Professeur Michel Simonet, année universitaire 2013-2014 Vibrio (Vibrionaceae) § des bacilles à Gram négatif incurvés § mobiles grâce à un flagelle polaire § poussant en aérobiose et anaérobiose et tolérant des concentrations variables de NaCl selon les espèces (halophilie) § ayant un métabolisme de type respiratoire et fermentatif § possédant une cytochrome-oxydase Vibrio Un genre regroupant une centaine d’espèces, dont au moins une douzaine peuvent causer chez l’Homme une infection (essentiellement) digestive Vibrio cholerae, l’agent du choléra John Snow 1813-1858 établit, en 1854, que le choléra est transmis par l’eau Filippo Pacini 1812-1883 observe microscopiquement, en 1854, des bacilles incurvés en virgule dans les selles de cholériques Robert Koch 1843-1910 isole, en 1884, V. cholerae des selles de cholériques V. cholerae l une bactérie des estuaires, associée au phytoplancton et zooplancton l une espèce de Vibrio comportant deux centaines de sérogroupes O l seuls les sérogroupes O1 et O139 causent des formes graves de choléra et des pandémies Le groupe O1 est subdivisé en sérotypes Inaba, Ogawa et Hikojima Le choléra, une maladie infectieuse pandémique 1800 Pandémie 1 2 3 1850 1900 1950 2000 Inde Inde ? Inde ? Inde 4 ? Inde 5 6 ? Inde Indonésie 7 Inde 8 sérogroupe O1, biotype Cholerae sérogroupe O139, Bengale (capsulé) sérogroupe O1, biotype El Tor (résistance à la polymyxine; VP+) Le choléra, une maladie infectieuse pandémique nombre de cas déclarés Le choléra, une maladie véhiculée par l’eau Le choléra OMS, 2007-2009 Pays rapportant des cas importés Pays rapportant des épidémies q l’homme est le réservoir et le disséminateur des vibrions cholériques q la transmission du pathogène se fait par l’eau de boisson, les aliments ou les mains sales, souillés par des matières fécales q l’agent infectieux peut survivre dans l’eau des lagunes, et les fruits de mer sont une source de contamination potentielle Le choléra à Haïti (V. cholerae Eltor, O1, sérotype Ogawa) Haïti 10.413.211 hab. (2012) Début de l’épidémie 10/2010 magnitude 7.0-7.3 12 janvier 2010, 16.53 ≈ 700.000 cas ≈ 8500 morts (12/2013) Épidémie au Népal été 2010 Le choléra, une maladie strictement humaine (à déclaration obligatoire) § une toxi-infection intestinale d’incubation courte (1 à 5 jours) § débutant par une diarrhée fécaloïde qui devient rapidement aqueuse, associée à des douleurs abdominales et épigastriques et à des vomissements § se manifestant à la phase d’état par une diarrhée incoercible (10 à 20 l/ j !), d’aspect eau de riz qui est à l’origine d’une deshydratation aiguë avec cyanose (faciès cholérique), asthénie profonde, crampes, hypothermie (35-36°C) § le plus souvent le malade meurt de collapsus cardio-vasculaire, avec acidose métabolique et insuffisance rénale ! mais, la plupart des malades infectés présentent souvent une diarrhée aqueuse banale, voire une forme inapparente (portage sain) Pouvoir pathogène de V. cholerae l Après ingestion, le vibrion cholérique s’implante plus facilement chez les sujets dénutris, ayant une hypoacidité gastrique l Il se multiplie dans l’intestin grêle et adhère aux entérocytes § le flagelle polaire permet au vibrion d’atteindre la muqueuse intestinale § un pilus polaire de type IV (Tcp, toxin coregulated pili), permet aux bactéries de s’agglutiner entre elles. Codé par une quinzaine de gènes portés par un îlot de pathogénicité (VPI), cet appendice sert de récepteur au bactériophage ΦCTX Pouvoir pathogène de V. cholerae l Le syndrome diarrhéique cholériforme serait dû à la sécrétion in situ d’une exotoxine protéique formée de 5 sous-unités B et 1 sous-unité A, provoquant une fuite d’eau et d’électrolytes (la toxine cholérique) § les sous-unités B se fixent sur un ganglioside (GM1) présent à la surface des cellules intestinales § la sous-unité A assure le transfert d’ADP-ribose sur la protéine Gs qui régule l’adénylate cyclase de la membrane entérocytaire. L’inactivation de Gs accroît la concentration intracellulaire d’AMPc et de CFTR des sous-unités codées par l’opéron ctxAB porté par le phage ΦCTX (plusieurs copies dans certaines souches) sous-unité A (A1&A2) 5 sous-unités B Récepteur GM1 épithélium intestinal les gangliosides, des glycolipides dont les chaînes oligosaccharidiques sont terminées par des résidus sialyl (N-acétyl neuraminyl,NANA) GM1 Ganglioside 1 seul résidu sialyl Ganglioside GM1 4 oses (Glc, Gal, GalNac,Gal) l’adénylate cyclase, une protéine membranaire dont l’activité enzymatique est contrôlée par des protéines G effecteur récepteur γ α β adénylate protéine G cyclase GTP GDP la sous-unité Gα (GTP) se dissocie de la sous unité Gβ et se lie à l’adénylate cyclase, activant la synthèse d’AMPc γ Adénylate cyclase α GTP β ATPAMPc P γγ β α GDP la faible activité GTPase de la sous-unité Gα assure l’hydrolyse du GTP en GDP la sous-unité Gα (GDP) se dissocie de l’adénylate cyclase et se réassocie aux sousunités Gβγ γ β α GDP adénylate cyclase inactive ATP AMP cyclique La toxine cholérique (sous-unité A1): une NADase et ADP-ribosyltransférase qui modifie un résidu aminoacyl important pour l’activité GTPasique de la sous-unité Gα Toxine cholérique Cl CFTR Protéine kinase A AMPc AC ATP Gs CFTR,cystic fibrosis transmembrane conductance AC,adénylate cyclase Pouvoir pathogène de V. cholerae l Deux autres exotoxines, codées par deux gènes immédiatement en amont de ctxAB, contribuent à la virulence bactérienne, mais à un moindre degré que la toxine cholérique ace zot ctxAB Prophage CTXΦ (7 kb) § Zot (zonula occludens toxin), qui altère les jonctions serrées entre les cellules épithéliales de la muqueuse intestinale § Ace (accessory cholera enterotoxin), une entérotoxine au mode d’action inconnu Les souches de V. cholerae responsables de choléra dérivent de souches environnementales dénuées de pouvoir pathogène et qui sont devenues toxinogènes après transduction phage tempéré souche O1, environnementale non pathogène phage CTXΦ souche hébergeant l’îlot de pathogénicité VPI qui code le pilus Tcp, le récepteur du phage CTXΦ souche toxinogène pathogène Diagnostic bactériologique du choléra = la coproculture l chez les malades, le nombre de vibrions atteint 107 à 109 bactéries/ml l chez les porteurs sains, le nombre de vibrions est de 102 à 105 bactéries/ml l’enrichissement des selles en vibrions, par culture dans une eau peptonée alcaline (pH9) et hypersalée (1 à 3% de NaCl) est impératif § examen à l’état frais (mobilité) et après coloration de Gram (bacilles à Gram négatif en virgule) § test oxydase § test d’agglutination bactérienne (sérum anti-O1 et anti-O139) § sensible au vibriostatique O/129 ! gélose nutritive alcaline (pH 9) les souches résistantes au triméthoprime sont résistantes au composé O/129 la culture est possible sur gélose TCBS (thiosulfate-citrate-bile-saccharose) V. cholerae biotype Eltor Le traitement curatif du choléra l’urgence est la réhydratation et la correction des troubles hydro-électrolytiques administration i.v d’une solution de Ringer-lactate administration orale de SRO (sels pour réhydratation orale) lit de cholérique (en absence de vomissements) l’antibiothérapie est secondaire (instaurée lorsque les vomissements cessent, elle réduit l’intensité et la durée de la diarrhée) ! des souches multi-résistantes aux antibiotiques ont été décrites la doxycycline (prise unique) est l’antibiotique de choix (cotrimoxazole chez l’enfant et furazolidone chez la femme enceinte) La prévention du choléra (en dehors des mesures générales de lutte contre le péril fécal: ) éducation sanitaire, amélioration de la qualité de l’eau et de l’assainissement, formation des professionnels de santé q Le vaccin (anti-O1) oral inactivé (Dukoral) souches de vibrions cholériques (biotypes cholerae & eltor, sérotypes Ogawa & Inaba) inactivées par le formol + sous-unité B de la toxine (1 mg) deux doses de vaccin (per os) à 8 jours d’intervalle q Le vaccin oral atténué (Orochol) (1011 bactéries) Les autres Vibrio d’intérêt médical V. parahaemolyticus, V. vulnificus V. mimicus, V. fluvialis, V. furnissii, V. hollisae, V.alginolyticus des agents responsables essentiellement de gastro-entérite (parfois grave) après consommation de produits de la mer (coquillages et crustacés, poissons) insufisamment cuits ou crus cholerae mimicus metschnikovii cincinnatiensis hollisae damsela fluvialis furnissii alginolyticus parahaemolyticus vulnificus carchariae Clef d’identification des 12 espèces de Vibrio responsables d’infections humaines + + + + + - + + + + + + + + + + + + + + + + + + - - + + + + + + + + + - - + - - - - - - - - Arginine dihydrolase - + + + - - - - Lysine décarboxylase - + + + + Ornithine décarboxylase - Croissance sans NaCl avec NaCl (1%) Oxydase Nitrate nitrite Fermentation de l’inositol - +, positif pour > 90% des souches; -, négatif pour > 90% des souches d’après McLaughlin, Manual of Clinical Microbiology, 6th ed.,1995, ASM Press, Washington Aeromonas (Aeromonadaceae) q des bacilles droits à Gram négatif q mobiles (sauf exception) grâce à un flagelle polaire q poussant en aérobiose et anaérobiose (sur des milieux usuels) q ayant un métabolisme de type respiratoire et fermentatif q possédant une cytochrome-oxydase q résistant au vibriostatique O/129 q ne croissant pas sur milieu TCBS, ni sur un milieu hypersalé (6.5% NaCl) Un genre regroupant une trentaine d’espèces, dont trois sont communément isolées d’infections humaines A. hydrophila A. veronii biovar sobria A. caviae Janda & Abbott, Clincal Microbiology Reviews (2010) A. hydrophila A. veronii biovar sobria A. caviae Voges Proskauer + + - Lysine décarboxylase Ornithine décarboxylase + + - + + - + - Gaz en glucose + + - Production d’acides à partir de L-arabinose v + - Arginine dihydrolase D-rhamnose - + - Lactose v v v Saccharose + + + + + - + + - Mannitol D-sorbitol Hydrolyse de l’esculine +, ≥ 90% des souches -, ≤10% des souches v, 11-89% des souches q des bactéries dont le réservoir naturel est dulçaquicole et qui peuvent persister longtemps dans cet habitat q des microorganismes présents chez de nombreux animaux (sangsues, grenouilles, poissons, reptiles, oiseaux) susceptibles de souiller l’eau et les aliments Infections humaines induites par Aeromonas spp. q une gastro-entérite résultant de l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés (huîtres, moules, coquillages, crevettes,volailles, lait cru, crudités, crèmes glacées) q une infection de plaies ou brûlures ( abcès sous-cutané, cellulite) secondaire à une exposition à de l’eau souillée q une infection systémique chez les sujets débilités par une maladie sous-jacente (maladie hépatique, biliaire ou pancréatique; hémopathies, tumeurs solides) Infections humaines induites par Aeromonas spp. le diagnostic bactériologique gélose au sang gélose au sang + ampicilline hémolyse de type bêta (aérolysine) avec A. hydrophila et A. veronii [20-30 µg/ml ] (coproculture) des bacilles droits, mobiles, à Gram négatif possédant une cytochrome-oxydase résistant au vibriostatique O/129 Aeromonas spp. & antibiotiques des microorganismes habituellement sensibles aux aminosides, au chloramphénicol, aux cyclines et au triméthoprime-sulfamide les fluoroquinolones (ciprofloxacine, lévofloxacine), très actives in vitro, sont les antibiotiques de premier choix des microorganismes résistant naturellement aux bêta-lactamines par production de 1 à 3 bêta-lactamases (céphalosporinase, pénicillinase, oxacillinase, carbapénémase)