LE BOnIDSATTVA MAHOSOT L'INTELLIGENT De l'intelligence et de la sagesse ou de la richesse que doit-on préférer? Collection Lettres Asiatiques Déjà parus U. R. AnanthaMURTHY, Samskana, 1985. Manik BANERJEE, Le batelier de la Padma, 1986. Hisashi INOUE, Maquillages, 1986. Pa KIN, Le rêve en mer, 1986. Cécile SAKAI, Histoire de la littérature populaire japonaise, 1987. Mao DUN, Le chemin, 1988. Bankim CHANDRA CHATTERn, Raj Singh le Magnifique, 1988. J-Jacques TSCHUDIN, La ligue du théâtre prolétarien japonais, 1989. Mohan RAKESH, PREMCHAND, Mannui BHANDARI,Upendranath ASHK, Jainendra KUMAR, Les bienheureuses, nouvelles traduites du hindi par N. Balbir de Tugny, 1989. NAGARJUN, Une nouvelle génération, 1989. Anne SAKAI, La parole comme art, le rakugo japonais, 1992. Mannû BHANDARRI, Le festin des vautours, traduit du hindi par N. Balbir de Tugny, 1993. JOURNAL-GY AW MA MA LA Y, La Mal-Aimée, traduit du birman par Jean-Claude Augé et Khin Lay Myint, 1994. PHAN HUY DUONG, Un amour métèque, 1994. RIM KIN, Sophat ou les surprises du Destin, traduit du khmer par Gérard Groussin, 1994. KHINGMYA TCHOU, Lesfemmes de lettres birmanes, 1994. Martin WICKRAMA SINGHE , Virogaya. Le non-attachement, traduit du cinghalais par M. Pannawansa, 1995. PREMCHAND, Lettres asiatiques, traduit du hindî par Fernand Ouellet, 1996. Anchalee SINGHASENI , Bangkok - Rennes. Le chemin d'une vie, 1997. Georges VOISSET , Histoire du genre pantoun, 1997. Marc RIGAUDIS, Japon, mépris... passion..., 1998. Christine de LARROCHE, Rencontres en Corée, 1999. ~ L'Harmattan, 1999 ISBN: 2-7384-8642-8 Wanee Pooput Annick D'Hont LE BODHISATTVA MAHOSOT L'INTELLIGENT De l'intelligence et de la sagesse ou de la richesse que doit-on préférer? L'Harmattan 5-7, rue de l'École Polytechnique 75005 Paris FRANCE - L 'Harmattan Inc. 55, rue Saint-Jacques Montréal (Qc) - CANADA H2Y lK9 Illustration de la couverture «Mahosot maintient le cou de Kewat, lorsque celui-ci se courbe pm' te/Te pour ramasser la pierre précieuse qui a roulé à ses pieds» Peinture murale du temple Suwannaram à Thonburi, de style Ratanakosin. On suppose qu'elle est l'œuvre de Khongpae, peintre sous Rama III A l'occasion de l'achèvement du sir:ième cvcle solaire du Roi Bhumibol Adulyadej. le 5 décembre 1999, nous voudrions lui rendre hommage pour ses bienfaits envers son peuple. sa grande clairvoyance dans le développement de son pays ainsi que pour ses qualités humaines et ses efforts en faveur du bouddhisme Afin d'exprimer notre gratitude envers Sa Majesté le Roi. nous unissons nos efforts pour contribuer au rayonnement de son intelligence. Remerciements des auteurs Ce livre n'aurait jamais pu voir le jour sans le concours de plusieurs personnes qui nous ont encouragées dans notre travail par leurs suggestions et leurs remarques, Emilie, Gilsa, Madeleine et tous les amis de la Traversée. Qu'il nous soit permis d'exprimer notre reconnaissance à tous. Nous voulons remercier tout particulièrement René D'Hont, Guillaume D'Hont, Gisèle Mathieu, Clémence Sevin, Sophie Le Liepvre et Lise Mécréant qui ont lu et relu le manuscrit avec une attention et une persévérance sans égales. Sone Simatrang, Vice-doyen à la faculté des Beaux-Arts, Université de Silapakom à Bangkok, pour l'aide inappréciable qu'il nous a apportée dans la recherche des illustrations et qui nous en a offert les photos. SOMMAIRE PRÉFACE INTRODUCTION PROLOGUE Sennon du Bouddha à Chettawan MAHOSOT CHEZ LUI L'enfance Les énigmes 17 33 Les épreuves 37 ~ 9 Il 13 Venue de Mahosot à la cour .4 Mahosot à la cour 49 '" De l'intelligence ou de la richesse Mahosot se marie MAHOSOT ET LES RELA nONS EXTÉRIEURES Préparatifs de guerre La guerre à Mithila La guerre à Uttarapancha La réconciliation LE NOUVEAU ROYAUME DE MAHOSOT Diffi cuités de Mahosot.. Alliance avec la bonzesse La bonzesse teste la sincérité du roi Triomphe de Mahosot. FIN DU SERMON Les dernières réincarnations.. Glossaire 7 59 71 105 113 131 179 185 187 191 199 203 205 PREFACE Je porte la plus grande estime à Khun Wanee et Khun Araya qui consacrent leur vie à la recherche, principalement orientée vers la culture thaïe et la philosophie bouddhique. Elles publieront prochainement les «Contes bouddhiques thaïlandais» contribuant ainsi au développement de la pensée bouddhique en France. En me demandant de rédiger une préface pour le présent ouvrage, Khun Wanee et Khun Araya donnent à l'Association France Thaïlande, la possibilité de prendre part à I'hommage qu'elles souhaitent rendre à Sa Majesté le Roi Bhumibol Adulyadej et je les remercie de m'offrir ce privilège. Les auteurs ont voulu en effet que cette première œuvre en langue française dédiée à l'une des dix grandes vies excellement vertueuses qui menèrent Bouddha à l'Illumination soit éditée à l'occasion de la célébration de l'achèvement du sixième cycle solaire de Sa Majesté qui fête son soixante douzième anniversaire le 5 décembre 1999. Le récit qu'elles nous livrent aujourd'hui sous forme d'un conte philosophique s'inspire de la cinquième vie de «Sa Grandeur très charitable et très juste, le Bouddha lui-même », et nous relate l'existence empreinte de sagesse et d'intelligence du bodhisattva Mahosot qui nous aide à répondre à la question: de l'intelligence et de la sagesse ou de la richesse, que doit-on préférer? C'est bien surtout par le choix de cette vie symbolisant « Panya» l'intelligence portée à son degré de perfection que Khun Wanee et Khun Araya ont voulu rendre hommage à Sa Majesté le Roi pour sa grande clairvoyance dans le développement de son pays et le rayonnement de son intelligence vouée au bonheur de son peuple. 9 Il doit être en outre porté à la connaissance du lecteur que le Roi Bhumibol Adulyadej. plus haut représentant de la religion bouddhique dans son pays et dispensateur de grands bienfaits pour son peuple, a lui-même traduit en langue anglaise, d'après le texte thaï, l'histoire du bodhisattva Majanaka qui symbolise l'effort et la ténacité nécessaire à la domination des épreuves de la vie. Dans son édition d'origine parue en 1996 à l'occasion du jubilé du règne de Sa Majesté, ce livre précieux comportait une couverture incrustée d'un médaillon d'or. Sa diffusion s'opéra en nombre extrêmement limité. Dans le cadre de la célébration de son 72ème anniversaire, sa Majesté a bien voulu autoriser une nouvelle édition qui paraît cette année dans une présentation plus courante. En ces temps modernes où le monde occidental tend à s'enfermer dans un univers où dominent le matérialisme et l' indi vidualisme, il est intéressant de constater l' attracti on qu'opère la philosophie bouddhique, non forcément pour l'orientalisme qu'elle représente, mais pour la recherche de spiritualités qui pourraient aider à mieux accepter le dogmatisme des religions monothéistes. L'aube du 3ème millénaire ne sera pas le crépuscule des dieux. Mom Luang Yves Sithavaja Secrétaire Général de l' Association France-Thaïlande 2 octobre 1999 10 INTRODUCTION Ce sermon du Bouddha que nous rapportons, extrait du Suttantapidok dans la version thaïlandaise, fait partie du canon bouddhique rédigé en pali. La forme est celle d'un jâtaka, un enseignement basé sur une vie antérieure du Bouddha. Il comprend un préambule dont le cadre est historique. Le Bouddha, au milieu de ses disciples, pour commenter et illustrer un fait ou une discussion du moment raconte l'histoire d'une de ses vies antérieures. Ici, comme dans tous les autres jâtaka, le discours se termine en donnant les noms que prendront les différents personnages quand ils se réincarneront Ce n'est certes pas en une seule vie qu'un être qui se destine à l'Eveil parvient à l'état qui permet l'Illumination. La bouddhéïté ne peut surgir que lorsque les dix grandes perfections ont été accomplies. C'est grâce à la pratique de ces dix vertus que l'on progresse et atteint le meilleur de soi-même dans cette vie-ci. Le Bodhisattva avant de devenir Bouddha a pratiqué toutes ces vertus à la perfection. Pour illustrer chacune d'elle, il raconte à travers ses précédentes incarnations: la vie du bodhisattva Temiya qui symbolise la vertu de renoncement, du bodhisattva Mahachanok pour la ténacité, du bodhisattva Suwannasam pour la compassion, du bodhisattva Nemirat pour la détermination, du bodhisattva Mahosot pour l'intelligence, du bodhisattva Phurithat pour la moralité, du bodhisattva Chandakuman pour la patience, du bodhisattva Naratha pour l'équanimité, du bodhisattva Withoun pour l'honnêteté, du bodhisattva Wetsandom pour le don. Les thaïlandais dès l'école primaire connaissent les histoires de ces vies, le Thosachat (Les Dix Grandes Vies) figure au programme de l'enseignement officiel. 11 Le héros du conte que nous vous présentons ici naquit doué de la vertu d'intelligence. Son père, le riche Siriwat, lui donnera le nom de Mahosot, qui signifie «le remède ». L'intelligence soigne et guérit, c'est toute l'histoire. Elle s'acquiert à force de combats. Comme tous les humains, Mahosot en venant à la vie connaîtra la souffrance et la maladie. La première partie du conte relate sa lutte avec les quatre autres sages, qui, symboliquement, représentent les maladies d'enfance, autrement dit les combats que tout individu mène avant d'atteindre l'âge adulte. Senaka, le plus vieux des quatre sages représente le problème le plus grave dont le Bodhisattva ne sortira, qu'avec l'aide de son épouse, la partie féminine d'un être, faite plus d'intuition et de sagesse que de raisonnement et de culture. La seconde partie de cette vie antérieure du Bouddha sera consacrée à sa lutte avec l'extérieur. Ce n'est qu'après avoir réussi à faire la paix avec lui-même, après avoir unifié les différents aspects de l'intelligence, autrement dit, quand les cinq sages auront fait la paix, que Mahosot pourra se consacrer à une entreprise plus vaste. Le Bodhisattva remporte la victoire sur le monde. Cela se traduit par sa réconciliation avec son ennemi, le roi Chulani dont il deviendra le fidèle serviteur, un serviteur de l'humanité. 12 SERMON DU BOUDDHA À CHETT A WAN Le Bouddha. le Maître des êtres humains. des divinités. des asura, des naga, des garuda et de tous les autres vivants séjournait au temple Chettawan près de Sawatti, la ville où les moines vêtus de safran arrivaient chaque matin, dès l'aube. avec leur bol à aumône pour les offrandes. Il adressa à tous ceux qui pratiquaient et enseignaient la religion bouddhique, un prêche sur l'intelligence, cette vertu souveraine qu'il pratiqua avec excellence lorsqu'il était le bodhisattva Mahosot. Ce sermon, le Maître le fit dans la langue des fidèles, en l'émaillant de stances en pali. Les moines, quelque temps après, s'étaient réunis. Le plus âgé d'entre eux avait pris la parole pour célébrer l'intelligence supérieure du Bouddha qui connaissait toutes choses dans les Trois Mondes; il s'extasia sur la profondeur et la finesse de son discours, il vanta l'esprit du maître, si vif, et doté d'une force de persuasion telle qu'il avait pu vaincre l'esprit des plus grands brahmanes et celui des fervents. Le maître était venu à bout des résistances de tous les êtres humains et même de ceux qui ne croient pas en la religion bouddhique et il avait vaincu les forces du mal incarné par Mara. Il avait gagné à sa cause les plus méchants tel Ongkhuliman, le bandit à la guirlande de doigts qui avait occis neuf cent quatre-vingt-dix-neuf de ses semblables. Il avait persuadé tous ces gens d'abandonner le mal pour faire place à la lumière. Il les avait convaincus de manifester une foi sincère et de recevoir l'ordination pour échapper au cycle des réincarnations et atteindre le nibbhana. - Vous le voyez tous, conclut-il, notre Maître, le Bouddha, possède l'intelligence, cette vertu souveraine, au degré le plus haut. 13 Alors que les moines bavardaient ainsi, le Bouddha dans sa cellule entendait tout ce qui se disait grâce à ses oreilles célestes. Plein d'amour et de compassion pour ces moines, il se dirigea vers le pavillon où se prêchait le Dharma, il alla s'asseoir sur son siège et il leur demanda: - 0 moines, de quoi parliez-vous donc? Et comme l'ancien répondait que c'était à propos de son intelligence, il leur dit qu'en effet, le Tathagatha possédait une intelligence inégalable, mais que dans une de ses vies antérieures, alors qu'il était le Bodhisattva Mahosot, il avait manifesté une sagesse si aiguë et opérante, qu'il avait pu supprimer le malheur et les difficultés de bien des gens. S'étant exprimé ainsi, il demeura immobile et silencieux. Les moines qui se trouvaient là et désiraient connaître cette légende ancienne se prosternèrent devant lui le suppliant de la leur enseigner. Plein de bonté, le Bouddha acquiesça à leur demande et leur raconta la vie de Mahosot . 14 MAHOSOT CHEZ LUI A sept afls, MaJwsot décide de faire COflstruirelin très grand sala» Peinture murale du temple Chong Nonsi à Bangkok de style Ratanakosin 16 L'ENFANCE En ce temps-là, le roi Witheharat qui gouvernait la ville de Mithila, conseillé par ses quatre sages, Senaka, Pakuta, Kamin et Thewin fit un songe étrange au moment même où le Bodhisattva sortait du ventre de sa mère: quatre grands feux brûlaient, brillant de tout leur éclat, les flammes en jaillissant illuminaient la cour jusqu'aux murs du palais quand, soudain, un petit feu apparut au milieu d'eux; il grandit et s'éleva de plus en plus haut. Ses flammes recouvrirent les quatre grands feux illuminant l'univers tout entier jusqu'au ciel de Brahma, et pourtant ce feu à l'origine était aussi petit qu'une graine de bette jetée sur la terre. Voici que tous les êtres qui habitent le Monde du Désir sensuel, les hommes, les animaux et les divinités venaient lui apporter leurs offrandes de guirlandes, de fleurs et d'encens, ils tournaient en procession autour de lui sans ressentir la moindre chaleur. Le roi se réveilla en sursaut, tremblant de tout son corps, il ne put retrouver le sommeil et veilla jusqu'à l'aube. Les quatre sages, venus le saluer comme à l'ordinaire lui posèrent la question rituelle: - Sire, avez-vous bien dormi? - Comment aurais-je pu dormir, répondit-il, j'ai fait cette nuit un rêve très étrange. Comme les sages le lui demandaient, il leur en décrivit les différents tableaux. Senaka qui connaissait la clef des songes rassura le roi: - Ne vous inquiétez pas, Sire, ce songe est de très bon augure, un cinquième sage va naître, il sera le fleuron de votre cour, il nous dépassera tous les quatre. C'est lui le petit feu qui brillait d'abord comme une luciole alors que nous, vos quatre sages, étions les quatre grands feux qui illuminaient la cour et 17 brillaient jusqu'au mur du palais; personne ne pourra jamais rivaliser avec son intelligence, ni sur la terre des hommes, ni sur celles des divinités. Senaka avait commenté ce rêve comme s'il l'avait eu luimême. Le roi Witheharat garda à l'esprit les prédictions de son sage. Dans la ville de Mithila, les habitations s'étendaient très loin dans les quatre directions: au sud il y avait le village de Thakhinayawamatchakham, à l'ouest celui de Pachinayawamatchakham, au nord celui de l'Uttarayawamatchakham, enfin à l'est celui de Pacinayawamachakham et c'était dans ce village à l'est de la capitale qu'habitaient le riche Siriwat et son épouse SUmana. Au moment où le roi faisait ce rêve, le Bodhisattva descendait du Ciel des Trente-Trois pour entrer dans le ventre de Sumana et au même instant mille divinités en descendaient elles aussi et pénétraient dans le ventre des femmes de mille riches de ce village. Le terme venu, l'épouse du riche Siriwat mit au monde un enfant à la peau dorée, un superbe bébé. L'accouchement se passa merveilleusement bien: l'enfant vint aussi naturellement et facilement que l'eau qui coule de la montagne. Pour honorer le Bodhisattva et pour bien montrer aux hommes que c'était un être exceptionnel, supérieur à tous, Indra était descendu de son séjour céleste déposer sur la paume de l'enfant à naître une fiole contenant un remède souverain puis il était reparti sans être vu de personne. A sa naissance, le Bodhisattva tenait ce baume à la main, il l'offrit à sa mère en prononçant ces mots: - Chère mère, prenez cette fiole, elle contient un baume qui peut guérir tout mali, quel qu'il soit, en tous lieux; c'est un remède souverain. La mère, émerveillée et ravie le prit et s'empressa auprès de son époux, sujet à la migraine depuis plus de sept ans, en dépit de toutes les médecines qu'il avait essayées et qui n'avaient pu le guérir. Elle lui raconta tout: ce fils qui parlait dès la naissance, et lui offrait un baume souverain. Rempli de gratitude et de joie, le père avait appliqué sur son front la pierre imprégnée du remède; la douleur avait disparu aussitôt comme l'eau 18 quitte une fleur de iotus. C'était un enchantement! La nouveHe se répandit dans tout le viHage et au-delà. Tous ceux qui souffraient vinrent dans ia maison du riche Siriwat pour être guéris. Un mois passa, et comme le veut la coutume, le riche Siriwat procéda à la cérémonie du khwan et donna à son fils le nom de Mahosot qui signifie remède. Il offrit en même temps aux mille enfants nés le même jour que son fils, des parures et une nourrice pour chacun et, revêtus splendidement, les miHe enfants furent amenés devant le Bodhisattva. L'architecte L'enfant grandit dans son viHage au milieu des mille enfants, nés te même jour que lui. Il jouait avec eux sur la place du vHIage, mais il se rendait compte que tous souffraient de la chaleur et du vent quand il soufflait avec vioience, et que, lorsque les éléphants arrivaient sur la place, c'était un sauve-quipeut général; certains trébuchaient et se blessaient. Un jour, alors que le vent soufflait en rafales, la pluie se mit à tomber dru de telle manière qu'il était impossible de se voir à un mètre. Le Bodhisattva qui avait la force d'un éléphant courut s'abriter dans le petit sala tandis que les miHe enfants se bousculaient pour y entrer, tant et si bien qu'il y eut des jambes cassées. Il décida à ce moment-là de construire un très grand sala où tous pourraient jouer et se reposer à leur aise et pour cela, il demanda à chacun de lui apporter cinq kahapana. Lorsqu'il eut réuni tout l'argent, il convoqua un artisan qu'il chargea de cette mission. L'homme accepta et commença par préparer le terrain. Il délimitait l'emplacement de l'édifice mais le Bodhisattva constata qu'il s'y prenait mal et tendit lui-même la corde si parfaitement qu'on aurait dit Vissanukam, l'architecte céleste. Comme cet ouvrier ne possédait pas une intelligence suffisante pour imaginer les plans de la construction, c'est Mahosot qui lui donna toutes les indications nécessaires pour édifier un pavillon en forme de pyramide. L'ouvrage se révéla de toute beauté, et comme cela ne lui semblait pas encore suffisant, il fit élever quatre sala supplémentaires, tous dotés d'une grande véranda à l'entrée. Il les destinait aux gens sans abri, 19 aux femmes pauvres qui ne savaient où accoucher, aux brahmanes et aux moines venus de loin, enfin aux commerçants de passage. Des artistes renommés furent chargés de la décoration: peintres et sculpteurs suivirent l'inspiration du Bodhisattva et réalisèrent des œuvres dignes du ciel des Trente-Trois. Il fit aménager un espace de jeux, agrémenté de multiples pavillons où les villageois allaient pouvoir se réunir et, se souvenant de l'étang Bokkhorani, il fit creuser un lac semblable et y fit aménager une centaine d'embarcadères pour y accéder; on y mit cinq espèces de lotus et dans les jardins alentour on planta des multitudes de fleurs et d'arbres d' essences différentes, la lumière scintillait dans les eaux, c'était magnifique. Le vivre et le couvert de tous ceux qui séjournaient là étaient assurés par le Bodhisattva. C'était le bonheur dans ce village, et si d'aventure un litige s'élevait entre les habitants, Mahosot, à leur demande réglait le différend, comme le fit le Bouddha tout au long de sa vie. Le roi Witheharat avait gardé à l'esprit les paroles de son plus vieux conseiller: un sage hors du commun était né dans son royaume! il était bien décidé à le trouver. Il envoya donc des émissaires aux quatre coins de la ville et les chargea d'observer tout fait qui leur paraîtrait étrange et hors du commun. Celui qui s'était dirigé vers le nord ne remarqua rien de surprenant, celui qui avait dirigé ses pas vers l'ouest pas davantage, non plus que celui qui était allé vers le sud. Mais dès qu'il arriva aux abords du village de Pacinayawamachakham, le village situé à l'est de la capitale, l'émissaire du roi fut saisi d'admiration devant l'ensemble de pavillons, devant l'étang merveilleux et les splendides jardins. Il y vit l'œuvre d'un sage et questionna les habitants: - Dites-moi, qui donc a fait construire ce lieu paradisiaque, quel grand seigneur habite en ces lieux? - C'est Mahosot, le fils du riche Siriwat, qui a tout ordonné, tout imaginé, tout créé, répondirent-ils d'une voix unanime. - Mais quel âge a ce Mahosot ? demanda encore l'envoyé du roi. 20