des déchets organiques dans l’eau par oxydation totale. Les catalyseurs Au/TiO2, Au/CeO2 et Au/CeO2-ZrO2 préparés par les méthodes de dépositionprécipitation avec NaOH ou l’urée permettent d’oxyder l’acide succinique à 190°C en CO2 et H2O; l’acide acétique étant le seul intermédiaire détecté La catalyse en France : une Aventure Juillet 2007 100 . Les plus petites 14 / 19 particules sont plus actives et la nature du support est un paramètre déterminant (Figure 6). Les catalyseurs Au/CeO2-ZrO2 ou Au/CeO2 sont deux fois plus actifs que Au/TiO2 et comparables à un catalyseur à base de ruthénium. 15 50 40 10 5%Au/CeO2-ZrO2 30 5 20 10 0 0 0 2 4 temps (h) 6 0 8 2 4 taille particules (nm) 6 Figure 6 Oxydation de l’acide succinique à 190°C :a) Evolution de la concentration des produits au cours du temps (acide succinique, acide acétique), b) Influence de la taille des particules d’or des catalyseurs Au/TiO2 sur l’activité L’époxydation stéréosélective du trans-stilbène en solution dans le méthylcyclohexane par le tert-butylhydroperoxyde a été effectuée sur des catalyseurs Au/TiO2 101. L’or et l’oxyde de titane participent à un mécanisme radicalaire conduisant à une sélectivité de 90% en époxyde à 60% de conversion. L’hydrogénation du crotonaldéhyde a été étudiée sur des catalyseurs Au/TiO2 préparés par la méthode de déposition-précipitation avec l’urée 102 . La sélectivité en alcool insaturé est voisine de 60-70% pour des conversions inférieures à 50% et sa valeur dépend peu de la taille des particules d’or. En revanche, l’activité intrinsèque est très sensible à la taille des particules et atteint un maximum pour des tailles voisines de 2nm. Les catalyseurs où l’or est sous forme de particules de tailles voisines de 2nm sont également très sélectifs pour la réaction d’hydrogénation du butadiène en 1-butène 103 . Les catalyseurs bimétalliques Ni-Au/SiO2 et Ni-Au/TiO2 sont actifs et sélectifs dans la réaction d’hydrodéchloration du 2,4-dichlorophénol 104. La catalyse en France : une Aventure Juillet 2007 15 / 19 Références 1. J.F. Le Page, "La catalyse de contact", Edtions Technip, Paris, 1978. 2. C. Marcilly "Catalyse par les métaux", Editions du CNRS, Paris, 1984, pp. 121-150 3. J.P. Brunelle, A. Sujier, J.F. Le Page, J. Catal. 43 (1976) 273 and reference therein; J.P. 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